Vitalina Varela

VITALINA VARELA

Portugal-2022 -2h 04min 

De Pedro Costa 

Par Pedro Costa, Vitalina Varela 

Avec Vitalina Varela, Ventura, Manuel Tavares Almeida 

Leopard d’or et Léopard de la meilleure actrice au festival de Locarno en 2019

Celle qui donne son nom au film est une Cap-Verdienne de 55 ans. Elle est grande, hiératique. Elle reste de marbre malgré l’épreuve : elle vient de débarquer à Lisbonne pour les obsèques de son mari, dont elle était sans nouvelles depuis vingt-cinq ans. La dernière fois, il avait promis de lui envoyer un billet d’avion pour le Portugal. Elle s’installe là où il logeait, dans sa bicoque de tôle et de briques d’un quartier délabré. Des voisins, fantômes rongés par la misère, défilent pour lui présenter leurs condoléances. Elle passe en revue ce que le défunt a laissé. Des fragments d’une existence chaotique, de combines, de déglingue, de disgrâce. L’épouse repense à cette solide maison qu’ils avaient commencé à bâtir ensemble, en plein soleil, là-bas au Cap-Vert, au temps de leur jeunesse .

Le film s’inspire directement de ce que Vitalina Varela, dans son propre rôle, a vécu. Pedro Costa poursuit là son travail d’exploration et de transfiguration de la communauté lisboète issue du Cap-Vert, entamé avec En avant, jeunesse ! (2006). Du cinéma âpre, intransigeant, proche du documentaire et qui s’en éloigne en même temps pour s’élever vers l’allégorie. On baigne dans un monde d’ombres et de spectres. Le gourbi devient grotte mythologique, la veuve, une divinité. Bien vivante, la seule peut-être à avoir encore les pieds sur terre, dans ce faubourg de ténèbres, de torpeur et de courants d’air. Où tout semble partir à vau-l’eau, mais où subsistent encore quelques maigres soutiens. À l’image de ce prêtre souffreteux et à moitié fou qui aide l’infortunée à enterrer son homme dignement.

Du sentiment de déréliction à la consolation, de l’amertume à la nostalgie : plusieurs états d’âme affleurent, transcendés par un art pictural de l’image, une science du clair-obscur. Les silhouettes découpées, le noir et les tons cuivrés frappent par leur intensité. C’est une œuvre de feu et de froid, qui réclame assurément d’être vue sur grand écran. Elle n’est pas facile de prime abord, mais l’envoûtement profond qu’elle suscite vaut largement qu’on s’y attarde. Jacques Morice (Télérama)

C’est en cherchant une maison pour tourner une scène de son précédent film (Cavalo Dinheiro, 2014), que Pedro Costa a frappé à sa porte à l’automne 2013. Son mari était mort en juin ; elle habitait dans sa maison et s’est d’abord montrée méfiante, craignant une intrusion de la police. À force de visites régulières et de discussions, se sont nouées une relation et la possibilité d’un film dont elle est beaucoup plus que l’interprète principale. « Le film, c’est elle », résume le cinéaste.L’interprétation que la non-actrice offre de son propre rôle est le fruit d’un travail harassant, dont Pedro Costa avance qu’aucun acteur de profession n’aurait pu le fournir. 

Si les films de fiction ayant pour titre le nom de leur héroïne ne manquent pas, y en a-t-il déjà eu dont le nom de leur personnage-titre est également celui de leur principale interprète ? Récompensée à Locarno en 2019 par le Léopard de la meilleure actrice, la Cap-Verdienne Vitalina Varela est aussi le personnage central de Vitalina Varela, distingué à ce même festival par le Léopard d’or du meilleur film.

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