Ruben Östlund

Ruben Östlund13 avril 1974 (40 ans)

Drapeau de la Suède Styrsö, Suède

Réalisateur, scénariste

Happy Sweden, Play, Snow Therapy

 Note du réalisateur

Snow Therapy trouve ses origines dans une question qui me fascine depuis longtemps: Comment les êtres humains réagissent-ils dans des situations soudaines et inattendues comme une catastrophe par exemple ? Ici, il s’agit de l’histoire de vacanciers témoins d’une avalanche et qui s’enfuient, terrifiés. Lorsque tout s’arrête, ils ont honte car ils ont succombé à leurs instincts primaires. Cette histoire-là m’est venue suite à une anecdote que je n’ai jamais pu oublier. Il y a quelques années,

un couple de Suédois, des amis à moi, étaient en vacances en Amérique Latine lorsque soudain, des hommes armés ont surgi de nulle part et ont commencé à tirer. Le mari a réagi d’instinct et a couru se mettre à couvert, laissant sa femme sans protection. De retour en Suède, après un ou deux verres de vin, elle ne pouvait pas s’empêcher de raconter l’histoire encore et encore…
Mon imagination a été piquée au vif. J’ai donc commencé à rechercher d’autres histoires vraies du même genre : des histoires d’urgence et de détresse, de passagers lors d’un naufrage de bateau, de touristes frappés par des tsunamis ou détenus en otage par des pirates. Dans des situations si extrêmes, les gens peuvent réagir de manière complètement inattendue et extrêmement égoïste. Il apparaît – des études scientifiques ont été réalisées sur ce sujet – qu’après une catastrophe, une attaque de pirate ou un naufrage, un grand nombre de survivants divorcent. Il semble aussi que dans beaucoup de cas, les hommes n’agissent pas selon les codes chevaleresques attendus. Dans des situations de vie ou de mort, lorsque la propre survie d’un individu est en jeu, il semble que les hommes ont davantage tendance à s’enfuir et sauver leur vie plutôt que de protéger les femmes, ce qui constitue la cause principale de ces divorces. Cela m’a donné envie de parler de la notion reçue selon laquelle un homme est supposé être le protecteur de sa femme et de sa famille et du code social selon lequel l’homme ne doit pas reculer face au danger. A partir de là, je suis arrivé à l’idée d’un drame existentiel au sein d’une station de ski, quelque chose qui me semble extrêmement intéressant. En effet, les vacances au ski symbolisent pour moi le sentiment de maîtrise complète de sa propre vie. La station des Arcs, où Force Majeure a été tournée, a été construite dans les années 50, comme la plupart des stations de ski européennes, pour recevoir les familles de la classe moyenne, constituée d’une mère (qui travaillait parfois), d’un père cadre et deux enfants. Le père est supposé mettre la main à la pâte et la cuisine ouverte entièrement équipée de l’appartement donne à la mère la possibilité de faire autre chose que la cuisine, par exemple skier avec sa famille ou se détendre. Les stations de ski sont supposées être confortables comme le montre les publicités : nous imaginons la femme se relaxant et son mari jouant avec les enfants. Les vacances sont le moment où le père de classe moyenne occidental « redonne » à la famille pour compenser son absence. C’est le moment où il peut se dévouer à ses enfants et prendre soin d’eux.
Mais dans FORCE MAJEURE, « l’homme civilisé » se retrouve confronté à la « Nature ». Les personnages vivent ce drame et le père, Tomas, doit faire face à son côté primitif, car ses instincts le conduisent à se sauver et à abandonner ses enfants et sa femme. Il doit faire face à la réalité : lui aussi est soumis aux forces de la nature et il n’a pas réussi à dissimuler son réflexe le plus élémentaire, l’instinct de survie.
La scène de l’avalanche dans FORCE MAJEURE est vraiment effrayante. Elle a été filmée dans un studio où une partie de la ter- rasse du restaurant a été reconstruite devant un écran vert ensuite remplacé par une belle avalanche filmée en Colombie-Britannique. Un nuage de neige numérique a enfin été rajouté à la scène. Durant la post-production de cette scène, ainsi que pour certains autres plans, j’ai appliqué des effets et / ou des mouvements de caméra avec Photoshop et After Effects, ainsi que je l’avais fait précédemment avec PLAY et INVOLUNTARY et, plus particulièrement, pour le court-métrage INCIDENT BY A BANK dans lequel tous les mouvements de caméra ont été créés au montage. FORCE MAJEURE prend vie au cœur d’un environnement visuel majestueux que j’ai souhaité mettre encore plus en valeur grâce au traitement CGI, en «reconstruisant» les montagnes et certaines parties du complexe hôtelier pour créer un univers vraiment sensationnel. Bien sûr, le travail numérique restera complètement invisible, comme ce fut le cas dans mes films précédents, pour que le public ne réalise pas que l’environnement a été retouché.
Nous avons tourné ce film avec des objectifs anamorphiques, en utilisant la caméra ARRI Alexa, après que Fredrik Wenzel, le Directeur de la Photographie et moi-même ayons effectué une série de tests. L’utilisation des objectifs anamorphiques permet d’obtenir un ressenti plus cinématographique, une sensation de cadrage vraiment épique dans ce décor montagneux. Ils nous rapprochent aussi davantage des personnages que dans mon précédent long métrage PLAY. Avec ces objectifs, il est possible de filmer en gros plan tout en ayant toujours un peu d’arrière-plan avec lequel travailler.
La structure du film suit le déroulement d’une semaine de ski classique – premier jour, deuxième jour, troisième jour … jusqu’à ce que la famille rejoigne l’aéroport le cinquième jour. La structure familiale sera exposée le premier jour dans ce cadre magnifique, avec les montagnes, le temps superbe… L’incident avec l’avalanche aura ensuite lieu le deuxième jour. Durant les troisième, quatrième et cinquième jours, nous verrons comment la famille essaye de faire face aux conséquences de l’avalanche. Cette structure en cinq jours nous permet de répéter plusieurs éléments de la routine quotidienne comme le petit-déjeuner ou le brossage de dents du soir pour pouvoir suivre l’évolution des comportements de la famille avant et après l’incident.
Dans FORCE MAJEURE nous allons continuer à suivre Ebba et Tomas dans leur parcours, voir l’évolution de leurs sentiments et de leurs perceptions des évènements, voir comment ils vont lutter pour rester ensemble, partager leurs peines et leurs espoirs. Pour le public, l’intérêt est davantage lié à l’émotion que dans mes films précédents, plus conceptuels.
Dans la scène finale, lorsque les protagonistes retournent à l’aéroport en bus, je voudrais que le dilemme de Tomas devienne universel. Les touristes se retrouvent debout sur le bord de la route, en partie à cause de l’imprudence du chauffeur, mais aussi parce qu’ils ont laissé leur peur avoir raison d’eux-mêmes. Et maintenant, ils descendent la montagne à pied. Lorsqu’ils voient le bus s’éloigner prudemment, un léger sentiment de honte collective surgit et pourtant, au fur et à mesure qu’ils marchent, ce sentiment se transforme rapidement en un sentiment de solidarité. Les masques sociaux sont tombés et ils sont maintenant capables d’agir comme des êtres humains, parmi d’autres êtres humains, sans artifice.

ien gros plan tout en ayant toujours un peu d’arrière-plan avec lequel travailler.

La structure du film suit le déroulement d’une semaine de ski classique – premier jour, deuxième jour, troisième jour … jusqu’à ce que la famille rejoigne l’aéroport le cinquième jour. La structure familiale sera exposée le premier jour dans ce cadre magnifique, avec les montagnes, le temps superbe… L’incident avec l’avalanche aura ensuite lieu le deuxième jour. Durant les troisième, quatrième et cinquième jours, nous verrons comment la famille essaye de faire face aux conséquences de l’avalanche. Cette structure en cinq jours nous permet de répéter plusieurs éléments de la routine quotidienne comme le petit-déjeuner ou le brossage de dents du soir pour pouvoir suivre l’évolution des comportements de la famille avant et après l’incident.
Dans FORCE MAJEURE nous allons continuer à suivre Ebba et Tomas dans leur parcours, voir l’évolution de leurs sentiments et de leurs perceptions des évènements, voir comment ils vont lutter pour rester ensemble, partager leurs peines et leurs espoirs. Pour le public, l’intérêt est davantage lié à l’émotion que dans mes films précédents, plus conceptuels.
Dans la scène finale, lorsque les protagonistes retournent à l’aéroport en bus, je voudrais que le dilemme de Tomas devienne universel. Les touristes se retrouvent debout sur le bord de la route, en partie à cause de l’imprudence du chauffeur, mais aussi parce qu’ils ont laissé leur peur avoir raison d’eux-mêmes. Et maintenant, ils descendent la montagne à pied. Lorsqu’ils voient le bus s’éloigner prudemment, un léger sentiment de honte collective surgit et pourtant, au fur et à mesure qu’ils marchent, ce sentiment se transforme rapidement en un sentiment de solidarité. Les masques sociaux sont tombés et ils sont maintenant capables d’agir comme des êtres humains, parmi d’autres êtres humains, sans artifice.

 

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