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The Young Lady

Film de William OLDROYD – GB  – 2016  – 1h29mn – VOST

Avec Florence Pugh, Cosmo Jarvis, Paul Hilton, Naomi Ackie..

Scénario d’Alice Birch, d’après le roman de Nikolai Leskov La Lady Macbeth du district de Mtensk

Il y a comme une chronologie secrète autour de The Young Lady, une macération du temps qui déboucherait à aujourd’hui et à ce film. De fait, tout commencerait vers 1600 quand Shakespeare écrivit Macbeth, et de ce drame sombre, on retiendra surtout le personnage de Lady Macbeth, femme fatale et reine manipulatrice. Plus tard en 1847, Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë exaltera, au milieu de la lande écossaise, l’amour fou de Catherine Earnshaw pour Heathcliff. Plus tard encore, en 1857, Madame Bovary de Gustave Flaubert fera de son Emma une femme malheureuse enfermée dans les conventions (et qui en mourra). Enfin en 1865, La Lady Macbeth du district de Mtsensk de Nikolaï Leskov, dont The Young Lady est une libre adaptation, semble compiler naturellement ces trois-là et inspirera même un opéra en quatre actes de Dmitri Chostakovitch. On pourrait, pourquoi pas, continuer jusqu’en 1928 avec L’Amant de Lady Chatterley de D. H. Lawrence où une femme, Constance, redécouvre l’amour et le bonheur avec un garde-chasse, un homme extérieur à son milieu…

The Young Lady paraît ainsi se nourrir, se gorger de ces femmes tragiquement amoureuses, de cette littérature romantique et noire, pour façonner son héroïne, une héroïne nouvelle, inédite : Katherine. Dans le fond et dans sa forme, le film reprend plusieurs points, quelques particularités de chaque roman pour en faire, là aussi, une sorte de mélange, un alliage parfait : l’amour interdit, la manipulation, le meurtre, le désespoir, la mort, la différence de classe et la lande tout autour… Nous voyons donc une jeune femme asservie par un patriarcat brutal s’enfoncer de plus en plus dans les ténèbres, non plus par amour et par passion (même si ça pourrait être le cas au début), mais presque par vengeance de ce qu’elle a subi : mariée de force, cloîtrée dans le manoir familial, délaissée par son mari et réduite au rôle d’épouse obéissante.

Ses actes sont comme une rébellion nécessaire pour s’affirmer, tenter d’exister face à un mari et un beau-père détestables, rébellion qui deviendra plus radicale, jusqu’à l’impensable. À la fois victime et bourreau, Katherine incarne cette forme d’innocence réduite en morceaux par une société toujours plus oppressive, apte à engendrer ses propres monstres – dont elle sera l’un des spécimens les plus brillants. William Oldroyd (metteur en scène) et Alice Birch (scénariste), tous deux venus du théâtre londonien, se sont habilement emparés du roman de Leskov en décidant de le transposer dans l’Angleterre victorienne. Au cœur d’une nature farouche et d’intérieurs stricts, étouffants malgré leur dépouillement, Oldroyd en magnifie la noirceur, le fiel et la modernité avec une douceur étonnante, sans excès, mais toujours avec piquant. Il révèle également l’étonnante Florence Pugh dont l’intensité et la présence habitent à merveille ce rôle de jeune femme sur le point de s’affranchir de tout, quitte à embrasser le Mal.
(seuilcritique.com)

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Corporate

                                                                   CORPORATE

Un film de  Nicolas SILHOL

 

France- -2017 – 1h35

 

Avec : Céline Sallette

         Lambert Wilson

            Stephane de Groodt

                                           Brillante responsable des ressources humaines dans un groupe agroalimentaire, Emilie Tesson-Hansen n’a pas d’état d’âme. Dalmat, un cadre d’une quarantaine d’années, veut la rencontrer mais la jeune femme ne cesse de repousser le rendez-vous. Il finit par se suicider dans l’enceinte de l’entreprise. Emilie est tout de suite pointée du doigt. L’inspectrice du travail l’a dans sa ligne de mire. Ses supérieurs ne sont pas plus tendres, notamment Stéphane, le directeur des ressources humaines. Alors qu’elle tente de s’éviter la prison, elle donne des informations à l’inspectrice sur les méthodes de la société… Emilie Tesson-Hansen (Céline Sallette) est une « tueuse », elle en est fière, c’est même pour cela qu’elle a été embauchée comme responsable des ressources humai­nes par le fringant PDG Stéphane Fron­cart (Lambert Wilson). S’il l’a recrutée, c’est pour se débarrasser de certains cadres de l’entreprise, trop vieux, pas assez performants, en les poussant à la dépression, donc à la démission. Jusqu’au jour où l’un des cadres qu’elle a mis sur la touche se suicide sur son lieu de travail. La veille, il avait, une fois de plus, désespérément cherché à lui parler, mais elle avait fait la sourde oreille. Lorsqu’une enquête est ­ouverte par une inspectrice du travail zélée, Emilie est prévenue par sa hiérarchie : dans l’intérêt de la boîte, elle doit faire bonne figure, rester « corporate ». De toute manière, elle n’a rien à se reprocher…Voilà un premier film qui tombe à pic. Alors que les thèmes du burn-out et du stress au travail s’invitent dans la campagne présidentielle, ce thriller psychologique, précis, tendu, décortique les mécanismes du « management par la terreur », de plus en plus en vigueur. Dans un décor sans âme où le stress et l’intimidation sont palpables, Nicolas Silhol privilégie le facteur humain en la (belle) personne de l’inspectrice du travail (Violaine Fumeau), sorte de cow-boy moderne, en lutte contre une rentabilité inhumaine. Mais le personnage pivot est bien sûr Emilie : au-delà du film dossier à la Yves Boisset, Corporate est un magnifique portrait de femme, actrice consentante, et même active d’un système qui lui promet une carrière toujours plus brillante. Constamment dans le contrôle avec son che­mi­sier de rechange et son déodorant pour rester impeccable, elle paraît aussi ­inébranlable que les baies vitrées des bureaux où se reflète son profil parfait. C’est cette carapace en train de se fendre que filme le réalisateur. Et cette question qui affleure dans les yeux de glace d’Emilie : moi qui suis forte, à quel moment suis-je devenue un mons­tre ? En creux, il en pose une autre, plus générale : jusqu’à quelles extrémités une femme doit-elle aller pour s’imposer dans un monde d’hommes ? Dans ce rôle, Céline Sallette est remarquable. Dans le contrôle, elle aussi, loin de sa fougue habituelle, elle évoque une ­héroïne de Hitchcock contemporaine : le feu sous la glace néolibérale. Et chacun de ses regards, de plus en plus apeurés, est un indice de son réveil progressif. Une nuit, alors qu’elle mime un entretien d’embauche avec son mari, la « tueuse » se lance soudain dans un ­monologue qui trahit son effarement devant ce qu’elle est, ce qu’on la force à être. Particulièrement dans cette séquence, Corporate est un film important. Marquant.

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