Né le 21 Novembre 1966 à Rennes
France
Acteur (théâtre, cinéma), scénariste, réalisateur
Le Passager, Carré 35
NOTE D’INTENTION
Tout commence sur le tournage d’un film. Le décor ce jour-là est un cimetière en Suisse. Marchant dans les allées, je me retrouve dans ce qu’on appelle le « carré enfant ». Devant ces petites tombes parsemées pour certaines de jouets noircis par le temps, émaillées de quelques mots gravés sur la pierre qui parfois ne comporte qu’une seule date, une tristesse profonde m’envahit. Je ne comprends pas : je n’ai aucune raison d’être dévasté par ces tombes d’enfants.
Une évidence m’apparaît aussitôt : je porte une tristesse qui n’est pas la mienne. Mais alors à qui appartient-elle ? Et pourquoi vient-elle jusqu’à moi ? C’est ce que j’ai essayé de savoir en écrivant ce film. Carré 35, c’est tout d’abord l’histoire d’un secret : ma sœur. Christine a été le premier enfant de mes parents. C’était avant ma naissance et celle de mon frère. Son existence et sa disparition nous ont été cachées. Et puis, comme dans toute famille, les secrets finissent par filtrer. C’est l’absence d’images qui, presque malgré moi, me décide à mener ma propre enquête. Mais comment avancer sans images ? Comment filmer une forme vide ? Comment rendre compte de la disparition de cet enfant ? Le cinéma n’est-il pas pourtant ce qui nous a habitués à vivre avec des disparus toujours vivants ? À travers cette histoire personnelle, je voudrais que l’on comprenne que c’est bien de nous tous dont je veux parler. C’est pourquoi cette quête suit des déviations inattendues qui nous mènent vers une réflexion plus absolue, plus universelle, celle de l’existence et de la mort, des images et de notre mémoire, de l’intime et de l’Histoire. Au cours de mes recherches, un élément s’est vite imposé : j’étais lancé dans une véritable investigation policière, faite de collectes d’indices, de confrontations de chiffres et de dates. Devant le silence des hommes, on est bien contraints de faire parler l’inanimé. La matière visuelle de Carré 35 emprunte donc à différents supports : films de famille en Super 8, photographies, documents officiels et administratifs, comme autant de pièces à conviction, sans oublier les images d’archives historiques. Et puis, la maladie inopinée de mon père et sa mort imminente ont précipité les choses et m’ont conduit à aller le filmer en toute urgence. Il me fallait aussi questionner ma mère, oser aborder véritablement le sujet avec elle, forcer l’entrée de notre mémoire familiale pour que celle-ci se «deshumilie ». Souhaiterait-elle enfin se délester de ce poids ? Ou garderait‑elle, définitivement, tout en elle ?
Éric Caravaca (dossier de presse)