William Oldroyd

Angleterre

Réalisateur, metteur en scène théâtre

Best (court métrage)

Pendant ses études de théologie, le jeune William Oldroyd réalise qu’il aime la théâtralité de l’Eglise catholique et abandonne ses rêves de grand séminaire. En 2004, à 23 ans, il assiste celle qui restera son mentor, Deborah Warner, sur la superproduction Jules César, créée au ­Barbican Centre, à Londres.

Pendant dix semaines, samedi compris, de 10 heures à 22 heures, il reste assis à ses côtés à observer les acteurs. « Elle laisse infuser sans trop intervenir, décrit-il. C’est en allant avec ses parents à des réunions de quakers, où les gens restent assis jusqu’à ce que Dieu leur parle, qu’elle avait pris cette habitude. » Oldroyd met en scène Ibsen, Shakespeare, Beckett, Sartre ou encore Donizetti. Son premier long-métrage, The Young Lady, filmé en décor unique, fait remonter à la surface son éducation religieuse. Katherine, la ­maîtresse de maison, couche avec ­Sebastian, le palefrenier, et boit un thé avec un prêtre. « J’aime l’idée d’une séquence coupable », s’amuse-t-il.

Pourquoi avoir choisi d’adapter un drame du XIXe siècle pour votre premier film ?

Quand la scénariste Alice Birch m’a fait découvrir Lady Macbeth du district de Mtsensk de Nikolaï Leskov, paru en 1865, j’ai tout de suite été fasciné par le personnage de Katherine. Elle est différente des héroïnes d’Ibsen, Hedda Gabler ou Nora dans Une maison de poupée, parce qu’elle se bat contre le patriarcat. Au lieu de souffrir en silence dans son mariage difficile, elle devient ­proactive. Ce qui a conduit Alice Birch à écrire une fin féministe. Au théâtre, j’aime les adaptations contemporaines de pièces du XIXe siècle – Thomas Ostermeier le fait très bien –, mais ce n’était pas possible avec Lady Macbeth. Dans le roman, Katherine est une femme isolée en Russie qui habite à des centaines de kilomètres de la première ville. Aujourd’hui en Angleterre, avec les portables et les transports, ça ne fonctionnerait pas. La modernisation est passée par le jeu des acteurs et l’utilisation du jump cut (« coupe sautée »)au montage.

Traditionnellement, l’époque victorienne est représentée au cinéma derrière d’épais rideaux, faiblement éclairés à la bougie. Vous avez choisi de laisser entrer la lumière…

Les hommes représentent la nuit quand le reste de la vie est filmé à la lumière du jour. La nuit du mariage, c’est noir, quand ­Katherine est humiliée sexuellement par son mari, c’est la nuit… J’ai voulu jouer sur le contraste. Dans ce monde victorien très austère, le sexe devait aussi être viscéral. Les personnages devaient avoir quelque chose de très animal. Dans le livre, le seul animal, c’est le chat. Quand le beau-père meurt, Katherine croit que le chat parle avec la voix de Boris. On a essayé de le filmer mais ça paraissait complètement absurde. Alors j’ai filmé des personnages qui se comportent comme des animaux : la bonne qu’on fait marcher à quatre pattes, Boris qui gratte à la porte ou encore Katherine qui lèche le cou en sang de son amant.

Dans votre film, comme dans votre premier court-métrage, « Best », aucun rôle n’est déterminé par la couleur de peau des acteurs. Pourquoi ?

Je viens du théâtre, où il est courant de voir un père joué par un acteur blanc et son fils joué par un acteur noir. Alors qu’au cinéma comme à la télévision, c’est plus rare. En Grande-Bretagne, on n’a pas de quota à la télévision. On perd quelques-uns de nos meilleurs acteurs qui partent aux Etats-Unis. Notre télévision dit : « Regardez, on donne plus de rôles aux Noirs. » Mais les Noirs disent : « On n’en veut pas plus, on en veut de meilleurs ! » Pour le film, on a fait des recherches et on a trouvé des photographies de famille, aussi bien noires que blanches, du nord de l’Angleterre au XIXe siècle. Alors au casting, on a rencontré tout le monde. Je prépare en ce moment mon prochain film, l’adaptation d’Un homme dans ma cave, que je coécris avec l’auteur du livre,Walter Mosley, un Afro-Américain qui vit aux Etats-Unis. Il a beaucoup de choses à dire.

Comment le cinéma est-il arrivé dans votre vie ?

Avant d’entrer à l’université, j’ai été dans une école d’art pendant un an. On prenait des photographies, on faisait des collages avec des matériaux industriels sur lesquels on projetait des images et on tournait des films expérimentaux en vidéo. J’ai arrêté à l’université car ça m’a semblé plus facile de monter une pièce que de faire un court-métrage. Aujourd’hui, c’est un peu comme si je revenais à mes premières amours. J’ai tourné le film The Young Lady à Lambton Castle, dans le nord de ­l’Angleterre, à un quart d’heure de mon université, Durham. Le château avait déjà été utilisé pour la série Bienvenue au paradis, mais elle s’est arrêtée. Soudain, il était vide

Maroussia Dubreuil pour Le Monde du 10 avril 2017

 

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