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Archives pour avril 2023
lAlma Viva 10eme film de la programmation
ALMA VIVA
De Christèle Alves Meira, 1H28, film français, portugais et belge
Avec Lua Michel, Ana Padrao, Jacqueline Corado
Alma viva est une Histoire simple et âpre, elle se déroule dans un village du Portugal niché au creux des montagnes : les hommes l’ont quelque peu déserté, les femmes y ont du caractère, les croyances la vie dure, le verbe de la truculence.
Alma Viva est un film profond, cocasse et direct qui appelle un chat un chat, montre les cadavres dans les cercueils, les viscères des poissons (pêchés par explosif), les corps nus des vieilles dames durant la toilette.
Alma viva est un film aux contours énigmatiques qui parvient à réunir en un seul geste le trivial et le spirituel, la rudesse du quotidien et l’éclat joyeux d’une chanson. Dans ce tableau où règnent le désordre et un équilibre précaire, la violence des sentiments et des coups de sang ne porte guère à conséquence, l’humour venant chaque fois dévier le drame
Une petite fille nous y guide : Elle se nomme Salomé (admirable Lua Michel, propre fille de la réalisatrice)) et, comme chaque été, elle passe ses vacances dans la maison familiale de sa grand-mère. Ici, au milieu des montagnes, la vie semble immuable, les querelles entre voisins se prolongent d’une année sur l’autre. Silencieuse et sérieuse observatrice, la gamine circule au milieu de ce petit monde, sans trop se faire remarquer. Le spectacle de ce théâtre du quotidien l’interroge autant qu’il la construit, l’occupe et la tourmente un peu – surtout les croyances sur les morts et leurs esprits. La mort soudaine de la grand-mère (qualifiée de sorcière) va réveiller les vieilles rancœurs au sein du village, et dans la famille. Au milieu des disputes, qui émaillent la préparation des obsèques, la petite fille se sent hantée par l’esprit de cette grand-mère, elle voit ce que les autres ne voient pas, crée un dialogue entre visible et invisible, se fait à son tour traitée de Sorcière et finit par trouver sa propre voie.
Peinture d’un village portugais a la croisée des légendes et des croyances, Alma Viva est une ode à la vie.
D’après la critique du Monde, lors de la sortie du film à la Semaine de la critique à Cannes en 2022
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Le Capitaine Volkonogov s’est échappé
LE CAPITAINE VOLKONOGOV S’EST ÉCHAPPÉ
Film russe de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov-2022-2h05-VOST
Avec Yuriy Borisov, Timofey Tribuntsev, Nikita Koukouchkine, Alexandre Yatsenko, Natalya Krudiashova…
1938. Union soviétique. Depuis août 1936, les purges staliniennes font rage. Aux commandes de la saignée, tapi au fond de son bureau de la Loubianka, quartier général de toutes les polices politiques soviétiques puis russes, de la Tchéka à l’actuel FSB en passant par le NKVD puis le KGB, prison de sinistre mémoire russe où furent enfermés, torturés et exécutés des milliers de prisonniers, Lejov multiplie arrestations arbitraires, tortures et exécutions sommaires. C’est alors le NKVD, le Commissariat du peuple aux Affaires intérieures, qui officie. Une vague d’extermination hors-normes, la Grande Terreur d’août 1936 à novembre 1938, qui exige des hommes aux nerfs d’acier et peu enclin au vague à l’âme. Parmi eux, le jeune capitaine Volkonogov, la vingtaine musculeuse, crâne rasé, un sourire d’ange sur une gueule de Spetsnaz. Ni meilleur ni pire que ses condisciples. Sauf que les purges, c’est comme les révolutions : elles finissent souvent par dévorer leurs propres enfants. L’ambiance devient vite pesante au sein de l’unité du capitaine. C’est d’abord le suicide par défenestration du commandant Gvozdev, le supérieur de Volkonogov, puis un camarade convoqué qui ne revient pas de sa pause-déjeuner, puis un second, et Volkonogov, qui connaît la maison, sait qu’il sera le prochain. La loyauté au Parti ayant ses limites, il s’enfuit sans autre plan que celui de sauver sa peau, pour une heure, pour un jour, pour une semaine de plus, avec une espérance de vie plus maigre que celle d’un Zek… Pris immédiatement en chasse, le capitaine court à travers Leningrad, après avoir dérobé un de ses dossiers contenant 98 fiches de condamnés. Il a eu une vision : s’il veut aller au paradis, il doit obtenir le pardon des proches des victimes qu’il a tuées. Méthodiquement, il se rend à chaque adresse, où bien évidemment il n’est pas franchement bien accueilli. L’acteur trentenaire Yuriy Borisov, déjà vu dans Compartiment numéro 6, joue ici une partition difficile : celle d’un homme suffisamment naïf pour penser qu’il pourrait être absout des atrocités qu’il a commises…
Ce film difficile, à l’atmosphère étrange, aux tons rouges comme les tenues flamboyantes des agents du NKVD, comme les murs de briques des façades décrépites des arrière-cours et des usines fatiguées, aux accents orwelliens, est interdit dans la patrie de Vladimir Poutine…
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Toute la beauté et le sang versé
TOUTE LA BEAUTÉ ET LE SANG VERSÉ
Film américain de Laura Poitras-2022-documentaire-1h53-VOST-
Lion d’or à la Mostra de Venise 2022-meilleur film documentaire au festival international du film de Stockholm 2022.
Avec Nan Goldin…
Tout comme l’avait fait 120 Battements par minute de Robin Campillo, le film s’ouvre sur les images d’une intervention d’activistes dans une salle du Met, un des plus grands musées new-yorkais. Puis il effectue un retour sur la vie de Nan Goldin à travers ses œuvres et ses luttes. Née en 1953 à Washington, Nancy Goldin connaît une enfance malheureuse face à des parents conformistes et dépassés. Sa grande sœur est placée en institution et se suicide. Marquée par ce drame, elle quitte sa famille très jeune. À quinze ans elle s’initie à la photographie, poussée par un de ses professeurs. Nan Goldin fait face à sa vie et aux divers milieux dans lesquels elle évolue sans jamais baisser les yeux. Ses photos prises sur le vif documentent le milieu underground new-yorkais à partir des années 1970 : drogue, prostitution, mouvements gay, travestis et lesbiens, violence conjugale, crise du Sida au cours de laquelle disparaissent nombre de ses amis. Ses œuvres sont aujourd’hui présentes dans les plus grands musées du monde. Rendue célèbre par son projet The Ballad of Sexual Dependancy (1979-1986), chronique des rapports amoureux, immersion crue dans son intimité et celle de ses proches, composée de plus de huit cents diapositives projetées en boucle et accompagnées de musique, Nan Goldin n’a jamais eu besoin de personne pour se mettre en scène et montrer ce que les États-Unis passaient sous silence : drogue, prostitution, œil au beurre noir après coït, Sida… Dans les années 2010, elle connaît une période d’addiction à l’Oxycodone ou Oxycontin. Elle mène alors, dans le cadre de l’association P.A.I.N. qu’elle a fondée, des actions contre la famille Sackler, propriétaire de la firme Purdue Pharma, qu’elle juge responsable de la mort de nombre d’américains. Son combat aboutit au retrait du nom de la famille Sackler de plusieurs grands musées qui leur avaient consacré des salles ou des ailes entières pour les remercier de dons importants. Pour la première fois, la photographe de 69 ans confie un bout de sa vie à une autre : Laura Poitras. Cette documentariste bostonienne de dix ans sa cadette mène une critique radicale de la société grâce à ses indéniables qualités d’investigation. Ce documentaire présente donc ce combat de Nan Goldin depuis 2017 contre les opioïdes aux États-Unis, où ces médicaments ont rendu les américains dépendants. On estime le nombre de décès à plus de 500 000 morts aux États-Unis…
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Sur l’Adamant
SUR L’ADAMANT
De Nicolas Philibert
Documentaire
France 2022 1H49
Ours d’or Berlin 2023
La péniche Adamant, amarrée rive droite de la Seine, en plein coeur de Paris, est un centre de soins , tout de verre et de bois, de 650m2…Il s’agit d’un centre psychiatrique de jour, destiné aux patients sortant d’hospitalisation, et ayant besoin d’un encadrement spécifique avant leur retour à la vie en société avec des repères, et des pratiques qui leur redonnent confiance : ateliers, réunions, simples discussions quotidiennes….
Il en ressort une «ébullition» que le film restitue sans chercher à la structurer artificiellement. On y découvre l’imagination des uns, les talents artistiques des autres, mais aussi leur humour et leur sensibilité, leur poésie et leur vulnérabilité qui nous renvoie à la notre.
Cet établissement flottant met patients et soignants dans le même bateau! au sens propre et figuré…L’eau qui entoure ce lieu de transition apporte un apaisement , une ouverture, une lumière.
La caméra de Nicolas Philibert n’est jamais intrusive, et cherche toujours à équilibrer la relation entre celui qui est regardé et celui qui observe. Elle donne la parole aux patients et établit avec eux une relation privilégiée. Ceci permet aux filmés de s’offrir au regard extérieur, et aux spectateurs d’accéder à la personnalité et à la dignité de chacun. Il n’y a aucun commentaire ni mise en contexte. Ce film est le premier d’une trilogie consacrée à la psychiatrie.
Nicolas Philibert réalise des documentaires depuis 1978, et a été surtout connu du public après son film Etre et Avoir qui filmait la vie quotidienne d’une classe unique dans un petit village du massif central, film sorti en 2002 et multiprimé, mais aussi La maison de la radio en 2012, et De chaque instant en 2018 décrivant l’apprentissage d’élèves infirmiers.
D’après «La Gazette Utopia».
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Chili 1976
CHILI 1976 de Manuela Martelli – Chili – 1h35 – VOST Avec Aline Kuppenheim, Nicolas Sepulveda, Hugo Medina, Alejandro Goic…
1976, soit trois ans après le coup d’État qui, avec l’appui des États-Unis, a renversé le gouvernement du Président Salvador Allende et porté Augusto Pinochet à la tête du CHILI, la junte militaire tient le pays en coupe réglée. Interdiction des syndicats et des partis politiques, couvre-feu, abolition de la liberté de la presse, censure, traque des opposants… La limitation drastique des libertés individuelles, l’instauration d’une dictature féroce sont le terreau sur lequel peut fleurir le fameux « miracle » chilien, qui fait le bonheur et l’admiration des chantres de la libéralisation à marche forcée de l’économie. La bonne bourgeoisie chilienne, qui en est la principale bénéficiaire, s’accommode fort bien d’un régime musclé qui, au nom de la lutte contre le communisme, intensifie la répression contre ses opposants, arrêtés, exilés, torturés ou exécutés.
Carmen (remarquable Aline Küppenheim), fait partie de ces privilégiés qui vivent plutôt bien sous Pinochet. Mère et grand-mère comblée, fière épouse d’un chirurgien renommé, catholique sincère, elle regarde sans vraiment la voir la violence d’État qui s’exerce à tous les coins de rue. Comme elle côtoie sans vraiment la comprendre l’opposition qui tente de s’exprimer, aussitôt muselée, réprimée. Pour l’heure, sa principale occupation consiste à superviser les travaux d’aménagement de sa résidence secondaire en bord de mer. Là, à l’écart du bruit et de la fureur de la capitale, vont et viennent ses enfants et petits–enfants, pour d’insouciantes retrouvailles familiales, tandis qu’elle consacre son temps libre à ses bonnes œuvres aux côtés du brave curé de la paroisse. Lequel brave curé lui demande un beau jour de prendre soin avec lui d’un jeune homme, grièvement blessé, qu’il héberge en grand secret. Toute dévouée à sa morale chrétienne et en cachette de sa famille, Carmen prend en charge le garçon, dont le prénom n’est vraisemblablement pas le prénom,dont l’histoire n’est sans doute pas exactement celle que lui a contée le prêtre. Et à son contact, elle commence à entrevoir l’envers du décor du « miracle » chilien.
Écrit et réalisé comme un polar intimiste (d’après le récit autobiographique d’une grand-mèrechilienne), le film de Manuela Martelli brosse, avec délicatesse et une belle palette de nuances, le portrait de Carmen – et à travers elle celui du CHILI de ces années-là. Par petites touches, la réalisatrice raconte les ambiguïtés, les antagonismes d’une bonne société pour qui la peur-panique du communisme a justifié l’instauration d’un État d’urgence et permet toutes les exactions – mais se marie difficilement avec les préceptes de l’Église. Laquelle est violemment partagée entre une hiérarchie réactionnaire proche du pouvoir militaire et une base, prêtres, curés, largement gagnée au courant de pensée de la théologie de la libération – dont, sans que ce soit formellement dit, le curé de village qui « embrigade » Carmen serait une représentation. Tout en subtilité, le film évite adroitement l’écueil du drame psychologique et moralisateur en utilisant les codes du thriller, musique entêtante, suspense, rares et efficaces effets de surprise. Il oscille ainsi entre moments de tension intense et description sociale minutieuse, pour raconter l’histoire d’une femme qui s’éveille sur le tard aux réalités qui l’entourent, alors que son pays tout entier va durablement étouffer sous une chape de plomb. Un portrait de femme, profond et délicat, qui va acquérir, dans la douleur, une conscience politique.
Les années 1970-1980 ont beaucoup inspiré le cinéma chilien (Tony Manero, No…) mais passeulement (on se souvient de Colonia réalisé par Florian Gallenberger).
– Critique d’UTOPIA –
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Stephen Frears
Né à Leicester le 20 juin 1941
Grande-Bretagne
Réalisateur , producteur
Les Liaisons Dangereuses, Hight Fidelity, The Queen, Tamara Drewe, Philomena, Confident Royal, The Lost King.
Stephen Frears : « J’ai eu un bon parcours. Mais tout ça, ça se termine »
Le réalisateur britannique de « The Queen » et, aujourd’hui, de « The Lost King » se réclame de Billy Wilder et revendique le droit à la moquerie. Entretien. (suite…)
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Clément Cogitore ( Goutte d’Or )
France
Artiste, réalisateur
Ni le Ciel ni la Terre, Braguino, Goutte d’Or
Révélation de la Semaine de la Critique cannoise 2015 avec son premier long Ni le ciel ni la terre [+], Clément Cogitore a opéré un retour spectaculaire en séance spéciale de la même section parallèle au 75e Festival de Cannes avec son second opus, Goutte d’Or.
Cineuropa : D’où est venue l’idée d’une histoire centrée sur médium ?
Clément Cogitore : J’ai longtemps vécu dans le quartier de la Goutte d’Or, à Paris, cela me fascinait et cela m’a évidemment inspiré le film. À partir de ce geste très simple, presque un cliché du quartier, de ces gars qui distribuent des tracts pour des médiums au pied du métro à Barbès, l’idée m’est venue de faire commencer l’histoire là. Mais je voulais surtout travailler sur un personnage qui est dans la manipulation des informations, qui joue sur les systèmes de croyances. (suite…)
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Dalva
DALVA
Film de Emmanuelle Nicot – France, Belgique -1h20
Avec Zelda Samson, Alexis Manentti, Fanta Guirassy…
Emmanuelle Nicot réalise avec Dalva son premier long. Au delà de ses premiers pas dans la mise en scène autour de deux courts-métrages, elle est connue comme directrice de casting. Le choix d’une actrice pour soutenir tout un film est évidemment fondamental, d’autant plus quand il est question d’une pré-adolescente au passé lourd. Zelda Samson est Dalva, personnage qui donne son nom au film et le contient tout entier. On la rencontre au moment de la séparation forcée avec son père abusif, dans les cris et la violence. C’est autour du thème très délicat de l’inceste que tourne ce film, mais plus précisément des différentes étapes qui suivent le placement d’une jeune fille qui n’a aucun repère de sociabilité.
Dalva a vécu recluse avec son père, en fuite permanente pour ne pas avoir à affronter le regard de la société, jusqu’à perdre la trace d’une mère qu’elle considère de fait démissionnaire. La première réussite de la réalisatrice est de ne jamais juger ses personnages.Quand Dalva défend son père, le recherche à corps perdu, la caméra la regarde, tente de comprendre les mécanismes qui amène une enfant à se construire autour d’un tel interdit. Les discussions engagées avec elle tentent de décortiquer la rhétorique de l’enfermement dans la seule réalité jamais proposée. Comment comprendre le monde quand on ne le connais pas ? Pourquoi ce que l’on vit serait une transgression quand on n’a jamais été confronté au bien et au mal et à la vie en communauté ? Ces deux questions jalonnent les premières séquences de l’arrivée de Dalva dans ce foyer qui devient son seul refuge.
La progression de l’histoire, tout comme l’écriture du film, est très graduelle. Il y a à la fois de la douceur et de la pédagogie dans la démarche d’Emmanuelle Nicot. Elle transmet plusieurs idées fortes et nécessaires, avec tout d’abord celle qu’il faut du temps à un enfant pour sortir des logiques qui ont nourri toute son éducation. La transformation de Dalva se diffuse sur tout le film, d’abord pour donner le change à ses éducateurs, qu’elle considère comme ses geôliers, puis comme une possibilité réelle quand elle se fait sa première amie au sein du foyer. La solidarité et l’acceptation qui y règnent sont particulièrement touchantes et bien représentées. Il ya une vie dans ce lieu où tous et toutes ont en commun d’être différents, salis pour reprendre les mots de Samia, l’amie et confidente, et une autre avec le monde extérieur, représenté notamment par l’école.
Mais le film pose également en creux une critique du système de « réinsertion » de ces enfants en proue à des difficultés extraordinaires. Le personnage de Jayden, joué par le très convaincant Alexis Manentti, est le point de rencontre de ces contradictions. Dur et froid avec ses protégé.e.s, il sait aussi se montrer critique face à une principale de collège aux propos discriminatoires, montrant du doigt l’hostilité vis à vis de ces enfants qui sortent de la norme et menacent l’équilibre des « normaux ». Son visage couturé de cicatrices et sa rudesse laissent à penser que le propre passé de cet homme le rapproche de ceux à qui il donne son temps, des parloirs en prison jusqu’aux nuits à veiller au sein du foyer. L’absence de solutions pour les enfants comme Samia, consciente des impasses qu’on lui présente, est également un noeud d’émotions particulièrement fort et bouleversant.
Cette amie au caractère tempétueux qui fait réaliser à Dalva qu’elle possède une porte de sortie pour se reconstruire : une mère aimante prête à la recueillir et lui donne cette nouvelle chance dont telle a tant besoin. Emmanuelle Nicot dresse, en une heure trente, un portrait saisissant qui ne tombe jamais dans le misérabilisme ou l’apitoiement, préférant décrire avec subtilité le processus long et douloureux d’une renaissance et d’un espoir pour les grands blessés peuplant les foyers pour l’enfance.
Critique Le Bleu du Miroir.
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De Grandes Espérances
DE GRANDES ESPERANCES
DE SYLVAIN DESCLOUS
Avec Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot…
De Grandes Espérances raconte l’histoire de Madeleine et Antoine, un jeune couple plein d’espoir et d’ambition, qui préparent ensemble leurs imminents oraux de l’ENA. Alors en visite chez le père d’Antoine dans sa maison en Corse, les deux politiciens en devenir montrent fièrement leurs idées progressistes et leurs projets pour le futur à une classe politique plutôt réfractaire. Mais ces espoirs volent en éclat lorsqu’une altercation éclate sur une route, vire au drame et que Madeleine et Antoine décident de dissimuler les preuves de leur culpabilité. De retour à Paris, la jeune femme est recrutée par Gabrielle Dervaz, députée socialiste ex-ministre qui voit en elle sa conseillère personnelle. Mais le drame qu’ils ont tenté de laisser en Corse va finir par les rattraper…
Le long-métrage est construit comme un thriller politique sous tension, où les traumatismes et les fantômes planent au-dessus de ses deux personnages principaux. Madeleine est d’ailleurs le point de vue polarisateur du film, faisant tourner toutes ses thématiques autour de son interprète Rebecca Marder qui excelle de bout en bout (elle confirme cette année après sa performance savoureuse dans le Mon Crime de François Ozon son talent puissant et intelligemment protéiforme). La comédienne trouve ici un rôle sombre, celui d’une jeune étudiante en politique aux ambitions d’excellence qui verra ses espoirs basculer lorsqu’un drame et ses conséquences terribles s’abattront de plein fouet sur elle, sur sa famille et sur sa carrière. Desclous et Pierre Erwan Guillaume (qui signent le scénario) composent alors une fresque politique en pleine décrépitude, faisant glisser le ton du film entre le polar nerveux lorsque les mensonges menacent, le récit dramatique amené par les relations entre les personnages et le thriller à tendance horrifique qui fait planer les fantômes de certains traumatismes. C’est à ces égards que De Grandes Espérances plantent autant de graines riches en thématiques fortes, en évoquant notamment l’émergence d’une nouvelle génération politique qui cherche à coup d’idéaux et de valeurs assumées à faire sauter les bâtiments idéologiques préétablis. Leurs alignements à gauche du spectre politique installés dès la discussion d’ouverture, le film peut alors se permettre de scruter l’âme humaine en utilisant particulièrement le personnage d’Antoine. Ce dernier, traitant son traumatisme par la fuite, agit en miroir par rapport à Madeleine, qui bâtissent ensemble une dualité idéologique creusant le cœur du long-métrage.
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Goutte d’Or
Du 13 au 18 avril 2023
GOUTTE D’OR
de Clément COGITORE,FRANCE (1h38)
Il s’appelle Ramsès et la Goutte d’Or est son royaume. Au pied du métro Barbès, ses rabatteurs appâtent le client, distribuant par milliers des petits papiers imprimant une promesse: «Médium». Ramsès reçoit, dans une pénombre travaillée à la bougie, des endeuillés prêts à payer en liquide pour des nouvelles de leurs chers disparus. Sa petite entreprise ne connaît pas la crise, d’ailleurs ses concurrents du quartier, voyants et autres «professeurs» d’origines diverses, lui reprochent de rafler leurs parts de marché. Ramsès s’en fiche, business is business.
Sa prospérité s’explique: il est bon, bluffant même. On jurerait que les morts lui parlent pour de vrai, d’une mamie retrouvée dans l’au-delà, d’une maison aux volets bleus, de souvenirs précieux, d’amour et de pardon. Le soir, dans un gymnase, Ramsès se produit en public, micro en main, mystifiant des familles éplorées de ses murmures consolateurs. «Je fais des petits spectacles. Quand les gens sont contents, ils reviennent», résume en coulisses le mage qui ne croit pas à la magie. Car il y a un truc, évidemment, une arnaque bien huilée que Goutte d’Or révèle habilement, sans hâte, sans rire mais qu’il n’a aucune envie de raconter aux gamins de Tanger qui font irruption dans sa vie. Moineaux livrés à la rue, à la drogue, à la violence, ils ont eu vent de ses talents et, au moins aussi effrayants que les Oiseaux de Hitchcock, exigent qu’ils retrouvent un copain envolé.
Clément Cogitore réalise une exploration fiévreuse, hallucinée presque, d’un arrondissement parisien en mutation, un coin du 18ème populaire allant de Barbès à la Porte de la Chapelle, entre trottoirs bondés et colossaux chantiers d’urbanisation, misère noire des mineurs exilés et inéluctables lendemains gentrifiés. (…) Le réalisateur nimbe la dureté de Goutte d’Or d’une beauté onirique, tandis que l’excellent Karim Leklou (Ramsès), tout en opacité, colère et cynisme rentrés, troque la tristesse mesquine de son personnage contre la possibilité d’un émerveillement. Un rai de lumière dans les ténèbres.
Extraits de la critique de Marie Sauvion, Télérama
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