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Mona Achache-Marion Cotillard, entretien croisé (Litlle Girl Blue)

Entretien croisé Mona Achache-Marion Cotillard

Mona, qu’est-ce qui vous a conduit à faire revivre votre mère, Carole, sous les traits de Marion Cotillard ?
Mona Achache. Ma mère, Carole Achache, s’est suicidée
le 1er mars 2016, sans laisser de mot. Dans sa cave, elle
avait stocké 25 caisses en plastique contenant des
milliers de lettres et de photos, des correspondances
triées, des carnets, des agendas annotés : les archives
colossales d’une famille sur laquelle elle avait déjà
enquêté lors de l’écriture d’un livre sur sa propre mère…
qui avait elle-même écrit sur sa propre mère. Ce passé
répétitif pesait sur moi. Ces caisses étaient là, offertes
comme par dessein. J’en devinais le potentiel fascinant,
mais j’en connaissais surtout le mortifère. Je ne voulais
pas les ouvrir. Je rejetais tout ce qui me liait à ma mère.
Mais en les déménageant, je n’ai pu résister au réflexe
d’en ouvrir une. Je suis tombée sur une pochette –
avait-elle été rangée là intentionnellement ? Ma mère
aurait tout à fait pu organiser cette mise en scène ! –
et j’y ai découvert les photos d’une jeune femme sublime,
libre, indécente, que je ne reconnaissais pas, mais qui
m’a immédiatement fascinée, parce qu’à l’opposé de la
femme torturée, douloureuse que j’ai connue, et des
récits imprécis qu’elle m’avait livrés sur sa jeunesse
« délinquante ».
J’ai eu envie de comprendre ce qui avait pu conduire
ma mère vers le processus de détérioration dans lequel
elle a ensuite plongé. Très vite, j’ai découvert une vie et
un personnage incroyables. Et le désir d’un film s’est
imposé.
Vous décidez donc d’ouvrir ces caisses et
reproduire le geste de votre mère et de votre
grand-mère en menant à votre tour votre propre
enquête ?
M.A. Le suicide de ma mère a laissé une énigme
que j’ai eu besoin de comprendre. Au départ, c’était
comme une torture, parce que sa mort m’enlisait,
mais elle me donnait surtout l’illusion de me libérer
de quelque chose. Sauf qu’on ne se débarrasse pas de
ses origines, et je sentais profondément qu’il fallait
que je me confronte à son histoire. Que malgré moi,
j’en étais empreinte et que je devais y faire face pour
m’en émanciper, et ne pas faire peser l’écho du passé sur
mes enfants. Alors, je me suis emparée de cette matière
qui me dégoutait et m’obsédait, j’ai fouillé, et un jour,
j’ai trouvé des enregistrements sonores, avec la voix
de ma mère. C’était bouleversant et passionnant. Le
fantasme impossible d’une conversation post-mortem
ne m’a plus quitté : faire revivre ma mère suicidée pour
qu’elle m’explique son geste. Lui donner un corps
cinématographique et qu’elle soit l’héroïne du film de
sa propre histoire. Alors, je n’ai pas eu l’impression de
« reproduire », mais de transformer.
Marion, quelle a été votre réaction en découvrant
le projet de Mona ?
Marion Cotillard. J’ai eu immédiatement envie
d’entrer dans l’aventure. C’était un scénario assez
spécial, singulier, d’une fluidité et d’une simplicité
absolues malgré son caractère composite, avec déjà de
nombreuses photos. Fiction ? Documentaire ? Onirisme ?
Je l’ai dévoré comme un roman. J’ai été littéralement
absorbée par le destin bouleversant de la mère de Mona
et celui de la généalogie de femmes qui composent sa
famille. Il y avait tellement de facettes de la lignée dont
je viens qui résonnaient avec elle. J’ai ressenti une
évidence. Par bonheur, cela m’est arrivé quelquefois de
lire des histoires et de n’avoir aucun doute sur le fait
que j’y avais ma place. C’est une des choses les plus
profondes et les plus réjouissantes de mon métier : lire
un scénario et se dire
« Rien n’arrivera sur terre qui fera
que je ne participerai pas à ce film ».
Vous dites, Mona, que Marion s’est tout de suite
imposée. C’était elle, et personne d’autre ?
M.A. Il y a d’abord eu ce moment de sidération devant
la photo de ma mère plus jeune : sa ressemblance
avec Marion. Son insolente beauté. Son charisme, sa
liberté. Et il y avait ma passion, mon admiration pour
Marion Cotillard, l’actrice. Et pour nous être croisées
un peu, l’intuition qu’elle comprendrait Carole. Que
quelque chose nous liait autour de son histoire, qui
pouvait être le point de départ d’une incarnation très
forte. Le parcours de ma mère est marqué, fracturé par
celui d’écrivains puissants et reconnus. J’avais envie
de répondre à cela par un geste cinématographique
exigeant, et donner à Carole l’aura d’une actrice
iconique. Contredire les ténèbres de Carole par cette lumière.
Je savais que ce personnage demandait un travail et un talent
hors normes. Carole est le personnage principal et unique de
ce film. Il fallait une actrice qui puisse faire face à l’enjeu d’y
être omniprésente. Marion est mutante. L’observer est toujours
absolument fascinant. Pour toutes ces raisons mêlées, c’est
avec elle que j’ai eu envie de partager cette expérience.
Dès la première scène où vous apparaissez, Marion,
Mona, qui joue son propre rôle, vous confie les vêtements,
les bijoux, les papiers d’identité et même le parfum de
sa mère et vous demande de vous les approprier. C’est
rare de voir une actrice se transformer ainsi à vue en un
personnage de cinéma.
M.C. On voit rarement ce processus, c’est vrai. Mais il y avait
quelque chose de plus troublant et de plus intimidant encore
dans ce cadeau que m’offrait Mona de devenir sa mère. Je n’ai
pas connu cette femme : je devais me l’approprier, faire en sorte
que Mona y croit, et, connaissant les relations tumultueuses
entretenues entre les deux femmes, j’avais aussi très peur
du trouble que cette métamorphose risquait de produire en
elle. Mona et moi avons vécu des moments très forts durant
la préparation. J’ai tremblé d’appréhension la première fois
qu’elle m’a vue dans les habits de sa mère, avec sa couleur d’yeux
différente, sa coiffure. J’avais envie de lire dans ses yeux que
cela fonctionnait, être en fusion complète avec Carole, mais
aussi tellement de craintes que cela fasse remonter des choses
douloureuses en elle. Ce jeu prêtait à des limites vertigineuses.

Mona, comment avez-vous vécu ces scènes avec
Marion ?
M.A. Je ne les ai pas jouées, je les ai vécues. Le
tournage, chronologique, a été une expérience de vie
insensée, d’une extrême intimité. Chaque jour, son
corps, son visage et sa voix se métamorphosaient. Au
fur et à mesure, la confusion devenait totale. Carole
et Marion fusionnaient. Cela a été bouleversant pour
moi, mais pour toute l’équipe sur le plateau aussi. Une
résurrection, le temps d’un tournage.
Élevée dans le milieu littéraire de l’après-guerre
par votre grand-mère, Monique Lange, elle-même
écrivaine, Carole se laisse aspirer puis détruire
par la fulgurance de ce milieu. Les femmes y sont
malmenées, abusées, mais ont la chance d’être
éduquées et de partager la pensée des intellectuels
d’alors. Jean Genet a ainsi joué un rôle capital dans
la descente aux enfers de votre mère.
M.C. Jean Genet a profité de son ascendant et de son
rayonnement sur une enfant qui avait entre onze et
treize ans, sans que sa mère ne trouve rien à redire,
tant la fascination qu’elle éprouvait pour cet homme
était grande. Monique n’a su voir que le bénéfice et la
chance – inouïe – qu’avait sa fille de grandir au contact
d’un homme si puissant, si talentueux, si formateur
pour l’esprit d’une jeune enfant. Mais Carole a très
vite été écartelée entre sa conscience du privilège de sa
relation avec Genet – le Dieu de sa mère – et la dimension
transgressive de ce lien.
M.A. Les débordements de Genet sur ma mère sont le
reflet de sa façon d’envisager le monde et ses rapports à
l’autre. Dans sa littérature, c’est beau. Révolutionnaire,
même. Mais c’est la tragédie de ma mère. Elle disait :
« Je garde un chien de ma chienne contre Genet mais il
a forgé mon intelligence. Oui. C’est mon ambivalence. »
Que fait-on de ça ? On ne peut pas tout rejeter. Carole
souffrait de ne pas avoir été protégée par sa mère
et son entourage, mais son admiration pour eux
triomphait toujours. Ceux qui lui ont fait le plus de
bien lui ont aussi fait le plus de mal. Ces contradictions
sont indissociables. Nous sommes une humanité
complexe, avec des complicités ambigües et de grands
déséquilibres entre hommes et femmes. Notre idée
du génie a toujours été empreinte d’un sexisme qui
alimente une culture favorisant les abus sexuels.
Mona, Marion, on comprend, à travers les textes
et les enregistrements de Carole que, longtemps
après, elle a cherché des explications auprès des
intellectuels témoins de son drame avec Genet.
Elle voulait aussi qu’ils lui expliquent pourquoi sa
mère s’était montrée à ce point complice.
M.C. Pourquoi Monique Lange a-t-elle poussé sa fille
vers des lieux si destructeurs ? Carole fait face à un
entourage qui, pour la plupart, reste passif, donc aussi
complice. Tout en éprouvant une certaine culpabilité, ils
se dédouanent et relativisent les souffrances de Carole.
« C’était une certaine époque », lui disent-ils. Et Carole
en convient ! Mais à trop se raconter, à trop poser de
questions, elle dérange. Et à quelques exceptions, elle
obtient peu de réponses, peu de reconnaissance de
son histoire. Dans le film, il y a cette conversation avec
Nico Papatakis qui est bouleversante. Quelqu’un enfin
la regarde et l’écoute. Je mesure la solitude de Carole et
le chemin parcouru depuis le mouvement Me Too. Elle
n’a pas eu la chance d’entendre ces mots qui peuvent
enclencher un processus de guérison :
« On te croit ».
D’ailleurs, il est très déchirant qu’elle se soit ôtée la vie
une année avant que la parole des femmes soit enfin
considérée, entendue.
M.A. Dans l’un de ses enregistrements, Carole dit à son
interlocuteur :
« Ma douleur, je voudrais la faire rentrer
dans une histoire ». Comme le dit Marion, ma mère n’aura
pas connu ce temps où elle se serait peut-être sentie
moins isolée. Évidemment, je me demande souvent si
cela aurait métamorphosé quelque chose en elle. Pour
moi, Me Too a été un bouleversement. Le témoignage
d’Adèle Haenel, les livres de Camille Kouchner
ou Vanessa Springora, entre autres, m’ont profondément
touchée, remuée. Soudain, je prenais conscience de
l’universalité de mon histoire. De sa banalité aussi. J’ai
trouvé cela terrifiant… et rassurant. Ce qui me semblait
être une névrose familiale était en fait une névrose
collective ! C’est politique, culturel ! J’ai grandi avec l’idée

que les femmes de notre famille étaient maudites. J’ai
compris trop tardivement que nous étions simplement
le reflet d’un conditionnement général. Cette nuance
est importante.
Le récit que fait Carole du suicide d’Abdallah, le
jeune amant de Genet, est glaçant.
M.A. Dans le contexte de cette époque, la place
accordée aux femmes résonne avec celle de jeunes
garçons arabes pour la plupart illettrés. Ma mère s’est
toujours identifiée à ce jeune homme funambule dont
Genet s’était entiché, puis lassé, et qu’il avait défié puis
détruit jusqu’au suicide. Et Carole s’est pendue, comme
Abdallah.
Mona, vous avez vous-même été victime d’un abus.
Et comme votre grand-mère avant elle, Carole a
mal su faire face à cela.
M.A. Souvent, les abus sont tus ou niés car ils impliquent
des mises en cause qui déstabilisent l’équilibre d’une
famille, d’un milieu. Ces aveux peuvent ruiner certains
privilèges. Ma mère a voulu me protéger, mais malgré
elle, elle a reproduit les travers de la sienne. La sexualité
a joué un rôle déterminant dans ma généalogie de
femmes. Ma grand-mère a abdiqué sa sexualité. Ma
mère s’est prostituée. J’ai construit ma féminité entre
ces deux extrêmes. Dans ma famille, les questions
de sexualité et d’abus sont déterminantes. On parlait
même de « malédiction des femmes ». C’est ce mythe
désastreux qui a empêché ma mère de faire face à ce
que j’ai subi avec bon sens. C’était plus fort qu’elle.
Durant les trente dernières années de sa vie,
Carole, qui mène parallèlement une vie de
photographe puis d’écrivaine, explique qu’elle
a choisi une existence ultra conformiste, avec
le même homme, pour faire taire le désordre
intérieur qui ne la quittait pas.
M.A. À l’extrême, oui, sa manière de se protéger – et
de nous protéger – a été de nous élever dans une trop
grande sévérité. Il y avait en elle beaucoup de violence.
Elle a pu être malmenante.
M.C. Parce que je n’ai pas connu Carole et que travailler
un personnage en donne parfois une lecture un peu
différente, certaines choses me sautaient aux yeux.
J’avais beaucoup de matériel, beaucoup de textes, de
photos et de vidéos sur quoi m’appuyer, et l’une des
premières choses que j’ai remarquée et confiée à Mona,
est l’immense amour que j’ai perçu chez Carole pour
ses enfants. Je ressentais que cette femme aimait ses
enfants. Profondément. Ce à quoi Mona me répondait :
« Et pourtant, elle était si dure avec nous ». Partager
ce ressenti avec Mona a donné lieu à un échange très
fort, qui a résonné sur toute la suite de notre tournage.
Carole m’a permis de me confronter à une question
fondamentale : Est-ce qu’il y a un mauvais amour ? Une
mauvaise façon d’aimer ?
Marion, dans « Little Girl Blue », vous reprenez
en synchro de nombreux passages de textes
enregistrés avec la vraie voix de Carole. Était-ce
une difficulté ?
M.C. Il y avait ce travail de synchronisation à faire, et cet
autre consistant à trouver la voix de Carole, à travers
des monologues exclusivement tirés de ses écrits. Or,
il fallait que le passage de la synchro à ma voix soit
fluide. C’est tout l’objet de l’incarnation. Et c’est ce que
j’aime : réussir à disparaitre totalement derrière un
personnage, et qu’on ne voit plus que lui, jusqu’à croire,
dans ce film, à un personnage, à une voix, sans y voir
aucun artifice. Ne plus faire la distinction.
Mona, comment avez-vous vécu l’appropriation
de la voix de Carole par Marion ?
M.A. Avec émotion et admiration devant l’immense
talent et l’immense travail de Marion pour y parvenir.
Je connaissais ces enregistrements par cœur, mais ils
prenaient une autre ampleur à travers son incarnation.
L’élan de Marion a été d’une générosité sans limite. Ce
qui m’a le plus émue ne se voit pas : chaque jour, elle
se parfumait avec le parfum de ma mère. Chaque jour
elle me laissait l’étreindre comme je n’avais jamais pu,

jamais voulu le faire avec ma mère. Elle m’a consolée. Elle a mis
de la tendresse là où il n’y en avait pas. Au-delà du travail, je vois
notre échange sur ce film comme une forme de sororité très
singulière, très forte. Je dois à Marion un grand apaisement.
Mona, vous avez tourné dans une usine désaffectée à
Mulhouse. On sent que les décors jouent un rôle important
dans ce mélange des formes que vous évoquez.
M.A. Avec Héléna Cisterne, la cheffe décoratrice, nous avons
accueilli la découverte de ce lieu comme un miracle car notre
cahier des charges était complexe : on s’est appuyé sur les
murs de cette usine pour bricoler les morceaux de décors
dont nous avions besoin pour reconstituer les conversations
que ma mère avait eues avec les témoins de son enfance : une
cuisine, une brasserie, un bureau, un studio de radio, un salon.
On comprend au cours du film que ces lieux qui semblaient
dispersés font partie du même espace. Je rêvais ce décor comme
un prolongement métaphorique des méandres de mon cerveau
encombré par ma mère, et dont le pôle central serait mon bureau,
envahi par les archives. Le décor me permettait – comme je l’ai
fait pendant des années – de tourner en rond autour de Carole…
qui finit par tourner en rond autour d’elle-même. Nous étions
vigilantes : comment figurer cet enfermement intérieur sans être
claustrophobique ? Cet enjeu s’est étendu au travail de Noé Bach,
le chef opérateur. Toute la dimension charnelle, sensorielle,
devait aussi transparaitre dans la texture de l’image, et dans
sa façon de nous filmer. Être dans une constante intimité, sans
étouffement, sans impudeur. Frontal, mais doux.

Autre charme du décor : cette ambiance
complètement onirique, jusqu’aux milliers de
feuilles de papier qui volètent sur le plafond de la
pièce où écrit Carole.
M.A. J’ai une vision souvent onirique des choses de la
vie. Dans ce drame familial, je vois aussi de la poésie,
du romanesque. Du beau dans tout ce laid. Comme
il en existe dans les contes mythologiques. Ma mère
s’est perdue jusqu’à la folie dans ces archives de papier.
Je voulais la voir physiquement ensevelie sous cette
matière, comme dans une grotte. Le travail sur le son
permet aussi cette liberté de ton. Avec Olivier Ronval,
l’ingénieur du son, nous avons travaillé la précision, la
justesse des voix entremêlées de Marion et Carole. De
cette matière qui visait une forme de réalisme, de vérité,
nous avons cherché avec Joey Vam Impe, le monteur
son, les ambiances sonores qui viendraient se fondre
dans ce décor hors du temps. Trouver le juste « silence »
du bureau a été le fruit de longues recherches. Et sont
venus les intempéries, des chants de grenouille… Tout
était permis. Valentin Couineau a trouvé la musique de
ma mère, seule facette de Carole qui m’était inconnue.
Et Thomas Gauder, le mixeur, a donné un équilibre à
toutes ces sources foisonnantes. Je lui dois aussi de
m’avoir guidée lors de l’enregistrement de ma propre
voix. Ce que le film brasse a engendré un lien d’une forte
intimité entre nous tous. Je pense au chemin délicat
de maquillage et d’effets spéciaux mené par Daniel
Weimer et Pamela Goldammer, qui ont accompagné la
progressive résurrection de ma mère, sans dénaturer le
visage de Marion. Et à Laetitia Gonzalez, la productrice,
protectrice et exigeante. Mes émotions étaient,
forcément, une composante majeure du tournage. Le
voyage intérieur était souvent chahutant. Il le fallait,
mais sans débordement. Clothilde Carenco, assistante
mise en scène, a aussi été un pilier fondamental sur
ce terrain… qui me donne envie de nommer tous les
membres de cette incroyable équipe !
Avec tout le matériel dont vous étiez dépositaire en
plus du tournage, comment s’est déroulé le montage ?
M.A. Lorsque Marion était là, nous filmions à deux
caméras. Je tenais à ce qu’au moins l’une des deux ne
coupe jamais, et filme les coulisses de nos échanges.
J’étais donc à la fois « fille de » et metteuse en scène.
Marion était tantôt ma mère, le personnage que je
mettais en scène, et elle-même. Je voulais capter
cette confusion. Il a fallu ensuite articuler l’ensemble
au montage avec Valérie Loiseleux, et trouver le bon
équilibre. Construire cette narration visuelle hybride,
entre matériaux filmique, photographique, pictural,
personnel et historique.
Vous y avez aussi intégré des représentations de
Vierge à l’enfant ?
M.A. Cela me semblait intéressant de montrer la beauté, la
puissance et le trouble du rapport mère-fille à travers des
représentations de madones. Évoquer aussi l’injonction
à la maternité, ancestrale. D’autres tableaux dans le film
mettent en scène des agressions sexuelles sublimées.
L’homme dominant à l’extrême, la femme contrite. Tout
y est dit. C’est culturel. Je voulais que les mots racontent
mon histoire, et laisser aux images la possibilité de faire
exister la dimension plus universelle du récit. Sharon
Hammou, la documentaliste, a été fondatrice. Ce film
est hétéroclite, sur le fond et la forme. Entre fiction et
documentaire, la boulimie visuelle expose la liberté,
l’effervescence des époques et des mouvements traversés,
mais aussi leur dimension anxiogène.
Mona, vous le disiez plus haut, le tournage avec
Marion s’est déroulé dans la chronologie. Vous
aviez conçu le dispositif du film, vous jouiez votre
propre rôle tout en assurant la mise en scène de
l’ensemble. Vous est-il arrivé de devoir réajuster
des scènes de l’intérieur ?
M.A. Bien sûr. Être à la fois « fille de », metteuse en scène
et à l’image, me faisait ressentir de façon organique ce
qui était juste, et ce qui ne l’était pas. Le film joue sur les
bascules de registres. Le point de départ documentaire
se métamorphose avec Marion vers une fiction
pure, concentrée autour de Carole. Ma disparition
progressive s’est précisée pendant le tournage.

On se perd parfois ; Marion est-elle toujours Carole ? Est-elle redevenue Marion ? C’est notamment cette scène où, vous, Marion buvez du thé, un peu affalée sur un banc, et où Mona vous dit :« Ma mère faisait aussi du bruit en buvant son thé ». Et vous, Marion, vous répondez :« Mais je croyais qu’on faisait une pause ! »
M.C. Fausse pause. Mais vous avez raison, Mona et moi avons eu beaucoup de discussions concernant mes réapparitions en tant qu’actrice. À plusieurs endroits du film, elles permettent de raconter ce que peut être la fusion d’un acteur ou d’une actrice avec le personnage, et la difficulté aussi parfois d’incarner un personnage aussi tourmenté, aussi torturé que l’est Carole. Je pense à cette séquence où je suis en train de dormir et où je
parle en rêvant. Est-ce moi qui parle ? Est-ce Carole à travers moi ? Je trouve beau d’avoir pu intégrer à l’histoire de cette femme le combat intérieur que peut mener son interprète pour l’incarner. C’est comme une offrande faite aux spectateurs, une façon de leur dire :
« Voilà, je suis cette femme, Carole, le temps d’un film, mais à certains endroits, je vais vous l’offrir d’une manière différente, parce que c’est aussi moi, Marion, qui suis là. » Il y a quelque chose de profond et de puissant dans ce processus qui offre l’opportunité de découvrir une femme autrement.
M.A. Marion m’a déchargée de quelque chose en s’emparant de ma mère. Cela devient une composante importante du film : il y a ma besogne face à mon histoire familiale et le film que je veux en faire. Et il y a la sienne face à ce personnage complexe, techniquement et émotionnellement. Je voulais que le film témoigne de cela. C’est aussi unefaçon tacite d’évoquer l’ère Me Too : aujourd’hui, Marion et moi, nous nous sommes unies avec nos puissances respectives – elle le jeu, moi la mise en scène – pour porter haut l’histoire et la parole de Carole.
Effectivement, Mona, en reprenant à votre tour le flambeau à la suite de votre grand-mère et de votre mère, vous clôturez une histoire tragique en la tirant vers le haut.
M.A. J’avais besoin d’aller vers le beau. Pour moi. Pour mes enfants. Et de renverser la table. On ne se défait pas de nos origines mais il est possible de métamorphoser les choses pour mieux transmettre. Tout est une question de point de vue aussi.Je voyais de la lumière dans tout ce noir. Il y a cette citation de Marguerite Yourcenar dans le film, dont la
découverte a été une révélation pendant mon chemin d’écriture. «Qu’est-ce quevous emporteriez si la maison brûlait ? J’emporterais le feu. » Voilà. Notre maison a brulé et ma mère a été emportée avec. Mais c’est ce feu que je voudrais transmettre à mes enfants.

Dossier de Presse

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Simple comme Sylvain

 Un film deMONIA CHOKRI

2023 -1H50 -VOST

avec Magalie Lépine-Blondeau, Pierre-Yves Cardinal

 

 Sophia, professeure de philosophie, fait depuis longtemps chambre à part avec son compagnon Xavier, avec lequel elle est en couple depuis 10 ans. Sentant que celui-ci s’éloigne, alors que lors d’un repas avec des amis, il propose à une nouvelle venue en cours de divorce, Virginie, de l’aider à trouver une avocate, elle a moins de scrupules à flirter avec Sylvain, le charpentier qui s’occupe des travaux dans leur chalet dans les Laurentides…

Troisième long métrage de Monia Chokri, révélée à Un certain regard avec « La Femme de Mon Frère« , puis auteure de « Babysitter« , « Simple comme Sylvain » est le récit d’une relation entre une intellectuelle et un homme plutôt manuel, que leur passion physique et l’envie de donner sa chance à une historie, vont réunir malgré leurs différences de milieux. C’est de cette différence, créant des contrastes tantôt gênants, tantôt facteurs de complicité face aux attentes des autres, que se nourrit le scénario. Doté de dialogues mordants, sonnant toujours naturels, celui-ci fait de banalités ou de clichés des traits d’humour (une citation de Michel Sardou, une réflexion sur la cruauté du peuple espagnol…).

Riche en dialogues, le film est ponctué son récit de réunions autour de repas, plus vraies que nature, d’un dîner entre amis chahuté par les cris des enfants, à un repas de présentation à une nouvelle belle famille pas piquée des hannetons, en passant par un repas avec la mère de Sophia. Maîtrisant parfaitement les moments d’émotions, dus à des personnages richement construits (la scène où la détresse de la belle-mère s’exprime, face à la disparition progressive de la personnalité de son mari, atteint d’Alzheimer, est un modèle de tact…), Monia Chokri nous offre aussi le portrait d’une femme ayant le courage de s’aventurer loin de la routine de son couple, et à laquelle se rappelle cruellement son âge ou le physique avantageux des ex-compagnes de son nouveau mec, voire leur différence de niveau d’intellect.

Magalie Lépine Blondeau excelle dans ce rôle de femme forte, maîtrisant ses émotions ou sa gêne, comme lorsque la belle-famille affirme avec aplomb que «Sylvain c’est l’intellectuel de la famille». Quant à Pierre-Yves Cardinal, découvert dans le « Tom à la Ferme » de Xavier Dolan, il a l’air de beaucoup s’amuser à interpréter les sex-symbol premier degré. On ressort du film avec non seulement une forte envie d’aimer, mais conscient qu’une relation dépend de tellement de facteurs et de connexions, physique, intellectuelle, familiale… que sa faculté à durer dans le temps, demande efforts et prise de risque.

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Perfects Days

PERFECT DAYS

Film de Wim Wenders – Japon , Allemagne – VOST – 2h03 

Avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano

Perfect Days , le nouveau film de Wim Wenders ( « Les ailes du Désir, Paris Texas » ) a de quoi surprendre et déstabiliser ! Il narre l’histoire d’un tokyoïte dont le travail est de récurer les toilettes de la capitale nippone. 

Jour après jour, l’homme se lève, prend son petit-déjeuner, arrose ses bonzaïs, se rend à son travail, termine sa journée aux bains publics, puis au bar du coin avant parfois d’aller acheter un livre dans sa librairie préférée. 

Cette construction journalière méthodique, Wim Wenders viendra par trois fois la conter avec un personnage principal quasiment mutique .Sous les traits de l’excellent koji Yakusho, laureat du Prix d’Interprétation Masculine Cannois 2023 pour ce rôle tout en finesse, Hirayama n’est pas muet, juste pas bien bavard, contrairement à son collègue qui le seconde sur le nettoyage des sanitaires nippons : des lieux qui sont une vraie institution au pays du soleil levant… et qui font figure de seconds rôles dans le film de Wim Wenders. Ce dernier semble être totalement fasciné par leurs différentes architectures et le lieu de vie qu’ils constituent au Japon (on y laisse des petits jeux sur papier). 

Ce quotidien, qui est l’essence même du film, est parfaitement montré et distillé grâce à un montage vraiment habile et qui annihile tout ennui.

Mais le film est loin de se résumer à un documentaire sur les sanitaires nippons.

Le long-métrage (deux heures dont on ne ressent jamais le poids de la monotonie) va analyser la vie d’Hirayama, un homme pas aussi simple que ne semblait le laisser croire les premières scènes du film. Au fur et à mesure du récit, Wenders explore les liens que celui-ci noue avec tout son entourage : les clients, ses collègues, les commerçants, sa nièce, sa sœur. On découvre alors un homme à la fois ordinaire et complexe, drôle et attachant. Et le métrage de célébrer sa bienveillance , sa bonté et sa générosité. Une personnalité et une conduite qui apportent tant de sérénité à l’intéressé qui jouit de la vie grâce à de petits plaisirs. On dit que le bonheur est quelque chose d’intime. A chacun de trouver comment être comblé de bonheur. 

Hirayama trouve aussi le bien-être dans la photographie, la lecture, des standards du rock sur cassettes audio (on se  délecte des chansons des Rolling Stones, de Patty Smith, Lou Reed ou encore Otis Redding) et même – plus délicat – dans l’éloignement de certains problèmes familiaux que l’on devine. 

Wenders nous donne à voir les choses différemment et refuse de juger l’homme pour ses choix, ce dernier les assumant complètement. Que reprocher à celui qui ne recherche qu’à vivre ses jours parfaits ?

Perfect Days est de ces films sensibles et poétiques qui vous touchent en plein cœur.

Critique ABUS de CINE

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Pierre Feuille Pistolet

PIERRE FEUILLE PISTOLET

De Maciek HAMELA, documentaire, Pologne/France /Ukraine-VOST. 1h24.

Le cinéaste polonais donnait, avec son van de huit places, un coup de main pour véhiculer des amis fuyant les bombardements russes qui débutaient. Puis il a enchaîné les trajets et les rencontres pour les victimes d’une guerre aussi soudaine que monstrueuse. Il a parcouru plus de cent mille kilomètres sur les routes d’Ukraine et a décidé de laisser une trace des échanges, confessions, larmes parfois rires sur la banquette du van en route vers l’exil. Sasha, 34 ans, s’excuse mais sa fille Sanya, petit bout de 5 ou 6 ans, ne parle plus depuis qu’un missile est tombé à quelques mètres de la maison, blessant grièvement son frère. Ewelina, 21 ans, est avec sa maman de 38 ans et son bébé. Cette mère porteuse espère se rendre à Paris, où l’attend la future famille de l’enfant. Elle doit se débrouiller seule, la clinique où elle était suivie n’existant plus. Ou encore une grand-mère réconfortée par ses petits-enfants lorsqu’elle évoque, la larme à l’œil, la ferme familiale, les vaches abandonnées. La caméra frontale capte le récit de ces témoins. C’est la survie dans ce huis clos, et la guerre dehors. Et Sofia, gamine malicieuse de 7 ans, propose une partie de Pierre- Feuille-Ciseaux…

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Little Girl Blue

Réalisatrice Mona Achache

France / 1H35

Avec : Marion Cotillard, Mona Achache, Marie Brunel

 

Entre documentaire et auto-fiction, Mona Achache fait le vibrant portrait de sa mère, Carole Achache, qui fut romancière, mais aussi photographe de plateau (pour Sautet, Losey, Tavernier…) et des femmes de sa famille accablée d’une étrange malédiction. Marion Cotillard y livre une composition inouïe. 

 Entre malaise et curiosité, Mona Achache exhume, quelques années après son suicide à 63 ans, l’histoire de sa mère. Son beau film s’ouvre sur une montagne de documents : des lettres, des photos, des carnets, éparpillés dans un appartement et progressivement épinglés au mur par la cinéaste. C’est le chaos. Puis elle remonte le fil. Et très vite, le chaos laisse place au vertige. Le récit familial devient celui d’un trauma qui va se recomposer sur trois générations et que chaque femme transmet à la suivante. Pour conjurer ce cycle infernal, la réalisatrice décide donc d’en effectuer l’archéologie et choisit de faire revivre sa mère.  

Marion Cotillard entre alors en scène et se transforme devant la caméra, jean, perruque, cardigan, bijoux, lunettes…, jusqu’à composer un portrait presque parfait de Carole Achache, et se raconter…Son enfance, fille très aimée par sa mère Monique Lange, l’emprise de Jean Genet, consentie par cette même mère, puis la drogue, le sexe, la nécessité d’écrire, les refus des éditeurs, la tentation d’en finir…Plongée dans un microcosme intellectuel des années 60/70 , folle envie de liberté…

A travers Marion Cotillard, le film est aussi le plus incroyable témoignage sur un travail d’actrice, elle a visionné pour interpréter ce personnage des heures de pellicules, écouté des dizaines d’interviews,  elle pousse la perfection  jusqu’à modifier sa voix en utilisant le tabac….Elle incarne littéralement cette mère, et nous fascine…

D’après Première et Télérama 

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Googbye Julia

« Goodbye Julia » aura représenté un des évènements de l’édition 2023 du Festival de Cannes. Non pas tant pour le Prix de la Liberté que le film a reçu au sein du Certain Regard, mais parce qu’il représente la première incursion du Soudan en sélection officielle. L’œuvre s’ouvre sur des couleurs chaudes, en 2005, à une époque où le pays était unifié, au sens qu’il ne formait qu’un État. Mais sa population était, elle, bien divisée, entre le Sud à majorité chrétienne, et le Nord principalement musulman. Pour ceux qui suivent les actualités internationales, le sort du pays ne sera pas une surprise, un référendum de 2011 aboutissant à l’indépendance du Sud, et l’année 2023 ayant vu l’émergence d’une guerre sanglante initiée par des généraux avides de pouvoir.

Si le métrage esquisse en creux les troubles de cette terre d’Afrique du Nord-Est, il se concentre bien plus sur son duo de protagonistes, Mina et Julia. La première est une ancienne chanteuse ayant abandonné la musique pour satisfaire son mari, se contentant de sa vie bourgeoise dans les quartiers huppés. La seconde vit dans la même région, mais dans un secteur nettement moins privilégié. Avec ses origines sudistes, on lui rappelle d’ailleurs régulièrement à quel point elle est par essence inférieure à ses voisins aux racines différentes. La rencontre entre les deux n’aurait ainsi jamais dû se produire, mais un triste événement va amener Mina à embaucher Julia comme employée de ménage, avant qu’une amitié réelle ne naisse entre elles.

Pour son premier passage derrière la caméra, Mohamed Kordofani, ancien ingénieur, fait preuve d’une certaine aisance, en particulier dans sa manière de mêler l’intime aux troubles de cette société qu’il ausculte de loin. On sent les clivages sociaux, ce racisme systémique, mais le drame se joue ici ailleurs, au cœur d’un microcosme familial bouleversé suite à une tragédie. Les secrets s’immiscent, les faux semblants aussi, la culpabilité remonte. La tentation du pamphlet est balayée par la réalisation d’un portrait maîtrisé, à la fois chronique d’une amitié bouleversante et récit d’émancipation de deux femmes qui rêvent d’échapper à leurs conditions, peu importe qui leur impose leurs contraintes, « Goodbye Julia » demeure indéniablement un film à voir, aussi bien pour son sujet que pour la rareté de ce type de productions dans nos contrées hexagonales.

Christophe Brangé

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HOW TO HAVE SEX

HOW TO HAVE SEX

De Molly Manning Walker- Royaume -uni, Grèce-2023 – 1H28

Prix un certain regard au festival de Cannes 2023

Tara, Skye et Em : trois jeunes filles anglaises de 17 ans, expertes dans l’art de s’habiller pour en paraître plus de 18, débordantes d’une énergie propre à l’adolescence et joyeusement persuadées de leur amitié éternelle, débarquent en Grèce pour quelques jours de vacances après leurs examens de fin d’année : elles savent exactement ce qu’elles veulent : une chambre avec vue sur la piscine, boire jusqu’à vomir et recommencer… et surtout permettre à Tara de perdre sa virginité. Assez vite, se dessinent les différents enjeux de ce voyage de toutes les folies, sur lequel souffle un premier vent de liberté pour nos héroïnes en quête de divertissement et de souvenirs à ramener dans leurs valises.

Tara est la plus petite des trois, la plus grande gueule aussi. Skye la complimente souvent sur son apparence pour parfois la rabaisser sur son intelligence, ou en tout cas sur ses résultats scolaires. Une rivalité sourde plane sur leur amitié dite indestructible. C’est Skye qui la ramène souvent au fardeau que semble être sa virginité avec une bienveillance teintée d’acidité. Alors, quand Tara rencontre Badger et Paddy, deux garçons d’un appartement voisin, elle commence à se préparer à l’éventualité de passer à l’action…

« How to have Sex » raconte la manière dont on s’inscrit  dans une histoire écrite par la société ; une histoire distordue qui devient une légende : perdre sa virginité c’est passer d’enfant à  femme, la garder c’est ne pas grandir. Dans cette légende, les termes désir, plaisir et consentement ne sont évidemment pas prononcés. Il faut le faire comme un rite de passage obligatoire, sans se poser de question. Il faut le faire pour ressembler à tout le monde. Molly Manning Walker, dont c’est le premier long-métrage, réussit à retranscrire de manière assez subtile ces impressions universelles ressenties à l’adolescence. On ressent la pression que Tara s’inflige à elle-même comme on pressent la façon dont cette vulnérabilité pourrait vite être exploitée.

. D’après la Critique du site « Abus de ciné » 2023

Horaires sur le site Cinecimes .fr

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programmation du 23 novembre au 2 janvier

Du 23 au 28 Novembre

SIMPLE COMME SYLVAIN 

De Monia Chokri – Canada – 2023 – 1h50

Avec Magalie Lépine Blondeau, Pierre-Yves Cardinal, Francis-William Rhéaume…

Un coup de foudre entre un homme et une femme que tout oppose. Elle est professeur de philosophie. Il est ouvrier du bâtiment. Elle est mariée à un intellectuel. Lui, sa « blonde », c’est la chasse et la pêche. Pour lui, elle plaque tout. Son mari, son appartement, sa réputation. Mais peut-on s’aimer si l’on est si différent ? Derrière ce couple épanoui, le poids de nos préjugés à tous. La cinéaste, avec son humour décapant, se moque avec la même tendresse des snobs et des beaufs. Elle pointe les préjugés de chacun, l’arrogance de classe, y compris celle qui s’ignore.

Festivals de Cannes, Toronto et Cabourg.

http://cinecimes.fr/simple-comme-sylvain/

Du 30 Novembre au 5 Décembre

LITTLE GIRL BLUE

De Mona Achache-France-2023-1H35

Avec Marion Cotillard, Marie Brunel, Marie Christine Adam

À la mort de sa mère, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres, de carnets et d’enregistrements éparpillés dans un appartement et progressivement épinglés au mur par la cinéaste : une vie résumée en un puzzle de pièces disparates er incohérentes. Entre malaise et curiosité, Mona Achache exhume, quelques années après son suicide, l’histoire de sa mère. Par la puissance du cinéma et la grâce de l’incarnation de Marion Cotillard, elle décide de la ressusciter pour rejouer sa vie et la comprendre

http://cinecimes.fr/mona-achache-marion-cotillard-entretien-croise-litlle-girl-blue/

http://cinecimes.fr/little-girl-blue/

 

 

HOW TO HAVE SEX

De Mona Manning Walker- Royaume uni, Grèce-2023-1H28

Avec Mia McKenna, Molly Manning Walker, Lara Peak

How to Have Sex (« Comment faire l’amour » ) suit trois jeunes amies qui se rendent en Crète pour les vacances, dans une station balnéaire. Afin de célébrer la fin du lycée, Tara, Skye et Em, s’offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie de colocs anglais rencontrés à leur arrivée.  Ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu’au vertige. Face au tourbillon de l’euphorie collective, sont-elles vraiment libres d’accepter ou de refuser chaque expérience…

http://cinecimes.fr/5997-2/

http://cinecimes.fr/molly-manning-walker-how-to-have-sex/

Du 14 au 19 Décembre

PERFECT DAYS

 

De Wim Wenders – Japon , Allemagne – 2023 – 2h03 – VOST

Avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano

C’est l’histoire d’Hirayama qui travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo et qui lent, contemplatif, dans une répétition des mouvements et des lieux où peu à peu l’existence d’Hiramaya entreprend de s’approcher du bonheur. Wim Wenders renoue avec une forme depoésie de la vie quotidienne. Le long métrage est immensément beau ( musique, images douces et harmonieuse à la profondeur palpable, personnages peuplant son existence solitaire et paisible ); il s’en dégage une grande sérénité. Une réflexion élégante, tendre et aérienne sur la quête de la beauté au quotidien et sur l’humanité radieuse. Wim Wenders, un cinéaste passé maître dans le cinéma du désir et de l’émotion .

Prix d’interprétation masculine pour Koji Yakusho , prix œcuménique, Cannes 2023.

http://cinecimes.fr/perfects-days/

http://cinecimes.fr/wim-wenders/

Du 21 au 26 Décembre

 PIERRE FEUILLE PISTOLET

De Maciek HAMELA, documentaire, Pologne/France /Ukraine-VOST. 1h24.

 Le cinéaste polonais donnait, avec son van de huit places, un coup de main pour véhiculer des amis fuyant les bombardements russes qui débutaient. Puis il a enchaîné les trajets et les rencontres pour les victimes d’une guerre aussi soudaine que monstrueuse. Il a parcouru plus de cent mille kilomètres sur les routes d’Ukraine et a décidé de laisser une trace des échanges, confessions, larmes parfois rires sur la banquette du van en route vers l’exil. Sasha, 34 ans, s’excuse mais sa fille Sanya, petit bout de 5 ou 6 ans, ne parle plus depuis qu’un missile est tombé à quelques mètres de la maison, blessant grièvement son frère.. Ou encore une grand-mère réconfortée par ses petits-enfants lorsqu’elle évoque, la larme à l’œil, la ferme familiale, les vaches abandonnées. La caméra frontale capte le récit de ces témoins. C’est la survie dans ce huis clos, et la guerre dehors. Et Sofia, gamine malicieuse de 7 ans, propose une partie de Pierre- Feuille-Ciseaux…

http://cinecimes.fr/pierre-feuille-pistolet/

 

Du 28 Décembre au 2 Janvier

GOOD BYE JULIA

    De Mohamed Kordofani – Soudan – 2h

    Avec Eiman Yousif, Siran Riak…

   Nous sommes en 2005 au Soudan où les affrontements fratricides entre le Nord et le Sud recommencent. Nous suivons le destin de deux femmes : Mona, de classe sociale favorisée et de religion  musulmane vit à quelques rues de Julia, chrétienne pauvre venue du Sud à Khartoum, la capitale qui recommence à trembler sous les émeutes. Deux femmes si loin, si proches qu’un drame va rapprocher.

  On a rarement vu un film aussi subtil et saisissant de beauté sur ce qui peut exister à bas bruit dans une société patriarcale où les femmes n’ont pas voix au chapitre.

   C’est l’histoire magnifique d’une réparation dans un pays ensanglanté, brisé en deux.

     Sélection officielle à Cannes et prix de la Liberté

http://cinecimes.fr/googbye-julia/

http://cinecimes.fr/mohamed-kordofani-goodbye-julia/

 

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L’enlèvement

L’enlèvement (Rapito), Italie, 2h 14 , VO

De Marco Bellocchio, avec Paolo Pierobon,Enea Sala,Leonardo Maltese

En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant, baptisé en secret, étant bébé, par sa nourrice inquiète pour le salut de son âme. La loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Il devient le protégé, autrement dit l’otage du pape-roi Pie IX. Ses parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour libérer leur fils de l’endoctrinement qu’il subit à grand renfort d’Agnus Dei et de parties de cache-cache dans les jupes du Saint-Père. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…Au nom du fils perdu, le cinéaste embrasse le désespoir de ses parents lors de scènes déchirantes ponctuées par de grandes envolées musicales. Son lyrisme, jamais pompier, se double d’un éternel penchant pour l’onirisme, qu’il s’agisse d’Edgardo décrochant un Christ sanguinolent de sa croix ou de Pie IX rêvant que des rabbins viennent le circoncire de force dans la nuit. Mais la séquence où le pape oblige une délégation juive à ramper à ses pieds, tient, elle, d’un cauchemar bien réel.

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Lost in the night

LOST IN THE NIGHT

Film d’Amat Escalante – Mexique – 2023 – VOST – 2h

Avec Juan Daniel,Garcia Trevino,Barbara Mori,Ester Exposito…

En 2013, Amat Escalante signe Heli,un film choc aux images inoubliables dénonçant la violence aveugle de la police paramilitaire mexicaine sous prétexte de lutte contre le narco-trafic (prix de la mise en scène au festival de Cannes 2014). Deux ans plus tard, il tournait La Région sauvage qui explore une veine fantastique particulièrement fascinante.

Avec Lost in the night, le réalisateur confirme son talent en faisant brillamment la synthèse entre les deux. Même s’il n’est que suggéré dans un premier temps,l’aspect fantastique suinte dès les premières images du film, celles d’une intrigante maison contemporaine apparement abandonnée, posée entre désert et lac. On comprendra par la suite l’importance du lieu, qui va quasiment devenir un personnage à part entière de l’intrigue…Mais le récit commence vraiment dans une région centrale du Mexique, par une manifestation contre une mine géante que s’apprête à exploiter un consortium canadien, menaçant l’environnement et les emplois locaux. Une militante anime un débat public houleux, où interviennent en faveur de la mine des ouvriers ouvertement manipulés. Le petit groupe d’opposants quitte les lieux à la tombée de la nuit et comme on pouvait le craindre, son véhicule est intercepté par des paramilitaires : le chauffeur est assassiné et l’oratrice contestataire kidnappée. Rien que de très ordinaire dans un pays où la répression des militants écologiques est d’une brutalité sans limites et où l’impunité des policiers est totale.

Trois ans plus tard, Emiliano, le fils devenu adulte de la militante, désespéré de l’inaction totale des enquêteurs – qui ne se donnent même pas la peine de faire semblant de rechercher la disparue – tombe par hasard à l’hôpital sur un policier à l’agonie qui, peut être pris d’un remords ultime, livre au jeune homme une adresse. Sans autre explication.

Accompagnée de sa petite amie, Emiliano s’y rend, pour trouver, au milieu de nulle part, la demeure d’une famille riche et détonante : Rigoberto, un artiste provocateur, brutal et fantasque, son épouse Carmen, une pop star madrilène, ainsi que leurs enfants dont Monica, vedette adolescente et imprévisible sur instagram. Après quelques tergiversations, Emiliano réussit à se faire embaucher comme gardien de la luxueuse propriété…

On ne vous révèlera rien de ce que cachent les secrets de cette étrange famille , ni son lien avec la disparition de la mère d’Emiliano, mais le scénario remarquablement construit brosse un portrait de classe implacable, poussée à son paroxysme par le recours au fantastique qu’on évoquait plus haut. A travers une mise en scène d’une grande maîtrise, qui met en valeur la géométrie de la maison, l’austérité magnifique du désert, Escalante décortique les mécanismes de l’injustice sociale de son pays, sa violence systémique, ses dérives délirantes liées aux réseaux sociaux et à la vacuité de la célébrité, en même temps qu’il nous plonge dans un film noir sous tension permanente, travaillé par les instincts de sexe et de mort. Vraiment impressionnant !

Critique UTOPIA

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