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L’improbable voyage de Harold Fry de Hettie Mac Donald GB 1H48

Peut-être n’est-il jamais trop tard dans la vie pour surprendre son monde ? ce matin-là démarrait comme tant d’autres, pour Harold Fry : l’’aspirateur avait nettoyé la moquette au beige fané ; derrière les rideaux, on avait espionné le voisin en train de bichonner un arbuste : Rituels sans éclat, petites distractions pour remplir le vide d’une retraite sans vagues. Ainsi procédait à pas mesurés la routine dans ce quartier pavillonnaire de Kings bridge.

À l’aune de cette vie monotone, ce matin-là un fourgon postal dépose une simple lettre…, une enveloppe d’un rose sirupeux venue d’un improbable lieu : Berwick-upon-Tweed dans le Northumberland, la ville la plus au Nord de l’Angleterre, à plus de 700 km de là. Harold s’étonne :  qui connaît-on là-bas ? Absolument personne, lui réponds Maureen, son épouse qui se renfrogne devant sa tasse de thé ; d’une voix perplexe, alors Harold annonce après avoir décacheté l’intruse que c’est une lettre de « Queenie ». Soudain le petit déjeuner de Maureen est gâché, son regard ne masque ni sa contrariété, ni une forme de jalousie inquiète que l’attitude étrange d’Harold ne cessera de nourrir. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas eu de nouvelles de Queenie ? 10, 20, 30 ans ? La voilà qui s’annonce terrassée par un cancer
Harold, en être sensé qu’il a toujours été ou voulu paraître, aurait pu, aurait dû se contenter de répondre par quelques mots de réconfort maladroits couchés sur un bout de papier. Et c’est même son premier réflexe, qui entraîne ses pas vers la première boîte aux lettres venue pour envoyer sa réponse à Queenie. Mais un passage éclair dans une station-service, les mots échangés avec la vendeuse aux cheveux bleus, mi-ange, mi punkette, vont changer le cours de son existence. Ses pas ne s’arrêteront pas à la poste, ils ne s’arrêteront peut-être jamais plus, ils l’éloigneront inexorablement du domicile familial vers une quête insensée, déraisonnable, à tout le moins improbable : aller voir Queenie et la sauver. Voilà notre Harold qui entreprend la Longue Marche, celle de sa vie, celle pour la vie, se répétant inlassablement à haute voix comme un mantra hypnotique : « Je vais marcher, et tu vivras. » Folie admirable, majestueuse ! Nous voilà réglant nos pas dans ceux d’Harold, entrainés dans un périple que l’on n’imaginait pas,  riches en rencontres réjouissantes et attachantes : Un périple au cours duquel les chemins d’aujourd’hui serpenteront avec les méandres du passé de notre marcheur, de ses regrets, vers l’espérance d’une rédemption, d’impossibles réparations,  et peut-être l’amour retrouvé.

Voilà un film modeste et serein, beau comme un instant de grâce, infiniment réconfortant et bienfaisant… …

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Showing Up

Un film de Keilly REICHARDT

 

Avec : Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett…

USA – 1h48 – VOST

Après le très réussi First cow (2020), succès modeste mais attesté dans les salles françaises, Showing up marque la réunion de la cinéaste avec son actrice fétiche Michelle Williams, qu’elle dirige pour la quatrième fois, témoin d’une collaboration féconde enfin célébrée dans le plus bel écrin du cinéma mondial..

Le synopsis est court mais résume bien le peu de motifs réunis dans ce film extrêmement minimaliste. Lizzie est une artiste, elle sculpte des personnages dans la glaise, pour ensuite les cuire, jouant sur les couleurs et la matière pour créer une galerie bigarrée qui fait penser à un art primal pré-colombien aux prises d’un syncrétisme chrétien célébrant des madones.

Toute l’histoire se résume dans le regard porté sur les gestes de Lizzie. Quand elle ne sculpte pas, Lizzie rend visite à ses parents, notamment à ce frère joué par John Magaro, sublime personnage de First cow, qui apporte son humour froid et décalé pour autant de ruptures de ton qui permettent de repousser le temps d’une parenthèse le sérieux de la sculpture et de l’organisation du vernissage de l’artiste.

Michelle Williams incarne cette plasticienne bourrue, dans la plainte constante, que ce soit vis à vis de sa famille ou de sa logeuse, remplie de la tension qui précède une exposition à fort enjeu. Peu expressive, comme résignée face aux aléas qui peuplent son quotidien, on pense à cette eau chaude qui lui manque cruellement, elle se révèle être une sorte de clown blanc entrainant l’humour à son corps défendant, entre l’agacement et l’absurde de scènes toutes simples sans aucun effets particuliers

La métaphore de la cuisson des sculptures est aussi éloquente : on ne sait jamais ce qu’il va ressortir de ces tentatives, le résultat s’imposant de lui-même sans qu’on puisse tout prévoir, dans une logique du hasard belle et enthousiasmante.

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ETERNEL DAUGHTER

De Joanna Hogg, Royaume Uni/ Etats Unis, 1h36, VOST. Avec Tilda Swinton, August Joshi, Carly Sophia Davies 

Joanna Hogg s’est fait connaître récemment avec The Souvenir, film en deux parties, retraçant la relation d’emprise qu’elle a vécue jeune femme et l’œuvre de fiction qu’elle aurait voulu en tirer. Cette révélation critique va permettre la sortie en France de ses trois films précédents, Unrelated, Archipelago et Exhibition, inédits jusqu’alors en France. Depuis The Souvenir, Joanna Hogg, citée comme référence par Kelly Reichardt et produite par un parrain prestigieux, Martin Scorsese, n’est pas restée inactive. Avec Eternal Daughter, elle propose sans doute son film le plus accessible, sorte de drame gothique inspiré des nouvelles de Henry James, où elle revient sur son obsession de la mémoire, du travail de deuil et de la mise en scène atmosphérique, proche de l’art contemporain. 

Julie, accompagnée de sa mère âgée, vient prendre quelques jours de repos dans un hôtel perdu dans la campagne anglaise. La jeune femme, réalisatrice en plein doute, espère y retrouver l’inspiration ; sa mère y voit l’occasion de faire remonter de lointains souvenirs, entre les murs de cette bâtisse qu’elle a fréquentée dans sa jeunesse. Très vite, Julie est saisie par l’étrange atmosphère des lieux : les couloirs sont déserts, la standardiste a un comportement hostile, et son chien n’a de cesse de s’échapper. La nuit tombée, les circonstances poussent Julie à explorer le domaine. Elle est alors gagnée par l’impression tenace qu’un indicible secret hante ces murs.

Une des actrices les plus précieuses et exigeantes de notre époque, Tilda Swinton, plus David Bowie au féminin que jamais, tient un double rôle dans Eternal Daughter, celui de Julie et également celui de Rosalind, sa mère. Là aussi, Joanna Hogg innove en faisant exprès de ne jamais filmer avant la dernière demi-heure les deux personnages dans le même plan. Ce refus de jouer la convention du plan d’ensemble réunissant les deux personnages interprétés par la même actrice possède une réelle signification qui révèle sa potentialité à la fin du film

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