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Archives pour décembre 2015
Laurent Larivière
Scénariste, réalisateur
Six courts métrages
Je suis un soldat
Entretien avec Laurent Larivière
Je Suis Un Soldat traite d’un sujet très contemporain.
J’avais envie de parler de la honte sociale et de ce sentiment d’échec qui pousse quelqu’un à revenir dans le giron familial après avoir tenté, sans succès, de se construire un avenir meilleur ailleurs. Dans le film, loin du refuge escompté, la famille devient paradoxalement le lieu d’un affrontement et d’une déperdition.
La famille de Sandrine est elle-même porteuse de la honte que vous évoquiez : Martine, la mère, vendeuse dans un supermarché, est victime du harcèlement de sa très jeune supérieure, qui la tutoie et la rudoie. Audrey, la sœur, est une modeste employée de mairie et son mari, multiplie les CDD sans espoir d’embauche.
Tous sont victimes du déterminisme social auquel la jeune femme a tenté d’échapper et son retour parmi eux rompt l’équilibre qu’ils ont fondé autour du fantasme de sa réussite. Absente, elle manquait – comme tous ceux qui partent, elle était « l’enfant préféré » – revenue, elle attise les frustrations… (suite…)
Publié dans Archives réalisateurs, Réalisateurs
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La Vie très Privée de Mr Sim
Entretien avec Jonathan Coe
Quelles ont été vos sources d’inspiration pour ce livre ?
En 2007, pour la première fois de ma vie, je me suis acheté une voiture équipée d’un GPS. La même année, alors que je visitais l’Australie, j’ai aperçu une femme chinoise et sa petite fille qui jouaient aux cartes, toutes les deux, dans un restaurant. Ces deux anecdotes, sans rapport apparent, m’ont donné envie d’écrire un livre sur la solitude et l’intimité à notre époque dominée par les nouvelles technologies.
Pourquoi Sim a-t-il autant besoin d’aller vers les autres ?
Parce qu’il se sent seul. Au début du livre comme du film, il sort d’une période de dépression provoquée par l’échec de son mariage. Il veut à tout prix renouer un lien avec les autres, mais il ne sait plus comment s’y prendre – ou plutôt, comme il commence à s’en rendre compte, il n’a jamais su s’y prendre.
Vos livres ont la réputation de se prêter facilement à des adaptations cinématographiques. Lorsque vous écriviez « La vie très privée de Monsieur Sim », envisagiez-vous qu’il puisse être porté à l’écran ?
Le livre s’inspire très librement d’un road-movie anglais, Le Meilleur Des Mondes Possibles (1973) de Lindsay Anderson, où Malcolm McDowell campe un vendeur de café qui sillonne les routes et les autoroutes d’Angleterre. Par conséquent, il est vrai que j’ai toujours eu le sentiment que le roman était très cinématographique.
Avez-vous été surpris qu’un réalisateur français vous contacte pour adapter l’un de vos livres ?
À l’heure actuelle, mes livres ont plus de succès en France qu’au Royaume-Uni. D’autre part, la France produit environ 250 longs métrages par an, alors qu’en Angleterre, on n’en produit qu’une quarantaine. Du coup, ce n’est pas étonnant que, ces dernières années, la quasi totalité des propositions d’adaptation de mes livres soient venues de réalisateurs français. Je ne connaissais pas les films de Michel, mais il m’a donné un DVD du Le Nom Des Gens qui m’a beaucoup plu. Lorsque nous nous sommes vus, j’ai compris qu’on aimait les mêmes cinéastes, et tout particulièrement Billy Wilder et Woody Allen.
Avez-vous envisagé de participer à l’écriture du scénario avec Michel et Baya ?
Non, parce que j’étais très occupé à terminer un roman, « Expo 58 », et à en commencer un autre,
« Number 11 ». On s’est vus et on a passé une journée tous les trois dans les environs de Florence, où Michel et Baya venaient d’emménager et où j’étais en vacances avec ma famille. On a parlé du scénario et il m’a semblé évident qu’ils avaient l’intention de rester très fidèles au livre. Du coup, je les ai laissés faire.
Qu’avez-vous pensé du film ?
Je trouve que Michel a su rester très proche de l’esprit du livre. Pas seulement l’esprit d’ailleurs : il a réalisé une adaptation fidèle, allant jusqu’à transposer les flash-backs et l’histoire parallèle de Donald Crowhurst – autant d’éléments que, à mon avis, il allait devoir écarter. La seule liberté majeure qu’il s’est permise concerne le dernier chapitre controversé du roman, où l’on découvre que Monsieur Sim est le fruit de l’imagination de l’auteur. Mais il m’avait dit depuis le début qu’il ne pouvait pas transposer ce chapitre, et j’en étais d’accord.
Différentes intrigues et temporalités se croisent dans votre œuvre. Comment Michel Leclerc s’en est-il sorti sur le plan cinématographique ?
Il s’en est remarquablement tiré. D’ailleurs, je trouve que le film est de plus en plus intéressant à mesure qu’avance l’intrigue, qu’on découvre davantage de flash-backs et qu’on apprend en quoi ils sont importants. Les scènes des adolescents en vacances, et celles du Paris des années 50 avec Vincent Lacoste, comptent parmi mes préférées.
Pour vous, le film se rapproche-t-il davantage de la comédie que le roman ?
En fait, j’ai trouvé le film plus empreint de mélancolie que le livre. Quand on voit Sim parcourir ces routes désertes en voiture, avec son GPS pour seule compagnie, on perçoit sa solitude de manière plus palpable que dans le livre. Avant le dénouement heureux des toutes dernières minutes, j’ai trouvé que c’était un film profondément triste.
Si Michel Leclerc a coupé certaines scènes du livre, il en a aussi imaginé de nouvelles…
C’est ce que j’espérais qu’il ferait. L’objectif d’une collaboration est précisément de découvrir ce qu’un autre esprit créatif peut apporter à l’œuvre de départ. Rien n’est aussi ennuyeux qu’une pure adaptation littérale.
Michel Leclerc estime que le livre est très anglais, alors que vous trouvez le film très français…
Pour moi, le style des réalisateurs français est beaucoup plus fluide et visuellement marqué que celui de leurs homologues anglais. Ces dernières années, la plupart des artistes anglais les plus intéressants qui ont vraiment quelque chose à dire ont choisi de le faire à la télévision ou au théâtre – pas au cinéma. Les cinéastes anglais ne semblent pas en mesure de trouver le bon équilibre entre les dialogues et le style visuel. Le film de Michel me semble « très français » car il manie le langage du cinéma avec beaucoup de naturel.
Qu’avez-vous pensé de la manière dont Michel Leclerc a intégré l’histoire de Crowhurst dans l’intrigue principale ?
Pour moi, le parallèle entre Crowhurst et Sim est fondamental et donne tout son sens au livre. Je redoutais vraiment que ce parallèle soit perdu, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté à obtenir les droits des images de Crowhurst. Du coup, je suis ravi que cet élément du livre se retrouve dans le film et y joue un rôle aussi important. Un biopic à gros budget est en tournage actuellement, avec Colin Firth dans le rôle principal, et son histoire va donc devenir très célèbre. Mais nous aurons été les premiers à en parler !
Avez-vous été ému par la prestation de Jean-pierre Bacri ?
Au départ, j’étais un peu inquiet par la différence d’âge entre le Sim du livre et Jean-Pierre, mais je me suis rendu compte que cela ne se voyait pas à l’écran. De toute évidence, Jean-pierre Bacri est l’un des plus grands acteurs de cinéma et je n’arrivais pas à croire qu’il s’apprêtait à camper l’un de mes personnages. Sa prestation est tout simplement fascinante.
Et les autres comédiens ?
Bien qu’elle ait peu de scènes, Valeria Golino est formidable : elle campe l’ancien amour de jeunesse de Sim, devenue une femme d’une quarantaine d’années séduisante.Isabelle Gélinas est à la fois chaleureuse et émouvante dans le rôle de la femme de Sim. Toutes les comédiennes du film sont épatantes, mais j’ai surtout été impressionné par Mathieu Amalric et par les scènes où il joue avec Bacri : on sent très bien les liens qui existent entre eux et l’attirance entre ces deux hommes, à la fois forte et tendre, et d’une grande subtilité. C’est un grand numéro d’acteur.
Qu’avez-vous pensé de la mise en scène ?
J’ai été ravi de voir que Guillaume Deffontaines est presque le premier nom qui apparaît au générique de fin. Il a signé quelques superbes images, particulièrement vers la fin du film. L’aboutissement du périple de Sim dans le Massif Central est une séquence magnifique, sur un plan visuel et dramaturgique, puis le fondu enchaîné avec le paysage italien sous le soleil est d’une grande beauté.
Publié dans A propos de..., Dossiers
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Michel Leclerc
Né à Bures-sur – Yvette, France Scénariste, réalisateur Le Nom des gens, La Vie très Privée de Mr Sim
Entretien avec Michel Leclerc
Comment avez-vous découvert le livre de Jonathan Coe dont s’inspire le film ?
Baya Kasmi, ma compagne et co-scénariste, l’a lu en premier et m’a dit que cela me correspondait et qu’elle y retrouvait beaucoup d’éléments de mon univers et de mes obsessions. Elle m’a encouragé à le lire à mon tour, mais j’ai mis du temps à accéder à sa demande : je traversais moi-même une période très difficile, de deuil, d’intense remise en question et de départ vers d’autres horizons. J’ai fini par lire le livre dans l’avion qui nous emmenait à Florence où nous avions décidé d’aller vivre (où le scénario a d’ailleurs été écrit). Ce livre avait donc un écho très particulier avec ma propre vie, et découvrir cet homme qui avait tout perdu et qui était en plein questionnement, m’a bouleversé : je me suis totalement identifié à lui à ce moment. Puis, j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer directement Jonathan Coe et de le convaincre d’accepter cette adaptation… (suite…)
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Thomas Bidegain
1970
France
Scénariste, réalisateur
Les Cowboys
Le talentueux scénariste français Thomas Bidegain, qui a notamment travaillé avec Jacques Audiard sur Un Prophète (César du meilleur scénario original), De rouille et d’os (César du meilleur scénario adapté), Dheepan, Joachim Lafosse (A perdre la raison) ou Bertrand Bonello (Saint Laurent), passe à la réalisation. Le scénariste multi-récompensé a répondu au HuffPost quelques jours après les événements qui ont déchiré la capitale.
Le HuffPost: Qu’est-ce qui a inspiré Les Cowboys?
Thomas Bidegain: Le film est en partie né d’un intérêt que j’ai eu pour cette vague de radicalisation qui a eu lieu au début des années 1990. Je me suis intéressé par exemple au gang de Roubaix qui a sévi en France à cette époque. Le gang était composé de gars convertis, partis faire la guerre en Bosnie, revenus avec plein d’armes et qui avaient semé la terreur dans le nord de la France pendant une dizaine de jours. C’est la première fois que j’entends parler du jihad et de ce que ça pouvait être. (suite…)
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BACK HOME
De Joachim Trier – Norvège-France-Danemark – 2015 – 1h49 – VOST
Avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne, Jesse Eisenberg…
C’est un film beau et grave dont le titre était “Plus fort que les bombes”, transformé par le distributeur après les attentats. Trois ans après la mort inattendue d’une photographe de guerre, une exposition sur son travail réunit son mari et ses deux fils qui ne se sont pas vus depuis longtemps. Le passé, avec sa rafale de révélations, est explosif et force les trois hommes à se découvrir sous un nouveau jour. La mort est une bombe à retardement. Revenue chez les siens par flash-back, Isabelle Huppert est impressionnante, et les deux garçons passent sous nos yeux de l’enfance prolongée à l’âge adulte, celui des peines inguérissables. Tout cela est raconté sans psychologisme, seulement l’exploration d’un traumatisme. Ce qui est caché frappe plus que ce qui est montré.
Sélection officielle Cannes 2015
Critique
C’est l’un de ces films qu’on n’attend plus, et qu’on est heureux de voir : élégant, sensible, pastel. Tout se passe en courants d’amour invisibles, entre un homme esseulé, un fils adulte qui vient d’avoir un bébé, un autre fils adolescent que l’avenir et le passé tourmentent. Au centre, une femme invisible : Isabelle Reed (Isabelle Huppert), photographe de guerre morte dans un accident de voiture. Un galeriste organise une expo, et les souvenirs remontent, flottent comme des brumes, s’entrecoupent de rêves abrupts, de confidences amères, de silences chargés de munitions. Peu à peu, différentes vérités s’empilent : Isabelle Reed s’est suicidée, Isabelle Reed avait un amant, Isabelle Reed portait la guerre en elle… Joachim Trier capte des choses invisibles, des fils d’araignée qui se tissent entre un père et ses deux fils : jalousie, rage, amour, illusion…
Il y a, chez Trier, un écho du cinéma d’Antonioni, en plus doux, en plus attentif. Back Home est une œuvre soyeuse qu’on laisse s’installer, comme une petite sonate entêtante : et puis, peu à peu, la poésie des regards, les couleurs de la vie, la mélodie de la mémoire triomphent.
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BÉLIERS (Hrútar)
De Grimur Hakonarson – Islande – 1h30 – VOST
Avec Sigurður Sigurjónsson, Theodór Júlíusson, Charlotte Boving…
Béliers se situe dans une vallée isolée du centre de l’Islande dans des paysages à couper le souffle. Dans ces contrées, l’élevage des moutons est comme une religion. Ces béliers font l’objet de concours fort réputés. Parmi ces éleveurs, deux bergers sont au centre du film : Gummi et Kiddi, tous deux sexagénaires et célibataires. Ils vivent dans des fermes voisines et ne s’adressent plus la parole depuis fort longtemps. Cette situation qui flirte avec l’absurde va prendre un tour plus dramatique quand la maladie de la tremblante va être repérée chez les bêtes de Kiddi. Ce formidable Béliers commence comme une comédie à l’humour très scandinave, autrement dit décalé, introverti, désarçonnant et qui nous rend immédiatement attachants ces étranges personnages qui vivent franchement hors du monde… et puis le film prend une autre dimension, plus lyrique, plus grave et s’ouvre à une ample réflexion sur le rapport de l’homme à la nature, de l’humain à l’animal, sur le lien fraternel qui peut renaître dans l’adversité. La mise en scène exalte à merveille la beauté dantesque de ces paysages incroyables, qui rendent plus impressionnant encore le combat des hommes, particulièrement dans une scène finale stupéfiante d’émotion et de force.
Prix Un certain regard au Festival de Cannes 2015
Critique
L’histoire se déroule en Islande, dans un petit village isolé. Gummi et Kiddi, deux frères éleveurs de moutons, vivent comme des voisins mais ne se parlent plus depuis une quarantaine d’années. Une vieille brouille sépare en effet ces frères qui remportent tous les prix de la région grâce un élevage familial qu’ils se partagent depuis toujours. Chacun vit tout seul dans sa ferme à côté de celle de l’autre. Mais tout est bouleversé quand une maladie frappe le troupeau de Kiddi et attire les autorités sanitaires. Tous les troupeaux sont menacés d’abattage. Le lignage ancestral de la race des béliers s’éteindrait alors et Gummi et Kiddi n’y survivraient pas. Pour eux, il est peut-être temps de briser la glace.
Comme ses personnages, ce film a « de la gueule ». Tout en jouant la chronique villageoise et les querelles de clocher à l’ancienne, le jeune réalisateur, Islandais de souche, déploie une mise en scène actuelle et stylée. Les vastes paysages de son pays semblent lui avoir donné un sens inné de l’espace. Sa parfaite connaissance des hommes du terroir porte ses fruits : le tempérament rugueux des deux frères ennemis est presque palpable. Comme leur tendresse, qu’ils n’expriment qu’en bichonnant leurs bêtes…
Le pari réussi de Grímur Hákonarson consiste à montrer une réalité difficile sous un jour plaisant. Ce qu’illustre cette scène où Gummi transporte Kiddi, retrouvé complètement saoul et à moitié gelé au fond d’un fossé, dans une pelleteuse. Il le dépose devant l’hôpital local comme on déverserait un tas de fumier. La vacherie de la vie d’un côté et, de l’autre, un sentiment d’humanité qui persiste, voilà l’attelage idéal pour une comédie qui souffle habilement le chaud et le froid. Et prend parfois des airs de conte de Noël. — Frédéric Strauss
Tourné dans les sublimes paysages de l’île de feu et de glace, le réalisateur nous offre une chronique familiale rude et froide, à l’image de ces grandes étendues enneigées qui entourent les bergeries. Mais au-delà du drame fraternel, le film esquisse le quotidien de ces villages reculés, où la solitude est omniprésente dans ces chaumières, où l’on vit et l’on meurt au même endroit sans jamais avoir cherché à le quitter. Sauf que le cinéaste porte un regard bienveillant sur ce microcosme rural, sur ces êtres qui sacrifient tout pour leur bétail et qui donnent tant d’amour à leurs animaux.
Prix « Un certain regard » au festival de Cannes 2015
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JE SUIS UN SOLDAT
De Laurent Larivière – France, Belgique – 2015 – 1h37
Avec Louise Bourgoin, Jean-Hugues Anglade, Anne Benoit, Angelo Bison, Laurent Capelluto, Nina Meurisse, Nathanaël Maïni, Thomas Scimeca…
Comment parler des dommages collatéraux de la crise sans enfoncer des portes ouvertes ? Ce premier long métrage de Laurent Larivière se distingue par la pertinence de son thème : la honte. Il évite l’écueil en plongeant son héroïne, jeune chômeuse de 30 ans obligée de retourner vivre chez sa mère, dans un univers singulier. A défaut de toute perspective professionnelle, c’est au chenil de son oncle qu’elle se retrouve, corvéable à merci. Ce chenil saturé d’aboiements, imprégné par la crasse et les maladies, on découvre peu à peu qu’il est la plaque tournante d’un trafic d’animaux importés clandestinement des pays de l’Est. Larivière fait donc de la famille, habituel cocon protecteur, le lieu de l’ambivalence, à l’intérieur duquel il raconte tout à la fois une descente aux enfers et une possible rédemption. Ce film noir tendu et âpre revient surtout à la source du cinéma de genre : cette ambition de raconter une époque malade. Et au cœur de la violence qui domine ce récit, Louise Bourgoin épate par son intensité de chaque instant, sans jamais forcer le trait. Son plus grand rôle. Sa plus belle interprétation.
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LA VIE TRÈS PRIVÉE DE MONSIEUR SIM
De Michel Leclerc – France – 2015 – 1H42
Avec Jean-Pierre Bacri, Mathieu Amalric, Valéria Golino…
Monsieur Sim n’a aucun intérêt. C’est du moins ce qu’il pense de lui-même. Sa femme l’a quitté, son boulot l’a quitté et lorsqu’il part voir son père au fin fond de l’Italie, celui-ci ne prend même pas la peine de déjeuner avec lui. C’est alors qu’il reçoit une proposition inattendue : traverser la France pour vendre des brosses à dents qui vont « révolutionner l’hygiène bucco-dentaire ». Il en profite pour revoir les visages de son enfance, son premier amour, ainsi que sa fille et faire d’étonnantes découvertes qui vont le révéler à lui -même. Maxwell Sim est un loser de quarante-huit ans voué à l’échec dès sa naissance (qui ne fut pas désirée) ; poursuivi par l’échec à l’âge adulte, il s’accepte tel qu’il est, et trouve une certaine satisfaction de son état. La vie très privée de Monsieur Sim est inspirée du roman du même nom de Jonathan Coe. Michel Leclerc explique avoir lu le livre au moment où il traversait une période difficile de deuil et de remise en question.
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LES COWBOYS
De Thomas Bidegain – France – 2015 – 1h45
Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne, Ellora Torchia, John C. Reilly…
En 1994, dans l’Ain, des fans de l’Ouest américain se rassemblent pour une fête. Mais Kelly, 16 ans, s’enfuit avec un islamiste radical qui rêve de djihad. Son père et son frère partent à sa recherche. Entre la Belgique et le Moyen-Orient, leur quête durera plus de quinze ans. Comme dans un western, les deux hommes affrontent personnellement la situation avec audace. Une œuvre romanesque ambitieuse, ample et tendue qui embrasse avec intensité deux destins de limiers perdus dans un terrifiant labyrinthe.
Critique
Thomas Bidegain passe enfin à la réalisation de son premier film. Connu pour ses scénarios très exigeants, notamment pour Jacques Audiard et récompensé par une Palme d’or lors du dernier festival de Cannes avec Deephan, l’auteur nous propose un long métrage d’une immense richesse.
Le personnage du père, remarquablement interprété par un François Damiens totalement habité, traumatisé et obsessionnel, mène l’histoire vers une quête qui durera des années. Cette recherche qui se transmet sur une autre génération fait naitre du sens au sein d’une famille dont les codes sociaux avaient explosé depuis le drame. (…)
Le père transmet donc son obsession et son intransigeance à son fils (remarquable Finnegan Oldfield) qui finira par faire entièrement tourner sa vie autour de la recherche de sa sœur, passant de pays en pays dangereux, entre humanitaire, enquête personnelle, rapprochement avec les services internationaux et prise de risque inconsidérée.
L’histoire passe ainsi de communautés en communautés, des européens au monde arabe et perse mal perçu par nos concitoyens. Les deux héros naviguent ainsi dans les milieux des trafiquants, des salafistes et des négociateurs sans perdre de vue leur but initial. Comme si le besoin de recréer le groupe d’antan, celui de la famille, prenait le dessus sur tout le reste.
Le cheminement sur la durée voit passer successivement les attentats meurtriers du 11 septembre, de Londres et de Madrid, ceux d’Al-Qaida, entité fantomatique qui plane au-dessus de la famille et que l’on approchera au Pakistan lors de la deuxième partie du film. Ces événements sont vécus par le fils comme autant d’explosions et de rappels de la rage à la fois personnelle et mondiale. (…)
Ce long métrage ambitieux et complexe se révèle être une pépite sur bien des domaines : le sujet, le jeu des comédiens, le développement de l’histoire (rarement vu en France sur un tel sujet), mais aussi sa mise en image, encore proche de celle d’Audiard, ce qui est très loin d’être le pire des défauts. Cette réussite visuelle est même une grande surprise tant Bidegain restait encore dans l’ombre de l’immense metteur en scène français. La réalisation est sèche et sensible à la fois, ménageant ses effets de surprise, créant des séquences remarquables, à la lisière de l’onirisme dans certains passages. Tous les personnages secondaires sont brillamment créés, du moindre syrien, aux passeurs, sans oublier l’inquiétant négociateur américain campé par un John C. Reilly que l’on retiendra longtemps
De la petite histoire familiale à un drame géopolitique, Thomas Bidegain ramène les réflexions sur le supposé choc des civilisations. A l’heure d’un Daech qui prend concrètement ses marques au Moyen Orient, le film pose des questions essentielles sur les communautés et sur les incompréhensions codées entre celles-ci. Plus qu’important, il s’agît d’un long métrage essentiel et limpide qui pose un regard acéré sur notre temps.
Extraits de la critique d’Écran large
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TAJ MAHAL
De Nicolas Saada – Fance, Belgique – 2015 – 1h31
Avec Stacy Martin, Louis-Do de L’Encquesaing, Gina McKee…
Le film est inspiré par l’attaque en 2008 du Taj Mahal Palace à Bombay, par des islamistes pakistanais – qui a fait 195 morts. Le réalisateur a interrogé une jeune fille rescapée, nièce d’un de ses amis. Louise a 18 ans, son père est nommé à Bombay et, en attendant une installation définitive, ils logent au Taj Mahal Palace. Un soir les parents sortent dîner. Louise reste seule dans cette suite paradisiaque. Soudain l’attaque et la voilà plongée dans un chaos de sensations tout au long de cette nuit de claustration, incrédulité, sidération, terreur et solitude devant des forces qui la dépassent. Film exigeant, radical qui évite les débats stériles et caricaturaux.
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