Archives : Archives films

Abracadabra

« Abracadabra » comédie dramatique espagnole (1h36)

Avec Maribel Verdú, Antonio de la Torre, José Mota, Quim Gutiérrez, Julián Villagrán, Rocio Calvo, Josep María Pou

Carmen est mariée avec Carlos, un fan de foot et conducteur de grues bas du front, gueulard et peu attentif. Lors d’un mariage où son cousin se produit en tant qu’hypnotiseur, Carlos qui le déteste, fait passer celui-ci pour un idiot en se portant volontaire et faisant semblant de s’endormir. Mais une fois à nouveau assis à sa place, alors qu’un air connu retenti sur le téléphone portable de sa voisine, un déclic soudain se produit…

Un tourbillon de sensations

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteur espagnol Pablo Berger aime mettre en scène des histoires originales et composer des univers à part entière. Après avoir fait sensation début 2013 en adaptant « Blanche neige » en noir et blanc (« Blancanieves« ) à la manière d’un film muet, le voici qui nous propose un scénario aux multiples facettes, entre drame amoureux, comédie fantastique et thriller psychologique. Et le mélange fonctionne à merveille grâce à l’étrangeté de certaines situations ou personnages croisées, ajoutant au suspense ambiant et rendant au final l’improbable intrigue principale presque crédible, ou tout au moins désirable.

Car c’est bien avant tout du personnage de la femme que traite « Abracadabra« , de ses désirs presque oubliés, de ses espoirs enfouis profond, de cet amour auquel elle a pratiquement renoncé, la faute à un homme dominé par la colère. La transformation du comportement de celui-ci est alors le vecteur de fantasmes et désirs qui pourraient bien reformer une envie de vie. Mais le scénario ahurissant signé Pablo Berger réservera bien des surprises, interrogeant à la fois la capacité à repartir sur de nouvelles bases et l’essence même du sentiment amoureux. Maribel Verdú excelle dans ce registre, entre incrédulité et espoirs renaissant, disséquant chacun des gestes de son bourrin de mari, pour mieux percevoir le réel changement.

Face à elle, Antonio de la Torre (« Que dios nos pardone« , « Balada Triste« ) est une nouvelle fois impérial. L’aisance avec laquelle il passe de la colère à une tendre béatitude, de la frustration agressive au vide, impressionne. Mais ce sont finalement les personnages secondaires qui viendront ajouter à la sensation d’étrangeté de l’ensemble, du couple ayant recréé des pans entiers du catalogue Ikea, à l’agent immobilier dramaturge, en passant par le singe voleur de sandwich ou le professeur surtout intéressé par l’argent. Avec une maîtrise déconcertante, Pablo Berger enchaîne d’improbables scènes dignes de films d’horreur où le filmage rapproché des visages domine, avec des scènes de pure comédie. Se permettant des clins d’œil aussi bien à « L’Exorciste » qu’à « Taxi Driver » ou « La fièvre du samedi soir« , « Abracadabra » est de ces films qui vous surprennent à chaque nouvelle scène, pour mieux vous égarer dans ses multiples pistes, ou vous émouvoir dans ses conclusions.

Critique d’Olivier Bachelard, « Abus de ciné »

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Abracadabra

Call me by your name

Le décor, c’est l’Italie du Nord en plein été, du côté de la grande bourgeoisie esthète..  Elio, 17 ans un rien tête à claques, est le fils unique, le trésor vivant, d’un couple d’intellectuels fortuné et cosmopolite qui, chaque été, retrouve sa magnifique ­villa du XVIIe siècle dans la campagne. Elio est déjà un musicien accompli et un érudit. Il sait tout sur tout. Le prodige Timothée Challamet, nommé à l’oscar du meilleur acteur, lui prête sa gracilité poseuse. Mais il ne sera plus le même à la fin du film.

Car l’assurance étudiée d’Elio ne pèse rien face à la désinvolture américaine, sportive et adulte d’Oliver (Armie Hammer, hollywoodien à bon escient), thésard venu travailler quelques ­semaines auprès du père universitaire. Oliver énerve, puis fascine, puis obsède Elio, qui l’observe sans cesse, le suit le plus souvent possible, inspecte sa chambre en cachette…  L’histoire se déroule au présent,  durant l’été 1983, reconstitué avec une minutie fétichiste — objets, vêtements, chansons. Ce présent induit un film d’une certaine légèreté, avec entre autres,  la peinture d’une classe sociale dont les membres sont déchargés de toute contrainte matérielle par d’affectueux domestiques à domicile. Et donc entièrement libres de se consacrer aux choses de l’esprit, ou de la chair. L’étude sur la cristallisation amoureuse peut ainsi se déployer pleinement : la vie paraît si facile que chaque nouvel émoi sentimental ou sexuel d’Elio, à la conquête d’Oliver, occupe tout l’espace, constitue un rebondissement en soi.

L’intensité naîtra de la séparation annoncée entre les amants. Et, pour une fois, l’ordre moral et la raison familiale n’y sont pour rien. Les parents d’Elio  se révèlent plus que bienveillants : ils vont jusqu’à transformer les derniers jours de l’Américain sur le sol italien en une courte lune de miel pour lui et leur fils. Mais les deux garçons ne sont pas au même stade de leurs vies. Une belle séquence d’ivresse nocturne dans un village lombard montre Oliver en pleine épiphanie, au point culminant de sa joie de vivre, tandis que le frêle Elio se met à vomir : c’est trop de bonheur pour lui.

Luca Guadagnino trace une voie singulière, entre une fidélité italienne au néoréalisme (vérité des décors et des corps, durée des plans) et un tropisme hollywoodien — tout concourt à séduire. Call me by your name, tourné dans la région où il vit, est à ce jour son film le plus accompli,  jusque dans cette scène tardive, purement ­cinématographique : le seul visage d’Elio, filmé très longtemps, reflète alors l’entrée du personnage dans une dimension inconnue de lui, la vénération du souvenir.

 D’après la critique de Télérama du 28/02/18 (Louis Guichard)

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Call me by your name

Mektoub My Love : Canto Uno

    

   Film du 29 mars au 3 avril

  MEKTOUB MY LOVE : CANTO UNO

                    

De Abdellatif KECHICHE – F – 2017 – 2h55

Avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche

n« Mektoub my love » est une libre adaptation du roman « La blessure, la vraie » écrit par François Bégaudeau en 2011. Ce récit initiatique, situé dans les années 80 en Vendée raconte l’été des 15 ans de l’auteur. 

Avec Kechiche on est en 1994 à Sète. C’est le plein été. Un groupe de filles et de garçons s’éclatent à la plage, dans les bars, en boîte. Ils ont 20 ans, viennent d’un peu partout, Paris, Nice, la Tunisie…. Des couples se forment, se déforment, la jalousie s’insinue…..

L’un de ces jeunes est plus en retrait. C’est Amin, un Adonis qui attire toutes les filles mais ne couche pas même s’il rêve sans doute de séduire Ophélie. Hélas, c’est son cousin, Tony, cavaleur invétéré qui l’a devancé. Le plaisir charnel est présent dès le début du film : Amin se pointe à vélo chez Ophélie et découvre par la fenêtre son amie avec Tony. Cette première séquence révèle la sensualité plantureuse d’Ophélie Bau (un faux air de Claudia Cardinale ). Ce n’est pas la seule : elle et tous les autres, filles comme garçons, sont d’une beauté lumineuse, resplendissante de vie. Auguste Renoir n’est pas cité par hasard. La vision du réalisateur célèbre les corps comme des déesses ou des dieux de l’Olympe. Sous l’apparence naturaliste se cache toute une part mythologique. Le profane et le sacré (à travers une magnifique mise à bas d’une brebis) sont intimement liés…..

Comme dans tous ses films précédents, le cinéaste privilégie et loue la femme, sa sensibilité, sa puissance. L’homme, à côté, paraît plus petit, plus insaisissable. A l’image d’Amin si secret, sur lequel on s’interroge forcément : est-il timide, puceau, gay ? Il regarde, enregistre tout, fantasme, envie cette vie qui jaillit autour de lui.

Cet Amin qui écrit des scénarios et regarde seul des films, enfermé dan sa chambre, alors que dehors le soleil rayonne, n’est-ce pas Kechiche lui-même au temps de sa jeunesse ? On est d’autant plus tenté de voir un autoportrait que le personnage est en voie d’ascension sociale, tout en gardant un attachement viscéral à sa classe d’origine, populaire….

« Mektoub my love » est un hymne au bel âge, une ode gorgée d’énergie, où la liberté prime sur le scénario. Il y a pourtant une intrigue, des intrigues même, comme chez Marivaux. De fausses confidences en serments trompeurs, de petites en grandes infidélités, le film semble parfois un prolongement de « L’esquive » quinze ans plus tard. La cruauté et le chagrin y ont leur place mais en mode mineur.

Ce premier volet de l’œuvre, si ouvert aux interprétations, si riche de pistes possibles nous fait d’ores et déjà attendre avec impatience sa suite.

Critique de Jacques Morice (Télérama du 21 mars). 

Ce document vous est offert par  

NE LE JETEZ PAS

SUR LA VOIE PUBLIQUE

Voir horaires sur le programme du  cinéma et pour plus d’infos, consultez notre site    www. cinecimes.fr

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Mektoub My Love : Canto Uno

les bonnes manieres

Les bonnes manières

Un film de Juliana Rojas – Marco Dutra

 Brésil – 2018 – 2h15 – VO

Avec : Isabel Rojas

            Marjorie Estiano

            Miguel Lobo

Juliana Rojas ouvre la perspective d’un cinéma d’un genre nouveau, croisant intimisme, images de synthèse, imaginaire galopant. Et traces de sang.

Une infirmière solitaire de São Paulo engagée par une jeune femme pour être la nounou de l’enfant dont elle est enceinte, As Boas Maneiras (Les Bonnes Manières) n’éveille, volontairement, aucun soupçon. Les organisateurs du festival de Locarno ont cependant tenu à ajouter cette fameuse petite phrase : « Certaines scènes sont susceptibles de heurter la sensibilité des spectateurs. » Pour être tout à fait exact, il aurait fallu ajouter : « Certaines scènes sont également susceptibles d’éblouir les spectateurs. »

Quand l’infirmière, Clara, entre dans l’appartement de la future maman, Ana, elle peut y contempler la ville sous un jour nouveau, magique, coloré, presque futuriste. Et une fois la nuit tombée, la pleine lune surgira dans le ciel comme une apparition. La beauté frappante de ces images est, au sens strict, surnaturelle : les trucages numériques y trafiquent avec les vraies prises de vue, créant une impression de flottement entre rêve et réalité. Qui nous prépare à accueillir l’impossible. Le père inconnu de l’enfant à naître était un loup-garou. Et les soirs de pleine lune, Ana et le petit qu’elle porte ont grand besoin de manger de la viande…Moitié homme, moitié bête, le loup-garou fait peur et surtout, il fait sens : tout est croisement dans ce film réalisé par deux moitiés, Marco Dutro et Juliana Rojas. Visuellement, on voyage du côté de chez Almodóvar, avec des décors intérieurs superbes et superbement travaillés. Et un univers de femmes, aux prises avec un enfant sauvage, que l’on voit grandir dans la seconde partie du film. Mais on plonge en même temps dans un merveilleux quasi hollywoodien, un rêve séduisant auquel se mêle la cruauté du cauchemar. Ces contrastes si forts sont réunis en une parfaite cohérence stylistique. Tout semble couler de source dans Les Bonnes Manières : la sensibilité qui domine est celle de l’intimisme, qu’il s’agisse des relations entre la mère et l’enfant ou de celles qui unissent les femmes. Car entre Clara et Ana, c’est aussi de sentiments et d’amour physique qu’il va être question. Le loup-garou renvoyant là à l’identité différente, et au rejet de la différence. Un discours limpide, jamais appuyé.

C’est tout naturellement que Marco Dutro et Juliana Rojas font un cinéma qui se revendique, de toutes les façons possibles, différent. Découverts avec Trabalhar cansa (2011), leur goût des cocktails entre réalisme et fantastique n’avait alors pas semblé tout à fait au point. Cette fois, ils maîtrisent parfaitement leur créativité sans barrière et accompagnent la mutation du spectateur d’aujourd’hui, de plus en plus ouvert aux passerelles entre les genres, aux croisements entre toutes sortes d’imaginaires. Les Bonnes Manières n’en est pas moins un choc, une sorte d’ovni. Mais le cinéma d’auteur trouve là une proposition passionnante, aussi ludique que très réfléchie. Et qui fera réfléchir….

  (3 Prix et 11 Nominations

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur les bonnes manieres

RAZZIA

Le film : Razzia

Semaine du 4 au 10 Avril

Un film de Nabil Ayouch

Drame- France-Belgique-Maroc -2018– 1h 59 – VOST
Avec :
Maryam Touzani, Arieh Worthalter, Abdelilah Rachid…

Le précédent film de Nabil Ayouch « Much Loved » dont les personnages principaux étaient des prostituées avait été interdit de diffusion au Maroc. Trois ans plus tard, le réalisateur franco-marocain qui refuse de baisser les bras, est de retour avec « Razzia », œuvre de ‘résistance’ sur les libertés individuelles.
« Razzia » met en scène les destins croisés à Casablanca de cinq personnages : une vieille femme venue à la ville avec son fils pour rechercher l’homme qu’elle aime, une femme libre qui refuse de se soumettre aux volontés de son mari, une adolescente qui apprend à se connaître, un restaurateur et un jeune homme de la Médina fan de Freddie Mercury.
Deux époques s’y entrecroisent : d’une part le début des années 80 à travers l’histoire de l’instituteur d’un village berbère de l’Atlas obligé de parler arabe à ses élèves et d’autre part l’été 2015, post printemps arabe, « goulot d’étranglement des contradictions » d’une société prise dans « un conflit flagrant entre tradition et modernité » selon Nabil Ayouch.
Pourquoi cette double temporalité, début des années 80 puis 2015 ? Le réalisateur répond :
« La réforme de l’enseignement au début des années 80 avec l’arabisation marque vraiment l’accélération d’un processus. Elle entraîne évidemment une uniformisation culturelle touchant en particulier les Berbères mais pas seulement. L’arabe classique qu’on a imposé dans le primaire et le secondaire est en fait une langue étrangère au Maroc, on a donc été obligé d’importer des professeurs d’Arabie Saoudite, d’Egypte
ou de Syrie mais ce faisant, on a importé autre chose qu’une langue. On a importé une idéologie et un islam qui n’est pas l’islam marocain. »
« Pourquoi 2015 ? C’est l’année où se produit une série d’affaires très révélatrices du conflit entre tradition et modernité : interdiction de « Much loved » mais aussi interdiction d’un concert de Jennifer Lopez qui déclenche des attaques des islamistes, des homosexuels qui se font lyncher… »
Les personnages de ces deux époques ne se rencontrent pas mais sont reliés par des fils invisibles attachés à ces deux époques charnières de l’histoire du Maroc, nous dit Nabil Ayouch. Il a fallu un quart de siècle, une génération, pour qu’on voie toutes les conséquences de la suppression dans l’enseignement des humanités, la philosophie et la sociologie. L’anéantissement de la pensée critique et de la possibilité d’avoir un regard sur le monde.
​« Razzia » n’a pas été interdit au Maroc mais sa réalisation a été émaillée d’incidents : pressions sur les acteurs pour qu’ils ne participent pas au tournage, annulations de dernière minute d’autorisation d’utilisation de décors et même agression verbale violente subie par l’actrice Maryam Touzani.
Malgré les réticences de la hiérarchie de certains médias à parler du film et des tabous qu’il dénonce, « Razzia » fait son chemin au Maroc. Sélectionné au Festival de Toronto 2017 dans la catégorie Platform (antichambre des Oscars), « Razzia » a même été le candidat du Maroc aux Oscars.
D’après : Francetvinfo et Jeuneafrique​

[Tapez le texte]

[Ta

Voir les horaires au cinéma ou sur le site
https://www.cinemontblanc.fr
et plus d infos sur www.cinecimes.fr

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur RAZZIA

Ni juge ni soumise

Le prochain film :
Semaine du 21 au 28 mars 2018

« Ni juge ni soumise » de Yves Hinant et Jean Libon, documentaire belge (1h39),

Avec Anne Gruwez…

Au volant de sa 2 CV bleu pervenche, Anne Gruwez sillonne Bruxelles, sa ville, d’une scène de crime à l’autre. « Dans cet immeuble-là, j’ai eu une décapitation… Ici, un triple homicide. » Caustique comme Miss Marple, capable de sortir une blague dans les situations les plus éprouvantes – par exemple, lors de la découpe à la disqueuse de l’humérus d’un cadavre exhumé pour un test ADN – Anne Gruwez aurait pu être un truculent personnage de fiction. Elle est pourtant une authentique juge d’instruction à la langue bien pendue et au cœur bien accroché, que Jean Libon et Yves Hinant, respectivement le créateur et l’un des réalisateurs du magazine belge Strip-tease, ont suivie pendant trois ans après lui avoir déjà consacré deux fameux épisodes télévisés.
Entre deux auditions, toutes plus fascinantes les unes que les autres tant les cas dont elle s’occupe semblent tragiquement évoluer dans un monde parallèle, la magistrate enquête sur une affaire classée depuis vingt ans : deux prostituées sauvagement assassinées dont il s’agit de retrouver les clients, morts ou vifs, grâce au contenu d’un vieux sac-poubelle plein de préservatifs, conservé comme un Rembrandt dans les sous-sols du palais de justice de Bruxelles. A chaque instant, le sordide côtoie la misère humaine la plus noire… « C’est souvent dans l’histoire d’un crime qu’on peut voir à la loupe la société dans laquelle on patauge », tel est le credo des réalisateurs de cette variante belge et surréaliste du Délits flagrants de Raymond Depardon.

Critique de Télérama

Petite anecdote au sujet du film : celui-ci fait l’objet d’une action en référé.
La plainte provient d’une des suspectes auditionnées par la juge dans le film. Les personnes qui apparaissent à l’écran ont toutes, normalement, signé un document marquant leur accord quant à leur apparition dans le film.

Mais la plaignante a décidé de poursuivre son action et attaque le film en France. Comme elle l’a expliqué, elle estime que « ce n’est pas du cinéma, c’est pire. C’est l’histoire de l’humanité : des capitalistes véreux qui se font de l’argent sur la misère sociale et intellectuelle des autres ».

Après avoir défendu la juge Gruwez en expliquant que c’est grâce à son humanisme qu’elle est ressortie en se disant que la Belgique était un pays formidable et qu’elle avait eu affaire à une juge d’instruction « qui ne se contente pas de sanctionner, mais qui veut connaître le parcours et l’histoire de chacun », la plaignante a expliqué qu’elle n’avait pas donné son accord pour « apparaître dans un film commercial à dimension mondiale ».

Finalement, la maison française de production a décidé de modifier la projection du film. Ils ont tout simplement coupé la scène visée par la plaignante par mesure de précaution.

Voir les horaires au cinéma ou sur le site
https://www.cinemontblanc.fr/

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Ni juge ni soumise

Oh Lucy!

OH LUCY !

Quand une Japonaise froide et distante rencontre un américain familier et tactile, ça donne un film savoureux.

Il faut se laisser porter pour ce drôle de film pour le savourer totalement. « Oh Lucy ! » commence à Tokyo, où Setsuko mène une vie tranquille entre son ennuyeux travail de bureau et son petit appartement. Mais un jour, sa nièce Mika la convainc de racheter son abonnement à des cours d’anglais.

Là, Setsuko découvre John, un prof très particulier (Josh Hartnett, le beau gosse de « Virgin Suicides », « Sin City » ou du « Dahlia Noir »), qui lui demande de porter une perruque blonde et lui fait des câlins. Setsuko est intriguée. Quand elle s’aperçoit peu après que Mika s’est enfuie avec John en Californie, elle décide de les y rejoindre avec sa sœur…

Dans la première partie du film, on s’amuse beaucoup des différences culturelles entre cet Américain familier et tactile et cette Japonaise froide et distante. Puis, on se laisse surprendre par le fil des événements, totalement inattendus, fantaisistes. Peu à peu, le personnage de Setsuko se laisse entraîner par ses pulsions… Tout est possible au cinéma et c’est cela qui est jouissif dans « Oh Lucy ! ».

 

Dans la première partie du film, on s’amuse beaucoup des différences culturelles entre cet Américain familier et tactile et cette Japonaise froide et distante. Puis, on se laisse surprendre par le fil des événements, totalement inattendus, fantaisistes. Peu à peu, le personnage de Setsuko se laisse entraîner par ses pulsions… Tout est possible au cinéma et c’est cela qui est jouissif dans « Oh Lucy ! ».

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Oh Lucy!

le rire de ma mère

 

LE RIRE DE MA MERE

De Colombe Savignac et Pascal Ralite

Avec Suzanne Clément, Grégoire Colin, Pascal Demolon, Igor Van Dessel, Corrado Invernizzi, Sabrina Seyvecou.

Adrien (Igor Van Dessel) vit une adolescence tourmentée et n’a pas la vie facile. Ses parents, Romain (Pascal Demolon) et Marie (Suzanne Clément), sont divorcés mais ils ont gardé une douce complicité. Comment Romain, cet homme posé et un peu maniaque, pourrait-il se passer du rire de Marie, si impulsive, si extravagante ? Un jour Adrien prend conscience d’une douloureuse vérité qui va tout changer, non seulement pour lui, mais également pour toute sa famille. Il va devoir faire face à la grave maladie de sa mère. Bref, grandir plus vite que prévu… Marie a beau rester bravache (avec sa perruque rose au sortir de la chimiothérapie, un soir de réveillon), l’ado sait qu’il va devoir être très courageux….

Critiques de Telerama et Première : * La réussite de ce premier long réside dans sa manière d’éviter le pathos grâce à un ton doux-amer et jamais complaisant sur la maladie, distillé par le duo Savignac-Ralite. Pascal Demolon, trop rarement en haut de l’affiche et accompagné ici d’un casting en tous points réjouissant, y évolue comme un poisson dans l’eau. Le rire de ma mère est à son image : émouvant et drôle, de concert et sans fausse note.                                                                                                                                                * Belle surprise que ce drame lumineux, d’une pudeur remarquable pour un tel sujet : le deuil du point de vue de l’enfant. Une tendresse diffuse et de nombreux traits d’humour tirent le film vers une ode à la transmission de la vitalité et aux souvenirs joyeux. Dans des paysages battus par le vent comme dans une cuisine où une femme confie le bonheur de son fils à une autre, Suzanne Clément rayonne en lionne blessée mais flamboyante. Face à elle, Pascal Demolon prouve que le registre de la gravité lui va comme un gant. Belle

Critique de AlloCiné. Propos recueillis auprès des réalisateurs et de P. Demolon par B. Baronnet au Festival                               du film francophone d’Angoulème

« Le Rire de ma Mère » est votre premier long métrage, mais vous avez une longue expérience               dans le cinéma. Pouvez-vous présenter en quelques mots votre parcours ?

Colombe Savignac :

J’étais assistante à la mise en scène. J’ai assisté pas mal de réalisateurs, donc j’avais une expérience de plateau, mais pas du tout de réalisation ou de direction d’acteurs  J’ai toujours beaucoup écrit. J’ai eu une formation littéraire. Au début, c’était ça ma passion, l’écriture. Mais mettre en images un texte, c’est particulier, et ça n’a rien à voir avec des métiers d’assistant réalisateur. C’est une expérience qui nous a aidés car on n’a pas du tout appréhendé le plateau. On savait ce que c’était, on savait comment ça fonctionnait, et c’était un gain de temps énorme. Ce qui m’inquiétait le plus, c’était la direction d’acteurs et ça s’est fait très naturellement. On a beaucoup travaillé en amont avec les comédiens On a pu s’apprivoiser.
Pascal Ralite : J’étais assistant aussi. Après, j’ai pris d’autres chemins : j’ai fait de la décoration, de la régie, de la production… Aujourd’hui, on peut dire que c’est le métier de la production qui a été mon principal poste pendant les 20 dernières années. Comme Colombe, j’avais des velléités de réaliser. J’ai fait des courts métrages, des petits documentaires. Et puis il y a une rencontre par rapport à cette histoire, qui est un peu une histoire que l’on a vécu et qui nous a donné envie d’écrire ensemble.

 

             Pascal Demolon, vous avez employé plusieurs fois le mot sensibilité, et c’est vrai que c’est quelque chose de marquant dans le film. Il y a une sensibilité, mais aussi une luminosité…

Pascal Demolon : Mais oui, c’est un hymne à la vie ! C’est l’impression que j’avais senti dans le scénario, mais que j’ai ressentis doublement après avoir vu le film la première fois. On sort emporté par une vague d’émotion qui nous amène à avoir envie d’aimer la vie. C’est cette grâce là qu’ils ont insufflée dans le film.

 

Débat sur ce film à la fin de la séance du lundi 19 mars

 

 

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur le rire de ma mère

BELINDA

BELINDA

De Marie Dumora

Documentaire Français

Acteurs inconnus

Durée 1h47

Sacré morceau que ce brin de fille, d’une famille yéniche sédentarisée, qui se jette tête la première dans le mur de la vie pour y trouver quelque chose qui s’apparenterait, denrée plutôt rare pour elle, au bonheur.

Belinda apparaît ici à trois âges. 9, 15 et 23 ans.

A 9 ans, dans le foyer où elles sont placées, on la sépare de sa sœur. Image cristallisée des deux fillettes main dans la main, yeux dans les yeux, collées serrées, qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face à un abandon qui n’est qu’à peine décrit mais qu’on ressent violemment.

A 15 ans, c’est une autre paire de manches. Fumette dans la cage d’escalier, corps massif et grande gueule, abordant à pas comptés le monde du travail. Une gueule, un accent, une prestance formidable. La situation familiale, qu’on pressentait compliquée, se détache avec plus de clarté. Mère et père séparés, la première au chômage, le second ex-taulard, environnés d’une famille nombreuse cultivant la débrouille et l’expression hautes en couleur.

A 23 berges, Belinda, sourire lumineux et front renfrogné, entre soleil et tempête, intense comme la braise, prend son destin en main. Elle vise le mariage avec son gars Thierry, qui voit venir sans un mot de trop, tandis qu’elle s’occupe de sa robe, navigue entre sa mère et son père, compte les sous pour la noce. Avec Thierry, elle lit le contrat de mariage, insiste sur le chapitre « respect, fidélité, amour », sans quoi ce n’est même pas la peine d’y aller, tandis que lui, grand pudique, se marre doucement.

Et puis, patatrac, l’ellipse cruelle avec un drame dedans, Frantz, le père de Belinda, qui nous apprend qu’elle « a fait une bêtise », qu’elle en a pris pour quatre mois, et son Thierry trois ans,  Il en faudrait plus pour contenir la formidable marée d’amour que Belinda porte en elle. Il en faudrait plus pour l’empêcher d’écrire des folies lumineuses, dantesques, à son Thierry. Il en faudrait plus pour ôter le goût de la vie à la petite-fille d’un couple qui s’est connu, adolescent, au camp nazi alsacien du Struthof, « comme des juifs », et qui en est sorti pour donner naissance, parmi une tripotée, à son père. D’après Le Monde.

Truffaut avait filmé Léaud-Doinel dans un arc allant de l’enfance à l’âge adulte. Marie Dumora a entrepris une démarche similaire, mais en partant de la réalité brute et brutale d’une famille yéniche (une branche du grand arbre tzigane) de l’Est de la France.

Belinda conserve tout au long des années et des épreuves un inextinguible appétit de vivre, une faconde dépenaillée, des rêves d’avenir. Elle change aussi, de coiffure, de style vestimentaire, de distance de regard sur l’existence. Belinda est un très émouvant et puissant portrait de femme évolutif, sculpté dans le minerai ingrat de la condition prolétaire pour en ramener des pépites d’humanité, de courage et de désir de vivre. D’après les Inrocks.

Film Acid  Cannes 2017

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur BELINDA

Enquête au Paradis

Extraits d’un ENTRETIEN AVEC MERZAK ALLOUACHE  (UniFrance Films)

Même si je m’inspire de la réalité, mes films sont, pour la majorité, le fruit de mon imagination. Enquête au paradis ne pouvait pas, par conséquent, être un pur documentaire car je suis attaché à la fiction. Je voulais que Nedjma – la journaliste interprétée par Salima Abada – notre guide dans ce film, ait toute sa place. Qu’elle soit beaucoup plus qu’une « machine à poser des questions ». Je voulais qu’elle partage ses émotions, ses doutes et ses réflexions avec le spectateur. Mais le film ne pouvait pas non plus être une pure fiction, car je tenais à ce que les Algériens, anonymes et personnalités intellectuelles, s’expriment sur ce sujet avec leur mots, leurs références, leur sensibilité. Et il me semble que je suis parvenu ainsi à recueillir une voix multiple, réelle et vraie.

Enquête au paradis, comme tous vos derniers films, retrace l’histoire douloureuse de l’Algérie de ces trente dernières années. Comme s’ils devaient servir de passage de témoin… Ou de remèdes à une Algérie frappée d’amnésie.

 C’est principalement à travers les séquences interprétées par les personnages de Nedjma et de sa mère que nous abordons l’amnésie, un thème qui me tient particulièrement à cœur. Je pense, par exemple, au moment du film où Nedjma et sa mère se rendent sur les lieux où l’écrivain Tahar Djaout a été assassiné par les islamistes en mai 1993. Cette séquence résonne comme un appel à ne pas oublier la période sombre du terrorisme. Ce qui fait mal au cœur, c’est de constater que la stèle, qui se trouve sur un parking, au milieu des voitures, n’a pas été mise en valeur. La tragédie de la Décennie Noire vécue par les Algériens est aussi mentionnée par certains des intervenants du film qui relient l’incroyable violence qui a frappé ce pays aux dérives de l’islamisme politique. Ces derniers temps, il y a eu des tentatives de sortir de cette amnésie qui empoisonne la vie des Algériens. Mais la société algérienne est loin d’être apaisée… Dans les milieux populaires, on a tendance à considérer que désormais les islamistes sont tranquilles, qu’ils ont des commerces. On n’a pas envie de revenir aux heures funestes, au chaos. On fait comme si notre pays était à part de ce qui se joue partout au Moyen-Orient et dans le monde. Sauf que cette menace, toujours prête à sourdre, existe. Et qu’en face, il n’y a pas de projet pour transformer et moderniser la société. La bigoterie est aujourd’hui omniprésente. Le discours des jeunes est en permanence teinté d’islam, de religiosité. Pas une de leurs phrases qui n’emprunte aux incantations. Cette emprise du religieux dans les discours fait aussi des émules en France où la population d’origine immigrée et leurs enfants sont frappés par une profonde fracture identitaire. Je crois qu’il y a une relation directe entre ce qui se passe en Algérie et les immigrés qui se trouvent en France. Il y a un va-et-vient continuel entre les deux rives de la Méditerranée. Je suis étonné de voir qu’entre Alger et Paris, quelle que soit la période de l’année, les avions sont toujours pleins. Et il faut bien l’admettre, entre les Algériens vivant en Algérie et ceux vivant, voire nés en France, il y a comme une tension qui s’est installée et aujourd’hui, je pense que c’est la mentalité du « pays d’origine » qui s’est imposée. Les jeunes Français d’origine algérienne idéalisent et subliment le pays de leurs ancêtres sans jamais y avoir vraiment vécu ou décidé d’aller y vivre. Ce qui se passe dans les quartiers populaires est le fruit du lien fort que leurs habitants entretiennent avec le « bled » par Internet, par les allers-retours incessants.

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Enquête au Paradis