Archives pour février 2022

H6

H6 

 

De l’hôpital numéro 6 de Shanghaï, on ne perçoit d’abord que le gigantisme. Des tableaux électroniques comme dans les halls d’aéroport annonçant les consultations du jour, des rangées de guichets anonymes et une foule de personnes faisant la queue dans un brouhaha indescriptible. Très loin de là, dans un village rural où rien n’a changé depuis la nuit des temps, une femme s’apprête à faire le long voyage qui va la conduire au chevet de son mari dans cet établissement flambant neuf où il a été admis après une chute. Toute la Chine est résumée dans ce contraste entre ville et campagne, entre ultramodernité et traditions confortant la vision que les Occidentaux se font de ce pays. C’est derrière cette image que nous entraîne pourtant la réalisatrice franco-chinoise Ye Ye en nous faisant partager les itinéraires individuels de cinq familles confrontées à l’adversité. Dans ce temps suspendu où l’on doit faire face à la maladie et à la possibilité de la mort d’un mari, d’une épouse, d’un frère, ou d’une enfant. Avec ses questionnements, ses angoisses, ses moments de drame mais aussi de joie. Des sentiments à la fois universels, dans lesquels chacun pourra se retrouver, mais qui dessinent en creux par leur singularité le portrait tout en délicatesse d’un pays et d’un peuple. 

  • Immergée dans cet hôpital pour les besoins du tournage d’une série, YeYea immédiatement ressenti tout le potentiel qu’il recelait. « J’ai eu l’impression de plonger littéralement dans les entrailles de mon pays, de ressentir son pouls, d’entendre son cœur battre, son corps vibrer », explique-t-elle. Dans cet hôpital, où cohabite médecine de pointe et médecine traditionnelle, les couloirs sont envahis par les familles de toutes origines sociales, parfois venues de très loin, qui attendent patiemment les heures de visite autorisées, dorment sur place, se conseillent et s’épaulent. 
  • Tout un microcosme éphémère se forme dont la réalisatrice filme à la fois le collectif et le particulier : les dilemmes moraux – quand la femme et les frères d’un paysan qui s’est cassé la colonne vertébrale doivent décider d’une opération risquée – ou encore financiers – lorsqu’un vieil homme doit se résoudre à vendre son appartement pour payer les soins de sa femme qu’il couve tendrement de ses attentions. Il est moins question pour YeYede porter un regard critique sur son pays que d’en montrer le versant intime. Celui d’une humanité confrontée à la souffrance qui se révèle avec sa pudeur, un certain fatalisme mais aussi une bonne dose d’humour et d’optimisme.
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The Souvenir Part 1 et Part 2

THE SOUVENIR PART I ET PART II

De Joanna HOGG – Grande-Bretagne-1h59 et 1h48,

avec Honor Swinton Byrne, Tom Burke, Tilda Swinton, Ariane Labed.

Joanna Hogg a grandi dans une ville du KENT. Elle travaille comme photographe pendant quelques années avant d’intégrer la National Film and Televison School dans les années 80. Elle travaille pendant 20 ans ans pour la télévision et la vidéo, avant de réaliser son premier film en 2007.

Joanna Hogg est une cinéaste de l’introspection. Ses personnages sont discrets, souvent en retrait, observent le monde autour d’eux.

En 2019, elle réalise The Souvenir, part I.

En 2022, elle sort The Souvenir II, part II.

La réalisatrice anglaise, sexagénaire, s’est inspirée de la relation amoureuse de sa jeunesse qui est devenue douloureuse. Il était séduisant, soi-disant diplomate, mais désespérément toxicomane et le dissimulant. Elle le raconte dans Part I. Ce premier film montre que formalisme et émotion vont parfois très bien ensemble : au gré des scènes et des sentiments qui les imprègnent, Joanna Hogg passe de la limpidité au baroque, oscille avec grâce entre épure et onirisme.

Le plus extraordinaire tient pourtant à la relecture des mêmes événements dans The Souvenir Part II. Nous voilà, cette fois, juste après la fin tragique de la liaison. Et l’étudiante se bat pour consacrer son premier film à cette histoire qui vient de la briser. Geste libérateur que Joanna Hogg, elle, n’a pas su faire à l’époque. Elle n’a tourné son premier long métrage que dans sa quarantaine, en 2007. On découvre donc les coulisses, au sein d’une école de cinéma, de la reconstitution du drame intime relaté dans le premier volet. Jusqu’à l’appartement étroit où la jeune héroïne habite encore, mais qui est reconstruit à l’identique dans un hangar pour les besoins de son tournage…

Le vertige est total: le cinéma vient réécrire, quarante ans plus tard, une vie qui aurait pu être toute différente. La catharsis se produit à la fois dans le passé, grâce à la fiction, et aujourd’hui, compte tenu de l’existence même de ce diptyque. Un tourbillon délicat mélange continuellement réminiscences mortifères et rêveries réparatrices. La réalité et sa représentation féerique ne font désormais plus qu’une.
                                                                                                                        D’après Louis Guichard, Télérama
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Programmation du 24 Février au 29 Mars 22

Du 24 Février au 1° Mars

Du 24 Février au 1° Mars

H6, L’HÔPITAL DU PEUPLE 

De Ye Ye – Chine – 2022 – 1H54 – VOST 

Documentaire 

De l’hôpital n°6 de Shanghaï, on ne perçoit d’abord que le gigantisme et la modernité, où cohabitent médecine de pointe et traditionnelle et une foule de personnes faisant la queue dans un brouhaha indescriptible. C’est derrière cette image que la réalisatrice franco-chinoise nous entraîne en nous faisant partager les itinéraires individuels de cinq familles confrontées à l’adversité, dans ce temps suspendu où l’on doit faire face à la maladie et à la possibilité de la mort d’un proche. Avec ses questionnements, ses angoisses, ses moments de drame, mais aussi de joie. 

Il est moins question pour Ye Ye de porter un regard critique sur son pays que d’en montrer le versant intime. Celui d’une humanité confrontée à la souffrance qui se révèle avec sa pudeur, un certain fatalisme, mais aussi une bonne dose d’humour et d’optimisme. Des sentiments universels, mais qui dessinent en creux, par leur singularité, le portrait tout en délicatesse d’un pays et d’un peuple. 

https://cinecimes.fr/ye-ye-h6/

 

Du 3 au 8 Mars

Du 3 au 8 Mars

VOUS NE DESIREZ QUE MOI 

De Claire Simon – France – 1 h 35 

Avec Swann Arlaud, Emmanuelle Devos… 

Nous sommes en octobre 1982 et Yann Andrea a demandé à la journaliste Michèle Manceaux de recueillir ses confidences. Cela fait deux ans qu’il est le compagnon de Marguerite Duras, de trente – huit ans son aînée et cette passion l’emplit et le vide à la fois. Marguerite décide de tout, c’est une histoire de possession douloureuse et consentie. 

Face à Emmanuelle Devos, Swann Arlaud est époustouflant ; loin du mimétisme, il habite littéralement ce texte où se mêlent désir, dépression et hantise de la dépersonnalisation. Le comédien fait corps avec les mots, et chacun de ses gestes, délicats et fiévreux comme ceux d’un malade, les prolongent. 

Claire Simon rend intemporelle l’emprise amoureuse, mais en choisissant la parole du faible, l’homme dominé. 

https://cinecimes.fr/claire-simon-vous-ne-desirez-que-moi/

 

 

Du 10 au 15 Mars

Du 10 au 15 Mars

 

 

 

 

 

 

 

 

 Du 10 au 15 Mars

THE   SOUVENIR, PART I ET PART II 

De Joanna HOGG – Grande-Bretagne-1h59 et 1h48, VOST. 

Avec Honor Swinton Byrne, Tom Burke, Tilda Swinton, Ariane Labed 

La réalisatrice anglaise, sexagénaire, s’inspire de sa jeunesse, au début des années 1980: elle avait vécu une relation douloureuse avec un homme séduisant mais désespérément toxicomane et le dissimulant. Dans les mises en scènes des sentiments de cette première partie, elle oscille avec grâce entre épure et onirisme. Mais, étant alors étudiante en cinéma, juste après la fin tragique de cette liaison, elle avait fait une relecture des mêmes événements. 

Dans la partie II, l’étudiante se bat pour consacrer son premier film à cette histoire qui vient de la briser. Cette réaction libératrice, elle n’a pas su la faire à l’époque. Elle n’a tourné son premier long métrage qu’en 2007. On découvre donc les coulisses, au sein d’une école de cinéma, de la reconstitution du drame traumatique. Ce souvenir du traumatisme du passé était encore actif par ses réminiscences mortifères. Cette réécriture de la mise en scène, quarante ans plus tard, comme dans un psychodrame, libère le présent de ce traumatisme et laisse alors place à une vie toute différente 

https://cinecimes.fr/?p=5221&preview=true

 

Du 17 au 22 Mars

Du 17 au 22 Mars

L’HISTOIRE DE MA FEMME 

De Ildiko Enyedi – Hongrie – 2 h 49 – 2022 – VOST 

Avec Léa Seydoux, Louis Garrel, Gijs Naber 

La femme de L’histoire de ma femme est celle que va épouser Jakob Storr, un marin réalisant un beau jour qu’il serait peut-être plus complet si une épouse l’attendait au port de Hambourg. Alors, dans un restaurant, il annonce à un ami qu’il épousera la première à entrer dans la salle à manger. Ce sera Lizzy, qui, séduite par ce grand gaillard solide et rassurant, se prêtera au jeu. Mais alors qu’il deviendra réellement amoureux, elle gardera toujours une distance, entre flânerie désabusée et soirées mondaines. L’Histoire de ma femme possède un souffle romanesque, une élégance qui évite l’écueil d’un beau film classique en costumes : il montre simplement que, dans l’Europe centrale de l’entre-deux guerres, les jeux de l’amour et du hasard sont les mêmes qu’aujourd’hui .

https://cinecimes.fr/ildiko-enyedi-lhistoire-de-ma-femme/

 

 

Les Poings Desserrés
Du 24 au 29 mars

Du 24 au 29 Mars

LES POINGS DESSERRES 

De Kira Kovalenko – Caucase – 2021 – VOST – 1h 36 

Avec Milana Aguzarova, Alik Karaev… 

Ada est une jeune femme qui ne veut pas s’enfuir : elle veut plutôt pouvoir partir. Quitter ce monde d’hommes qui l’enserrent, s’affranchir de ce père, de ces frères, de ces garçons qui lui tournent sans cesse autour, sans pourtant renoncer à eux, sans balayer les sentiments qu’elle éprouve. Et ce n’est pas une mince nuance, c’est une tout autre aventure. Ce personnage – admirablement interprété par Milana Agouzarova – est la grande réussite de ce film surprenant, signé d’une réalisatrice de 31 ans, nommée Kira Kovalenko. 

La mise en scène énergique, caméra à l’épaule, au plus près des corps, s’éloigne rapidement du strict genre réaliste pour développer une fascinante orchestration des contacts physiques. Des corps eux-mêmes otages d’une ville désolée, oubliée de tous où les tensions identitaires et politiques du passé sont encore palpables.

https://cinecimes.fr/?p=5232&preview=true

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Yé Yé (H6)

Réalisatrice, monteuse, directrice photo, ingénieure son

Franco-Chinoise

H6

La réalisatrice franco-chinoise détaille son nouveau documentaire, qu’elle a tourné dans un grand hôpital à Shanghaï : “Je voulais montrer quel est le comportement des Chinois par rapport à la vie, la mort et l’amour”

Cineuropa : Comment ce projet de film s’est-il présenté et comment avez-vous trouvé l’hôpital où vous l’avez tourné ?
Yé Yé :
Il y a eu une période où j’étais malade et où j’ai dû aller à l’hôpital en France. Je me suis rendu compte à ce moment-là de la différence d’attitude par rapport à la maladie, la mort, et les relations humaines existant entre les Français et les Chinois. Ceci m’a donné envie de faire des recherches sur la question et d’essayer de saisir les particularités chinoises, à partir du contexte de la médecine. (suite…)

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Vitalina Varela

VITALINA VARELA

Portugal-2022 -2h 04min 

De Pedro Costa 

Par Pedro Costa, Vitalina Varela 

Avec Vitalina Varela, Ventura, Manuel Tavares Almeida 

Leopard d’or et Léopard de la meilleure actrice au festival de Locarno en 2019

Celle qui donne son nom au film est une Cap-Verdienne de 55 ans. Elle est grande, hiératique. Elle reste de marbre malgré l’épreuve : elle vient de débarquer à Lisbonne pour les obsèques de son mari, dont elle était sans nouvelles depuis vingt-cinq ans. La dernière fois, il avait promis de lui envoyer un billet d’avion pour le Portugal. Elle s’installe là où il logeait, dans sa bicoque de tôle et de briques d’un quartier délabré. Des voisins, fantômes rongés par la misère, défilent pour lui présenter leurs condoléances. Elle passe en revue ce que le défunt a laissé. Des fragments d’une existence chaotique, de combines, de déglingue, de disgrâce. L’épouse repense à cette solide maison qu’ils avaient commencé à bâtir ensemble, en plein soleil, là-bas au Cap-Vert, au temps de leur jeunesse .

Le film s’inspire directement de ce que Vitalina Varela, dans son propre rôle, a vécu. Pedro Costa poursuit là son travail d’exploration et de transfiguration de la communauté lisboète issue du Cap-Vert, entamé avec En avant, jeunesse ! (2006). Du cinéma âpre, intransigeant, proche du documentaire et qui s’en éloigne en même temps pour s’élever vers l’allégorie. On baigne dans un monde d’ombres et de spectres. Le gourbi devient grotte mythologique, la veuve, une divinité. Bien vivante, la seule peut-être à avoir encore les pieds sur terre, dans ce faubourg de ténèbres, de torpeur et de courants d’air. Où tout semble partir à vau-l’eau, mais où subsistent encore quelques maigres soutiens. À l’image de ce prêtre souffreteux et à moitié fou qui aide l’infortunée à enterrer son homme dignement.

Du sentiment de déréliction à la consolation, de l’amertume à la nostalgie : plusieurs états d’âme affleurent, transcendés par un art pictural de l’image, une science du clair-obscur. Les silhouettes découpées, le noir et les tons cuivrés frappent par leur intensité. C’est une œuvre de feu et de froid, qui réclame assurément d’être vue sur grand écran. Elle n’est pas facile de prime abord, mais l’envoûtement profond qu’elle suscite vaut largement qu’on s’y attarde. Jacques Morice (Télérama)

C’est en cherchant une maison pour tourner une scène de son précédent film (Cavalo Dinheiro, 2014), que Pedro Costa a frappé à sa porte à l’automne 2013. Son mari était mort en juin ; elle habitait dans sa maison et s’est d’abord montrée méfiante, craignant une intrusion de la police. À force de visites régulières et de discussions, se sont nouées une relation et la possibilité d’un film dont elle est beaucoup plus que l’interprète principale. « Le film, c’est elle », résume le cinéaste.L’interprétation que la non-actrice offre de son propre rôle est le fruit d’un travail harassant, dont Pedro Costa avance qu’aucun acteur de profession n’aurait pu le fournir. 

Si les films de fiction ayant pour titre le nom de leur héroïne ne manquent pas, y en a-t-il déjà eu dont le nom de leur personnage-titre est également celui de leur principale interprète ? Récompensée à Locarno en 2019 par le Léopard de la meilleure actrice, la Cap-Verdienne Vitalina Varela est aussi le personnage central de Vitalina Varela, distingué à ce même festival par le Léopard d’or du meilleur film.

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Valdimar Johannsson (Lamb)

Né le 1er Janvier 1978

Islande

Cascadeur, réalisateur, scénariste

Lamb

La ferme est bordée de monts. Dans la vallée, une rivière zèbre la prairie. Valdimar Jóhannsson a trouvé dans ce nord de l’Islande le décor de “Lamb”. Un film à l’image d’un septième art en plein essor, axé sur une nature fantastique. C’est pour découvrir le décor, à la fois géographique et mental, de cet enthousiasmant premier film qu’on a fait le voyage. Lamb, sélectionné à Cannes (dans la section Un certain regard) l’été dernier, se déroule dans une ferme ovine isolée, chez María (Noomi Rapace) et Ingvar (Hilmir Snær Guðnason). Unis dans un chagrin taiseux — ils ont perdu leur seule enfant — mais complices dans le labeur, les époux reçoivent un don du Ciel (ou d’ailleurs) lorsqu’une brebis donne naissance à un agneau pas ordinaire. (suite…)

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Robert Guédiguian

Né le 3 décembre 1953 à Marseille

France

Réalisateur, producteur

A la Vie et à la Mort!, Marius et Jeannette, A l’Attaque, Les Neiges du Kilimandjaro, La Villa, Twist à Bamako.

Twist à Bamako

Comment vous est venu l’idée de ce film ?

Je suis allé voir l’exposition des photographies de Malick Sidibé (« Mali Twist », à la Fondation Cartier, à l’automne 2017). Cette réjouissante explosion de vitalité à travers les corps déhanchés de ces jeunes danseurs m’a rendu très curieux de cette époque. Quelques semaines plus tard, j’étais à Lyon pour présenter La Villa, avec Marc Bordure, un de mes associés d’Agat Films. Il avait rencontré le commissaire de l’exposition avec l’idée de produire une série ou un film documentaire. En marchant dans la rue, il commence à me raconter ce qu’il avait appris sur le Mali des années 1960 et me décrit l’exaltation révolutionnaire qui animait cette jeunesse. Au bout de quelques minutes, je lui ai dit « et si je faisais un film de cinéma avec tout ça ? ».

(suite…)

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