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Fortunata de Sergio Castellito

Fortunata a une vie tourmentée, une fille de huit ans et un mariage raté derrière elle. Elle est coiffeuse à domicile, vit en banlieue, traverse la ville, entre dans les appartements bourgeois et colore les cheveux des femmes.Fortunata se bat tous les jours avec une détermination farouche pour réaliser son rêve : ouvrir un salon de coiffure et prendre en main son destin, conquérir son indépendance et son droit au bonheur. Fortunata sait que pour aller au bout de ses rêves, il faut de la persévérance : elle a pensé à tout, elle est prête à tout, mais elle n’a pas pris en compte la variable de l’amour, la seule force perturbatrice capable de faire vaciller toutes ses certitudes. Aussi parce que, pour la première fois peut-être, quelqu’un la regarde telle qu’elle est et l’aime vraiment…

Son prénom signifie « chanceuse ». Pourtant, Fortunata n’a pas une vie facile : coiffeuse à domicile dans la banlieue romaine, cette beauté populaire court partout, avec sa minijupe et ses talons hauts, pour accumuler l’argent nécessaire à l’achat du salon de ses rêves, laissant sa fille de huit ans grandir comme une herbe folle. Elle résiste tant bien que mal au père de la gamine, qui refuse le divorce avec violence. Elle tient aussi à bout de bras un ami, un frère, tatoueur et égratigné par la vie. Un jour, Fortunata rencontre un homme bien (Stefano Accorsi). Aura-t-elle droit à son miracle à Rome ?

Le comédien Sergio Castellitto, ­passé depuis des années à la réalisation, réussit son plus beau film : un ­mélo solaire qui oscille entre comédie et drame à l’italienne avec des motifs de tragédie antique (Hanna Schygulla en vieille actrice divaguant). Dans une Rome périphérique devenue étonnamment chinoise, il ose des moments ­baroques, inspirés par le petit peuple italien. Surtout, sa mise en scène épouse l’énergie farouche de son héroïne, sensuelle « mamma Roma » aux cheveux blonds décolorés. Et si le rimmel de Fortunata coule toujours un peu, ce n’est (presque) jamais à cause des larmes, mais à cause de la sueur du labeur, de la ténacité à s’émanciper. Dans le rôle, Jasmine Trinca est renversante, évoquant à la fois la Sophia Loren des films de Mauro Bolognini et Ettore Scola et la Gena Rowlands d’Une femme sous influence, de Cassavetes. A travers elle, Castellitto rend au mot « fortune » un sens fort : cette chance qu’il faut ­arracher avec les dents si au grand ­loto de la vie le destin vous a oublié.

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MAKALA

MAKALA

Emmanuel GRAS – France – 2017 – 1h36   

Documentaire avec Kabwita KASONGO

Un Congolais part vendre son précieux charbon. Y parviendra-t-il ? Un documentaire qui bascule vers la fiction. Propos de l’auteur recueillis par Cédric Lépine :

Emmanuel Gras : L’aspect politique des choses dans ce film reste vrai en dehors de la réalité spécifique même du Congo. Je cherchais plus à montrer une condition de vie qu’une réalité sociale au Congo. Je pense que j’aurais pu faire le même film dans d’autres pays d’Afrique, parce que la question du bois, de l’énergie est présente partout. La dimension politique du film consistait à demander, à travers le parcours d’un homme, ce que signifie travailler pour vivre. Ainsi, tout le projet du film au départ était beaucoup plus matérialiste que le résultat final. Je souhaitais montrer tout l’effort et ensuite le résultat de cet effort. C’est pourquoi apparaissent toutes ces discussions sur les prix pour comprendre le prix des choses. La dimension politique du film est précisément là. Au cours du tournage, j’ai découvert qu’en suivant la réalité d’un homme on découvrait progressivement la réalité d’un pays : on voit ainsi, par exemple, la corruption plus ou moins officielle du pays. Mon but consistait à faire un film de cinéma où l’on suit une histoire et non pas de faire une étude journalistique sur les réalités d’un pays d’Afrique. (…)

 J’avais la volonté de suivre quelqu’un non pas pour montrer un individu seul, mais parce que je trouvais que c’était la meilleure manière de raconter une histoire en suivant l’effort d’une personne. Je voulais que l’on s’attache physiquement à lui en mettant en scène différentes sensations en dehors de toute considération du rapport de l’individu au collectif. En ce qui concerne la manière d’intégrer ce personnage au village, il ne s’agit pas d’une volonté absolue de le montrer seul. J’avais filmé d’autres scènes où on le voit en lien avec le reste du village, buvant des coups avec ses amis, lors de réunions avec le chef du village… Comme ma ligne directrice consistait à montrer le travail, j’ai peu à peu resserré le cadre sur lui et sa famille. (…) Il n’y a aucune structure venant de l’État auquel se rattacher. C’était pour moi évident que ce contexte apparaisse dans le film. (…) Kabwita a fait plus qu’être un sujet de film : il est devenu acteur du film au sens où il a été totalement participatif des scènes. Il a été créateur d’un événement. Je pense aussi que le film était pour lui l’occasion de se mettre en scène de la manière dont il voulait se montrer. J’aime beaucoup cette idée selon laquelle le documentaire consiste à filmer des acteurs qui jouent eux-mêmes leur vie. J’ai filmé un héros et je voulais qu’il apparaisse ainsi au générique.

Prochain Ciné débat : le lundi 29 janvier dans la salle après la séance de 19h30 ou 20h, sur le film INTRUSA

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les gardiennes

Les Gardiennes

Sorti le 6 décembre 17. 2h14

De Xavier Beauvois

Avec Nathalie Baye, Laura Smet et Iris Bry

Des femmes sans hommes, sept ans après Des Hommes et des dieux, du même Xavier Beauvois. Des femmes dans une ferme, il y a un siècle, pendant la Première Guerre mondiale. Voir Les Gardiennes,c’est s’embarquer, à tous égards, pour un voyage dans le passé. L’auteur du roman adapté (1) , ErnestPérochon (prix Goncourt en 1920 pour un autre livre, Nêne), a sombré dans l’oubli. Le monde représenté, la vieille paysannerie française, est presque effacé. La correspondance est donc complète entre le travail de la terre échu aux héroïnes, si concret, si lent, et la patience de Xavier Beauvois construisant son film comme un mur de pierres sèches : l’ampleur, l’intensité ne se donnent pas d’emblée. Peu à peu, la singularité du film se déploie : cette parenthèse hors du temps, pendant des saisons, des années. Ces vies suspendues à une éventuelle mauvaise nouvelle, et où tout est reporté à un hypothétique « après la guerre », prononcé comme une formule magique.Xavier Beauvois et son opératrice Caroline Champetier filment magnifiquement les visages : Laura Smet (la fille aînée), Cyril Descours (le fils cadet) n’ont jamais paru aussi vulnérables et vrais. Mais la meilleure part tient à un événement dont le cinéaste a indiqué qu’il était en partie survenu durant le tournage. Dans le rôle de l’orpheline, recrutée par les fermières pour pallier l’absence des hommes, la débutante Iris Bry, mélange de modestie et d’éclat, devient, irrésistiblement, la véritable héroïne des Gardiennes. C’est une affaire d’aura, puis de présence effective à l’écran. D’où l’impression rare d’assister à la réécriture de l’histoire, à la réinvention du film en cours de route.D’après Télérama

Xavier Beauvois s’attache ici à la communauté de ces femmes soudées par la nécessité de survivre, loin des champs de bataille qui leur confisquent leurs hommes. Comme toujours Beauvois a su choisir des actrices magnifiques, emmenées par Nathalie Baye (qu’il avait déjà dirigée dans Le Petit lieutenant, avec un César à la clé) et Laura Smet, qui incarnent à la perfection ces deux femmes ambivalentes, pas faciles, pas forcément sympathiques mais d’une force, d’une détermination incroyables. Et bien sûr, à travers le destin des femmes se démenant comme elles peuvent à l’arrière, le film évoque la cruauté du sort réservé à tous les hommes broyés par cette absurde tragédie que fut la « grande Guerre », traumatisme majeur du vingtième siècle. D’Après Utopia

La précision de la direction d’acteurs nous permet de nous attacher à une Nathalie Baye (Hortense), à peine reconnaissable et impressionnante sous les traits de cette femme d’un autre temps, à la fois forte et déboussolée face à la génération suivante qui entend bien tirer profit de cette situation imposée pour gagner quelque liberté tant sociale que sexuelle. Outre la finesse de jeu de Laura Smet, on reste subjugué par le naturel de la novice Iris Bry. Bien qu’il s’agisse de son premier passage devant la caméra, elle finit par s’octroyer le premier rôle et par devenir imperceptiblement l’âme du film. D’après Avoir Alire

 

 

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L’Intrusa

 

Semaine du 25 au 30 Janvier

Un film de  Leonardo Di Costanzo

Italie –  2017 – 1h35 – VOST

Avec : Raffaella Giordano

           Valentina Vannino

           Martina Abbate

             

  L’INTRUSA

Ciné Débat le 29 Janvier après le film

Quelque chose d’un peu coupant, brouillon, colle aux premières séquences du film de Leonardo Di Costanzo, Agitée dès l’orée, cette fiction – du cinéaste italien coutumier du genre documentaire – en une âme aux contours cabossés, semble quêter refuge pour reprendre son souffle. On se demande bien où l’on arrive. Dans un quartier populaire de la banlieue de Naples, des tours de béton jaune soleil aux multiples fenêtres encerclent de plus petits et modestes immeubles d’un centre d’accueil pour enfants. Giovanna, éducatrice bénévole, en est la gardienne à la chevelure acier et au regard vif tel un ciel dégagé et secret.

La police s’introduit dans ce lieu de solidarité pour arrêter un homme lié à la Camorra, responsable du meurtre d’un individu pris pour cible par erreur. Le coupable laisse une femme, Maria, sa jeune fille et son bébé derrière lui, dans ce centre où beaucoup vont vouloir qu’ils partent au plus vite, effrayés par les circonstances et les possibles retombées. Giovanna lutte pour qu’il en soit autrement. Outre la gestion des enfants et des querelles, des ateliers créatifs que l’éducatrice mène avec d’autres intervenants pour créer de grandes fresques murales et autres façonnages artistiques (comme ce pédalo géant et homme ferraille nommé Mr. Jones), elle se tient en figure phare antimanichéenne, visage de nuances et d’acceptations. Selon elle, chacun doit apprendre et changer pour l’autre. Les enfants, bruts et à la fois innocents, y arrivent même mieux que les plus grands.

Le portrait naturaliste que Di Costanzo fait de cette situation est humble, sans enjolivures. Il se pose près des colères et des gestes de soutien puis donne sa confiance à toutes les respirations présentes car aucune n’est forcée, stylisée, appuyée pour faire monter le drame. Le refuge pour les défavorisés forme ce terrain où les émotions se diffusent sans grand problème. Au bord de la route, Giovanna refuse poliment qu’on la dépose chez elle. Le cours du film se trouve là, dans cette déambulation qui n’a pas besoin d’être emmenée au plus vite. Cette femme compte sur le temps pour que la tolérance se fasse, que les maux guérissent. Verra-t-elle juste ? La réponse à cette question n’est pas de notre ressort, semble-t-il presque pas de celui du cinéaste non plus. Le récit est une fiction bel et bien ficelée, écrite et poétique tout en frôlant l’aspect d’un flux documentaire où chaque réponse semble authentiquement décidée par les âmes qui le traversent.

Les petits bâtiments qui forment ce foyer imitent les plus grands environnants. Des trompe-l’œil d’immeubles sont peints sur les murs, s’affublent de fenêtres allumées et promettent plus de vies encore, plus d’habitants. Derrière tout cela se trouve l’Intrusa et le vœu d’un monde moins étriqué, plus vaste. Et à Di Costanzo de nous emmener au cœur d’un abri pourtant si délimité, monde miniature de cohabitation et théâtre des sentiments, qui n’a besoin ni de tout ni de trop pour dessiner le lieu du vivant.

                                                                                                                          

Horaires sur les sites cinecimes.fr

ou cinemontblanc.fr

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Un Homme Intègre

 

 

 

UN HOMME INTEGRE

Un film de Mohamed Rasoulof

Iran 2017.1h57.vost

Avec Reza Akhlaghilrad, Soudabeh Beizaee, Nazim Adabi

Disons le tout de suite, ce long métrage de Mohamed Rasoulof dont on avait apprécié le précédent opus  AU REVOIR, est une œuvre majeure du cinéma iranien.

L’argument est simple et très « western ». Reza avec femme et enfant a pris ses distances avec les jeux de pouvoir et d’argent, la corruption généralisée qui gangrènent son pays. Il a monté à la campagne une entreprise de pisciculture en eau douce. Tout va pour le mieux jusqu’au jour où une compagnie privée décide d’acquérir son terrain par tous les moyens.

Reza n’est pas du genre à se laisser faire, il est sûr de son bon droit et utilise des armes conformes  à ses valeurs morales. Pot de terre contre pot de fer, la lutte apparait vite inégale. Reste une solution : utiliser les mêmes armes que l’adversaire. Mais a-t-on le  droit de piétiner ses convictions, de prendre le risque de perdre sa dignité pour défendre son bonheur ? En a-t-on le droit ou le devoir ?

La dénonciation du système mafieux qui met en réseau police, justice, banques au service d’intérêts privés est implacable; la démonstration kafkaïenne.

Le film est noir mais le montage fait alterner des séquences démonstratives toutes de violence contenue avec de beaux moments de respiration, de silence. Récurrence de la source, de l’eau qui purifie.

Le film est fort, la mise en scène irréprochable, les acteurs ont un charisme ravageur et le tout entre en résonnance avec l’actualité de la situation en Iran.

Au passage saluons la détermination et le courage du réalisateur qui est sous la menace d’une peine de prison pour cette dénonciation sans concession.

Prix « Un Certain Regard » Cannes 2017

 

 

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In The Fade

 

Sélectionné au Festival de Cannes 2017 et récompensé par le prix d’interprétation féminine attribué à Diane Kruger impressionnante dans son rôle, « In The Fade » est un film qui dérange et fait réagir.

Fatih Akin secoue et émeut avec ce film efficace découpé en trois parties, un mélodrame inspiré du mélo allemand, très contrasté avec des cadrages amples, puis un film de procès à la Costa–Gavras, très écrit et enfin un film de vengeance mais plus poétique et plus doux car on reste collé à cette héroïne, précise le réalisateur. Le chagrin de cette femme qui a perdu son fils et son mari dans un attentat, est vite devenu pour lui l’objet essentiel du film. « Le film est une ode à cette mère. On ne sait jamais rien sur les familles des victimes, je voulais leur donner un visage. C’est aussi ça, la responsabilité du cinéma. »

Il n’y a que des coups à prendre en se lançant dans un tel projet au cœur de notre monde occidental dominé par les attentats à répétition et d’autant plus en choisissant de parler non d’un acte perpétré par Daech mais par des militants fascistes allemands. « Un cinéaste d’origine turque qui fait un film où une blonde allemande pourchasse des nazis… Je pense en effet que cela dérange certaines personnes » dit –il.

Fatih Akin n’a jamais aimé la demi-mesure équivoque. Pour le réalisateur « d’ Head on » (Ours d’or au Festival de Berlin 2004), le cinéma est un combat social et politique lui permettant de faire passer ses convictions et ses engagements sans caresser le spectateur dans le sens du poil et avec un côté bulldozer qui n’évite pas, parfois, certaines sorties de route. Fallait-il nuancer les comportements extrêmes des terroristes au risque de paraître les excuser ? Ou montrer leur inhumanité au risque de paraître caricatural ? La réponse d’Akin est claire. Il prend parti et pousse le spectateur à faire de même. A être emporté ou agacé par ce qu’il voit. Que faire lorsqu’un verdict judiciaire vous semble d’une injustice insoutenable ? Akin ne dit pas que la décision de son héroïne est la bonne mais il accompagne au plus près la logique de ce personnage. Voilà pourquoi le film a divisé les critiques à Cannes.

Fatih Akin leur répond « J’ai l’impression que les critiques veulent le mode d’emploi des films. Je ne vais certainement pas leur expliquer de quoi parle mon film. C’est un film généreux, comportant différents niveaux de lecture. Chaque spectateur peut choisir le thème qui lui parle le plus »

Ses admirateurs retrouveront d’ailleurs des constantes de son cinéma, de son attachement à la communauté turque à l’utilisation de la mer comme symbole de mort. De plus, il utilise avec bonheur les mélodies composées pour le film par Josh Homme, le leader des Queens of Stone Age.

D’après l’interview de Fatih Akin dans Première et les critiques d’avoir à lire, d ’express.fr et télérama.fr

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12 Jours

 

A chacun de ses nouveaux films, la magie opère comme si c’était la première fois ; sans doute parce que Depardon aborde chaque nouveau sujet avec la modestie qui le caractérise et avec une curiosité, un intérêt pour les hommes et les femmes qu’il filme que rien ne semble altérer : ni le temps, ni le succès. C’est la marque des grands réalisateurs que de savoir se réinventer tout en demeurant fidèle à leur démarche et dans le cas de Depardon à un principe essentiel de bienveillance.

L’action se situe dans les couloirs d’un  hôpital psychiatrique, froids, impersonnels, anxiogènes, témoins muets des souffrances psychiques, des errances intérieures, du mal à vivre en paix, du mal à vivre ensemble. C’est ici que l’on mène souvent par force des personnes qui peuvent présenter un danger pour elles-mêmes, pour les autres ou provoquer des troubles à l’ordre public.
Depuis la loi du 27 septembre 2013, les patients hospitalisés dans les hôpitaux psychiatriques doivent être présentés à un juge des libertés et de la détention avant 12 jours  puis tous les 6 mois si nécessaire. Un juge doit donc évaluer avant la fin des douze jours d’hospitalisation et en étroite collaboration avec les experts médicaux si l’hospitalisation doit se poursuivre, s’arrêter ou s’adapter. C’est ce temps particulier dans le parcours judiciaire et médical des patients / justiciables que Depardon a choisi de filmer, cet instant bref et pourtant décisif où beaucoup de choses vont se jouer.

C’est une humanité cabossée, en situation d’extrême faiblesse que nous montre Depardon.

Filmant toujours au plus près des visages qui se crispent, qui se racontent malgré eux, qui souffrent et espèrent que le réalisateur nous raconte un domaine de la justice assez méconnu, qui pose mille questions sur cette mission délicate de la protection, mais aussi sur la prise en charge de ces êtres parmi les plus fragiles de la société.

Souvent  bouleversant, « 12 jours » est un film essentiel et précieux pour mieux vivre ensemble.

Critique UTOPIA

Présenté à Cannes hors compétition.

Prochain ciné débat : le lundi 11 décembre autour du film « La villa » après sa projection.

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Jeune femme

Le prochain film :                                                                         CINE CIMES                                                                              Semaine du 23 au 28 novembre 2017                                          Université Populaire Sallanches Passy

JEUNE FEMME

De Léonor Serraille – France – 1h37

Avec Laetitia Dosch, Léonie Simaga, Souleymane Seye Ndiaye, Grégoire Monsaingeon, …

Lauréat de la Caméra d’Or au Festival de Cannes 2017, ce film va enfin mettre en lumière Laetitia Dosch, cette comédienne inclassable, dont la singularité et la puissance de jeu éblouissent.

Parisiens, attention, voilà Paula. Fraîchement débarquée du Mexique, où elle a vécu dix ans avec son amoureux photographe, la «Jeune Femme» — c’est le titre du film — redécouvre la capitale. Mais pas vraiment dans des conditions optimales : l’amoureux en question vient de la plaquer. Sans attache, meurtrie, larguée dans cette grande ville qu’elle ne connaît plus, Paula va entamer une longue errance avec le chat qu’elle a piqué à son ex pour seul bagage. Elle fait une crise en pleine rue et se blesse. Elle est conduite aux urgences où elle est examinée par un médecin compatissant. Peu de temps après, Paula, combative, est bien décidée à se faire une nouvelle vie. Son tempérament instable et l’indifférence des Parisiens lui rendent la tâche difficile… Mais pas question de se laisser abattre : Paula a la rage, et elle le fait savoir. Elle a tendance à s’incruster, d’abord chez sa belle-soeur, puis dans un hôtel miteux, ou chez une fille qui la prend pour une vieille amie disparue…

Un premier film,  surprenant et haletant, que Laetitia Dosch porte sur ses épaules. Il y a du Gena Rowlands en elle. Et du Patrick Dewaere. Tout ça ? Oui. C’est en tout cas l’avis de Léonor Serraille, auteur de JEUNE FEMME, qui recherchait une actrice capable de paraître forte,  battante, tout en dévoilant sa fragilité. C’est aussi son côté multiple qu’a aimé la réalisatrice  en la googlisant. Elle change de visage comme de chemise et saura donc passer par plein d’états différents, comme Paula. Au début, son hystérie insupporte et puis on comprend qu’elle est dans une situation de détresse et de précarité totale. On apprend à la connaître, on la voit se débattre avec panache. C’est rare les personnages qui surprennent à ce point. En livrant le portrait d’une jeunesse dans la précarité,  la réalisatrice est en phase avec son époque et son âge.

Depuis la présentation du film à Cannes en mai, l’heure de la reconnaissance a enfin                                                                                         sonné pour Laetitia Dosch qui, déjà en 2013,  excellait dans La Bataille de Solférino.  Son jeu est physique. Elle s’exprime avec son corps. « J’aime surtout quand le corps contredit ce que les mots racontent, précise-t-elle ». Surprendre, aller là où personne ne l’attend, voilà son moteur. On a beau la comparer aux plus grand(e)s, c’est avant tout sa singularité que cultive Laetitia. Libre, insaisissable, elle ne ressemble à personne d’autre qu’à elle-même. Et il n’y a aucune raison que cela change.                                                                                  – Critique de STUDIO CINE LIVE –

Cinédébat le lundi 11 décembre à la fin de la projection

A propos du Film « LaVilla » de Robert Guédiguian

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La villa

Dans un paysage splendide de théâtre  marin, surplombant par un viaduc ferroviaire, qui donne au récit l’aspect d’une tragédie antique, deux frères et une sœur sont réunis autour de leur père gravement malade. Au fond d’une calanque  splendide, la maison familiale et le petit  restaurant ouvrier, cuisine généreuse et pas chère, gérée par le père et l’un des frères, pourront – ils encore résister à  la spéculation immobilière ? Dans ce huis clos à ciel ouvert, vont alors s’exprimer les rancœurs et les reproches rentrés depuis des décennies mais aussi, à  l’inverse, se reconstruire des liens distendus par les années, l’Eloignement et les parcours si différents.

Dans ce film lumineux, Robert Guédiguian aborde des thèmes universels : le temps qui passe, le choix assumé pour une fin de vie, les choix de vie que l’on regrette ou pas, le respect ou le renoncement à  ses idéaux, les illusions perdues, l’importance des liens familiaux ou amicaux, la capacité à  entamer sur le tard une nouvelle vie en fonction des événements qui peuvent faire dévier des parcours tout tracés. Ici un événement va bouleverser la vie de cette fratrie : la découverte de trois jeunes migrants cachés dans la calanque.

Robert Guédiguian ne pouvait pas faire un film aujourd’hui sans parler des réfugiés. Le réalisateur confie à  ce sujet : « On vit dans un pays ou des gens se noient en mer tous les jours. Et je choisis exprès le mot « réfugiés ». Je me moque que ce soit pour des raisons climatiques, économiques, ou à  cause d’une guerre, ils viennent chercher un refuge, un foyer. Avec ces trois petits qui arrivent, peut-être la calanque va-t-elle revivre ? Angèle, Joseph et Armand vont rester là  avec ces trois enfants à  élever, et ils vont essayer de faire tenir le restaurant, la colline et leurs idées du monde… Et maintenir des liens entre quelques personnes… donc de la paix. »

 Ce film a reçu de nombreux prix : Lion d’or, Grand prix du jury et prix du scénario à  la Mostra de Venise, prix Marcello Mastroianni.

 

Texte d’après les critiques : Utopia, Télérama, Allociné

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Carre 35

 

Carré 35

Carré  35 est une histoire insensée, renfermant des morts cachés, comme dans une série noire.  Il y ressemble, d’ailleurs. Le privé, ce pourrait être Eric Caravaca, enquêtant sur sa propre famille et sur lui-même. A quand remonte le jour ou il a appris l’ existence de sa sœur ainée, morte à 3 ans, avant la naissance de son frère et la sienne ? C’était sans doute chez ses oncles et tantes espagnols, mais il ne saurait le dire avec exactitude, on parlait d’ elle trop vaguement. Aucune photo de cette fillette n’ existe, comme si on avait voulu tout effacer. Pourquoi ? Mais Christine est enterrée au Carré 35, la partie française du cimetière de Casablanca. L’ acteur-réalisateur se met à  enquêter. Il se rend sur place, au Maroc, recherche dans les films de famille, les pièces d’état civil, pour savoir si ce qu’on lui dit est vrai. Il interroge ses proches en tête à  tête. Son frère, puis son père. Enfin, sa mère. Une femme altière, ayant gardé une part de cette beauté qui Éclate dans les images aux couleurs pastel du super-8, au temps béni des jours heureux, lors de son mariage ou sur une plage. C’est elle qu’on entend le plus. Mais elle esquive, escamote. Son fils insiste, elle contrôle. C’est elle qui le tient. On a rarement vu  à l’écran le déni aussi bien saisi, capté dans la continuité.

La vérité, Eric Caravaca la traque ailleurs, en mettant au jour d’autres fardeaux, ou la petite histoire croise la grande. Il est question de la colonisation, du Maroc, de la guerre d’Algérie : épisodes honteux, enfouis eux aussi, liés aux crimes des soldats français, que des images d’archives viennent rappeler. C’est la force de Carré 35 que de mettre en parallèle des événements très personnels et la mémoire collective. De voyager à travers le temps et les pays, pour rejoindre certains lieux magnétiques, comme cette maison dite de « l’Oasis » à  Casablanca, qui semble receler une part du secret familial.

Carré 35 est un film habité. Hanté, même. Qui ose la transgression  lorsque le cinéaste filme la dépouille de son père, mort durant le tournage. Mais ou dominent, malgré© tout, douceur, rigueur, élégance. Chaque mot est pesé, chaque note de musique (de Florent Marchet), pensée. Rien en trop. Pas de déballage de linge sale : Eric Caravaca ne règle pas ses comptes. Il ne veut pas la guerre, mais plutôt une forme de paix. De recueillement. Celui-là  même qu’il instaure en érigeant une sorte de tombeau à  sa grande petite sœur. Sans se cantonner à  l’obscurité. Au contraire, il tend vers la lumière et atteint, un jour de plein soleil ou réconciliation et réparation ne font plus qu’un.

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