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Philippe Lacôte ( La Nuit des Rois )

Né en 1969 à Abidjan

Franco-Ivoirien

Producteur, réalisateur

Pourquoi la MACA ?

Philippe Lacôte a choisi de situer l’intrigue des Rois de la nuit au sein de la prison de la MACA (la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan). Il s’agit de l’unique prison de la ville de Côte d’Ivoire et de l’un des établissements pénitentiaires les plus surpeuplés d’Afrique de l’Ouest. Le réalisateur l’a découverte quand il était enfant et y allait régulièrement parce que sa mère, opposante politique, y a été enfermée pendant un an par le régime de Houphouët-Boigny. Il se souvient : (suite…)

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Jasmila Zbanic ( La Voix d’Aïda )

Née le 19 décembre 1974 à Sarajevo

Bosnie

Réalisatrice, scénariste, actrice, productrice

Sarajevo mon Amour, Le Choix de Luna, Les Femmes de Visegrad, La Voix d’Aïda

Entretien avec Jasmila Žbanić

Avec La Voix d’Aïda, la Bosnienne Jasmila Žbanić trouve l’équilibre très délicat entre drame familial et thriller d’action pour raconter avec force et nuance une tragédie.

Contrairement à ce qu’on croirait devoir attendre d’un film sur de tels événements, La Voix d’Aïda ressemble parfois moins à un drame qu’à un film d’action. En tant que réalisatrice, comment avez-vous pris soin de trouver votre rythme idéal sur lequel raconter cette histoire ?

Je me suis rendu compte très tôt que tenter de sauver sa famille allait être une tâche très physique pour Aïda et qu’elle aurait à courir dans tous les sens. Je disais alors pour rigoler que La Voix d’Aïda allait être en effet un film d’action !

(suite…)

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Juho Kuosmanen ( Compartiment n°6 )

Né le 30 septembre 1979 à Kokkola

Finlande

Réalisateur, scénariste, acteur, monteur

Olli Mäki

Entretien avec Juho Kuosmanen, réalisateur

Comment avez-vous découvert ce roman ? À quel moment avez-vous décidé d’en faire un film, et quel était pour vous l’intérêt principal de cette histoire ? Avez-vous décidé d’apporter des changements importants lors de l’adaptation du scénario ?

Ma femme l’a lu quand il est sorti en 2010. J’ai jeté un coup d’œil à la quatrième de couverture et je lui ai demandé si on pourrait l’adapter au cinéma. Elle a répondu : « Pourquoi pas, c’est une histoire intéressante ». C’était intéressant, effectivement, mais c’est un roman. L’histoire part donc dans de nombreuses directions différentes, et pour une adaptation cinématographique, cela pose la question : « quelle direction prendre » ? […] (suite…)

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Compartiment n°6

COMPARTIMENT N° 6

De Juho Kuosmanen- Finlande- 2021 1h47  VOST

Avec Seidi Haarla, Yuriy Borisov, Dinara Drukarova.

On ne saura jamais exactement en quelle année se déroulent les événements relatés dans Compartiment no 6, seulement qu’en ce temps-là il fallait deux bonnes journées et autant de nuits pour rallier Mourmansk en train depuis Moscou. C’est le voyage qu’a choisi le cinéaste finlandais pour son deuxième long-métrage. Il y fait monter Laura (Seidi Haarla), une jeune Finlandaise venue étudier à Moscou. Elle y mène une vie de bohème, faite de beuveries, de chansons et de poèmes.

A l’extérieur, on croit reconnaître les temps qui suivirent la désintégration de l’Union soviétique, la résilience de la bureaucratie et les premières vaguelettes du tsunami des produits de grande consommation.

A cette incertitude historique s’ajoute l’indécision d’une lumière qui semble toujours attirée par la nuit. C’est dans ce brouillard qu’avancent les deux passagers du compartiment no 6, Laura et Lioha (Yuriy Borisov), jeune homme tatoué au crâne rasé que Laura découvre déjà attablé devant un petit déjeuner de saucisse arrosé d’un alcool incolore

 Le réalisateur prend son temps pour stabiliser le registre de son film, et  le premier tiers consiste en un jeu un peu sadique à l’égard du spectateur, constamment incité à s’inquiéter pour la jeune Laura, dont l’énergie et le goût de l’aventure frisent l’inconscience, particulièrement lors d’un arrêt prolongé dans une sinistre ville perdue dans la forêt

 Compartiment no 6 est une célébration de la jeunesse, et une jolie (et parfois maladroite) subversion des clichés du film romantique. Ici, c’est la femme qui décide du tempo, c’est le garçon qui est là pour l’aider à se découvrir toute seule. Les dialogues sont parcimonieux, pourtant on pourrait écrire des pages sur les sautes d’humeur et d’émotion de Laura, tant l’actrice Seidi Haarla maîtrise son personnage. Enfin, la découverte de Mourmansk et de ses environs par gros temps ajoute une note spectaculaire à ce qui a été jusque-là un huis clos dans un train bondé.

D’après la Critique de Thomas Sotinel -le Monde

 

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Leyla Bouzid

BOUZID_Leyla_2015_NB1984  à Tunis

Tunisie

Réalisatrice, scénariste

A peine j’ ouvre les yeux (2015), Une histoire d’amour et de désir

Entretien avec Leyla Bouzid autour du film Une histoire d’amour et de désir.

  • Vous présentez le film en parlant du souhait de mettre en scène un personnage masculin timide. D’où est née cette envie ?

L.B. : « Je crois que c’est né du manque de représentation et de récits autour de ce type de personnages. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de récit d’apprentissage au masculin, ni de récit d’émancipation, comme si les hommes naissaient prêts à tout. » (suite…)

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Joachim Trier

JoachimTrierNé en 1974 à Copenhague

Norvégien

Scénariste, réalisateur

Reprise, Oslo 31 août, Thelma, Julie en 12 Chapitres

Entretien avec Joachim Trier, réalisateur 

D’où vient Julie (en 12 chapitres) ?

Joachim Trier –Mon précédent film, Thelma, se passait dans un monde et parlait de personnages qui n’appartenaient pas à ma propre vie. C’était un film de genre, avec du suspens et une dimension fantastique. Après ce film, j’ai eu envie de revenir aux fondamentaux, de traiter des idées, des personnages, des situations proches de mon vécu et du cinéma que j’ai toujours aimé. Ça a débuté presque comme une thérapie: de quoi ai-je envie de parler maintenant? J’ai passé les 40 ans, j’ai vu mes amis vivre toutes sortes de relations de couple et j’ai ressenti le désir de parler d’amour, et de l’écart entre le fantasme de la vie que nous aurions rêvé de mener et la réalité de ce que sont nos vies. (suite…)

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Nadav Lapid ( Le Genou d’Ahed )

Nadav Lapid

Né en 1975 à Tel-Aviv, Nadav Lapid étudie la philosophie à l’université de Tel-Aviv, la littérature française à Paris et le cinéma à l’école Sam Spiegel à Jérusalem. Après avoir réalisé trois courts métrages, publié un roman et travaillé comme critique littéraire puis journaliste sportif, il entre en 2008 à la Cinéfondation du festival de Cannes où il écrit le scénario de son premier long métrage.

À l’origine du film

LE GENOU D’AHED a été écrit dans un sentiment d’urgence, un sentiment qui m’a intimé d’écrire, de tout écrire, vite, jusqu’au bout. Un sentiment qui me maîtrisait plus que je ne le maîtrisais. Le film est né d’un évènement qui s’est passé en juin 2018. (suite…)

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La Voix d’Aïda

LA VOIX D’AÏDA

De Jasmila ZBANIC – Bosnie-Allemagne-1h44, VOST. Avec Jasna Duricic, Izudin Bajrovic, Boris Isakovic.

Dans les Balkans, en juillet 1995, les Serbes prennent et occupent la ville de Srebrenica, avant le massacre de 8 mille civils bosniaques, des hommes et des adolescents. Aïda, prof d’anglais bosniaque, est réquisitionnée comme interprète par l’ONU auprès d’un contingent néerlandais de la force de protection des Nations Unies. La réalisatrice bosniaque a inventé ce personnage pour développer un point de vue inhabituel de ces évènements. Le film se veut néanmoins fidèle à un nombre conséquent de faits attestés. Mais l’horreur reste hors-champ et rien n’annonce l’innommable. Chargée de faire passer les consignes et de rassurer la foule, clairvoyante, Aïda est à la fois neutre et impliquée car sa famille est bientôt enfermée comme des milliers d’autres dans ce camp de base qui menace de se transformer en piège. La Voix d’Aïda révèle une responsabilité multiple et n’exonère personne.

Données historiques

7-13 juillet 1995

Massacre de Srebrenica

Le point culminant de l’horreur dans la guerre de Bosnie est atteint à Srebrenica, une ville de 20 000 habitants majoritairement musulmane, enclavée dans une région orthodoxe, à l’est de la Bosnie-Herzégovine.

La prise de la ville par les Serbes débouche entre les 7 et 13 juillet 1995 sur le massacre de plusieurs milliers d’hommes et d’adolescents.

Dès le début de la guerre de Bosnie, Srebrenica a fait l’objet de nombreuses attaques de part et d’autre.

Pour assurer la sécurité des civils, l’ONU a déployé 400 à 600 Casques bleus français et néerlandais autour de la ville, sous le commandement du général français Philippe Morillon. En mars 1993, celui-ci n’hésite pas à monter sur un char et haranguer les habitants en vue de les rassurer : « Nous ne vous abandonnerons pas ! ».

Mais le général français, malgré ou à cause de cela, est extradé le 12 juillet 1993 et remplacé par le général belge Francis Briquemont.

La pression serbe sur la ville s’accroît à la mi-1995, cela en dépit des frappes aériennes de l’OTAN.

Le général Bernard Janvier, qui commande les forces de l’ONU dans l’ex-Yougoslavie (FORPRONU), considère que la ville est indéfendable et émet publiquement le vœu que ses hommes soient évacués.

Les Serbes qui assiègent Srebrenica le prennent au mot. Ils prennent en otages les Casque bleus et menacent de les exposer aux bombes de l’OTAN. Les représentants de l’ONU négocient leur libération en contrepartie de l’arrêt des frappes aériennes.

Là-dessus, le 7 juillet 1995, les Serbes prennent d’assaut la ville avec à leur tête Ratko Mladic.

Cet ancien officier yougoslave commande depuis 1993 l’armée serbe de Bosnie. Charismatique et brutal, il a déjà dirigé le siège de Sarajevo en pratiquant délibérément la terreur. Sa propre fille, Anna, une étudiante en médecine, ne l’a pas supporté et s’est donnée la mort en 1994, à 23 ans (Ce suicide et de nombreux autres illustrent le caractère pathologique des principaux acteurs de la guerre de Bosnie).

Défaillance de l’ONU

À Srebrenica, les Casques bleus néerlandais, réduits au statut d’observateurs, réclament en vain la reprise des frappes aériennes.

Sous leurs yeux, les Serbes rassemblent la population de la ville et mettent de côté les hommes de plus de 15 ans.

Les femmes et les enfants sont évacués en autocars ou à pied vers les zones à majorité musulmane.

Les hommes et les adolescents sont quant à eux entraînés vers les forêts environnantes sous prétexte d’évacuation.

Pendant les jours suivants, les Serbes vont les massacrer à l’arme lourde, au bord de fosses communes, au vu et au su de l’OTAN, qui multiplie les vols d’observation au-dessus de la région. On recensera plus tard près de 8 000 victimes.

Le 13 juillet 1995, les Casques bleus néerlandais sont à leur tour évacués. Pendant plusieurs jours, sur ordre, ils tairont les horreurs auxquelles ils ont assisté et la vérité des massacres.

Source : https://www.herodote.net/7_13_juillet_1995-evenement-19950707.php

Pour aller plus loin :

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/729076/massacre-srebrenica-bosnie-anniversaire-20-ans

https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/le-massacre-de-srebrenica-11-16-juillet-1995.html

Massacre de Srebrenica — Wikipédia

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Une histoire d’amour et de désir

UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR 

De Leyla BOUZID – France-1h42, Avec Sami Outalbali, Zbeida Belhajamor, Aurélia Petit.

Pour certains, le chemin vers la jouissance n’est pas une ligne droite, mais un sentier sombre et sinueux envahi de ronces et de mauvaises herbes. Ce pourrait être là le sujet du deuxième long-métrage de Leyla Bouzid (« A peine j’ouvre les yeux », 2015), née à Tunis en 1984, formée à la Sorbonne et à la Fémis, qui offre une nouvelle variation sur le thème de l’éducation sentimentale. Un jeune homme découvre l’amour et le désir en même temps, au même endroit, et doit donc inventer des voies inédites pour accorder l’essence spirituelle de l’un avec la flamme corporelle de l’autre. Motif classique du roman de formation que la réalisatrice a la bonne idée, ici, de refondre dans la culture arabe que ses jeunes personnages, tous deux originaires du Maghreb, ont en partage.

Ahmed (Sami Outalbali) sort de la cité où il a grandi en banlieue parisienne, auprès de ses parents exilés d’Algérie, pour suivre des études de lettres à la Sorbonne. Il y fait la rencontre de Farah (Zbeida Belhajamor), étudiante fraîchement débarquée de Tunis. Une chance : elle est inscrite au même cours de littérature comparée que lui, consacré cette année à la poésie arabe séculaire, qui n’avait pas froid aux yeux en matière d’érotisme. Le corpus constitue donc, de fait, un parfait terrain de rapprochement pour les tourtereaux. Mais à chaque opportunité, Ahmed freine des quatre sabots, temporise, esquive. Pudeur excessive ? Vœu de chasteté ? Œil normatif de la cité qui veille sur lui ? A l’image des poètes qu’il étudie, le jeune homme a surtout tendance à sublimer ses émois, comme à idéaliser l’élue de son cœur : tout en lui passe par la tête. Reste à trouver le chemin du geste, vecteur de l’expression du désir, et donc du passage à l’acte.

D’un tel récit amoureux, c’est l’esprit de rétention qui fait tout l’intérêt, en ce qu’il désavoue l’hédonisme en vogue, pour renouer avec la tradition classique de la temporisation. Se réfréner, pour le héros, est tout à la fois de l’ordre de l’offense (faisant ainsi subir une rebuffade à la sensualité de Farah) que le chemin ardu d’une morale enseignée par la littérature (attendre, c’est décupler le plaisir). Tout dépend alors du caractère contingent ou choisi que recouvre cette attente, basculant, c’est selon, dans la frigidité du peine-à-jouir, ou la promesse d’une jouissance supérieure.

Tradition classique, certes, mais dont Leyla Bouzid se plaît à renverser les rôles : ici, c’est le garçon qui retarde le moment de se donner, tandis que la jeune femme, conquérante, désire activement et en fait clairement état. Pour filmer ce désir contenu, la réalisatrice opte judicieusement pour une mise en scène pondérée, sans effusion, qui respecte l’intégrité des corps, le resitue dans l’environnement (de la cité-dortoir aux rues du Quartier latin), sauf quand il s’agit d’approcher les visages. De la silhouette au gros plan, c’est une subtile sarabande du désir qui se joue, une valse-hésitation où les corps en tension s’aimantent en même temps qu’ils se tiennent en respect.

Mathieu Macheret, Le Monde
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Julie en 12 Chapîtres

Julie (en 12 chapîtres)

De Joachim Trier

Norvège / 2021/ 2H08/ VOST

Avec Renate Reinsve (Prix d’interprétation féminine Cannes 2021), Anders Danielsen Lie, Herbert Nordrum

Telerama ( Jacques Morice) : Allant et grâce poétique. Ce sont les qualités premières de cette comédie romantique, où l’on perçoit quelques accents du cinéma de Woody Allen, mais aussi une forme littéraire toute européenne. La Julie du titre est dépeinte à travers douze chapitres, comme dans un roman. Douze moments qui englobent plusieurs années de son existence, autour de la trentaine surtout. Dans un prologue ne manquant pas de saveur, on apprend que la demoiselle était dans sa jeunesse une étudiante brillante, qu’elle a fait des études de médecine puis, insatisfaite, a changé de branche, en voulant devenir psychologue. Avant de changer à nouveau pour se lancer dans la photographie, avec le soutien de sa mère, étonnée mais compréhensive. Une pointe d’ironie filtre, bien sûr, laissant deviner une Julie versatile. Une touche-à-tout qui papillonne, ne sachant pas exactement ce qu’elle veut.

C’est à la fois vrai et faux. Les facettes de Julie sont multiples. Joachim Trier fait d’elle un portrait psychologique et sentimental subtil, à travers ses activités professionnelles, ses liens de famille. À travers, surtout, deux histoires d’amour successives. La première avec Aksel, un auteur de bande dessinée reconnu, esprit libre et iconoclaste plus âgé qu’elle (le formidable Anders Danielsen Lie, révélé dans Oslo, 31 août) ; la seconde, avec Eivind, un grand gaillard doux et protecteur (Herbert Nordrum, un faux air d’Adam Driver), qui quitte pour elle sa compagne, une écologiste à la fois rigoriste et autocentrée. Le film est parfois mordant, proche de la satire sociologique. En faisant de son héroïne un possible emblème de sa génération, Joachim Trier explore aussi l’écart qui la sépare de ceux qui, comme Aksel et lui-même, n’ont pas grandi avec le numérique. Qui sont donc attachés à la culture matérialisée, mais aussi à l’idée d’un art amoral, pas facilement compatible avec le dogmatisme de certaines positions néoféministes

Toujours captivant et fluide, piquant et tendre, Julie (en 12 chapitres) bascule dans son dernier tiers, offrant soudain une partition nettement plus grave. Le film s’avère alors particulièrement poignant. Pour autant, Joachim Trier(réalisateur aussi de Oslo, 31 aout) se refuse à toute noirceur, préférant se tourner du côté d’une sagesse qui n’a rien de mièvre. Bien malin qui peut dire à la fin si le trajet de Julie aboutit à une forme d’échec. Ou à l’épanouissement discret et neuf d’un dandysme au féminin.

Première (Gael Gohlen) Ca pourrait être caricatural, lénifiant ou arrogant, répétitif. C’est au contraire drôle, lumineux et touchant. Mais pourquoi ça fonctionne ? Comment ce cinéaste qu’on associait à un art austère, dur comme le métal et froid comme l’Aquavit, finit-il par faire fondre le spectateur ? La réponse se trouve à la fin du film. Julie se conclue sur une chanson, une des plus belles mélodies du monde : la version anglaise de Agua de Março, Waters of March chantée par Art Garfunkel. Au Brésil, les « eaux de mars » annoncent la fin de l’été et le début de l’automne. Au fond, il y a du Amélie Poulain dans cette Julie, un peu d’Ally McBeal aussi, cette impertinence rieuse, ce second degré truqueur et cette poésie joyeuse de la mélancolie qui l’inscrivent à côté de ses deux aînées dans le panthéon des grandes héroïnes ciné-série. Evidemment, tout cela ne serait rien s’il n’y avait pas quelqu’un pour lui donner corps. Renate Reinsve, inconnue jusqu’ici, est phénoménale : elle apporte ce qu’il faut d’aspérité, de spontanéité et de vitalité au délire de Trie

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