Thomas Bidegain

bidegain

1970

France

Scénariste, réalisateur

Les Cowboys

 

Le talentueux scénariste français Thomas Bidegain, qui a notamment travaillé avec Jacques Audiard sur Un Prophète (César du meilleur scénario original), De rouille et d’os (César du meilleur scénario adapté), Dheepan,  Joachim Lafosse (A perdre la raison) ou Bertrand Bonello (Saint Laurent), passe à la réalisation. Le scénariste multi-récompensé a répondu au HuffPost quelques jours après les événements qui ont déchiré la capitale.

Le HuffPost: Qu’est-ce qui a inspiré Les Cowboys?

Thomas Bidegain: Le film est en partie né d’un intérêt que j’ai eu pour cette vague de radicalisation qui a eu lieu au début des années 1990. Je me suis intéressé par exemple au gang de Roubaix qui a sévi en France à cette époque. Le gang était composé de gars convertis, partis faire la guerre en Bosnie, revenus avec plein d’armes et qui avaient semé la terreur dans le nord de la France pendant une dizaine de jours. C’est la première fois que j’entends parler du jihad et de ce que ça pouvait être.

Pourquoi s’intéresser à la première vague de jihadistes français?

Le parcours de Kelly n’aurait pas pu fonctionner à une autre époque. Il n’y aurait pas eu cette incompréhension. Ce qui était intéressant, l’histoire étant vécue à travers les yeux du père, c’était de partir avec des personnages qui ne comprennent pas que des réseaux se forment. Aujourd’hui, vous avez des soupçons? Il est possible de composer un numéro vert, il y a des structures, un encadrement. Le phénomène, même s’il n’est pas contrôlé, est connu. Si le récit se déroulait actuellement, il serait en plus d’une curieuse banalité. Beaucoup d’histoires formidables existent déjà comme celle de ce père de 67 ans parti chercher son fils à la frontière. C’est exactement ce qu’on veut raconter. Des gens très simples qui se retrouvent dans le fracas du monde.

Vous parlez des attentats comme d’un ‘métronome macabre’ de l’Histoire…

Les Cowboys est rythmé par le 11 septembre, Madrid, Londres, Jakarta, comme nos vies ont été rythmées par les attentats. Les films servent aussi à représenter le monde dans sa complexité comme quand un personnage a cette phrase: ‘c’était le début, on n’avait pas compris’. Même s’il y a des liens ostensibles avec les attentats, le film ne parle pas de terrorisme. Kelly est amoureuse d’un mec et elle le suit. Effectivement elle va au Yémen et au Pakistan, elle n’est pas partie travailler à La Poste, mais on ne sait pas si elle a aidé. La plupart des premiers jihadistes ont été d’ailleurs été déçus par leur voyage parce qu’ils n’étaient pas employés comme cadre mais plutôt comme petites mains.

Vous tourniez au moment de l’attaque contre Charlie Hebdo?

On a plusieurs fois été rattrapé par l’Histoire. La première fois quand on lit dans les journaux des témoignages qui ressemblent à des scènes qu’on aurait pu écrire. La deuxième fois sur le tournage dans le Rajasthan, province du nord de l’Inde à la frontière avec le Pakistan. À Paris c’est Charlie Hebdo. On nous a envoyé là-bas en nous disant de faire attention, que la région est instable et, alors qu’on voit différentes communautés cohabiter en harmonie, c’est chez nous que ça se passe. Enfin, on est rattrapé une troisième fois aujourd’hui alors que le film va sortir.

Pourquoi cette allusion au western?

Cette métaphore avec les cowboys et les indiens permet de filmer plusieurs scènes qu’on a vues dans des westerns, comme La Prisonnière du désert. J’ai eu l’impression de faire un film très français et très contemporain tout en utilisant les codes des westerns qu’on aime. Pour moi, le western raconte toujours un état de la nation et un moment de la création des États-Unis; la conquête de l’Ouest, la guerre contre les Indiens, la fin de la féodalité et des shérifs, l’arrivée de la démocratie ou du chemin de fer. On a modestement voulu faire la même chose.

Avec le père et le fils, vous avez voulu montrer deux générations qui s’affrontent face au même problème?

Kelly part et l’équilibre du monde en est bouleversé. Il va falloir deux générations pour le rétablir et trouver une paix. Le père voit les islamistes comme des indiens. À l’époque, on parlait de guerre de civilisation et il ne pouvait pas y avoir de réconciliation. Le fils est différent. C’est un film terriblement optimiste qui dit en substance que les enfants sont meilleurs que nous. C’est ce qu’on espère toujours. Le père est du côté de la mort. Il part dans une quête un peu narcissique quitte à s’isoler du monde, perdre sa femme, son argent et sa famille. Le fils, dans cette même quête, va s’ouvrir au monde.

 

 

 

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