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Karim Bensalah (Six Pieds sur Terre)

Algéro-brésilien ayant vécu en Haïti, au Sénégal, à Londres avant de reposer ses valises à Paris, Karim Bensalah (48 ans) est un réalisateur aux multiples influences qui aime questionner les identités. Pour son premier long métrage, Six pieds sur terre, le cinéaste raconte l’histoire de Sofiane, un fils de diplomate algérien qui, pour éviter l’expulsion, trouve un travail dans une pompe funèbre musulmane qui l’amènera, in fine, à se réconcilier avec lui même.

Vous avez mis 8 ans avant de concrétiser Six pieds sur terre. Pourquoi cela a-t-il été si long ?

Karim Bensalah : Un bon scénario nécessite deux à trois ans d’écriture.(…). Au début, je l’ai fait seul et sans le sou.Ensuite, quand j’ai eu un peu d’argent, j’ai fait appel à un co-scénariste, Jamal Belmahi. Le financement a pris trois ans car il est tombé en plein Covid. C’est pour toutes ces raisons que cela a pris huit ans.

La co-écriture du scénario avec Jamal a-t-elle aussi contribué à ce lent accouchement ? 

Je suis aussi parti avec une jeune boite de production dont c’était le premier long métrage. On ne pouvait avancer qu’à chaque rentrée de fonds. En ce qui concerne la co-écriture, je ne pense pas que cela ait mis plus de temps. C’est sûr qu’il faut trouver le bon partenaire mais on se connaissait un peu avec Djamel.  Cela permet de clarifier le propos, les intentions, d’échanger. Cela m’a apporté son regard sur moi même et sur l’histoire. On avait une expérience commune sur la thématique du scénario qui était la question la construction de l’identité quand on est issu d’une double voire triple culture.

Est-ce que le scénario a été fidèle à votre idée de départ ?

Il a été assez fidèle même si au début ce qui m’a attiré dans l’histoire n’a pas été la thématique finale du film. Le personnage de Sofiane, étant Algérien, se trouvait étranger culturellement et socialement au milieu de la communauté maghrébine de France. Plus je développais le scénario, et plus je me rendais compte que le sujet principal était finalement celui de la question de l’identité.

(suite…)

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Margherita Vicario (Gloria!)

L’auteure-compositrice-interprète italienne Margherita Vicario fait ses débuts à la réalisation avec Gloria!, une histoire mélodique située dans les années 1800, dans un orphelinat/conservatoire dont il est difficile de s’échapper, mais qui est aussi le lieu où la servante Teresa (Galatéa Bellugi), isolée des autres et apparemment muette, découvre les joies de la musique en s’associant avec un groupe de filles talentueuses. Vicario détaille pour nous ce film qu’elle a présenté en compétition à Berlin.

Cineuropa : Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous diriger vers la réalisation ?
Margherita Vicario : J’ai tout simplement toujours voulu le faire. C’était un grand rêve. J’ai commencé comme comédienne, et puis je me suis dirigée vers l’écriture de chansons, mais j’ai toujours travaillé sur de possibles idées de films. (suite…)

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La belle de Gaza

Semaine du 27 juin au 2 juillet 2024

LA BELLE DE GAZA

De Y0LANDE ZAUBERMAN -France- 1H16

La Belle de Gaza commence : le visage d’une anonyme, filmé quelques années auparavant par Yolande Zauberman, obsède la cinéaste, elle tente de la retrouver pour raconter son histoire. Selon une légende urbaine parvenue aux oreilles de la documentariste, la Belle de Gaza – comme la surnomme la cinéaste – se serait échappée de l’enclave palestinienne pour rejoindre à pied la « bulle » israélienne et entreprendre sa transition de genre.

À mesure que Zauberman retrace son chemin et interroge d’autres femmes trans qui auraient pu la connaître, la figure énigmatique se montre toujours plus insaisissable. La quête entreprise par la cinéaste irrigue le film d’un élan pulsionnel. Le désir y est omniprésent : dès le feu d’artifice qui jaillit à l’ouverture, le film, sans éluder la précarité de l’existence des femmes qu’elle filme (les nuits de Tel-Aviv sont loin d’être un havre de paix pour les transgenres palestiniennes), partage leur appétit de jouissance. Les conversations qui s’engagent avec ces personnages à la sensualité exacerbée (par leur accoutrement et leur manière de se mouvoir) tournent ainsi principalement autour de la sexualité.

La trajectoire symbolique vers l’émancipation sexuelle – qui se double d’un déplacement géographique de Gaza à Tel-Aviv – conduit surtout la cinéaste à sonder la distance qui se creuse entre ces femmes et leur milieu d’origine, et que recoupe la ligne de fracture entre les deux peuples. L’exil est double, corporel (elles abandonnent leurs corps originels) et social – elles se détournent de leurs familles, qui bien souvent les ont rejetées violemment.

Le film évite toutefois d’opposer trop frontalement les sociétés israéliennes et palestiniennes sur la question. Le danger qui menace l’existence de ces femmes prend davantage le visage des rôdeurs frustrés – ces hommes rongés par la honte qui viennent épier et menacer les femmes trans – que celui de la religion et de ses interdits : qu’ils soient palestiniens ou israéliens, les harceleurs et les violeurs infligent les mêmes maux.

Dans le dernier mouvement du film, Zauberman semble chercher à combler le fossé qui sépare tous ces éléments contraires ; la religion et la transidentité, Israël et la Palestine. En témoigne un plan magnifique, qui par un étrange jeu de reflet dans l’habitacle d’une voiture fait flotter le visage d’un fils rejeté, devenu une femme trans épanouie et célèbre à Tel-Aviv, au-dessus de celui de son père, coupable d’avoir été aveuglé par son conservatisme : l’image les maintient alors dans deux espaces différents, tout en ménageant la possibilité d’une tendresse partagée.

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Yolande Zauberman (La Belle de Gaza)

Avec la simplicité d’un mythe, elle fait le portrait de cinq femmes trans la nuit autour de cette rue Hatnufa qui est comme le chemin des Enfers. La nuit nous rapproche de ces cinq personnages en même temps qu’elle fait disparaître dans le noir la société dont la violence n’apparaît que dans les récits. Comme dans une danse, la cinéaste embrasse le visage de ces cinq femmes qui deviennent les seules habitantes de Tel Aviv.

On sent que les femmes que vous filmez n’avaient jamais été regardées de cette façon. C’est comme si l’intensité du regard que vous portez sur elle nous permettait de les voir vraiment.
Petite, alors que j’étais une enfant isolée et timide, les gens venaient me raconter leurs histoires. Le nombre de fois où j’ai entendu des vieux grecs me raconter leurs tortures par les colonels à l’époque en me disant : « Je n’ai jamais raconté ça à personne » ! J’ai cet accès à une parole que je cherche peut-être, mais sans le savoir, ou de manière muette. (suite…)

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Gloria!

GLORIA!
  Margherita Vicario – Italie – 1h46
Nous voici donc en 1800 dans l’orphelinat et conservatoire pour jeunes filles de Sant’Ignazio près de Venise. Teresa (Galatéa Bellugi, vue récemment dans Chien de la casse, réservée et rayonnante à la fois) est une jeune femme mutique qui s’occupe du ménage dans les chambres des filles qui font partie de l’orchestre du prêtre Perlina, intendant et musicien en chef de l’orphelinat. Mais Teresa a l’oreille fine, une perception musicale bien à elle et lorsqu’elle entend les pensionnaires faire leurs vocalises ou répéter sur leurs instruments, le moindre son du monde qui l’environne vient prendre part à cette musicalité. Étendre le linge, couper les légumes, éternuer, récurer le linge au lavoir… Tous ces sons du quotidien s’accordent pour créer une véritable partition. Teresa observe beaucoup ces chanteuses et musiciennes, bien qu’à l’Église le dimanche, lors de leur représentation, elle ne semble avoir d’yeux que pour un petit garçon assis au premier rang…
C’est à l’issue de la messe que le gouverneur vient voir le prêtre Perlina, ancien maestro de renom et personnage profondément antipathique, pour lui demander de composer un concert pour la venue du nouveau Pape dans leur petite église ! Mais attention, il faudra proposer autre chose que les musiques un peu vieillottes et redondantes qui sont le menu de la messe dominicale, tel le sempiternel Gloria. Il apparaît bien vite que l’inspiration lui fait défaut et qu’il est bien incapable de s’acquitter de cette mission… Les filles de son orchestre s’en inquiètent et Lucia, premier violon volontiers pimbêche, voit bien là l’occasion de faire jouer ses propres compositions… Mais un pianoforte caché par Perlina dans une remise isolée de l’orphelinat va changer le cours des choses : Teresa le découvre par hasard et s’aperçoit que c’est l’instrument idéal pour exprimer enfin sa créativité et la faire éclater au grand jour…
De l’aveu de la réalisatrice, Gloria ! a l’ambition de montrer les conditions réelles de ces musiciennes à l’époque, bien que l’histoire soit parsemée d’écarts fantastiques et de sauts musicaux dans le temps. Il y a une réelle recherche rythmique, de nombreuses séquences ont été chorégraphiées et le résultat à l’écran fonctionne merveilleusement. De plus, assister à l’émergence artistique de ces jeunes femmes, à leur prise de pouvoir face à un vieux phallocrate boursouflé d’égocentrisme, est assez jubilatoire !
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programmation du 13 juin au 16 juillet

13 au 18 Juin

BORDER LINE

De Juan Sébastian Vasquez, Alejandro Rojas – 2024 – Espagne – 1h17 – VOST 

Projetant de démarrer une nouvelle vie aux États-Unis, Diego et Elena quittent Barcelone pour New-York. Mais à leur arrivée à l’aéroport, la Police des Frontières les interpelle pour les soumettre à un interrogatoire. D’abord anodines, les questions des agents se font de plus en plus intimidantes. Diego et Elena sont alors gagnés par le sentiment qu’un piège se referme sur eux…Un formidable thriller psychologique.

Du 13 au 18juin

JULIETTE AU PRINTEMPS

De Blandine Lenoir – France – 1h 36

Avec Izïa Higelin, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Darroussin…

Une illustratrice traverse une dépression sans vraiment savoir pourquoi et retourne passer quinze jours dans la ville de son enfance où elle retrouve son père tête en l’air, sa soeur débordée par sa vie de famille, et sa mère expansive et séparée de longue date de son père. Reproduisant d’abord des non-dits habituels, Juliette va pourtant progressivement découvrir des secrets enfouis profondément dans sa mémoire…La direction artistique épouse à merveille l’univers tragi-comique du roman d’origine et donne lieu à une adaptation particulièrement émouvante.

20 au 25 Juin

L’ESPRIT COUBERTIN

De Jérémie SEIN,France -1h18.

Avec Benjamin Voisin, Emmanuelle Bercot, Ravildo Pawawi, Grégoire Ludig

Paris, Juillet 2024. Les espoirs de médailles tricolores reposent sur un athlète obsédé, lui, par son dépucelage… Une comédie olympique performante. Tout commence par un baiser surprise mais catastrophique : le jeune Paul, petit génie du tir, aurait pu participer aux JO précédents si sa coach, un peu trop enthousiaste, à la fin des qualifications, ne l’avait embrassé à pleine bouche, lui refilant une mononucléose ! Mais cette fois , ça y est, nous sommes 4 ans plus tard, aux JO de Paris et Paul devrait enfin devenir champion olympique. Il a intérêt, car après dix jours de compétition, il est le dernier espoir de la délégation française qui n’a réussi à monter sur aucun podium. Benjamin Voisin compose un impayable personnage de puceau effrayé par la sexualité et la vie en général. Les sportifs ne seraient-ils intéressants seulement quand ils gagnent ?

20 au 25 Juin

SALEM

De Jean Bernard Marlin Avec : Oumar Moindjie et Inès Bouzid France / 2023/ 1H43

Roméo et Juliette transposé à Marseille dans un décor de HLM et de terrains vagues …L’histoire se déroule en 2 temps. Djibril, jeune comorien, habite le  quartier des Sauterelles (un quartier difficile de Marseille) et est amoureux de Camilla, qui elle est une gitane du quartier rival des Grillons…. Camilla est enceinte. Djibril voudrait qu’elle avorte, il craint une guerre des clans…Mais les 2 cités s’embrasent suite à l’assassinat d’un ami de Djibril sous ses yeux….La 2° partie se situe quelques années plus tard, alors que Djibril, âgé de 20 ans, se remémore son passé. Le réalisateur, césarisé pour Shéhérazade en 2018, filme cette fois la foi d’un jeune homme persuadé de déplacer les montagnes, voire de faire des miracles.

27 Juin au 2 Juillet

La belle de Gaza

De Yolande Zauberman- documentaire- 1h16

Tel-Aviv, la nuit,  une silhouette croisée sur l’écran d’un portable, celle d’un jeune Gazaoui , on dit qu il aurait marche jusqu’à Tel -Aviv, pour devenir la femme qu’il savait être : voici le thème du nouveau documentaire de cette réalisatrice :  arpentant la rue Hatnufa ( ou se pratique la prostitution), elle part à sa recherche, suit la trace de cette «  belle de Gaza » ,  dont l’image floue sur l’ écran, autorise toutes les suppositions : elle capte les visages , les regards ou les corps en mouvement de toutes ces femmes : Toutes pourraient se reconnaitre dans cette figure entraperçue sur un trottoir. Yolande Zauberman, joue de sa caméra avec une liberté qui épouse la leur. Ce Documentaire flamboyant fait de beauté et de force, a été réalisé avant le 7 octobre 2023 …

http://cinecimes.fr/yolande-zauberman-la-belle-de-gaza/

27 Juin au 2 Juillet

GLORIA!

  De Margherita Vicario

Italie, Suisse, 1h46, vost

Venise, au 18ème siècle. A l’institut Sant’Ignazio, tout le monde s’agite en vue de la visite du nouveau pape et du concert qui sera donné en son honneur. Teresa, jeune domestique silencieuse et solitaire, fait alors une découverte exceptionnelle qui va révolutionner la vie du conservatoire, le piano forte. Accompagnée d’un petit groupe de musiciennes, elle invente un nouveau style de musique.

http://cinecimes.fr/margherita-vicario-gloria/

 

4 au 9 Juillet

ADAM CHANGE LENTEMENT

Film d’animation de Joël Vaudreuil

-Comédie dramatique-Canada-2024-1h36

Du mal-être adolescent… Adam est à 15 ans au moment ingrat de l’adolescence. Avec son dos courbé, ses grands bras ballants, son petit duvet et ses tee-shirts trop courts, il est une proie facile dans son lycée où dominent les mâles alpha… Le jeune homme complexé et gauche se métamorphose au gré des quolibets. « Grand torse » l’appelle-t-on méchamment. Alors son torse s’allonge. Sa grand-mère n’est d’ailleurs pas en reste de moqueries… Joël Vaudreuil dépeint dans ce film d’animation à l’humour noir féroce, mais touchant et singulier, le malaise et la dureté du passage à l’âge adulte.

11 au 16 Juillet

SIX PIEDS SUR TERRE

De Karim Bensalah

France – 1H36 

Karim Bensalah, a la bonne idée de  situer son scénario dans un environnement de travail, disons inhabituel, à savoir des pompes funèbres musulmanes. Devenir ambassadeur des morts pour trouver un sens à sa vie, tel est donc l’enjeu de ce film , qui n’est pas sans rappeler le récent Dernier des Juifs de Noé Debré… Sofiane, fils d’un ex-diplomate algérien,  plutôt apathique,  poursuit ses études à Lyon, et se retrouve à chercher d’urgence un travail lorsqu’il fait soudainement  l’objet d’une menace d’expulsion…Entre les fêtes, les rencontres et son emploi, Sofiane va se découvrir dans un parcours initiatique qui le conduira à construire sa propre identité et passer peu à peu vers l’âge adulte.

http://cinecimes.fr/karim-bensalah-six-pieds-sur-terre/

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Salem

Roméo et Juliette transposé à Marseille…

Le long-métrage se découpe en trois parties. La première se déroule quand Djibril a quatorze ans. Il est amoureux de Camilla et celle-ci tombe enceinte. Tels les Capulets et les Montaigus, les deux jeunes viennent de deux cités rivales, mais aussi de deux façons de vivre différentes. Djibril se retrouve partagé entre son amour pour Camilla et la guerre des cités. Lorsque l’un de ses amis meurt sous ses yeux, il prend des décisions qui vont le mener en prison. 

Les deuxièmes et troisièmes parties se concentrent sur un Djibril adulte qui sort d’un hôpital psychiatrique 15 ans après les événements de son enfance. Il va rencontrer sa fille, Ali. Djibril veut la paix. Il ne veut plus d’une guerre entre les cités. 

Une tragédie jusqu’au-boutiste

La troisième partie, la plus courte, prend le parti de changer de point de vue. Dans les deux premiers actes, nous avions le point de vue de Djibril, dans la dernière ce sera celui de sa fille Ali. Un changement qui redynamise le long-métrage pour apporter une conclusion. Au travers de cette tragédie, Jean-Bernard Marlin nous montre la vie quotidienne dans les quartiers Nord de Marseille, où tout est prétexte à la violence. Du côté de la réalisation, Jean-Bernard Marlin fait majoritairement dans le classicisme, avec surtout des plans fixes. Il gère aussi bien les silences. Beaucoup de scènes ont peu ou pas de dialogues. Il laisse ses images parler d’elles mêmes.

Des acteurs non-professionnels qui offrent des performances réalistes

Enfin, le casting est composé uniquement d’acteurs non-professionnels. Et, que ce soit les jeunes acteurs de quatorze ans (Dalil Abdourahim, Mohamed Soumare, Wallenn El Gharabaoui et Maryssa Bakoum) ou les adultes (Oumar Moindjie, Inès Bouzid, Amal Issihaka Hali et Rachid Ousseni), tous sont intéressants. Le réalisateur a su obtenir des performances extrêmement réalistes de ses acteurs.

Salem est donc une tragédie shakespearienne dans les quartiers Nord de Marseille qui fait mouche. Malgré une petite réticence sur un choix narratif, Jean-Bernard Marlin nous propose un second long-métrage avec de belles qualités. Entre mysticisme, transmission et  réalité d’une guerre des quartiers  son film fait clairement passer un message de paix, comme son titre l’indique (Salem signifie paix en arabe)

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Six pieds sur Terre

SIX PIEDS SUR TERRE

De Karim Bensalah

France 2024/ 1H36

Avec Hamza Meziani, Kader Affak

 

Sofiane, fils d’un diplomate algérien à la retraite, poursuit paresseusement des études à l’université de Lyon. Parce que justement il n’est pas assez présent sur les bancs des amphis lyonnais, il se voit frappé d’une décision administrative qu’il trouve injuste. Si il ne présente pas un certificat de travail dans les semaines qui suivent, il risque l’expulsion.

N’importe quel travail pour pouvoir rester en France. Un oncle qui est entrepreneur de pompes funèbre musulmanes à Roubaix se dit prêt à l’embaucher, mais famille ou pas, un certificat de travail se mérite et Sofiane doit faire ses preuves dans l’entreprise.

Sofiane qui toute sa courte vie a tout fait pour rejeter le communautarisme et la religion se retrouve à accompagner des familles musulmanes dans le rituel religieux le plus important pour un croyant.

Sofiane à la croisée des chemins, et lequel choisir. Au milieu des morts, c’est le chemin de sa propre vie qui l’attend.

Qui es-tu vraiment Sofiane ? Vaste question n’est-ce pas,  puisque toi même tu n’en sais rien.

C’est l’histoire d’une réconciliation, celle d’un jeune homme avec sa famille et son histoire.

Plusieurs épreuves l’attendent, entre ses choix, ses renoncements et ses certitudes, Sofiane découvrira enfin qui il est.

Un très beau film tendre, à l’image de son sympathique héros et de tous les personnages attachants qui gravitent autour de lui. Une mise en scène simple au profit d’un scénario qui affronte vaillamment la mort, la vie, l’identité et la tradition avec intelligence et franchise. On n’avait pas vu cela depuis  » Six feet under  » la formidable série de Alan Ball.

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Border Line

BORDER LINE Film de Juan Sebastiàn Vásquez et Alejandro Rojas Avec Alberto Ammann, Bruna Cusì, Ben Temple… Qui n’a jamais senti son coeur palpiter en approchant d’un contrôle douanier dans un aéroport et à fortiori en arrivant aux Etats Unis ( ceux qui savent, savent). C’est un pays construit sur l’immigration, mais désormais au 21e siècle, la tâche n’est pas facile pour ceux voulant vivre « le rêve américain ». Alors qu’ils pensaient commencer une nouvelle vie grâce à une green-card, Diego et Elena voit la police des frontières stopper leur élan. Leur tort ? Diego est vénézuélien donc suspect automatique. Commence alors un thriller psychologique où la Police des frontières cherche à faire craquer ce jeune couple. Enfermés dans une pièce, tous les moyens sont bons pour les déstabiliser. La morale n’est plus qu’une variable facilement effaçable. Les interrogatoires s’enchaînent, et on commence à angoisser pour eux. Puis, on se met même à douter de leur honnêteté, comme si la Police avait réussi à rentrer dans notre tête. Avec ce film, Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas dénoncent avec force les méthodes plus que discutable des autorités américaines. Magistralement porté par 4 principaux acteurs plus vrai que nature et des décors encore plus criant de vérité, ce film vous tiendra en haleine pratiquement de bout en bout avec un dispositif proche de la pièce de théâtre mais tourné comme du grand cinéma ( les réalisateurs se revendiquent de Sidney Lumet). Le film est donc politique car le simple fait de choisir de raconter cette histoire l’est. Il parle des dynamiques de pouvoir, du harcèlement, des problèmes d’autorité, des endroits où vous pouvez soudain vous sentir extrêmement vulnérable selon vos origines… 

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Juliette au printemps

JULIETTE AU PRINTEMPS

Film de Blandine Lenoir – France – 1h36

Avec Izia Higelin, Sophie Guillemin, jean Pierre Darroussin …

Juliette, 35 ans, illustratrice de livres pour enfants, retourne dans le lieu où elle a grandi pour passer quinze jours en compagnie  de ses proches : un père un peu lunaire, une sœur qui a d’autres chats à fouetter entre ses gosses, son boulot, son falot de mari et son amant, une mère aux abonnés absents et une grand-mère qui perd la tête. Souvenirs enfouis, non-dits et secrets de famille remontent à la surface …

Il se dégage de ce film une vraie tendresse, une atmosphère douce amère, un humour subtil portés par de délicieux personnages composant une famille certes fantasque, mais ô combien attachante. Avec maladresse parfois, les hommes expriment leurs sentiments, et les trois générations de femmes leurs désirs de vie intense, d’indépendance et de liberté. Au travers des petits riens du quotidien, jamais banalisés, la trame de toutes ces vies se déroule, cherchant à se relier les unes aux autres, à assembler le puzzle de sentiments enfouis ou à évincer les fantômes du passé. Scénario ciselé, dialogues percutants, ambiance burlesque et poétique, interprétation remarquable , invitent le spectateur dans un univers  évoquant parfois celui d’Alain Resnais ou du tandem Jaoui / Bacri. 

Critique d’Evelyne Hamard Manet – Etoile Cinéma, Semur-en-Auxois

  

Blandine Lenoir revient ici avec une comédie douce amère sur une famille aussi fantasque qu’attachante. La bataille des femmes qu’elle nous a si bien narrée dans Annie Colère (2022) n’est pas si loin dans Juliette au Printemps, à une échelle certes plus intime, plus discrète, mais c’est bien l’indépendance et la liberté que les trois générations de femmes présentes veulent obtenir. Les hommes n’en tiennent pas moins une place importante, même s’ils sont taiseux et maladroits, à l’instar du géant Pollux que Juliette va croiser sur sa route et qui sera d’un grand réconfort. Nous sommes immergés dans une famille qui pourrait très bien nous rappeler la nôtre : toutes ces vies se déroulent en parallèle mais cherchent tout de même un moyen de se relier entre elles, que ce soit au travers des petits riens du quotidien ou au travers d’histoires qu’on a jusque-là soigneusement fait semblant d’oublier…

Le scénario est ciselé, l’ambiance est riche et changeante, au gré des humeurs et des sentiments, tantôt chaleureuse et émouvante, tantôt burlesque et poétique. L’interprétation est remarquable – chapeau à Sophie Guillemin, incarnant cette sœur, le personnage le plus riche du film, avec une impressionnante justesse, tant dans sa force que dans ses failles – et on quitte la salle avec un sentiment de tendresse pour toutes et tous ces humains fragiles qui nous ressemblent .

Critique UTOPIA Bordeaux

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