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Archives pour février 2023
PROGRAMMATION MARS AVRIL 2023
LE RETOUR DES HIRONDELLES
Du 2 au 7 mars 23
De Li Ruijun – Chine – 2h13
Dans la Chine moderne, l’agriculture est malmenée et l’on exproprie à tour de bras des paysans afin de les parquer dans des appartements froids comme la mort, au nom de « la fin de la pauvreté absolue » . Pourtant « la terre est propre et juste », répond le héros de ce mélo pastoral. Lui et sa femme sont les brebis galeuses du coin et pourtant, en vivant , amoureux, le plus loin possible de la compagnie des hommes, ils vont réussir à se construire un nid d’amour. Le film du populaire cinéaste Li Ruijun réalisé avec des petits moyens, a fait grincer des dents en Chine pour sa vision inquiète, et pour tout dire désespérée, du monde paysan (sorti début juillet 2022 avec succès, et censuré fin septembre par Xin Jinping).
Ours d’ Argent au festival international de Berlin 2022.
https://cinecimes.fr/li-ruijin-le-retour-des-hirondelles/
RETOUR À SÉOUL
Du 2 au 7 Mars 23
De Davy Chou, France /Belgique/Allemagne, 1h59 – VOST
Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, sans connaître ni la culture, ni la langue, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues. Film esthétique sur la rage de trouver sa place et aussi une recherche de l’apaisement qui se trouve par l’émancipation des assignations. Une liberté d’être.
https://cinecimes.fr/davy-chou-retour-a-seoul/
L’HOMME LE PLUS HEUREUX DU MONDE
Du 9 au 14 mars 23
De Teona Strugar Mitevska – Macedoine – 2022 – 1h35 – VOST
Asja et Zoran se retrouvent dans un speed dating. Assez rapidement, le hasard des questions va leur faire comprendre que, trente ans auparavant, dans le Sarajevo soumis au feu nourri des snipers tchetnicks, l’une fut la victime du tir de l’autre, le jeune Zoran ayant été à l’époque enrôlé dans l’armée de la République serbe de Bosnie.
Face à cette révélation sidérante, comment continuer à jouer au simulacre de la rencontre amoureuse ?
TAR
Du 9 au 14 mars 23
De Todd Field – Etats Unis – 2h38 – VOST Avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant…
Le réalisateur américain signe un thriller psychologique à la mise en scène implacable, porté par une redoutable Cate Blanchett (Lydia Tar), logiquement récompensée d’un prix d’interprétation féminine à la dernière Mostra de Venise. De par sa fonction et son statut, Lydia, célèbre cheffe d’orchestre, est dans le contrôle absolu d’elle-même et des autres. C’est elle qui donne le tempo, corrige d’éventuels égarements de ses musiciens, calme leurs ardeurs ou les stimule afin de restituer sa vision de la partition. La partition en question est celle de la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler, compositeur autrichien. La progression de ce chef-d’oeuvre musical sera celle du film tout entier. Les actions de Lydia portent en elles une autorité souveraine incontestable. Quelque chose se trame pourtant en secret, Lydia se voit accusée de harcèlements moraux et sexuels. Les questions que pose le film sur la nature du pouvoir, sur la façon dont on l’exerce et dont on peut juger ces abus, sont éternelles au sens du réalisateur.
AFTERSUN
Du 16 au 21 Mars 23
De Charlotte Wells – Grande Bretagne et Etats Unis – 1h36 – VOST
Sophie, 11 ans, passe quelques jours d’été avec son père dans un hôtel de Turquie, et elle filme ces instants solaires sans savoir encore que le temps leur est compté. Le lien entre eux deux est fragile et délicat, bien rendu par l’oeil à la fois tendre et acéré de la réalisatrice écossaise. En revoyant bien plus tard ces images, Sophie découvrira ce malaise qui envahissait parfois son père, ces absences, qu’il chassait en dansant ou en faisant le clown…. C’est le premier film de cette réalisatrice écossaise, et il a reçu le Grand Prix du Festival du film américain de Deauville.
TOI NON PLUS TU N’AS RIEN VU
Du 23 au 28 Mars 23
De Béatrice Pollet – France – 2022 – VOST – 1h 33
Avec Maud Wyler, Géraldine Nakache, Grégoire Colin, Roma Kolin
Claire saute dans une piscine avec un ventre totalement plat. Pourtant deux semaines plus tard elle accouche dans un état de sidération absolu. Tout comme sa famille, son entourage et nous spectateurs stupéfaits, personne n’a rien vu. Après une enquête minutieuse et extrêmement documentée, Béatrice Pollet se lance dans cette fiction délicate mais remarquablement maîtrisée. Tourné à Toulouse pour rendre hommage au docteur Félix Navarro qui y a créé l’Association Française pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse, « Toi non plus tu n’as rien vu » met en lumière un sujet d’une grande complexité, un mystère qu’il faut pourtant accepter.
https://cinecimes.fr/beatrice-pollet-toi-non-plus-tu-nas-rien-vu/
LA ROMANCIÈRE, LE FILM ET LE HEUREUX HASARD
Du 23 au 28 Mars 23
De Hong Sang-Soo, Corée du Sud, 1h33 – VOST
Banlieue de Séoul. Junhee, romancière de renom, rend visite à une amie libraire perdue de vue. En déambulant dans le quartier, elle croise la route d’un réalisateur et de son épouse. Une rencontre en amenant une autre, Junhee fait la connaissance de Kilsoo, une jeune actrice à qui elle propose de faire un film ensemble…
Ce film a reçu l’Ours d’argent de la Berlinale 2022
UN PETIT FRERE
Du 30 Mars au 4 Avril 23
De Léonor SERAILLE – France -1h56. Avec Annabelle Lengronne, Stéphane Bak, Kenzo Sambin, Ahmed Sylla.
Une fresque romanesque sur Rose, une femme éprise de liberté, mère ivoirienne, venue en France en 1989 avec ses deux fils, racontée sur vingt ans, en trois volets, de Rose, puis de Jean et enfin d’Ernest, le petit frère. D’abord logée par sa famille en banlieue parisienne, elle travaille dur comme femme de ménage dans un hôtel mais n’a peur de rien, que ce soit pour prendre une pause, ou pour sortir danser, ou pour élever ses fils qu’elle adore mais pour lesquels elle exige une conduite exemplaire. Elle croit l’amour possible avec un homme, mais il lui promet la lune. Les fils grandissent au fil du film. La vie est perçue comme un doux drame en soi, avec des erreurs et des confrontations. Sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2022.
Publié dans Archives programmes
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TOI NON PLUS TU N’AS RIEN VU
Du 23 au 28 Mars 2023
TOI NON PLUS TU N’AS RIEN VU
Un film de Béatrice Pollet – France – 1H 33 – 2022
Avec Maud Wyler, Géraldine Nakache, Grégoire Colin, Roma Kolin
Claire Morel a besoin de nous pour comprendre ce qui s’est passé. Si nous ne tentons pas de comprendre avec elle, le mystère restera entier C’est au cœur d’une bien étrange affaire, une partie de cache-cache avec soi-même et peut-être avec les autres, que plonge le captivant “ Toi non plus tu n’as rien vu “de Béatrice Pollet.
Inspiré de faits réels, le second long de la cinéaste française démarre (après un court prologue de bonheur familial) par une soirée folle pour le couple composé de Claire (Maud Wyler) et de Thomas (Grégoire Colin). À son retour tardif du travail, le second, retrouve sa femme inanimée et ensanglantée. Quelques heures après, il est placé (dans un état apparent d’incompréhension absolue) en garde à vue pour complicité de tentative d’homicide. Le motif, il le révélera très vite à Sophie (Géraldine Nakache), l’amie avocate de Claire : « on a retrouvé un nouveau-né sur le container en face de notre maison. Ils disent que c’est l’enfant de Claire – C’est du délire ! – Ça ne peut pas être son bébé. Je serais au courant si ma femme était enceinte ! »
À partir de ce coup de théâtre initial et de la sidération accablant les protagonistes (Claire est incarcérée), le film détisse méthodiquement ce qui s’avère un déni de grossesse et creuse en profondeur à la recherche des racines de l’événement. Interrogatoires du juge d’instruction (Pascal Demolon), reconstitution, attaques du procureur expertises psychiatriques pour évaluer l’altération ou non du discernement, parloirs de Claire avec Thomas pour le volet d’intimité du couple et avec Sophie pour préparer sa défense, poids de l’opinion publique. Difficile remontée progressive à la surface de Claire sur quelques mois, le film explore un mystère à la lisière de la science, mais aussi les liens entre maternité et psychisme.
Empathique mais sobre, ménageant habilement le suspense sans effets de manche (un très bon scénario écrit par la réalisatrice), interprété et mis en scène avec justesse, “Toi non plus tu n’as rien vu” se révèle un film passionnant, très humain et éminemment féministe, levant le voile pour l’instruction de tous sur un acte à priori incompréhensible, y compris pour celles qui traversent ce genre d’épreuves.
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LE RETOUR DES HIRONDELLES
CINE CIMES Semaine du 2/03au 7/03/2023
Université Populaire Sallanches-Passy
LE RETOUR DES HIRONDELLES
Film de Li Ruijun – Chine – 2h13
Avec Wu Renlin, Hai-Qing, Guangrui Yang…
Elle a vu en lui tout de suite la bonté, à cause de cette main humble et belle qui caresse le dos de son âne. Lui a entendu les cris de mépris, les moqueries autour de sa jambe abîmée et son regard vide et effarouché. Mais voilà, ils se sont mariés, acceptant leur dénuement total comme une opportunité de vie et d’amour. Li Ruijun est un jeune réalisateur qui cumule à son actif déjà six longs métrages et qui force à l’admiration dans son pays en Chine. Le Retour des hirondelles apparaît comme une oeuvre majeure, dont la maîtrise de la mise en scène, de l’écriture et de la photographie est stupéfiante. Autant le récit refuse l’esbroufe et se contente de regarder pendant plus de deux heures un couple d’une magnifique simplicité, autant le film touche quasiment la perfection. L’histoire se résume à ce couple qui peu à peu, se construit une maison pour leur âne, leurs quelques poules et leur cochon, ne possédant vraiment qu’une charrue et un animal de traie. Le réalisateur s’attache à les filmer dans l’intimité merveilleuse de leur quotidien. Les corps sont éloignés, la chair semble absente de cet amour sublime. Les mots surgissent petit à petit, trahissant entre les deux, une affection emprunte d’admiration, d’amitié et de respect. Ils s’aiment sans bruit, sans effusion charnelle. Le dos voûté de la femme, le pas hésitant de l’homme ne les empêchent pas de se bâtir une vie qui pourrait ressembler au bonheur absolu. La pauvreté des paysans chinois, pourtant si écrasante, semble s’absoudre dans la candeur de leur existence.
Bientôt, après le mépris, survient la jalousie des villageois qui voient dans leur couple l’amour dont eux-mêmes se sont privés. C’est impossible de ne pas parler de ce film sans évoquer le soin immense apporté aux détails. Chaque plan est réfléchi dans une subtile synthèse de lumière et de couleur. Pourtant le métrage ne cherche pas à accumuler les effets de style. La photographie magnétique parvient à saisir, sans aucun excès, la beauté dans ce couple. L’image semble s’être inspirée d’une peinture de Van Gogh et la musique, en fond d’écran, accentue ce miracle de poésie. Ce film est une oeuvre de cinéma magistrale, comme il nous est rarement donné d’en découvrir. Les deux personnages emportent le spectateur dans leur sillage avec une incroyable facilité. Il y a dans ce récit simple et beau une âme romanesque. Et pourtant le réalisateur refuse de céder au misérabilisme bien-pensant ou au drame romantique. Il montre, dans une langue débarrassée de toute fioriture inutile, la vérité de l’amour à travers un couple qui se contente d’être ce qu’ils sont au lieu de rêver ce qu’ils ne possèdent pas. Ce film est majeur en début d’année 2023. Il donne à penser un monde où la matérialité n’est plus le centre de la vie. Il donne à espérer en un monde d’existence futur où l’amour, l’humanisme, la justice priment au détriment d’un univers rongé par la capitalisme financier et le consumérisme à outrance.
Laurent Cambon ( A Voir A Lire ) .
Le film de Li Ruijun dresse un tableau sensible du développement d’une relation. Avec un éclairage particulièrement travaillé, notamment dans les scènes d’intérieur, il crée une ambiance permettant la naissance d’une intimité improbable dans ce mariage forcé. Le jeux des deux comédiens tout en retenue, donne à sentir le rapprochement de Ma et Guying par des gestes du quotidien, en apparence anodins, mais chargés de signification pour ces deux êtres isolés.
En arrière plan, le cinéaste peint également l’extrême pauvreté des campagnes chinoises . Ses longs plans et ses mouvements d’appareils rendent compte de la dimension lente et répétitive du labeur qu’il est nécessaire d’accomplir dans certaines régions pour gagner assez d’argent pour vivre. En filigrane, c’est également l’incapacité du régime en place de pallier à cette situation qui est dénoncée. La force politique du long métrage lui a par ailleurs valu une interdiction par le gouvernement chinois, alors qu’il avait passé la rampe de la censure dans un premier temps. Le retour des hirondelles noue avec une intelligence un propos social sans concession et la trajectoire singulière de deux personnages apprenant à s’aimer, en sachant prendre le temps nécessaire au développement de son récit.
Noé Maggetti ( Ciné-Feuilles ) .
Ours d’Argent au festival international
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AFTERSUN
Grande Bretagne/ USA
Réalisé par Charlotte Wells
AvecPaul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall
Quand elle avait 11 ans, à la fin des années 90, Sophie, jeune écossaise, a fait un voyage organisé en Turquie avec son père, et s’est amusée à filmer ces «vacances géniales».
Des années plus tard, elle se remémore ces quelques jours de bonheur, avec la culpabilité d’être «passée à côté» des moments d’absence, de tristesse , de mal de vivre de son père, et cherche dans ces images des indices qu’elle aurait méconnu….
Ce personnage du père est bouleversant tant il est secret, jusqu’à la souffrance. C’est ce qu’éprouvera rétrospectivement Sophie devenue adulte. Entre eux deux, si proches et si séparés, Aftersun fait vibrer un lien d’une délicatesse comme on n’en avait pas vu depuis le film de Sofia Coppola Lost in translation.
La réalisatrice capte avec une grande sensibilité un moment de bascule, elle enregistre des instants volatiles avec un talent stupéfiant et croise avec grâce le regard de la gamine et celui de la cinéaste adulte qui fouille ses images et sa mémoire…
Charlotte Wells: «Je voulais dépeindre la dépression d’une manière authentique, désordonnée, compliquée, parfois contradictoire et parfois subversive par rapport à ce la façon dont les gens la perçoivent.»
Ce film a remporté le Grand Prix du Festival Américain de Deauville 2022.
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TAR
TAR De Todd Field – Etats Unis – 2022 – 2h38 – VOST Avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant…
Après seize ans d’absence, Todd Field signe l’un des films américains les plus acclamés de la saison. Une œuvre réalisée dans une évidente symbiose avec son interprète. Cate Blanchett trouve ici l’un des rôles de sa vie. On avait fini par l’oublier mais, dans les années 2000, Todd Field était l’un des grands espoirs du cinéma d’auteur américain. L’une des différences entre le monde de la musique classique et celui du cinéma, c’est que les carrières des acteurs, des actrices ou même des cinéastes, sont souvent décrites comme dues à la chance, à des circonstances favorables, aux connections dans le métier, etc… Les musiciens classiques, eux, doivent tout aux milliers d’heures qu’ils ont passées à maîtriser leur instrument. Ils ne sont pas choisis par hasard pour intégrer ou diriger un orchestre. C’est une question d’excellence. Lydia Tár trône sur le monde de la musique. Elle est au sommet de l’Olympe.
Dans le couloir qui mène à la lumière, Lydia Tár attend d’entrer en scène. Figée ou presque. Ce film parle du pouvoir dont jouissent certains artistes reconnus. De par sa fonction et son statut, Lydia, célèbre cheffe d’orchestre, est dans le contrôle absolu d’elle-même et des autres. C’est elle qui donne le tempo, corrige d’éventuels égarements de ses musiciens, calme leurs ardeurs ou les stimule afin de restituer sa vision de la partition. La partition en question est celle de la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler, pièce macabre d’un compositeur autrichien, qui tend pourtant vers une exaltation exacerbée des sentiments. La progression de ce chef d’œuvre musical sera celui du film tout entier. Les questions que pose le film sur la nature du pouvoir, sur la façon dont on l’exerce et dont on peut juger ses abus, sont éternelles au sens du réalisateur.
Les actions de Lydia Tár portent en elles une autorité souveraine incontestable. Quelque chose se trame pourtant en secret, prête à sourdre de terre. Todd Field filme un lent délitement, le vacillement d’une lumière. C’était déjà le cas dans ses deux précédents longs métrages : In the Bedroom en 20001 puis Little Children en 2006, mélos sirkiens, auscultant les fissures de la bourgeoisie américaine contemporaine, qui lui avaient valu une avalanche de récompenses et de nominations aux Oscars. Lydia Tár se voit accusée de harcèlements moraux et sexuels. Le récit pourrait basculer dans une paranoïa, flirter avec l’angoisse d’une cassure psychologique. Le film refuse de s’y soumettre. La peur existe mais elle peut encore être domptée.
La mise en scène implacable de Todd Field avance à découvert, ne cherche aucune dissimulation. L’extrême lisibilité de la surface est bien-sûr un leurre. Field, acteur avant d’être cinéaste, a joué dans Eye Wide Shut – c’était le pianiste qui permettait l’introduction du héros incarné par Tom Cruise dans le manoir secret -. Field part de la clarté de sa représentation pour en dévoiler, par manipulation, son double-fond. Une vision exprimée de manière littérale, le temps d’un plan-séquence héroïque dans lequel Lydia Tár, face à des étudiants de la Juilliard School, surplombe et encercle son auditoire de sa verve intellectuelle et sa bestialité. Les jeunes élèves sonnés ou fascinés, sont interdits. Lydia sait qu’en tant qu’artiste, elle arrive au bout de quelque chose. Elle a atteint la perfection. Elle s’apprête à parachever son enregistrement de l’intégralité des symphonies de Mahler, qui sera publié en vinyle le jour de l’anniversaire du compositeur. Qu’est-ce qui pourrait être plus parfait que ça ? Qu’espérer atteindre après ? Elle sait sans doute que, de là où elle est – l’Olympe, encore une fois – elle ne peut que redescendre. Et, sans raconter la fin du film, ce qui est noble et beau chez elle, c’est qu’elle décide, afin d’avancer en tant qu’artiste, de s’autodétruire. Elle lâche prise. C’est puissant et courageux. Mais la fin du film peut aussi s’interpréter comme une épiphanie, une renaissance, le début de quelque chose de nouveau. Cate Blanchett mérite tous les honneurs. Elle a été couronnée du prix de la meilleure actrice lors de la dernière Mostra de Venise.
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RETOUR A SEOUL
De Davy Chou. France/Belgique/Allemagne-1h59- VOST
Avec Park Ji-min, Oh Kwang-Rok, Louis-Do de Lencquesaing
Davy Chou raconte l’errance identitaire d’une jeune femme à la recherche de ses origines. Grand, vibrant et voluptueux.
Entre les tours géométriques de Séoul, une jeune femme est en quête d’elle-même. Elle a 25 ans, s’appelle Freddie, est née en Corée et a été adoptée par un couple de Français. Elle vient d’atterrir pour la première fois en Corée du Sud. Sur un coup de tête, Freddie s’est mise à la recherche de ses origines. Elle rencontre d’abord Tena, jeune Coréenne bienséante et bienveillante, dans une guest house. Puis pousse la porte du Service des adoptions coréen, remonte jusqu’à son père, rongé par les remords et l’alcool, partage une soupe de poulet avec sa famille biologique (scène remarquable), rencontre d’autres Coréens, repousse son père, cherche en vain sa mère puis s’installe à Séoul.
Ce film raconte l’histoire d’une déracinée qui s’ignore (ou qui ne le sait que trop bien). Il y est question d’opportunités gâchées, de portes claquées, de mots dévorants, de quête de soi infinie. Remarqué dans la Section « Un certain regard » à Cannes, il ne s’agit que du deuxième long-métrage de fiction de Davy Chou après Diamond Island, en 2016. Mais le cinéaste de 38 ans semble déjà avoir trouvé son style, quelque part entre des ellipses ambitieuses et une caméra tourbillonnante. Ici, tout bouge, Freddie se lie puis se sépare, se trouve puis fait reset. Elle est dure, violente parfois, frustrée, effrontée, fragile, rebelle, flamboyante. Elle est tout en nuances. Les personnages secondaires (superbes Louis-Do de Lencquesaing et Guka Han) aussi. La grâce qui enveloppe ce film leur doit aussi beaucoup à chacun. Et quand Freddie semble enfin apaisée, ce film captivant se boucle sur une philosophie aussi étonnante que son héroïne qui n’oblige personne : la liberté, c’est savoir s’émanciper de toutes les identités qu’on vous assigne.
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L’HOMME LE PLUS HEUREUX DU MONDE
L’homme le plus heureux du monde
De Teona Strugar Mitevska
Avec : Jelena Kordic, Adnan Omerovic, Labina Mitevska…
Un speed dating dans un hôtel de Sarajevo… La cocasserie et la gravité nourrissent ce second film de la cinéaste macédonienne découverte avec « Dieu existe, son nom est Petrunya ». Après sa charge contre le patriarcat, la réalisatrice s’intéresse aux cicatrices de la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), qui marqua la dislocation du pays où elle naquit, la Yougoslavie.
Accueillis par deux hôtesses en robe panthère, les candidats à l’amour doivent revêtir d’affreuses blouses couleur parme, censées créer une harmonieuse unité.
A la table numéro 12, l’exercice du tac au tac devient de plus en plus déstabilisant entre les quadragénaires Asja et Zoran, respectivement conseillère juridique et employé de banque.
Au fil des questions, ils s’aperçoivent avec horreur que c’est lui qui a tiré, le jour où elle a été blessée par une balle, pendant le siège de Sarajevo.
Inspiré par ce qu’a vraiment vécu la coscénariste, Elma Tataragic, ce film magistralement écrit touche par son énergie âpre et ardente, jamais complaisante. Comme leur ville, qu’on voit en chantier et plantée de croix sur les hauteurs, les personnages sont en travaux, se reconstruisent et se déconstruisent en direct. Pour eux, la réalisatrice a concocté un film happening où les belles histoires programmées sont court-circuitées par un choc entre passé et présent, mémoire et oubli. L’étincelle de la guerre semble rallumée, mais c’est une bataille pour la paix qui se joue, remuante, intense, vivifiante.
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Un Petit Frere
UN PETIT FRERE
de Léonor SERRAILLE,
FRANCE (1h56)
Chronique de plus de 20 ans de la vie d’une jeune mère ivoirienne et de ses deux fils installés en France en 1989. Avec autant d’ambition que de sens de détail, la cinéaste Léonor Serraille rend profondément romanesque cette odyssée du quotidien en trois volets, qui portent les prénoms de chacun: Rose, puis Jean (Stéphane Bak), et enfin Ernest (Ahmed Sylla), le petit frère du titre.
Rose, superbement interprétée par Annabelle Langronne, révélation à la présence magnétique, à la noblesse vacillante. Arrivée d’Afrique avec un passé qu’en deux répliques on devine douloureux, cette jeune mère célibataire est logée, en attendant mieux, par des membres de sa famille installés de longue date dans la banlieue parisienne, et travaille comme femme de ménage d’un hôtel où elle brique, mais fait souvent des pauses pour fumer, pour rêver.
Rose n’a peur de rien. Ni de travailler dur, ni de sortir danser, ni d’élever ses fils qu’elle adore mais auxquels elle ne passe rien: il faut qu’ils réussissent, qu’ils soient des élèves exemplaires, même si l’aîné râle quand elle l’habille trop élégamment pour aller à un concours de maths. Rose est une femme libre, ou qui tente de l’être dans une vie précaire et un contexte social où il serait plus simple d’avoir un homme à ses côtés. Sa communauté lui conseille de se caser avec Jules César. C’est, au contraire, avec un ouvrier tunisien rencontré sur les toits de Paris qu’elle croit l’amour possible, un temps. Avant d’accepter de s’installer à Rouen, délaissant ses fils adorés pour un Français qui lui promet la lune…
Les fils, eux, grandissent au fil du film, pendant que les rides tracent sur le visage de Rose les sillons d’une certaine désillusion. Mais pas une once de misérabilisme dans le regard précis et poétique de Léonor Serraille. Pas de tragédie ou de sociologie faciles: la vie est un doux drame en soi, quand on est une femme qui n’accepte aucun diktat, mais qui se trompe aussi. (…) Un grand film sur la beauté de la fierté comme ce principe transmis par Rose à ses fils: «il faut se cacher pour pleurer» -«on pleure dans sa tête?» mime, avec un geste délicieux, le petit Ernest -«C’est ça, on pleure à l’intérieur»
Publié dans 8ème film du programme, Archives films
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Kirill Serebrennikov
Né le 7 septembre 1969 à Rostov-sur-le-Don
Russie
Réalisateur, scénariste, metteur en scène de théâtre et d’opéra
Playing the Victim, Le Disciple, Leto, La
Fièvre de Petrov, la Femme de Tchaîkovsky
Incroyable destin que celui de Kirill Serebrennikov. Un cocktail explosif à lui tout seul. Père juif russe. Mère polono-ukrainienne. Né à Rostov-sur-le-Don (Russie), voici cinquante-trois ans. Ajoutez, avec le temps, physicien viré saltimbanque, artiste polymorphe (théâtre, cinéma, opéra), agitateur invétéré, homosexuel et démocrate revendiqué. Liberté, diversité, refus de l’assignation identitaire et du patriotisme borné. Tout ce que le pouvoir russe abhorre. Cela devait mal tourner. Il s’est retrouvé accusé de malversations, assigné à résidence en 2017, condamné à trois ans de prison avec sursis en 2020. Il s’échappe de la geôle russe en mars 2022. La sortie de portrait saisissant d’une aliénation, équivaut pour le réalisateur à une libération.
Qu’avez-vous trouvé de particulièrement inspirant dans cette histoire d’amour à sens unique et de folie au point d’y consacrer un film ? Comment avez-vous déjoué les pièges de l’académisme, qui sont souvent les travers des films biographiques et historiques ?
Publié dans Archives réalisateurs, Réalisateurs
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Benoît Jacquot (Par Coeurs)
France
Réalisateur
Par Coeur, L’Intouchable,Villa Amalia, Les Adieux à la Reine, Suzanna Andler, Par Coeurs
Par coeurs : c’est quoi ce documentaire avec Isabelle Huppert et Fabrice Luchini ?
Isabelle Huppert et Fabrice Luchini, côté coulisses
En 1998, le cinéaste Benoît Jacquot réalise Par coeur, un documentaire qui est une captation de la lecture au théâtre, seul en scène, de grands auteurs par Fabrice Luchini. 24 ans plus tard, il reprend quasiment le même principe dans Par coeurs pour cette fois filmer Isabelle Huppert et Fabrice Luchini au Festival D’Avignon 2021. La comédienne y était pour la représentation de La Cerisaie d’Anton Tchekhov, et le comédien pour une lecture de Friedrich Nietzsche. (suite…)
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