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L’Intrusa

 

Semaine du 25 au 30 Janvier

Un film de  Leonardo Di Costanzo

Italie –  2017 – 1h35 – VOST

Avec : Raffaella Giordano

           Valentina Vannino

           Martina Abbate

             

  L’INTRUSA

Ciné Débat le 29 Janvier après le film

Quelque chose d’un peu coupant, brouillon, colle aux premières séquences du film de Leonardo Di Costanzo, Agitée dès l’orée, cette fiction – du cinéaste italien coutumier du genre documentaire – en une âme aux contours cabossés, semble quêter refuge pour reprendre son souffle. On se demande bien où l’on arrive. Dans un quartier populaire de la banlieue de Naples, des tours de béton jaune soleil aux multiples fenêtres encerclent de plus petits et modestes immeubles d’un centre d’accueil pour enfants. Giovanna, éducatrice bénévole, en est la gardienne à la chevelure acier et au regard vif tel un ciel dégagé et secret.

La police s’introduit dans ce lieu de solidarité pour arrêter un homme lié à la Camorra, responsable du meurtre d’un individu pris pour cible par erreur. Le coupable laisse une femme, Maria, sa jeune fille et son bébé derrière lui, dans ce centre où beaucoup vont vouloir qu’ils partent au plus vite, effrayés par les circonstances et les possibles retombées. Giovanna lutte pour qu’il en soit autrement. Outre la gestion des enfants et des querelles, des ateliers créatifs que l’éducatrice mène avec d’autres intervenants pour créer de grandes fresques murales et autres façonnages artistiques (comme ce pédalo géant et homme ferraille nommé Mr. Jones), elle se tient en figure phare antimanichéenne, visage de nuances et d’acceptations. Selon elle, chacun doit apprendre et changer pour l’autre. Les enfants, bruts et à la fois innocents, y arrivent même mieux que les plus grands.

Le portrait naturaliste que Di Costanzo fait de cette situation est humble, sans enjolivures. Il se pose près des colères et des gestes de soutien puis donne sa confiance à toutes les respirations présentes car aucune n’est forcée, stylisée, appuyée pour faire monter le drame. Le refuge pour les défavorisés forme ce terrain où les émotions se diffusent sans grand problème. Au bord de la route, Giovanna refuse poliment qu’on la dépose chez elle. Le cours du film se trouve là, dans cette déambulation qui n’a pas besoin d’être emmenée au plus vite. Cette femme compte sur le temps pour que la tolérance se fasse, que les maux guérissent. Verra-t-elle juste ? La réponse à cette question n’est pas de notre ressort, semble-t-il presque pas de celui du cinéaste non plus. Le récit est une fiction bel et bien ficelée, écrite et poétique tout en frôlant l’aspect d’un flux documentaire où chaque réponse semble authentiquement décidée par les âmes qui le traversent.

Les petits bâtiments qui forment ce foyer imitent les plus grands environnants. Des trompe-l’œil d’immeubles sont peints sur les murs, s’affublent de fenêtres allumées et promettent plus de vies encore, plus d’habitants. Derrière tout cela se trouve l’Intrusa et le vœu d’un monde moins étriqué, plus vaste. Et à Di Costanzo de nous emmener au cœur d’un abri pourtant si délimité, monde miniature de cohabitation et théâtre des sentiments, qui n’a besoin ni de tout ni de trop pour dessiner le lieu du vivant.

                                                                                                                          

Horaires sur les sites cinecimes.fr

ou cinemontblanc.fr

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programmation janvier fevrier 2018

 

 

Du 4 au 9 janvier

Du 4 au 9 Janvier

UN HOMME INTEGRE

De Mohamed Rasoulof – Iran – 2017 – 1h57 – VOST

Avec Reza AkhlaghiIrad, Soudabeh Beizaee, Nazim Adabi

Reza a quitté Téhéran avec femme et enfants pour se consacrer  à l’élevage des poissons loin  de la violence de la capitale. Celle ci le rattrape quand une compagnie privée décide d’acquérir par tous les moyens un terrain qu’il possède mais ne veut pas vendre.

Comment lutter quand les moyens légaux se révèlent inefficaces autrement qu’en utilisant les armes de l’adversaire : violence et corruption ? Le réalisateur passe ainsi d’une dénonciation kafkaïenne d’un système social à un thriller mafieux dans lequel les convictions morales du héros finissent par céder devant la nécessité de sauver sa peau.

Tourné en Iran et cependant sans espoir d’y être distribué, le film a obtenu le Prix “Un Certain Regard” à Cannes 2017.

 

Du 11 au 16 janvier

Du 11 au 16 Janvier

MAKALA

D’Emmanuel GRAS –  documentaire français – 1h36. 

Avec Kabwita Kasongo

Au Congo, un jeune villageois a comme ressources ses bras, la brousse environnante et une volonté tenace. Après nous avoir fait partager son quotidien, le cinéaste nous embarque avec lui et son vélo surchargé sur la route périlleuse vers Kolwesi, où Kabwita espère vendre le fruit de son travail pour nourrir sa famille. Il sublime cette réalité en révélant sa part d’étrangeté, de grandeur ou même de beauté et il élève la quête de son héros à une dimension onirique.

C’est un film aride, contemplatif et néanmoins incisif sur la misère en Afrique. Tout y est vrai et cinématographique.

 

Du 18 au 23 janvier

Du 18 au 23 Janvier

Grand prix de la Semaine de la Critique à Cannes 2017

LES GARDIENNES

De Xavier Beauvois – France – 2017- 2h14

Avec Nathalie Baye, Laura Smet, Iris Bry…

Que deviennent les femmes quand les hommes font la guerre ? Ayant débusqué un roman oublié paru en 1924 et signé d’Ernest Pérochon, un écrivain qui ne l’est pas moins, Xavier Beauvois, en l’adaptant, a tenté, à sa manière de nous le faire voir.

Début 1915, à la ferme du Paridier, les femmes ont pris la relève des hommes partis au front. Travaillant sans relâche, leur vie est rythmée entre le dur labeur et le retour des hommes en permission. Hortense, la doyenne, engage une jeune fille de l’assistance publique pour les seconder. Francine croit avoir enfin trouvé une famille…

Le réalisateur et son opératrice Caroline Champetier filment magnifiquement les visages : Laura Smet (la fille aînée), Cyril Descours (le fils cadet) n’ont jamais paru aussi vulnérables et vrais. Dans le rôle de l’orpheline, la débutante, Iris Bry (Francine), mélange de modestie et d’éclat, devient, irrésistiblement, la véritable héroïne des « Gardiennes… »

Xavier Beauvois restitue les réalités d’il y a un siècle, mais regarde également notre époque droit dans les yeux » (Marianne).

 

Du 25 au 30 janvier

Du 25 au 30 Janvier

L’INTRUSA

De  Leonardo Di Costanzo – Italie – 2017 – 1h35 – VOST

Avec  Raffaella Giordano, Valentina Vannino, Martina Abbate

Naples. Aujourd’hui. Giovanna, travailleuse sociale combative de 60 ans, fait face à une criminalité omniprésente. Elle gère un centre qui s’occupe d’enfants défavorisés et offre ainsi une alternative à la domination mafieuse de la ville. Un jour, l’épouse d’un criminel impitoyable de la Camorra, la jeune Maria, en fuite avec ses deux enfants, se réfugie dans ce centre. Lorsqu’elle lui demande sa protection, Giovanna se retrouve confrontée, telle une Antigone moderne, à un dilemme moral qui menace de détruire son travail et sa vie.

 On retrouve dans ce film une utopie sociale filmée avec intelligence et sensibilité, un îlot de solidarité aux prises avec la Camorra, la peinture d’un laboratoire social plein de promesses et d’espoir. C’est aussi un formidable portrait de femme. Rafaella Giordano irradie dans le rôle de Giovanna.                                                                                                                               Présenté à la quinzaine des réalisateurs à Cannes 2017.

 

Du 1 au 6 février

Du 1 au 6 Fevrier

IN THE FADE

 De Fatih Akin – Drame-Thriller – France – Allemagne – 2017 – 1h 40

Avec Diane Kruger, Ulrich Tukur, Johannes Krisch, Denis Moschito, Numan Açar

La vie de Katja, blonde allemande aux yeux bleus, s’effondre lorsque son mari Nuri, d’origine kurde et son fils meurent dans un attentat à la bombe.  Sur fond de trafic de drogue et d’agissements divers de mafias communautaires, « In the Fade » montre avec subtilité comment la suspicion envers les victimes reflète des préjugés sociaux et ethniques.

Le couple Katja/Nuri, modèle d’union intercommunautaire harmonieuse, n’était visiblement pas du goût de leurs parents respectifs, côté allemand comme côté kurde…

Le film est découpé en trois chapitres qui permettent de suivre le cheminement de Katja, du bonheur insouciant au désir de vengeance, avec un dernier volet intense, oscillant entre le thriller et la tragédie grecque. Dénonciation efficace du terrorisme néo-nazi, ce thriller est aussi un touchant portrait de femme qui offre son meilleur rôle à Diane Kruger

Prix d’interprétation féminine pour Diane Kruger au festival de Cannes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Emmanuel Gras

Né en 1976

Directeur de la photographie, réalisateur, scénariste

Bovines, 300 Hommes, Makala (Grand Prix de la Semaine de la Critique, Cannes 2017)

Entretien avec Emmanuel Gras, pour son film « Makala »

 par CÉDRIC LÉPINE pour Médiapart le 2/07/2017

 Cédric Lépine : Plongeant dès les premières scènes dans le quotidien d’un charbonnier en République Démocratique du Congo, la dimension politique de votre film émerge peu à peu. Comment s’est manifesté chez vous ce choix de mettre hors-champ la réalité politique et géopolitique de tout un pays pour mieux la faire réapparaître lorsque l’on ne s’y attend plus ?

Emmanuel Gras : L’aspect politique des choses dans ce film reste vraie en dehors de la réalité spécifique même du Congo. Je cherchais plus à montrer une condition de vie qu’une réalité sociale au Congo. (suite…)

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Censure et situation politique en Iran. Entretien avec M. Rasoulof

Entretien réalisé par Samuel Douhaire pour « Télérama », publié le 05/12/2017

Votre description de la corruption généralisée en Iran dans Un homme intègre impressionne par sa virulence. Avez-vous présenté au bureau de la censure une version édulcorée du scénario afin de pouvoir tourner ? 

En Iran, il faut demander deux autorisations, l’une pour le tournage, l’autre pour la sortie en salles. Pour la première, j’ai fait comme d’habitude : dans le scénario transmis aux autorités, j’ai camouflé les passages qui auraient pu chatouiller la censure – avec l’expérience, je finis par connaître la sensibilité des censeurs. Ensuite, lors du tournage, j’ai réintégré les scènes manquantes.

Les autorités sont-elles intervenues pendant les prises de vues ?

Sans vouloir trop entrer dans les détails (qui pourraient être utilisés contre moi lors d’un futur procès), il y a eu trois interventions du bureau de la censure, suivies de trois interruptions du tournage. Mais j’ai appris à gérer ce genre de situations. Prenons un exemple : en Iran, vous ne pouvez pas tourner une scène avec des personnages de policiers sans la présence d’un représentant des forces de l’ordre. Je me suis arrangé : la présence de vrais policiers sur le plateau n’a pas influencé ce que je voulais tourner.

Un homme intègre pourra-t-il sortir un jour en Iran ?

Je risque d’aller en prison, donc je vois mal le film dans les salles iraniennes ! Je voulais présenter Un homme intègre au festival de Téhéran au printemps dernier. Il a été refusé au prétexte que c’était un film « faible », « décousu » – aucun motif politique n’a été avancé par les organisateurs. Les médias iraniens proches du pouvoir m’ont aussitôt attaqué en disant qu’il n’avait aucune valeur artistique. Mais peu de temps après, Un homme intègre a été sélectionné à Cannes. Les autorités m’ont alors demandé de procéder à des changements massifs dans le montage. J’ai refusé, avec deux arguments. D’une part, si le comité de sélection cannois a trouvé le film très bien comme ça, pourquoi devrais-je le modifier ? Et, d’autre part, je leur ai rappelé que, quand ils avaient rejeté le film pour le festival de Téhéran, ils n’avaient rien trouvé à redire à ce qu’il racontait.

Quelles scènes la censure voulait-elle effacer ?

Il y avait treize modifications majeures. Il fallait expurger notamment tout ce qui touche à la justice iranienne, aux minorités religieuses non musulmanes… Mais aussi, toutes les scènes autour de la « Compagnie » qui persécute Reza, le personnage principal du film qui refuse la corruption. A travers toutes ces coupes, la censure voulait ramener le film à un cadre strictement local afin que les spectateurs se disent : « C’est une simple bagarre dans un village, ce n’est pas un système national, mais juste un différend local qui dégénère. » Si j’avais accepté leurs demandes, il aurait fallu refai

Le scénario d’Un homme intègre est-il inspiré de faits réels ?

Le noyau dur du film prend racine dans une expérience personnelle qui remonte à une vingtaine d’années. Le reste est un mélange de choses vues, lues, entendues. En Iran, n’importe qui se retrouve confronté plusieurs fois par jour à des dilemmes moraux : un grand nombre de mes compatriotes sont pris dans un conflit schizophrénique qui les transforme en hypocrites. Ici, un individu ne peut pas être lui-même : vous êtes obligés en permanence d’être dans le mensonge, de fabriquer un personnage qui n’est pas vous. La corruption est une conséquence de cette situation. Prenons un exemple. L’alcool est officiellement interdit. Mais beaucoup de monde en produit chez soi, comme Reza dans la première scène du film, et en consomme. Il y a un contrat tacite entre le pouvoir et les citoyens. Les autorités disent en substance : « Nous savons ce que vous faites, mais, tant que vous resterez discret, tant que vous ne protesterez pas en public, nous vous ficherons la paix. Mais ne touchez pas à la politique ! » Pour continuer à vivre, un Iranien n’a donc d’autre choix que de participer à cette hypocrisie générale. Le fait même que je demande une autorisation pour un scénario dans lequel je parle de la corruption est, en soi, un acte hypocrite. Parce que je sais que, si je dis la vérité, je ne pourrai jamais tourner. Ça ne me réjouit pas de tricher, mais je n’ai pas le choix.

Pensez-vous que l’élection, puis sa réélection au printemps dernier, de Hassan Rohani, un modéré, à la présidence du pays, va faciliter les réformes démocratiques en Iran ?

Non, je ne pense pas. La marge de manœuvre de n’importe quel chef de l’exécutif est extrêmement limitée au départ : les vrai pouvoirs régaliens sont ailleurs, entièrement entre les mains du Guide suprême de la révolution islamique. On ne peut s’attendre à quoi que ce soit, ni de la part de Rohani, ni de n’importe quel homme politique qui serait à sa place. L’inspiration d’Un homme intègre est venue à un moment où Rohani multipliait les slogans en faveur des « droits citoyens ». J’ai pris ça comme un encouragement à travailler à visage découvert, sans le stress d’agir clandestinement que j’ai vécu pour tous mes films précédents. Mais une fois élu, ce même Rohani est incapable de me défendre : mon droit citoyen de critiquer la corruption est pourtant bafoué. Quand Rohani parle de droit citoyen, c’est pour faire de moi un citoyen dans son cadre mental, politique et idéologique. En gros, il me considère comme citoyen si je suis d’accord avec lui.

Y a-t-il une volonté de mettre au pas le cinéma indépendant ?

Je pense même que le pouvoir veut le faire disparaître ou, à tout le moins, le stériliser. Et il a déjà réussi dans une large mesure : les jeunes cinéastes qui veulent emprunter la voie de la critique sont de moins en moins nombreux. Les pressions que je subis ici vont peut-être faciliter la diffusion d’Un homme intègre, mais ce sera en dehors de l’Iran. A Téhéran, le pouvoir se fiche éperdument de ce qui passe à l’extérieur des frontières. C’est l’intérieur qui l’intéresse : il veut limiter au maximum la contestation et empêcher à tout prix que les différentes critiques se coalisent pour se transformer en courant politique. Le message implicite adressé aux jeunes cinéastes est clair : « Contentez-vous de faire un cinéma d’eunuques, toute autre voie pourrait vous coûter cher. »

Lors de la sortie d’Au revoir, en 2011, un film sur la tentation de l’exil, vous assuriez vouloir rester en Iran. Et aujourd’hui ? Si les autorités vous restituent votre passeport, envisagez-vous de quitter le pays ?

Je ferai tout mon possible pour rester au contact physique et spirituel de ce que je connais le mieux : ma culture en tant qu’Iranien – d’ailleurs, je ne connais que ça ! Je veux utiliser la cuture de ma terre maternelle pour m’adresser au monde avec des thématiques universelles. Dans Un homme intègre, je n’ai pas voulu dire que l’Iran est le seul pays gangrené par la corruption. On trouve de la corruption dans le monde entier.

Remerciements à Ramin Parham pour la traduction.

 

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Mohamed Rasoulof

Né en 1973 à Chiraz

Iran

Réalisateur

Au Revoir, Les Manuscrits ne brûlent pas, Un Homme Intègre (Prix « Un Certain Regard » Cannes 2017)

Depuis cet été, la situation de Mohammad Rasoulof s’est beaucoup compliquée. En septembre, alors qu’il rentrait dans son pays, il a été interpellé à l’aéroport de Téhéran. Son passeport lui a été confisqué, et on lui a signifié qu’il était poursuivi pour “activités contre la sécurité nationale” et “propagande contre le régime iranien”. Il risque sept ans de prison. Il a malgré tout insisté pour que son long-métrage sorte en France comme prévu, ce 6 décembre. “J’ai besoin que le film marche en France pour que les autorités iraniennes comprennent que, quoi qu’elles fassent, le film existe. Car tout ce que j’ai à dire est dedans”.

(Lire aussi rubrique Dossiers l’article « Si je dis la vérité , je ne pourrai jamais tourner »).

Pas un sourire, le regard fixe… Tout au long du film, (suite…)

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Un Homme Intègre

 

 

 

UN HOMME INTEGRE

Un film de Mohamed Rasoulof

Iran 2017.1h57.vost

Avec Reza Akhlaghilrad, Soudabeh Beizaee, Nazim Adabi

Disons le tout de suite, ce long métrage de Mohamed Rasoulof dont on avait apprécié le précédent opus  AU REVOIR, est une œuvre majeure du cinéma iranien.

L’argument est simple et très « western ». Reza avec femme et enfant a pris ses distances avec les jeux de pouvoir et d’argent, la corruption généralisée qui gangrènent son pays. Il a monté à la campagne une entreprise de pisciculture en eau douce. Tout va pour le mieux jusqu’au jour où une compagnie privée décide d’acquérir son terrain par tous les moyens.

Reza n’est pas du genre à se laisser faire, il est sûr de son bon droit et utilise des armes conformes  à ses valeurs morales. Pot de terre contre pot de fer, la lutte apparait vite inégale. Reste une solution : utiliser les mêmes armes que l’adversaire. Mais a-t-on le  droit de piétiner ses convictions, de prendre le risque de perdre sa dignité pour défendre son bonheur ? En a-t-on le droit ou le devoir ?

La dénonciation du système mafieux qui met en réseau police, justice, banques au service d’intérêts privés est implacable; la démonstration kafkaïenne.

Le film est noir mais le montage fait alterner des séquences démonstratives toutes de violence contenue avec de beaux moments de respiration, de silence. Récurrence de la source, de l’eau qui purifie.

Le film est fort, la mise en scène irréprochable, les acteurs ont un charisme ravageur et le tout entre en résonnance avec l’actualité de la situation en Iran.

Au passage saluons la détermination et le courage du réalisateur qui est sous la menace d’une peine de prison pour cette dénonciation sans concession.

Prix « Un Certain Regard » Cannes 2017

 

 

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In The Fade

 

Sélectionné au Festival de Cannes 2017 et récompensé par le prix d’interprétation féminine attribué à Diane Kruger impressionnante dans son rôle, « In The Fade » est un film qui dérange et fait réagir.

Fatih Akin secoue et émeut avec ce film efficace découpé en trois parties, un mélodrame inspiré du mélo allemand, très contrasté avec des cadrages amples, puis un film de procès à la Costa–Gavras, très écrit et enfin un film de vengeance mais plus poétique et plus doux car on reste collé à cette héroïne, précise le réalisateur. Le chagrin de cette femme qui a perdu son fils et son mari dans un attentat, est vite devenu pour lui l’objet essentiel du film. « Le film est une ode à cette mère. On ne sait jamais rien sur les familles des victimes, je voulais leur donner un visage. C’est aussi ça, la responsabilité du cinéma. »

Il n’y a que des coups à prendre en se lançant dans un tel projet au cœur de notre monde occidental dominé par les attentats à répétition et d’autant plus en choisissant de parler non d’un acte perpétré par Daech mais par des militants fascistes allemands. « Un cinéaste d’origine turque qui fait un film où une blonde allemande pourchasse des nazis… Je pense en effet que cela dérange certaines personnes » dit –il.

Fatih Akin n’a jamais aimé la demi-mesure équivoque. Pour le réalisateur « d’ Head on » (Ours d’or au Festival de Berlin 2004), le cinéma est un combat social et politique lui permettant de faire passer ses convictions et ses engagements sans caresser le spectateur dans le sens du poil et avec un côté bulldozer qui n’évite pas, parfois, certaines sorties de route. Fallait-il nuancer les comportements extrêmes des terroristes au risque de paraître les excuser ? Ou montrer leur inhumanité au risque de paraître caricatural ? La réponse d’Akin est claire. Il prend parti et pousse le spectateur à faire de même. A être emporté ou agacé par ce qu’il voit. Que faire lorsqu’un verdict judiciaire vous semble d’une injustice insoutenable ? Akin ne dit pas que la décision de son héroïne est la bonne mais il accompagne au plus près la logique de ce personnage. Voilà pourquoi le film a divisé les critiques à Cannes.

Fatih Akin leur répond « J’ai l’impression que les critiques veulent le mode d’emploi des films. Je ne vais certainement pas leur expliquer de quoi parle mon film. C’est un film généreux, comportant différents niveaux de lecture. Chaque spectateur peut choisir le thème qui lui parle le plus »

Ses admirateurs retrouveront d’ailleurs des constantes de son cinéma, de son attachement à la communauté turque à l’utilisation de la mer comme symbole de mort. De plus, il utilise avec bonheur les mélodies composées pour le film par Josh Homme, le leader des Queens of Stone Age.

D’après l’interview de Fatih Akin dans Première et les critiques d’avoir à lire, d ’express.fr et télérama.fr

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Raymond Depardon 12 Jours

Né le 6 juillet 1942 à Villefranche sue Saône

France

Photographe, photojournaliste, réalisateur, documentariste

Reporters, Délits Flagrants, 10ème Chambre instants d’audiences, Profils Paysans, La Vie Moderne, Les Habitants, 12 Jours

NOTE D’INTENTION

« De l’homme à l’homme vrai le chemin passe par le fou »*

Michel Foucault.

Autrefois, la décision d’hospitaliser une personne contre son gré reposait sur le seul psychiatre et s’exerçait sans regard extérieur, depuis les aliénés et les fous sont devenus des patients. En 2013, pour donner un cadre légal à cet enfermement, la loi a obligé les psychiatres à soumettre, avant douze jours, au juge des libertés l’ensemble de leurs décisions concernant les hospitalisations sous contrainte. Nous sommes les premiers à filmer la mise en application de cette loi, (suite…)

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12 Jours

 

A chacun de ses nouveaux films, la magie opère comme si c’était la première fois ; sans doute parce que Depardon aborde chaque nouveau sujet avec la modestie qui le caractérise et avec une curiosité, un intérêt pour les hommes et les femmes qu’il filme que rien ne semble altérer : ni le temps, ni le succès. C’est la marque des grands réalisateurs que de savoir se réinventer tout en demeurant fidèle à leur démarche et dans le cas de Depardon à un principe essentiel de bienveillance.

L’action se situe dans les couloirs d’un  hôpital psychiatrique, froids, impersonnels, anxiogènes, témoins muets des souffrances psychiques, des errances intérieures, du mal à vivre en paix, du mal à vivre ensemble. C’est ici que l’on mène souvent par force des personnes qui peuvent présenter un danger pour elles-mêmes, pour les autres ou provoquer des troubles à l’ordre public.
Depuis la loi du 27 septembre 2013, les patients hospitalisés dans les hôpitaux psychiatriques doivent être présentés à un juge des libertés et de la détention avant 12 jours  puis tous les 6 mois si nécessaire. Un juge doit donc évaluer avant la fin des douze jours d’hospitalisation et en étroite collaboration avec les experts médicaux si l’hospitalisation doit se poursuivre, s’arrêter ou s’adapter. C’est ce temps particulier dans le parcours judiciaire et médical des patients / justiciables que Depardon a choisi de filmer, cet instant bref et pourtant décisif où beaucoup de choses vont se jouer.

C’est une humanité cabossée, en situation d’extrême faiblesse que nous montre Depardon.

Filmant toujours au plus près des visages qui se crispent, qui se racontent malgré eux, qui souffrent et espèrent que le réalisateur nous raconte un domaine de la justice assez méconnu, qui pose mille questions sur cette mission délicate de la protection, mais aussi sur la prise en charge de ces êtres parmi les plus fragiles de la société.

Souvent  bouleversant, « 12 jours » est un film essentiel et précieux pour mieux vivre ensemble.

Critique UTOPIA

Présenté à Cannes hors compétition.

Prochain ciné débat : le lundi 11 décembre autour du film « La villa » après sa projection.

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Jeune femme

Le prochain film :                                                                         CINE CIMES                                                                              Semaine du 23 au 28 novembre 2017                                          Université Populaire Sallanches Passy

JEUNE FEMME

De Léonor Serraille – France – 1h37

Avec Laetitia Dosch, Léonie Simaga, Souleymane Seye Ndiaye, Grégoire Monsaingeon, …

Lauréat de la Caméra d’Or au Festival de Cannes 2017, ce film va enfin mettre en lumière Laetitia Dosch, cette comédienne inclassable, dont la singularité et la puissance de jeu éblouissent.

Parisiens, attention, voilà Paula. Fraîchement débarquée du Mexique, où elle a vécu dix ans avec son amoureux photographe, la «Jeune Femme» — c’est le titre du film — redécouvre la capitale. Mais pas vraiment dans des conditions optimales : l’amoureux en question vient de la plaquer. Sans attache, meurtrie, larguée dans cette grande ville qu’elle ne connaît plus, Paula va entamer une longue errance avec le chat qu’elle a piqué à son ex pour seul bagage. Elle fait une crise en pleine rue et se blesse. Elle est conduite aux urgences où elle est examinée par un médecin compatissant. Peu de temps après, Paula, combative, est bien décidée à se faire une nouvelle vie. Son tempérament instable et l’indifférence des Parisiens lui rendent la tâche difficile… Mais pas question de se laisser abattre : Paula a la rage, et elle le fait savoir. Elle a tendance à s’incruster, d’abord chez sa belle-soeur, puis dans un hôtel miteux, ou chez une fille qui la prend pour une vieille amie disparue…

Un premier film,  surprenant et haletant, que Laetitia Dosch porte sur ses épaules. Il y a du Gena Rowlands en elle. Et du Patrick Dewaere. Tout ça ? Oui. C’est en tout cas l’avis de Léonor Serraille, auteur de JEUNE FEMME, qui recherchait une actrice capable de paraître forte,  battante, tout en dévoilant sa fragilité. C’est aussi son côté multiple qu’a aimé la réalisatrice  en la googlisant. Elle change de visage comme de chemise et saura donc passer par plein d’états différents, comme Paula. Au début, son hystérie insupporte et puis on comprend qu’elle est dans une situation de détresse et de précarité totale. On apprend à la connaître, on la voit se débattre avec panache. C’est rare les personnages qui surprennent à ce point. En livrant le portrait d’une jeunesse dans la précarité,  la réalisatrice est en phase avec son époque et son âge.

Depuis la présentation du film à Cannes en mai, l’heure de la reconnaissance a enfin                                                                                         sonné pour Laetitia Dosch qui, déjà en 2013,  excellait dans La Bataille de Solférino.  Son jeu est physique. Elle s’exprime avec son corps. « J’aime surtout quand le corps contredit ce que les mots racontent, précise-t-elle ». Surprendre, aller là où personne ne l’attend, voilà son moteur. On a beau la comparer aux plus grand(e)s, c’est avant tout sa singularité que cultive Laetitia. Libre, insaisissable, elle ne ressemble à personne d’autre qu’à elle-même. Et il n’y a aucune raison que cela change.                                                                                  – Critique de STUDIO CINE LIVE –

Cinédébat le lundi 11 décembre à la fin de la projection

A propos du Film « LaVilla » de Robert Guédiguian

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