Italie
Acteur, scénariste
Venir au Monde, Fortunata
Lors de sa projection à Un Certain Regard, Thierry Frémaux a évoqué Mamma Roma de Pier Paolo Pasolini pour parler de votre film. Est-ce que ça a été une de vos références pourFortunata?
C’était une référence réelle, parce que j’ai tourné mon film dans le même quartier où Pier Paolo Pasolini a tourné Mamma Roma. Mais c’était un film en noir et blanc et une vision complètement différente.
Justement, pouvez-vous nous présenter votre belle héroïne, prénommée Fortunata?
Fortunata est une femme de la banlieue qui vit seule avec sa petite fille. Elle est séparée de son mari, un homme très violent qui n’accepte pas l’idée qu’une femme puisse se refuser à lui. C’est une femme qui pense que le succès, l’argent, la richesse sont les seules solutions gagnantes. Mais la vie va lui apprendre qu’il y a autre chose. Il y a la perte de contrôle, il y a l’amour, il y a la relation plus intime et plus profonde avec elle-même et avec les autres.
Quel travail avez-vous effectué avec Jasmine Trinca, l’actrice qui porte le film à bout de bras?
Pour moi qui ai fait l’acteur toute ma vie, travailler avec les acteurs, c’est un privilège. Je m’amuse beaucoup à leur offrir sur un plat des informations émotionnelles. Et après, ça dépend beaucoup d’eux, de leur capacité à redonner tout ça à travers leur talent. Je dirai que les effets spéciaux dans ce film, ce sont les acteurs.
Il y a un effet très spécial dans ce film, c’est la présence d’Hannah Schygulla dans le rôle de Lotte.
Je dirai qu’il y a quelque chose de symbolique dans l’idée de ce personnage qui est en train de perdre la mémoire. Et c’est fascinant de savoir que ce personnage est incarné par une femme qui a incarné un cinéma dont nous allons perdre un peu la mémoire, à savoir le grand cinéma de Fassbinder, le nouveau cinéma allemand… Elle est le dernier témoin de cette extraordinaire capacité de raconter, de gérer des mélodrames de la façon la plus forte possible. La filmer était un plaisir. C’est une femme très ironique, très douce, très sympa. Elle a un côté très italienne en plus, elle avait travaillé avec Marco Ferreri, Ettore Scola…
C’est aussi une forme de chronique sociale sur un quartier défavorisé avec l’arrivée de ces Chinois.
La réalité sociale italienne a beaucoup changé ces dernières années. Ce quartier dans lequel on a tourné a la plus grande communauté chinoise et musulmane de Rome. Et ça a été difficile l’intégration entre toutes ces communautés. Mais l’intégration de l’univers chinois est plus comme une blague dans le film, une ironie, parce que la communauté chinoise à Rome a travaillé beaucoup à renouveler l’idée de la commercialisation du quartier. Les Romains sont naturellement vus comme des personnes qui n’ont pas envie de travailler, alors que les Chinois, ils travaillent, ils travaillent toujours. Et ils dansent aussi sous la pluie. (rires)
Avez-vous des souvenirs à nous partager du Festival de Cannes?
J’en ai beaucoup. La première fois que je suis venu, c’était avecLe Grand Bleu de Luc Besson, il y a beaucoup d’années. Nous avons vécu ensemble la montée des marches dans des conditions exaltantes. J’ai aussi beaucoup de souvenirs avec Margarethe von Trotta, Ettore Scola, Marco Bellocchio…Mais pour moi, les souvenirs, c’est le Festival de cannes, c’est l’idée de venir ici de temps en temps, de rencontrer des amis et de respirer le cinéma.
D’après l’interview de Laure Croiset le 23.05.2017 pour Challenges.