Archives pour novembre 2017

12 Jours

 

A chacun de ses nouveaux films, la magie opère comme si c’était la première fois ; sans doute parce que Depardon aborde chaque nouveau sujet avec la modestie qui le caractérise et avec une curiosité, un intérêt pour les hommes et les femmes qu’il filme que rien ne semble altérer : ni le temps, ni le succès. C’est la marque des grands réalisateurs que de savoir se réinventer tout en demeurant fidèle à leur démarche et dans le cas de Depardon à un principe essentiel de bienveillance.

L’action se situe dans les couloirs d’un  hôpital psychiatrique, froids, impersonnels, anxiogènes, témoins muets des souffrances psychiques, des errances intérieures, du mal à vivre en paix, du mal à vivre ensemble. C’est ici que l’on mène souvent par force des personnes qui peuvent présenter un danger pour elles-mêmes, pour les autres ou provoquer des troubles à l’ordre public.
Depuis la loi du 27 septembre 2013, les patients hospitalisés dans les hôpitaux psychiatriques doivent être présentés à un juge des libertés et de la détention avant 12 jours  puis tous les 6 mois si nécessaire. Un juge doit donc évaluer avant la fin des douze jours d’hospitalisation et en étroite collaboration avec les experts médicaux si l’hospitalisation doit se poursuivre, s’arrêter ou s’adapter. C’est ce temps particulier dans le parcours judiciaire et médical des patients / justiciables que Depardon a choisi de filmer, cet instant bref et pourtant décisif où beaucoup de choses vont se jouer.

C’est une humanité cabossée, en situation d’extrême faiblesse que nous montre Depardon.

Filmant toujours au plus près des visages qui se crispent, qui se racontent malgré eux, qui souffrent et espèrent que le réalisateur nous raconte un domaine de la justice assez méconnu, qui pose mille questions sur cette mission délicate de la protection, mais aussi sur la prise en charge de ces êtres parmi les plus fragiles de la société.

Souvent  bouleversant, « 12 jours » est un film essentiel et précieux pour mieux vivre ensemble.

Critique UTOPIA

Présenté à Cannes hors compétition.

Prochain ciné débat : le lundi 11 décembre autour du film « La villa » après sa projection.

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Jeune femme

Le prochain film :                                                                         CINE CIMES                                                                              Semaine du 23 au 28 novembre 2017                                          Université Populaire Sallanches Passy

JEUNE FEMME

De Léonor Serraille – France – 1h37

Avec Laetitia Dosch, Léonie Simaga, Souleymane Seye Ndiaye, Grégoire Monsaingeon, …

Lauréat de la Caméra d’Or au Festival de Cannes 2017, ce film va enfin mettre en lumière Laetitia Dosch, cette comédienne inclassable, dont la singularité et la puissance de jeu éblouissent.

Parisiens, attention, voilà Paula. Fraîchement débarquée du Mexique, où elle a vécu dix ans avec son amoureux photographe, la «Jeune Femme» — c’est le titre du film — redécouvre la capitale. Mais pas vraiment dans des conditions optimales : l’amoureux en question vient de la plaquer. Sans attache, meurtrie, larguée dans cette grande ville qu’elle ne connaît plus, Paula va entamer une longue errance avec le chat qu’elle a piqué à son ex pour seul bagage. Elle fait une crise en pleine rue et se blesse. Elle est conduite aux urgences où elle est examinée par un médecin compatissant. Peu de temps après, Paula, combative, est bien décidée à se faire une nouvelle vie. Son tempérament instable et l’indifférence des Parisiens lui rendent la tâche difficile… Mais pas question de se laisser abattre : Paula a la rage, et elle le fait savoir. Elle a tendance à s’incruster, d’abord chez sa belle-soeur, puis dans un hôtel miteux, ou chez une fille qui la prend pour une vieille amie disparue…

Un premier film,  surprenant et haletant, que Laetitia Dosch porte sur ses épaules. Il y a du Gena Rowlands en elle. Et du Patrick Dewaere. Tout ça ? Oui. C’est en tout cas l’avis de Léonor Serraille, auteur de JEUNE FEMME, qui recherchait une actrice capable de paraître forte,  battante, tout en dévoilant sa fragilité. C’est aussi son côté multiple qu’a aimé la réalisatrice  en la googlisant. Elle change de visage comme de chemise et saura donc passer par plein d’états différents, comme Paula. Au début, son hystérie insupporte et puis on comprend qu’elle est dans une situation de détresse et de précarité totale. On apprend à la connaître, on la voit se débattre avec panache. C’est rare les personnages qui surprennent à ce point. En livrant le portrait d’une jeunesse dans la précarité,  la réalisatrice est en phase avec son époque et son âge.

Depuis la présentation du film à Cannes en mai, l’heure de la reconnaissance a enfin                                                                                         sonné pour Laetitia Dosch qui, déjà en 2013,  excellait dans La Bataille de Solférino.  Son jeu est physique. Elle s’exprime avec son corps. « J’aime surtout quand le corps contredit ce que les mots racontent, précise-t-elle ». Surprendre, aller là où personne ne l’attend, voilà son moteur. On a beau la comparer aux plus grand(e)s, c’est avant tout sa singularité que cultive Laetitia. Libre, insaisissable, elle ne ressemble à personne d’autre qu’à elle-même. Et il n’y a aucune raison que cela change.                                                                                  – Critique de STUDIO CINE LIVE –

Cinédébat le lundi 11 décembre à la fin de la projection

A propos du Film « LaVilla » de Robert Guédiguian

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La villa

Dans un paysage splendide de théâtre  marin, surplombant par un viaduc ferroviaire, qui donne au récit l’aspect d’une tragédie antique, deux frères et une sœur sont réunis autour de leur père gravement malade. Au fond d’une calanque  splendide, la maison familiale et le petit  restaurant ouvrier, cuisine généreuse et pas chère, gérée par le père et l’un des frères, pourront – ils encore résister à  la spéculation immobilière ? Dans ce huis clos à ciel ouvert, vont alors s’exprimer les rancœurs et les reproches rentrés depuis des décennies mais aussi, à  l’inverse, se reconstruire des liens distendus par les années, l’Eloignement et les parcours si différents.

Dans ce film lumineux, Robert Guédiguian aborde des thèmes universels : le temps qui passe, le choix assumé pour une fin de vie, les choix de vie que l’on regrette ou pas, le respect ou le renoncement à  ses idéaux, les illusions perdues, l’importance des liens familiaux ou amicaux, la capacité à  entamer sur le tard une nouvelle vie en fonction des événements qui peuvent faire dévier des parcours tout tracés. Ici un événement va bouleverser la vie de cette fratrie : la découverte de trois jeunes migrants cachés dans la calanque.

Robert Guédiguian ne pouvait pas faire un film aujourd’hui sans parler des réfugiés. Le réalisateur confie à  ce sujet : « On vit dans un pays ou des gens se noient en mer tous les jours. Et je choisis exprès le mot « réfugiés ». Je me moque que ce soit pour des raisons climatiques, économiques, ou à  cause d’une guerre, ils viennent chercher un refuge, un foyer. Avec ces trois petits qui arrivent, peut-être la calanque va-t-elle revivre ? Angèle, Joseph et Armand vont rester là  avec ces trois enfants à  élever, et ils vont essayer de faire tenir le restaurant, la colline et leurs idées du monde… Et maintenir des liens entre quelques personnes… donc de la paix. »

 Ce film a reçu de nombreux prix : Lion d’or, Grand prix du jury et prix du scénario à  la Mostra de Venise, prix Marcello Mastroianni.

 

Texte d’après les critiques : Utopia, Télérama, Allociné

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Kaouther Ben Hania

Née le 27 Août 1977 à Sidi Bouzid

Tunisie

Réalisatrice

Le Challat de Tunis, Zaineb n’aime pas la Neige, La Belle et la Meute

 

ENTRETIEN AVEC KAOUTHER BEN HANIA

Du documentaire à la fiction, votre cinéma conserve toujours un lien étroit avec la réalité sociale.

J’ai commencé avec le documentaire parce que je considérais la fiction comme quelque chose d’extrêmement difficile. En effet, la fiction est construite de plusieurs « éléments mensongers » et c’est pourtant à partir du mensonge que doit émerger une certaine authenticité. Filmer le réel à travers le documentaire m’a permis de reconsidérer cette idée et d’avoir des outils qui m’ont aidée pour aborder la fiction. (suite…)

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Léonor Serraille

Née à Lyon

France

Scénariste, réalisatrice

Jeune femme (Caméra d’or au festival de Cannes 2017, sélection « Un Certain Regard »)

Entretien avec Léonor Serraille

« Jeune femme » aurait pu s’appeler « Jeunes femmes » : dans l’équipe, les femmes sont à tous les postes: directrice de la photographie, ingénieure du son, monteuse image, monteuse son, décoratrice, compositrice, productrice…

Pour tourner Body, mon moyen métrage, j’avais fait appel en grande partie à mes camarades de la Fémis, et comme j’avais apprécié leur travail et l’énergie qui nous réunissait, nous avons continué ensemble. Ce n’était pas un choix délibéré de faire un        « casting d’équipe » féminin, mais à l’arrivée, je ressens une grande fierté : il est important que des femmes arrivent massivement à des postes décisifs. (suite…)

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Carre 35

 

Carré 35

Carré  35 est une histoire insensée, renfermant des morts cachés, comme dans une série noire.  Il y ressemble, d’ailleurs. Le privé, ce pourrait être Eric Caravaca, enquêtant sur sa propre famille et sur lui-même. A quand remonte le jour ou il a appris l’ existence de sa sœur ainée, morte à 3 ans, avant la naissance de son frère et la sienne ? C’était sans doute chez ses oncles et tantes espagnols, mais il ne saurait le dire avec exactitude, on parlait d’ elle trop vaguement. Aucune photo de cette fillette n’ existe, comme si on avait voulu tout effacer. Pourquoi ? Mais Christine est enterrée au Carré 35, la partie française du cimetière de Casablanca. L’ acteur-réalisateur se met à  enquêter. Il se rend sur place, au Maroc, recherche dans les films de famille, les pièces d’état civil, pour savoir si ce qu’on lui dit est vrai. Il interroge ses proches en tête à  tête. Son frère, puis son père. Enfin, sa mère. Une femme altière, ayant gardé une part de cette beauté qui Éclate dans les images aux couleurs pastel du super-8, au temps béni des jours heureux, lors de son mariage ou sur une plage. C’est elle qu’on entend le plus. Mais elle esquive, escamote. Son fils insiste, elle contrôle. C’est elle qui le tient. On a rarement vu  à l’écran le déni aussi bien saisi, capté dans la continuité.

La vérité, Eric Caravaca la traque ailleurs, en mettant au jour d’autres fardeaux, ou la petite histoire croise la grande. Il est question de la colonisation, du Maroc, de la guerre d’Algérie : épisodes honteux, enfouis eux aussi, liés aux crimes des soldats français, que des images d’archives viennent rappeler. C’est la force de Carré 35 que de mettre en parallèle des événements très personnels et la mémoire collective. De voyager à travers le temps et les pays, pour rejoindre certains lieux magnétiques, comme cette maison dite de « l’Oasis » à  Casablanca, qui semble receler une part du secret familial.

Carré 35 est un film habité. Hanté, même. Qui ose la transgression  lorsque le cinéaste filme la dépouille de son père, mort durant le tournage. Mais ou dominent, malgré© tout, douceur, rigueur, élégance. Chaque mot est pesé, chaque note de musique (de Florent Marchet), pensée. Rien en trop. Pas de déballage de linge sale : Eric Caravaca ne règle pas ses comptes. Il ne veut pas la guerre, mais plutôt une forme de paix. De recueillement. Celui-là  même qu’il instaure en érigeant une sorte de tombeau à  sa grande petite sœur. Sans se cantonner à  l’obscurité. Au contraire, il tend vers la lumière et atteint, un jour de plein soleil ou réconciliation et réparation ne font plus qu’un.

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La belle et la meute

LA BELLE ET LA MEUTE

 Mariam semble à  peine sortie de l’enfance. Elle a un visage rond, de grands yeux rieurs. Ses amis et elle choisissent soigneusement leurs tenues pour à l fête ou elles doivent retrouver des filles et des garçons de leur âge. Quelques plans plus tard, on retrouve Mariam en larmes, hagarde dans la rue, les vêtements déchirés, sans chaussures ni sac. Elle vient d’être violée, elle est désemparée. Ce brusque changement d’ambiance crée immédiatement un trouble destiné à  faire partager au spectateur le sort de cette jeune femme qui non seulement doit surmonter le traumatisme de son agression mais aussi se justifier auprès de policiers peu enclin à l’écouter quand ils ne sont pas carrément menaçants. Elle a la chance de retrouver Youssef, un garçon qu’elle a croisé à la fête et qui se propose de l’ aider  pour faire valoir ses droits

D’hôpitaux en commissariats, de mépris en intimidations, on suit sans en perdre une miette le parcours de cette jeune femme qui découvre l’envers d’une réalité   qu’elle imaginait toute autre et  ce jeune journaliste militant bien décidé à  se battre face à  un ordre social qui dénie  le respect des droits élémentaires des citoyens. L’espoir du soutien de quelques bonnes volontés, elles-mêmes révoltées par tant de violence, ne fait pas long feu. Ni le vieux policier compréhensif et paternel qui tente de se démarquer de ses collègues arrogants et brutaux, ni l’infirmière au regard compatissant, ni la femme-flic prête à  écouter les doléances de cette sœur de combat n’ont assez de pouvoir pour épauler celle qui de victime de viol se transforme peu à  peu en citoyenne agissante. Mariam « la belle » se retrouve isolée face à« la meute » et elle est contrainte de s’en sortir seule. Confrontée à des circonstances inhumaines, elle se révèle¨à  elle-même et fait dés lors basculer une impunité que tout le monde connaît et accepte. S’il reste cruel et Âpre, ce film n’en demeure pas moins un bel espoir pour la jeune république tunisienne, car il est bien évident qu’il n’aurait pu exister avant 2011. Bien qu’il ne fasse pas un portrait tendre des garants de l’ordre dans le pays, il a été soutenu par les autorités culturelles, symbole d’ un réel changement de mentalité dans un pays encore en proie à un régime autoritaire il y a peu.

 

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Programmation Novembre décembre 2017

Carre 35/
Du 16 au 21 novembre

Du 16 au 21 novembre

CARRÉ 35

De Eric Caravaca-France-2017-1h07

Ce documentaire est traité comme une série noire, dont Caravaca est le privé. Il enquête sur une sœur aînée, Christine, morte à 3 ans, avant sa propre naissance et celle de son frère et enterrée dans le carré 35 de la partie française du cimetière de Casablanca. (suite…)

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Eric Caravaca

Né le 21 Novembre 1966 à Rennes

France

Acteur (théâtre, cinéma), scénariste, réalisateur

Le Passager, Carré 35

NOTE D’INTENTION

Tout commence sur le tournage d’un film. Le décor ce jour-là est un cimetière en Suisse. Marchant dans les allées, je me retrouve dans ce qu’on appelle le « carré enfant ». Devant ces petites tombes parsemées pour certaines de jouets noircis par le temps, émaillées de quelques mots gravés sur la pierre qui parfois ne comporte qu’une seule date, une tristesse profonde m’envahit. Je ne comprends pas : je n’ai aucune raison d’être dévasté par ces tombes d’enfants. (suite…)

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Philippe Van Leeuw

Né en 1954 à Bruxelles

Belge

Réalisateur, scénariste, directeur de la photographie

Le Jour où Dieu Est Parti en Voyage, Une Famille Syrienne

ENTRETIEN AVEC PHILIPPE VAN LEEUW

Le film raconte la journée d’une famille syrienne vivant confinée dans son appartement. D’où est venu le désir de faire ce film ?

D’un sentiment d’injustice. Quand la Communauté Internationale s’est engagée en Libye avec tous les moyens nécessaires, militaires et politiques, au même moment, en Syrie, les manifestations pacifiques étaient réprimées par la terreur, et là, personne n’a bougé. Comme pour mon premier film, « Le Jour où Dieu est parti en voyage« , (suite…)

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