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La Grâce

 Un film de Ilya Povolotsky

Russie-2023-drame-1h59-VOST

Avec Maria Lukyanova, Gela Chitava, Aleksandr                  Cherednik…

Du soleil d’hiver caucasien aux rivages arctiques de la mer de Barents, dans un road movie désenchanté, un père et sa fille adolescente sillonnent les steppes et les montagnes désertiques de la Russie profonde,dans leur vieux van rongé de rouille, cinéma itinérant apportant aux villages reculésquelque lumière culturelle dans ces immensités âpres et désolées. Ils subsistent de la vente des tickets, boissons, DVD…

Tout débute au creux de la nature. Une jeune fille d’une quinzaine d’années, accroupie au bord d’une rivière, la tête entre les jambes, tâte le sang qui s’échappe pour la première fois de son corps… Position primitive, en lien avec l’organique qu’elle traverse, qui trouve un écho dans l’environnement de cette rivière qui s’écoule inéluctablement, comme ce flux qui se perd en taches rouges sur ses doigts. Ici est esquissée l’une des thématiques du film, celle de l’entrée dans l’adolescence et la transformation pubertaire. Mais comment réagir quand on vit esseulée, dans un van contenant tous les biens d’une petite famille monoparentale, portant en lui le souvenir d’une mère décédée, avec pour seul compagnon un père, certes présent,mais figure masculine inconciliable avec le changement que traverse sa fille? Leur itinérance, (intime errance?), se fait métaphorique et introspective, davantage que physique. C’est un passage vers l’âge adulte que capte brillamment Ilya Povolotskydans ce premier long-métrage, avec ce qu’il contient d’opposition et de révolte. Lespaysages,anonymes et contemplatifs,traduisent la lassitude etle spleen de ces deux solitudes endeuillées, dans une langueur ponctuée de brèves rencontres fortuites. Traduit du russe «Blazh», «La Grâce» occulte la nuance ironique de lubie, pas forcément la folie mais une certaine forme de bizarrerie teintée d’élan spirituel, de sainteté, de sincérité…, présente dans le titre original. Comme une énigme,émotive mais sobre et retenue, silencieuse,«La Grâce» garde une dimension insaisissable…

Film de voyage, les gens se rassemblent dans les villages reculéspour venir à la rencontre de ces deux marginaux et de la grande toile blanche, animés par l’espoir de l’évasion… Film silencieux, «La Grâce» nous offre une brèche dans le temps…

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