Ciné Mont-Blanc
A ne pas rater !!
/!\ Le prochain Coup de Coeur Surprise aura lieu
le Lundi 2 Décembre 2024 à 20h 00.
A l’issue de la projection, nous vous proposons de nous rejoindre afin d’échanger vos impressions.
Archives : Archives films
La Jeune fille et les Paysans
La Jeune Fille et Les Paysans
Pologne-2023-1H54-VOSTF
De DK et Hugh Welchman
Avec Kamila Urzedowska, Robert Gulaczyk,
Miroslaw Baka, Sonia Mietielica…
Adaptée d’un roman polonais de Wladyslaw Reymont ( prix Nobel de littérature 1924), aussi célèbre dans son pays que méconnu chez nous, cette œuvre singulière s’appuie sur le procédé de la rotoscopie : d’abord filmées en prises de vue réelles, les tribulations d’une jeune villageoise du XIXème siècle, mariée de force à un riche paysan, ont ensuite été repeintes à la main et à l’huile par une armée d’animateurs. Il convient de saluer cet exploit technique et artistique, déjà accompli par les mêmes réalisateurs pour leur film précédent (La Passion Van Gogh en 2017).
Au cœur du récit, une jeune femme, Jagna, aspirant à l’ indépendance et à la liberté, beauté irradiante et blondeur étincelante, subjugue les hommes et provoque de fait l’ire des femmes. Ouand la catastrophe s’abat sur le village, la belle Jagna ne peut que devenir l’obiet de toutes les haines car dans cette Pologne rurale très catholique et conservatrice il va de soi que ce n’est pas à l’homme adultère qu’on en veut mais à celle dont la beauté et la soif de liberté offense le cours « naturel » des choses….
Très beau plaidover contre le patriarcat et les violences faites aux femmes et pour la liberté individuelle, La Jeune Fille et les Paysans est évidemment sublimé par le travail plastique incroyable de l’équipe de réalisation qui magnifie la beauté picturale des paysages et des traditions polonaises, entre autres lors de magnifiques scènes de bal.
S’inspirant de dizaines de tableaux de peintres polonais de la fin du XIXème siècle inconnus dans nos contrées, le film nous emporte autant par la puissance de son intrigue que par la splendeur de sa forme : on est admiratif du travail de chaque plan, qui exploite admirablement les possibilités de l’animation sans rien effacer de la subtilité du jeu des acteurs.
Horaires
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Vampire Humaniste cherche suicidaire consentante
VAMPIRE HUMANISTE CHERCHE SUICIDAIRE CONSENTANT
Avec Sara Montpetit, Felix-Antoine Bénard, Sophie Cadieux
Le dernier film d’Ariane Louis-Seize, est une œuvre aussi originale que poignante qui nous plonge dans un univers où la vie et la mort se côtoient dans une danse macabre, mais empreinte d’humanité.
L’histoire, centrée autour de Sasha, une adolescente vampire en proie à un conflit moral, offre une perspective rafraîchissante sur le mythe vampirique. Incarnée brillamment par Sara Montpetit, Sasha se démarque par sa compassion pour l’humanité, une caractéristique inhabituelle pour son espèce. Cette dualité entre sa nature vampirique et son empathie pour les humains est le cœur du récit, offrant une exploration profonde des thèmes de l’identité et de la moralité.
Le choix de Paul, interprété avec sensibilité par Félix-Antoine Bénard, comme catalyseur de l’histoire ajoute une dimension supplémentaire à l’intrigue. Son personnage, suicidaire et dépressif, apporte une nuance de désespoir qui contraste avec l’espoir que Sasha tente de maintenir. Leur rencontre fortuite et les liens qui se tissent entre eux offrent des moments à la fois tendres et déchirants, faisant écho à la fragilité de la vie.
La mise en scène d’Ariane Louis-Seize réussit à capturer l’essence sombre et mélancolique du récit tout en injectant des touches d’humour et de légèreté. Les scènes entre Sasha et sa cousine Denise, jouée avec brio par Noémie O’Farell, sont particulièrement mémorables, offrant des moments de comédie qui équilibrent habilement la gravité de la situation.
Enfin, la bande originale accompagne parfaitement l’atmosphère du film, ajoutant une dimension émotionnelle supplémentaire à chaque scène.
« Vampire humaniste cherche suicidaire consentant » est une œuvre cinématographique captivante qui transcende les conventions du genre pour offrir une réflexion profonde sur la vie, la mort et l’essence même de l’humanité. Ariane Louis-Seize nous livre ici un film aussi audacieux qu’intelligent, confirmant son talent prometteur dans le paysage cinématographique québécois.
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Chroniques de Téhéran
Pour espérer pouvoir continuer à en profiter, il ne faut pas le crier trop fort, mais il semble bien qu’il y ait un trou dans la raquette du système de censure que les ayatollahs font subir au cinéma iranien : alors que, pour tourner un long métrage, il est nécessaire que son scénario ait été accepté par un comité de censure très strict, la règle se montre beaucoup plus souple pour les court-métrages. D’où l’idée consistant à proposer la réalisation de plusieurs court-métrages que l’on agrège ensuite pour en faire un long-métrage entrant dans la catégorie des « films à sketches »..
Chroniques de Téhéran, ce sont 9 histoires qui sont réunies, 9 histoires très courtes qui forment une sorte de catalogue des situations kafkaïennes vécues de façon quotidienne par les iraniennes et les iraniens. Cela va du père de famille venu au service d’état civil pour déclarer la naissance de son fils et qui se voit refuser le prénom David par le fonctionnaire au réalisateur qui voit le scénario du film qu’il espère pouvoir tourner se réduire comme une peau de chagrin face aux ciseaux de la censure en passant par une jeune chauffeuse de taxi accusée de conduire son véhicule sans foulard ou une jeune lycéenne convoquée par la directrice qui l’accuse de s’être faite déposer à l’école par un garçon. Chaque fois, le dispositif de filmage peut être qualifié de minimal, chaque fois, le résultat est particulièrement puissant : chaque saynète est filmée en plan fixe, avec un seul plan séquence qui voit la ou le protagoniste du sketch s’exprimer le plus souvent face caméra, et on entend l’interlocuteur ou l’interlocutrice qui représente l’autorité mais qui n’est jamais visible, même si, à 2 ou 3 reprises, on peut apercevoir une main. Ce format resserré et ce parti pris du hors champ pour les représentants de l’autorité participent grandement à l’impression d’emprisonnement de tout un peuple que dégage le fil présenté dans la sélection Un Certain Regard lors du dernier Festival de Cannes. Chroniques de Téhéran réussit l’exploit d’être un des films les plus subversifs dans l’histoire du cinéma iranien malgré (ou à cause de ?) une très grande simplicité dans sa mise en scène. Les situations rencontrées sont tellement absurdes qu’elles entraînent forcément le rire, un rire qui combine connivence avec celles et ceux qui vivent ces situations et une forme de colère face à ces sommets de bêtise (in)humaine. Ali Asgari est déjà connu des spectateurs pour Juste une nuit (une étudiante cherche à cacher son bébé illégitime lorsque ses parents lui rendent visite…). Chroniques de Teheran est un véritable bijou à la fois très court et très fort. D’après Critiques Film.
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La Grâce
Un film de Ilya Povolotsky
Russie-2023-drame-1h59-VOST
Avec Maria Lukyanova, Gela Chitava, Aleksandr Cherednik…
Du soleil d’hiver caucasien aux rivages arctiques de la mer de Barents, dans un road movie désenchanté, un père et sa fille adolescente sillonnent les steppes et les montagnes désertiques de la Russie profonde,dans leur vieux van rongé de rouille, cinéma itinérant apportant aux villages reculésquelque lumière culturelle dans ces immensités âpres et désolées. Ils subsistent de la vente des tickets, boissons, DVD…
Tout débute au creux de la nature. Une jeune fille d’une quinzaine d’années, accroupie au bord d’une rivière, la tête entre les jambes, tâte le sang qui s’échappe pour la première fois de son corps… Position primitive, en lien avec l’organique qu’elle traverse, qui trouve un écho dans l’environnement de cette rivière qui s’écoule inéluctablement, comme ce flux qui se perd en taches rouges sur ses doigts. Ici est esquissée l’une des thématiques du film, celle de l’entrée dans l’adolescence et la transformation pubertaire. Mais comment réagir quand on vit esseulée, dans un van contenant tous les biens d’une petite famille monoparentale, portant en lui le souvenir d’une mère décédée, avec pour seul compagnon un père, certes présent,mais figure masculine inconciliable avec le changement que traverse sa fille? Leur itinérance, (intime errance?), se fait métaphorique et introspective, davantage que physique. C’est un passage vers l’âge adulte que capte brillamment Ilya Povolotskydans ce premier long-métrage, avec ce qu’il contient d’opposition et de révolte. Lespaysages,anonymes et contemplatifs,traduisent la lassitude etle spleen de ces deux solitudes endeuillées, dans une langueur ponctuée de brèves rencontres fortuites. Traduit du russe «Blazh», «La Grâce» occulte la nuance ironique de lubie, pas forcément la folie mais une certaine forme de bizarrerie teintée d’élan spirituel, de sainteté, de sincérité…, présente dans le titre original. Comme une énigme,émotive mais sobre et retenue, silencieuse,«La Grâce» garde une dimension insaisissable…
Film de voyage, les gens se rassemblent dans les villages reculéspour venir à la rencontre de ces deux marginaux et de la grande toile blanche, animés par l’espoir de l’évasion… Film silencieux, «La Grâce» nous offre une brèche dans le temps…
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May December
Un film de Todd Haynes – USA – 1h57 – 2023
Avec Natalie Portman, Julianne Moore, Samy
Burch…
Todd Haynes (le réalisateur) n’a pas son pareil pour pénétrer dans la psyché féminine. Il l’avait déjà montré dans son film « Carol ». Il va encore plus loin pour « May December ». Il y dirige deux grandes comédiennes, Julianne Moore et Natalie Portman, pour une réflexion sur leur métier au service d’un scénario cité aux Oscars.
La première est passée par la case prison pour avoir séduit un jeune homme mineur avec lequel elle a fondé une famille provocant un véritable scandale aux USA. La seconde est une actrice sensée l’incarner dans un biotique sulfureux tourné 20 ans après les faits. Le choc entre les deux va être progressivement tellurique quand elle se rencontre pour la préparation du film.
Todd Haynes explique : « Julianne et Natalie sont deux artistes au sommet de leur talent. J’étais le premier spectateur de mon film en les regardant affiner leur performance en duo. Le processus était fascinant. »
Il l’est tout autant pour le spectateur fasciné par ce jeu de pouvoir dont les forces s’inversent progressivement jusqu’à provoquer des dommages irréversibles.
Le spectateur a l’impression d’être invité en coulisse pour découvrir comment se construit un personnage ce qui est d’autant plus intéressant que le film propose une véritable mise en abime.
Todd Haynes : « Natalie joue une actrice qui doit incarner une femme qu’interprète Julianne », vertige garanti !
Plus encore qu’à l’affaire réelle dont il s’inspire, Todd Haynes se passionne pour la notion de jeu d’actrices et pour l’égoïsme que peut impliquer la création. Le pas de deux des deux actrices superbement chorégraphié est un bonheur en même temps qu’une belle leçon de composition. Todd Haynes, a encore signé un beau film tout en délicatesse qui met en valeur ces dames aux talents complémentaires.
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Green Border
GREEN BORDER
D’Agnieszka Holland – Pologne – 2023 – 2h27 – VOST
Green Border , Prix spécial du jury à la Mostra de Venise, arrive ce mercredi 7 février sur les écrans français. Ce film coup de poing, en noir et blanc, fait écho à des faits réels : l’afflux de migrants, à partir de l’été 2021, à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Au mépris de la convention de Genève sur l’asile, la Pologne alors dirigée par les nationaux conservateurs du PiS, déclara un état d’urgence et une zone d’exclusion entre les deux pays, interdisant aux journalistes et aux militants humanitaires de s’y rendre jusqu’à l’été 2022. C’est à cette période, dans et autour de cette zone, que se déroule le film poignant d’Agnieszka Holland (2 h 27).
Agnieszka Holland, 75 ans, défend toujours avec énergie « le cinéma de l’inquiétude morale », mouvement né dans son pays, la Pologne, en 1970. Son film très documenté sonne comme un appel à plus d’humanité envers les réfugiés qui frappent aux frontières de l’Europe. « Je ne sais pas comment changer le monde, dit-elle, mais je sais comment raconter des histoires avec l’aide du cinéma, alors c’est ce que je fais. » L’actrice franco-iranienne Behi Djanati Ataï (qui joue dans le film) l’a aidée à réunir le casting, où figure notamment l’acteur syrien Jalal Altawil, en France depuis 2015.
L’histoire démarre dans un avion biélorusse. À bord, une famille syrienne fuyant la guerre (le père, la mère, le grand-père et trois enfants). À l’arrivée à Minsk où un taxi doit les attendre pour leur faire traverser la Pologne et rejoindre la Suède, rien ne se passe comme prévu. Ils se retrouvent coincés, avec des dizaines d’autres réfugiés venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan, dans une zone marécageuse, à la merci de militaires ultraviolents. Le film suit aussi un garde-frontière polonais à qui on a mis dans le crâne que « ces gens sont des balles vivantes envoyées par Poutine et Loukachenko. » Et une psychologue vivant près de la fontière. La force du noir et blanc. La caméra au plus près des visages d’acteurs bouleversants de vérité, à commencer par les enfants. Le chapitrage et la multiplicité des points de vue. Des éclairs d’espoir amenés par les actions des humanitaires dans une histoire par ailleurs sans concession sur la cruauté humaine et l’impuissance de l’Europe.
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20 000 Espèces d’abeilles
20 000 ESPÈCES D’ABEILLES
Film de Estibaliz Urresola Solaguren – Espagne – 2h08 – VOST
Avec Sofía Otero, Patricia López Arnaiz, Ane Gabarain
C’est l’été dans le pays basque espagnol, et la caméra sensible de la réalisatrice Estibaliz Urresola Solaguren capte avec délice sa douce torpeur en filmant le confort des habitudes de vacances familiales. Les visites à une tante solitaire, les rituels pieux de grand-mère, mais surtout en arrière-plan la présence sonore de la nature, comme si les bruits du vent et de la pluie étaient plus prometteurs que ce que peuvent dire les adultes. Les habitudes estivales ne sont d’ailleurs pas entièrement respectées puisque cette fois-ci, la famille débarque chez mamie à l’improviste et papa est retenu ailleurs. Les questions inquisitrices ne se font pas attendre mais la caméra, rarement située à hauteur d’adulte, se concentre autre part.
Que les vieilles dames du village utilisent le masculin ou le féminin à son égard importe peu à Aitor, 8 ans. Ses beaux cheveux longs cachent mal son air renfrogné : Aitor ne veut plus qu’on l’appelle par son nom, et le surnom de Cocó ne convient pas davantage. Mais si il existe bel et bien 20 000 espèces d’abeilles différentes, alors il existe forcément quelque part une identité qui lui convienne mieux.
Dans 20 000 espèces d’abeilles, les enfants posent beaucoup de questions mais les adultes ont du répondant, et ce sans condescendance. Les enfants ne sont pas pris pour des idiots et nous non plus : la réalisatrice fait en effet preuve d’une grande acuité dans sa manière de filmer ce qu’on pourrait appeler un peu lourdement l’éclosion de son personnage principal. Elle donne quelques métaphores en guise de pistes de lecture (les abeilles bien sûr, mais aussi une discussion sur les sirènes), néanmoins elle fait preuve de beaucoup d’adresse en évitant de les surligner à outrance. 20 000 espèces d’abeilles est un drame dont le réalisme n’empêche pas la poésie.
Un glissement progressif fait d’ailleurs que le récit et la caméra se détache d’Aitor/Cocó pour se concentrer davantage sur les adultes. En changeant ainsi le point de vue, le film sous entend que le problème ne se trouve bien sûr pas dans la tête de l’enfant mais dans celles des grands, dans leur panique morale ou leur amour maladroit, dans leur croyance têtue qu’ils ont qu’un enfant ne peut pas avoir une telle expérience du genre. Dans ce village sans hommes ou presque, où le quotidien est fait de traditions et superstitions, Aitor/Cocó « ne fait qu’écouter ». 20 000 espèces d’abeilles est un puissant portrait qui a lui aussi la grande intelligence d’écouter plutôt que de parler à la place des enfants trans.
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La Bête
LA BETE. De Bertrand Bonello – France/Canada – 2023 – 2h26. Avec Léa Seydoux, George MacKay, Guslagie Malanda, Dasha Nekrasova…
Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser Gabrielle doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son grand amour. Mais une peur l’envahit, le pressentiment qu’une catastrophe se prépare. Les quatre dernières années de Bertrand Bonello ont été denses artistiquement, avec trois longs métrages en tant que réalisateur, autant comme scénariste, sans oublier son rôle court mais inoubliable du père de l’héroïne de Titane de Julia Ducournau. Après une première mondiale à la Mostra de Venise l’été 2023, c’est du côté de La Roche-sur-Yon et sa compétition internationale de qualité qu’on retrouve La Bête, nouveau projet ambitieux du réalisateur de Saint-Laurent (2014). Son scénario est un kaléidoscope vertigineux où l’on voit se superposer des couches d’histoires, chacune située dans une trame temporelle différente, que ce soit le début du XXème siècle, le futur proche, ou encore un présent qui n’est pas tout à fait le nôtre. Toute la structure de cette histoire repose sur deux personnages, Gabrielle Monnier, jouée par Léa Seydoux, littéralement de tous les plans, et Louis, où l’on retrouve l’acteur britannique George MacKay (1917). La Bête n’est pas un film facile d’accès : l’enchevêtrement des scènes peut donner le tournis et le sens du script ne se donne pas aisément. D’une certaine manière, l’introduction du film, où l’on voit Léa Seydoux devant un fond vert, exécutant les directives d’une voix-off qui semble être celle d’un cinéaste, dédramatise tout de suite les possibles difficultés du spectateur à se retrouver dans les différents fils de la narration. Bonello expérimente et il y a quelque chose de jubilatoire à le voir mettre en scène son actrice face à diverses situations qui tournent toutes autour du même axe.
Il est avant tout question de peur « primale » dans La bête, le titre même représentant un point de fixation, une façon de définir ou de nommer cette inconnue qui habite les discussions et l’âme de Gabrielle. C’est un enjeu constamment en filigrane qui justifie à lui seul les multiples basculements de l’histoire. Une fois ce point de compréhension derrière nous, il est plus facile de contempler toute la splendeur du film, qui présente un lot de points de vue impressionnants par le biais des caméras, divisant l’écran en deux ou quatre plans, notamment grâce au motif de la caméra de surveillance d’une grande villa californienne. Ces idées permettent de se rendre compte ce qui anime Gabrielle de façon viscérale : elle doit faire un choix. Que faire de sa vie ? Doit-elle succomber à sa peur ? Vivre comme elle le souhaite ou se laisser aller aux injonctions d’une société qui s’est déshumanisée pour éviter les drames du passé qui ont désigné les affects, les sentiments, comme responsables de tout. C’est dans le dénouement de ces questionnements que Léa Seydoux rappelle quelle grande comédienne elle peut être, vibrante dans les cadeaux de jeu qu’elle offre. La bête est aussi un grand film en terme de direction artistique. Que ce soit l’atelier de poupées, les rues de Paris sous les eaux, ou Gabrielle au volant de sa voiture dans les collines de Los Angeles… Tout est beau et incroyablement travaillé pour donner vie à chaque séquence. La boite de nuit, changeant de nom chaque soir pour épouser celui d’une année du XXème siècle, est un modèle dans le genre, à la fois simple et épuré mais terriblement incarné pour donner l’effet souhaité à la scène, avec des musiques parfaites pour en rehausser le trait.
Si La Bête est un film difficile, c’est surtout un spectacle exigeant et virtuose qui met extraordinairement bien en valeur son duo d’acteurs. Bertrand Bonello montre admirablement à quel point il continue d’essayer de nouvelles choses à l’écran, revitalisant son cinéma avec de nouveaux défis visuels passionnants dans lesquels il ne faut pas craindre de se plonger. Cette immersion-là, si on l’accepte, offre des moments de délices cinématographiques rares qui vont bien au-delà des simples enjeux narratifs habituels.
– Critique du BLEU DU MIROIR –
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Dream Scenario
Un film de Kristofer BorgliUSA 2023 1h41
Avec Nîcolas Cage, Michael Cera Juliana Nlcholson,
Dream Scénario a pour protagoniste Paul (Nicolas Cage), un professeur d’univer- sité apprécié, heureux mari. père comblé, qui mène un confortable train de vie.
Seulement il est insatisfait de son sort ; ll voudrait être publié, célèbre, bref reconnu.
Il le sera, reconnu, car un double de Paul se met à surgir dans les rêves de millions d’inconnus.
Devenu un phénomène viral, l’homme se transfonne en une sorte dînfluenceur malgré lui ; son image est gérée par une société de relations publiques.
Paul, ravi de l’attention initiale. n’a aucun contrôle sur cette image.
ll déchante quand on le tient pour responsable de mauvaises actions réelles ou imaginaires, de son double.
Après son heure de gloire, ce Monsieur tout le monde passe d’icône à paria.
Voyage fascinant et parfois déconcertant, ce film mêle subtilement réalisme et sa- tire poignante de la société médiatique contemporaine, assujettie au marketing et aux réseaux sociaux. qui n’ont de cesse d’ériger la vacuité et le paraître en va- leurs dominantes.
Au départ joyeuse farce inolîensive et agréablement rafraîchissant, l’oeuvre se pare ensuite d’un discours mordant sur l’identité et la célébrité.
Le réalisateur réussit à maintenir un équilibre délicat entre l’absurde et le poi- gnant offrant, avec ce film audacieux et original qiu transcende les genres, une expérience riche en émotions.
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FREMONT
Semaine du premier au 6 février : FREMONT
De BABAK JALALI 2023 -USA- 1H28- VOST
Avec Anahita Wali Zada…. Jeremy Allen White, Gregg Turkington, Hilda Schmelling, Avis See-
Prix du jury au Festival du cinéma américain de Deauville
Dessiné dans les rondeurs de l’enfance, le visage que l’on voit occupant toute l’image et qui sera de quasi tous les plans délivre une douceur pleine de détermination. Cela tient, sans doute, au regard, direct et franc, qui l’illumine. Donya (Anaita Wali Zada), réfugiée afghane de 21 ans, ancienne traductrice pour l’armée américaine et expatriée au retour au pouvoir des talibans, vit désormais à Fremont, ville de la baie de San Francisco, en Californie. Elle y a trouvé un nouveau travail dans une petite fabrique familiale de fortune cookies (« biscuits à message ») tenue par un couple d’immigrés chinois. Le soir, elle dîne seule dans un petit restaurant de quartier, toujours le même, avant de retrouver son studio, où elle peine à s’endormir.
C’est ainsi que s’esquisse le portrait auquel le cinéaste Babak Jalali consacre son quatrième long-métrage, Fremont, petite merveille en noir et blanc, épurée du superflu et d’effets, au profit d’une grâce un brin mélancolique et d’une rare beauté.
Fremont, nous parle d’exil (géographique, social, mental), de ces vies en marge et de la solitude qui en résulte : il a reçu, en septembre, le Prix du jury au Festival du cinéma américain de Deauville
A cet exil, source de nombreuses souffrances, le cinéaste ajoute néanmoins une puissance dont il se fait un devoir. Celui d’accorder force et volonté aux personnages de ses films, à l’inverse du caractère victimaire dont on affuble le plus souvent les déracinés. Donya porte ce flambeau, qui, malgré sa modestie, refuse de se laisser faire et sait ce qu’elle veut. Le film agit de même : la tristesse diffuse sans cesse contrariée par des situations absurdes, une drôlerie pince-sans-rire pour le moins irrésistible. Bien que routinière, la vie de Donya croise une galerie de personnages plus ou moins loufoques, sujets aux névroses, un vague à l’âme dont il est préférable de rire plutôt que de pleurer : La politesse de Babak Jalali…. Donya trace, doucement son chemin. Promue au sein de la petite entreprise où elle travaille, elle rédige désormais les messages incorporés aux biscuits qu’elle se contentait il y a peu d’emballer. Ces courts messages destinés à offrir en quelques mots un peu d’espoir à ceux qui les découvrent nous livrent désormais les humeurs et les désirs de la jeune femme. Notamment celui de vivre une histoire sentimentale qui l’aiderait à rompre avec sa solitude. Décidée à forcer le hasard, Donya glissera son numéro de téléphone sur l’une de ces petites langues de papier. On taira évidemment l’issue, surprenante et admirable, à laquelle conduira cette initiative. On dira seulement qu’elle est à l’image de Fremont, film profond et émouvant.
D’après la critique du Monde de Véronique Caubaopé
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