L’Homme aux mille visages

L’HOMME AUX MILLE VISAGES

D’Alberto RODRIGUEZ – Espagne – 2017 – 2h02 – VOST 

Avec Eduard Fernandez, José Coronado, Marta Etura Luis

À l’écran, on découvre Francisco Paesa, dit « Paco », dans les années 1980, sous les traits de l’acteur Eduard Fernandez, mille visages derrière un seul masque, impavide. Il achète des missiles à Varsovie. Il travaille pour les services secrets espagnols, notamment dans la lutte contre ETA. Le prologue va vite, on ne comprend pas tout mais l’essentiel: Paesa se fait enfler et ne touche pas une peseta pour sa mission. Le film raconte comment, il se serait vengé des mauvaises manières du gouvernement espagnol à son égard et au passage gagné quelques milliards de pesetas. On le retrouve dix ans plus tard à Madrid sans rien, sinon une vieille Jaguar. Vaguement avocat. Mais aussi un peu agent secret chargé des coups les plus tordus, un peu conseiller financier expert en blanchiment d’argent et fraude fiscale, un peu diplomate d’opérette, un peu homme d’affaires louches.

Luis Roldan, le premier flic d’Espagne, fait appel à lui pour le cacher et planquer sa fortune dans des paradis fiscaux. Paesa prend une commission d’un million de dollars. «Devenir riche, ça coûte cher.» Roldan, inculpé de détournement de fonds publics, corrompu jusqu’à la moelle, est l’homme le plus recherché d’Espagne. Paesa lui trouve une chambre mansardée à Paris et s’occupe de son argent. C’est le début d’une escroquerie géniale et d’une crise politique en Espagne qui n’amuseront pas tout le monde. En particulier Juan Alberto Belloch, le tout-puissant ministre de la Justice et de l’Intérieur.

Roldan sera arrêté en février 1995 à l’aéroport de Bangkok puis condamné à une lourde peine de prison. Mais, cette affaire a contraint à la démission deux ministres de l’Intérieur et a précipité la défaite électorale du gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez. La fuite de Roldan et l’entourloupe autour de sa reddition n’auraient pas été possibles sans l’entregent et les manœuvres de « Paco ».

Alberto Rodriguez reconstitue cette arnaque de haut vol en réussissant à ne pas égarer le spectateur malgré la complexité du récit dopé à l’humour noir. Car rien n’est jamais sûr dans cette histoire, certes tirée de faits réels, mais dont on sait, dès la première séquence, qu’elle contiendra « des mensonges ». D’ailleurs, le narrateur, un séduisant pilote de ligne, bras droit de « Paco », n’a jamais existé, même s’il apparaît comme témoin privilégié des exploits du faussaire. Comme pour tous les témoins, ses souvenirs sont incomplets. Et partiaux. Des informations exposées dans la première demi-heure du film sont contredites, voire démenties quelques scènes plus tard. Paco est un être insaisissable, sans le moindre scrupule, qui fait mine de protéger son client pour mieux le trahir, qui met en danger sa nièce adorée et dupe son meilleur ami pour arriver à ses fins. Un être fascinant par son mystère.

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