Ciné Mont-Blanc
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A ne pas rater !!
Le film Coup de Coeur Surprise du lundi 3 Avril 2023 à 19h 30. Tous les premiers lundis du mois nous vous proposons de venir découvrir une « pépite » et de partager vos impressions autour d’un verre après la projection. On ne vous en dira pas plus, c’est une surprise!…
Archives : Archives films
TOI NON PLUS TU N’AS RIEN VU
Du 23 au 28 Mars 2023
TOI NON PLUS TU N’AS RIEN VU
Un film de Béatrice Pollet – France – 1H 33 – 2022
Avec Maud Wyler, Géraldine Nakache, Grégoire Colin, Roma Kolin
Claire Morel a besoin de nous pour comprendre ce qui s’est passé. Si nous ne tentons pas de comprendre avec elle, le mystère restera entier C’est au cœur d’une bien étrange affaire, une partie de cache-cache avec soi-même et peut-être avec les autres, que plonge le captivant “ Toi non plus tu n’as rien vu “de Béatrice Pollet.
Inspiré de faits réels, le second long de la cinéaste française démarre (après un court prologue de bonheur familial) par une soirée folle pour le couple composé de Claire (Maud Wyler) et de Thomas (Grégoire Colin). À son retour tardif du travail, le second, retrouve sa femme inanimée et ensanglantée. Quelques heures après, il est placé (dans un état apparent d’incompréhension absolue) en garde à vue pour complicité de tentative d’homicide. Le motif, il le révélera très vite à Sophie (Géraldine Nakache), l’amie avocate de Claire : « on a retrouvé un nouveau-né sur le container en face de notre maison. Ils disent que c’est l’enfant de Claire – C’est du délire ! – Ça ne peut pas être son bébé. Je serais au courant si ma femme était enceinte ! »
À partir de ce coup de théâtre initial et de la sidération accablant les protagonistes (Claire est incarcérée), le film détisse méthodiquement ce qui s’avère un déni de grossesse et creuse en profondeur à la recherche des racines de l’événement. Interrogatoires du juge d’instruction (Pascal Demolon), reconstitution, attaques du procureur expertises psychiatriques pour évaluer l’altération ou non du discernement, parloirs de Claire avec Thomas pour le volet d’intimité du couple et avec Sophie pour préparer sa défense, poids de l’opinion publique. Difficile remontée progressive à la surface de Claire sur quelques mois, le film explore un mystère à la lisière de la science, mais aussi les liens entre maternité et psychisme.
Empathique mais sobre, ménageant habilement le suspense sans effets de manche (un très bon scénario écrit par la réalisatrice), interprété et mis en scène avec justesse, “Toi non plus tu n’as rien vu” se révèle un film passionnant, très humain et éminemment féministe, levant le voile pour l’instruction de tous sur un acte à priori incompréhensible, y compris pour celles qui traversent ce genre d’épreuves.
Publié dans 6ème film du programme, Archives films
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LE RETOUR DES HIRONDELLES
CINE CIMES Semaine du 2/03au 7/03/2023
Université Populaire Sallanches-Passy
LE RETOUR DES HIRONDELLES
Film de Li Ruijun – Chine – 2h13
Avec Wu Renlin, Hai-Qing, Guangrui Yang…
Elle a vu en lui tout de suite la bonté, à cause de cette main humble et belle qui caresse le dos de son âne. Lui a entendu les cris de mépris, les moqueries autour de sa jambe abîmée et son regard vide et effarouché. Mais voilà, ils se sont mariés, acceptant leur dénuement total comme une opportunité de vie et d’amour. Li Ruijun est un jeune réalisateur qui cumule à son actif déjà six longs métrages et qui force à l’admiration dans son pays en Chine. Le Retour des hirondelles apparaît comme une oeuvre majeure, dont la maîtrise de la mise en scène, de l’écriture et de la photographie est stupéfiante. Autant le récit refuse l’esbroufe et se contente de regarder pendant plus de deux heures un couple d’une magnifique simplicité, autant le film touche quasiment la perfection. L’histoire se résume à ce couple qui peu à peu, se construit une maison pour leur âne, leurs quelques poules et leur cochon, ne possédant vraiment qu’une charrue et un animal de traie. Le réalisateur s’attache à les filmer dans l’intimité merveilleuse de leur quotidien. Les corps sont éloignés, la chair semble absente de cet amour sublime. Les mots surgissent petit à petit, trahissant entre les deux, une affection emprunte d’admiration, d’amitié et de respect. Ils s’aiment sans bruit, sans effusion charnelle. Le dos voûté de la femme, le pas hésitant de l’homme ne les empêchent pas de se bâtir une vie qui pourrait ressembler au bonheur absolu. La pauvreté des paysans chinois, pourtant si écrasante, semble s’absoudre dans la candeur de leur existence.
Bientôt, après le mépris, survient la jalousie des villageois qui voient dans leur couple l’amour dont eux-mêmes se sont privés. C’est impossible de ne pas parler de ce film sans évoquer le soin immense apporté aux détails. Chaque plan est réfléchi dans une subtile synthèse de lumière et de couleur. Pourtant le métrage ne cherche pas à accumuler les effets de style. La photographie magnétique parvient à saisir, sans aucun excès, la beauté dans ce couple. L’image semble s’être inspirée d’une peinture de Van Gogh et la musique, en fond d’écran, accentue ce miracle de poésie. Ce film est une oeuvre de cinéma magistrale, comme il nous est rarement donné d’en découvrir. Les deux personnages emportent le spectateur dans leur sillage avec une incroyable facilité. Il y a dans ce récit simple et beau une âme romanesque. Et pourtant le réalisateur refuse de céder au misérabilisme bien-pensant ou au drame romantique. Il montre, dans une langue débarrassée de toute fioriture inutile, la vérité de l’amour à travers un couple qui se contente d’être ce qu’ils sont au lieu de rêver ce qu’ils ne possèdent pas. Ce film est majeur en début d’année 2023. Il donne à penser un monde où la matérialité n’est plus le centre de la vie. Il donne à espérer en un monde d’existence futur où l’amour, l’humanisme, la justice priment au détriment d’un univers rongé par la capitalisme financier et le consumérisme à outrance.
Laurent Cambon ( A Voir A Lire ) .
Le film de Li Ruijun dresse un tableau sensible du développement d’une relation. Avec un éclairage particulièrement travaillé, notamment dans les scènes d’intérieur, il crée une ambiance permettant la naissance d’une intimité improbable dans ce mariage forcé. Le jeux des deux comédiens tout en retenue, donne à sentir le rapprochement de Ma et Guying par des gestes du quotidien, en apparence anodins, mais chargés de signification pour ces deux êtres isolés.
En arrière plan, le cinéaste peint également l’extrême pauvreté des campagnes chinoises . Ses longs plans et ses mouvements d’appareils rendent compte de la dimension lente et répétitive du labeur qu’il est nécessaire d’accomplir dans certaines régions pour gagner assez d’argent pour vivre. En filigrane, c’est également l’incapacité du régime en place de pallier à cette situation qui est dénoncée. La force politique du long métrage lui a par ailleurs valu une interdiction par le gouvernement chinois, alors qu’il avait passé la rampe de la censure dans un premier temps. Le retour des hirondelles noue avec une intelligence un propos social sans concession et la trajectoire singulière de deux personnages apprenant à s’aimer, en sachant prendre le temps nécessaire au développement de son récit.
Noé Maggetti ( Ciné-Feuilles ) .
Ours d’Argent au festival international
Publié dans 1er film du programme, Archives films
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AFTERSUN
Grande Bretagne/ USA
Réalisé par Charlotte Wells
AvecPaul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall
Quand elle avait 11 ans, à la fin des années 90, Sophie, jeune écossaise, a fait un voyage organisé en Turquie avec son père, et s’est amusée à filmer ces «vacances géniales».
Des années plus tard, elle se remémore ces quelques jours de bonheur, avec la culpabilité d’être «passée à côté» des moments d’absence, de tristesse , de mal de vivre de son père, et cherche dans ces images des indices qu’elle aurait méconnu….
Ce personnage du père est bouleversant tant il est secret, jusqu’à la souffrance. C’est ce qu’éprouvera rétrospectivement Sophie devenue adulte. Entre eux deux, si proches et si séparés, Aftersun fait vibrer un lien d’une délicatesse comme on n’en avait pas vu depuis le film de Sofia Coppola Lost in translation.
La réalisatrice capte avec une grande sensibilité un moment de bascule, elle enregistre des instants volatiles avec un talent stupéfiant et croise avec grâce le regard de la gamine et celui de la cinéaste adulte qui fouille ses images et sa mémoire…
Charlotte Wells: «Je voulais dépeindre la dépression d’une manière authentique, désordonnée, compliquée, parfois contradictoire et parfois subversive par rapport à ce la façon dont les gens la perçoivent.»
Ce film a remporté le Grand Prix du Festival Américain de Deauville 2022.
Publié dans 5ème film du programme, Archives films
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TAR
TAR De Todd Field – Etats Unis – 2022 – 2h38 – VOST Avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant…
Après seize ans d’absence, Todd Field signe l’un des films américains les plus acclamés de la saison. Une œuvre réalisée dans une évidente symbiose avec son interprète. Cate Blanchett trouve ici l’un des rôles de sa vie. On avait fini par l’oublier mais, dans les années 2000, Todd Field était l’un des grands espoirs du cinéma d’auteur américain. L’une des différences entre le monde de la musique classique et celui du cinéma, c’est que les carrières des acteurs, des actrices ou même des cinéastes, sont souvent décrites comme dues à la chance, à des circonstances favorables, aux connections dans le métier, etc… Les musiciens classiques, eux, doivent tout aux milliers d’heures qu’ils ont passées à maîtriser leur instrument. Ils ne sont pas choisis par hasard pour intégrer ou diriger un orchestre. C’est une question d’excellence. Lydia Tár trône sur le monde de la musique. Elle est au sommet de l’Olympe.
Dans le couloir qui mène à la lumière, Lydia Tár attend d’entrer en scène. Figée ou presque. Ce film parle du pouvoir dont jouissent certains artistes reconnus. De par sa fonction et son statut, Lydia, célèbre cheffe d’orchestre, est dans le contrôle absolu d’elle-même et des autres. C’est elle qui donne le tempo, corrige d’éventuels égarements de ses musiciens, calme leurs ardeurs ou les stimule afin de restituer sa vision de la partition. La partition en question est celle de la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler, pièce macabre d’un compositeur autrichien, qui tend pourtant vers une exaltation exacerbée des sentiments. La progression de ce chef d’œuvre musical sera celui du film tout entier. Les questions que pose le film sur la nature du pouvoir, sur la façon dont on l’exerce et dont on peut juger ses abus, sont éternelles au sens du réalisateur.
Les actions de Lydia Tár portent en elles une autorité souveraine incontestable. Quelque chose se trame pourtant en secret, prête à sourdre de terre. Todd Field filme un lent délitement, le vacillement d’une lumière. C’était déjà le cas dans ses deux précédents longs métrages : In the Bedroom en 20001 puis Little Children en 2006, mélos sirkiens, auscultant les fissures de la bourgeoisie américaine contemporaine, qui lui avaient valu une avalanche de récompenses et de nominations aux Oscars. Lydia Tár se voit accusée de harcèlements moraux et sexuels. Le récit pourrait basculer dans une paranoïa, flirter avec l’angoisse d’une cassure psychologique. Le film refuse de s’y soumettre. La peur existe mais elle peut encore être domptée.
La mise en scène implacable de Todd Field avance à découvert, ne cherche aucune dissimulation. L’extrême lisibilité de la surface est bien-sûr un leurre. Field, acteur avant d’être cinéaste, a joué dans Eye Wide Shut – c’était le pianiste qui permettait l’introduction du héros incarné par Tom Cruise dans le manoir secret -. Field part de la clarté de sa représentation pour en dévoiler, par manipulation, son double-fond. Une vision exprimée de manière littérale, le temps d’un plan-séquence héroïque dans lequel Lydia Tár, face à des étudiants de la Juilliard School, surplombe et encercle son auditoire de sa verve intellectuelle et sa bestialité. Les jeunes élèves sonnés ou fascinés, sont interdits. Lydia sait qu’en tant qu’artiste, elle arrive au bout de quelque chose. Elle a atteint la perfection. Elle s’apprête à parachever son enregistrement de l’intégralité des symphonies de Mahler, qui sera publié en vinyle le jour de l’anniversaire du compositeur. Qu’est-ce qui pourrait être plus parfait que ça ? Qu’espérer atteindre après ? Elle sait sans doute que, de là où elle est – l’Olympe, encore une fois – elle ne peut que redescendre. Et, sans raconter la fin du film, ce qui est noble et beau chez elle, c’est qu’elle décide, afin d’avancer en tant qu’artiste, de s’autodétruire. Elle lâche prise. C’est puissant et courageux. Mais la fin du film peut aussi s’interpréter comme une épiphanie, une renaissance, le début de quelque chose de nouveau. Cate Blanchett mérite tous les honneurs. Elle a été couronnée du prix de la meilleure actrice lors de la dernière Mostra de Venise.
Publié dans 4ème film du programme, Archives films
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RETOUR A SEOUL
De Davy Chou. France/Belgique/Allemagne-1h59- VOST
Avec Park Ji-min, Oh Kwang-Rok, Louis-Do de Lencquesaing
Davy Chou raconte l’errance identitaire d’une jeune femme à la recherche de ses origines. Grand, vibrant et voluptueux.
Entre les tours géométriques de Séoul, une jeune femme est en quête d’elle-même. Elle a 25 ans, s’appelle Freddie, est née en Corée et a été adoptée par un couple de Français. Elle vient d’atterrir pour la première fois en Corée du Sud. Sur un coup de tête, Freddie s’est mise à la recherche de ses origines. Elle rencontre d’abord Tena, jeune Coréenne bienséante et bienveillante, dans une guest house. Puis pousse la porte du Service des adoptions coréen, remonte jusqu’à son père, rongé par les remords et l’alcool, partage une soupe de poulet avec sa famille biologique (scène remarquable), rencontre d’autres Coréens, repousse son père, cherche en vain sa mère puis s’installe à Séoul.
Ce film raconte l’histoire d’une déracinée qui s’ignore (ou qui ne le sait que trop bien). Il y est question d’opportunités gâchées, de portes claquées, de mots dévorants, de quête de soi infinie. Remarqué dans la Section « Un certain regard » à Cannes, il ne s’agit que du deuxième long-métrage de fiction de Davy Chou après Diamond Island, en 2016. Mais le cinéaste de 38 ans semble déjà avoir trouvé son style, quelque part entre des ellipses ambitieuses et une caméra tourbillonnante. Ici, tout bouge, Freddie se lie puis se sépare, se trouve puis fait reset. Elle est dure, violente parfois, frustrée, effrontée, fragile, rebelle, flamboyante. Elle est tout en nuances. Les personnages secondaires (superbes Louis-Do de Lencquesaing et Guka Han) aussi. La grâce qui enveloppe ce film leur doit aussi beaucoup à chacun. Et quand Freddie semble enfin apaisée, ce film captivant se boucle sur une philosophie aussi étonnante que son héroïne qui n’oblige personne : la liberté, c’est savoir s’émanciper de toutes les identités qu’on vous assigne.
Publié dans 2ème film du programme, Archives films
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L’HOMME LE PLUS HEUREUX DU MONDE
L’homme le plus heureux du monde
De Teona Strugar Mitevska
Avec : Jelena Kordic, Adnan Omerovic, Labina Mitevska…
Un speed dating dans un hôtel de Sarajevo… La cocasserie et la gravité nourrissent ce second film de la cinéaste macédonienne découverte avec « Dieu existe, son nom est Petrunya ». Après sa charge contre le patriarcat, la réalisatrice s’intéresse aux cicatrices de la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), qui marqua la dislocation du pays où elle naquit, la Yougoslavie.
Accueillis par deux hôtesses en robe panthère, les candidats à l’amour doivent revêtir d’affreuses blouses couleur parme, censées créer une harmonieuse unité.
A la table numéro 12, l’exercice du tac au tac devient de plus en plus déstabilisant entre les quadragénaires Asja et Zoran, respectivement conseillère juridique et employé de banque.
Au fil des questions, ils s’aperçoivent avec horreur que c’est lui qui a tiré, le jour où elle a été blessée par une balle, pendant le siège de Sarajevo.
Inspiré par ce qu’a vraiment vécu la coscénariste, Elma Tataragic, ce film magistralement écrit touche par son énergie âpre et ardente, jamais complaisante. Comme leur ville, qu’on voit en chantier et plantée de croix sur les hauteurs, les personnages sont en travaux, se reconstruisent et se déconstruisent en direct. Pour eux, la réalisatrice a concocté un film happening où les belles histoires programmées sont court-circuitées par un choc entre passé et présent, mémoire et oubli. L’étincelle de la guerre semble rallumée, mais c’est une bataille pour la paix qui se joue, remuante, intense, vivifiante.
Publié dans 3ème film du programme, Archives films
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Un Petit Frere
UN PETIT FRERE
de Léonor SERRAILLE,
FRANCE (1h56)
Chronique de plus de 20 ans de la vie d’une jeune mère ivoirienne et de ses deux fils installés en France en 1989. Avec autant d’ambition que de sens de détail, la cinéaste Léonor Serraille rend profondément romanesque cette odyssée du quotidien en trois volets, qui portent les prénoms de chacun: Rose, puis Jean (Stéphane Bak), et enfin Ernest (Ahmed Sylla), le petit frère du titre.
Rose, superbement interprétée par Annabelle Langronne, révélation à la présence magnétique, à la noblesse vacillante. Arrivée d’Afrique avec un passé qu’en deux répliques on devine douloureux, cette jeune mère célibataire est logée, en attendant mieux, par des membres de sa famille installés de longue date dans la banlieue parisienne, et travaille comme femme de ménage d’un hôtel où elle brique, mais fait souvent des pauses pour fumer, pour rêver.
Rose n’a peur de rien. Ni de travailler dur, ni de sortir danser, ni d’élever ses fils qu’elle adore mais auxquels elle ne passe rien: il faut qu’ils réussissent, qu’ils soient des élèves exemplaires, même si l’aîné râle quand elle l’habille trop élégamment pour aller à un concours de maths. Rose est une femme libre, ou qui tente de l’être dans une vie précaire et un contexte social où il serait plus simple d’avoir un homme à ses côtés. Sa communauté lui conseille de se caser avec Jules César. C’est, au contraire, avec un ouvrier tunisien rencontré sur les toits de Paris qu’elle croit l’amour possible, un temps. Avant d’accepter de s’installer à Rouen, délaissant ses fils adorés pour un Français qui lui promet la lune…
Les fils, eux, grandissent au fil du film, pendant que les rides tracent sur le visage de Rose les sillons d’une certaine désillusion. Mais pas une once de misérabilisme dans le regard précis et poétique de Léonor Serraille. Pas de tragédie ou de sociologie faciles: la vie est un doux drame en soi, quand on est une femme qui n’accepte aucun diktat, mais qui se trompe aussi. (…) Un grand film sur la beauté de la fierté comme ce principe transmis par Rose à ses fils: «il faut se cacher pour pleurer» -«on pleure dans sa tête?» mime, avec un geste délicieux, le petit Ernest -«C’est ça, on pleure à l’intérieur»
Publié dans 8ème film du programme, Archives films
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Par cœurs de Benoit Jacquot
PAR CŒURS de Benoit Jacquot France 2022 1 h 16
Avec Fabrice Lucchini et Isabelle Huppert
Festival d’Avignon, été 2021. Une comédienne, un comédien, face à leur rôle, leur texte, juste avant les représentations. Devant la caméra documentaire de Benoit Jacquot, Isab
elle Huppert et Fabrice Luchini au travail.
Par cœurs invite le spectateur à un moment suspendu, dans lequel deux amoureux et maîtres de leur art se livrent à ce qu’ils savent faire de mieux : caresser les mots de leur passion qu’ils ont pour eux.
Avec beaucoup de générosité, Isabelle Huppert et Fabrice Lucchini ouvrent des portes presque sacrées : Dans cette intimité de l’avant représentation, qui renferme tous les doutes et les derniers instants de présent avant de quitter le monde des coulisses pour ceux de la lumière, les deux acteurs se livrent complètement. La rencontre, bien qu’elle n’ait jamais lieu, est celle d’un duo de glace et de feu. L’une a l’élégance de la précision, l’autre l’exubérance de la passion. Deux comédiens aux antipodes l’un de l’autre et pourtant animés par cette même faim du mot délivré à sa plus juste valeur – soit dans son exactitude, soit dans son sens véritable
.
Par cœurs est une introduction dans le vif de ce que représentent Isabelle Huppert et Fabrice Lucchini dans le paysage de la belle interprétation française. Chaque moment aux côtés de celui qui aime d’un amour sans égal le théâtre et chaque instant de pur abandon auprès d’Isabelle Huppert font le film. L’actrice y est bouleversante de franchise, ouvrant à la caméra des moments de travail acharné mais qui, comme par miracle, s’ouvrent sur une infinie légèreté. ; les moments d’introspection sont forts.
Moins qu’une rencontre au sens propre du terme, Par cœurs propose une comparaison savamment montée en champs contre champs, explorant les similitudes non seulement entre les artistes, mais également entre les exercices dans lesquels on les retrouve – une pièce avec troupe et répliques à donner pour Huppert, un seul en scène comme il les affectionne pour Lucchini.
Ce film est un plaisir pour les amateurs de ces deux grands acteurs, une gourmandise à savourer pour ceux qui aiment le beau verbe dans de belles bouches.
Publié dans Archives films
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Les 8 Montagnes
LES HUIT MONTAGNES
Film de Felix Van Groenningen, Charlotte Vandermeersch, Italie/Belgique/France – 2h30
Avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Filippo Timi.
Depuis La Merditude des choses et Alabama Monroe, on sait que Felix Van Groeningen n’a peur de rien. En tout cas ni du mélo, ni du trop-plein. Nouvelle preuve avec ce Huit montagnes, co-réalisé avec sa femme Charlotte Vandermeersch. Adapté du roman de Paolo Cognetti, le film suit de l’enfance à l’âge adulte Pietro, l’enfant solitaire de la ville, et Bruno, le gamin farouche de l’alpage. Récit d’initiation mélancolique, Les 8 montagnes raconte leur histoire d’amitié et la manière dont ces deux copains grandissent, se construisent et s’éloignent pour mieux se retrouver. Bruno reste sur les lieux de sa naissance, se marie, devient père et monte son entreprise. Pietro, lui, cherche des réponses dans l’exil. Il erre, pose son sac au Népal, sans parvenir à s’enraciner… Tout quitter pour se (re)trouver ou s’ancrer pour se construire ? La chronique existentielle flirte (parfois) avec les leçons de vie et les maximes de développement personnel, mais comme toujours chez Groeningen il s’agit de nous embarquer dans des montagnes russes émotionnelles. Et l’émotion est là. Souvent inattendue. Pris à bras-le-corps dans une histoire intense, parfois violente, le spectateur suit les héros entre désenchantement et lyrisme. Incroyablement filmé (les montagnes occupent tout l’espace du cadre carré), incroyablement incarné (est-ce qu’un jour Lucas Marinelli, l’interprète de Pietro, aura le succès qu’il mérite ?), le film produit des vibrations intimes puissantes et impressionne par sa maestria visuelle et sa manière de mettre l’homme face à lui-même, entre doute, renoncement et espoir émerveillé. Ce film a été tourné dans le Val d’Aoste (Italie).
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Nostalgia
Italie: 2022/ 1H57
Réalisé par Mario Martone
Avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco di Leva
Mario Martone est napolitain avant tout, et son film se passe intégralement à Naples, en grande partie dans un de ses quartiers, La Sanita, quartier populaire mythique fait de ruelles en pentes, d’immeubles décatis creusés à même la roche, et arpenté encore aujourd’hui par les sbires de la mafia locale.
«La connaissance est dans la nostalgie. Qui ne s’est pas perdu ne possède pas. Pasolini.
Homme d’affaires expatrié, passé par le Liban et l’Afrique du Sud, désormais basé au Caire, Felice Lasco revient à Naples, la ville où il a grandi, dans le quartier labyrinthique de la Sanità. Il y retrouve sa mère, les rues de son enfance et décide de renouer avec ce lieu dont il a été absent trop longtemps. Où il va devoir composer avec la nouvelle donne locale, toute en vives tensions mafieuses, et faire l’inventaire de vieux souvenirs liés à son ancien meilleur ami, Oreste Spasiano, cause de son départ quarante ans plus tôt et aujourd’hui à la tête d’une tentaculaire organisation criminelle.
Nostalgia réussit toutefois à taper terriblement juste lorsqu’il aborde son sujet central, qui est moins la nostalgie que le déracinement. Exprimé avec finesse et une étonnante économie de moyens par le personnage de Felice (Pierfrancesco Favino, excellent, on a l’habitude), nœud d’opiniâtreté, de rêves et de contradictions impossible à délier. Qui ne peut revenir à la raison alors que tout indique que la seule voie sensée est de refaire ses valises pour retrouver son épouse au Caire. Qui vit au passé mais repousse indéfiniment son départ pour s’inventer à tout prix un présent dans un lieu qu’il habite mais où il n’existe jamais vraiment.
Le film est tiré d’un roman, Nostalgia, écrit par Ermanno Rea, sorti juste après sa mort en 2016. Il met en scène outre notre héros Felice, un prêtre énergique en lutte contre la Camorra. Prêtre inspiré par le personnage réel de Don Antonio Loffredo, curé de la paroisse de Santa Maria della Sanità, ( qu’on retrouve dans le film ), et qui a lutté en proposant une alternative de culture et de sport aux jeunes du quartier. Ermanno Rea journaliste et homme engagé, esprit critique y compris vis-à-vis de ses propres idéaux, témoin des mutations de la société italienne, a toujours porté un discours de combat et d’utopie.
Publié dans Archives films
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