Archives pour octobre 2017

Raoul Peck

Né le 9 septembre 1953 à Port au Prince

Haîti

Réalisateur, Producteur, scénariste

Ministre de la Culture de la République d’Haîti de 1995 à 1997, Président de la Fémis depuis 2010.

Haîtian Corner, Lumumba, le Jeune Karl Marx, I Am Not Your Negro

 

La sortie sur les écrans du « Jeune Karl Marx » apporte une bouffée d’air contestataire bienvenue. Raoul Peck y retrace l’évolution du jeune intellectuel de Cologne à Bruxelles en passant par Paris, Londres et Manchester, entre 1843 et 1847, et la naissance tumultueuse d’une nouvelle conception révolutionnaire du monde. Le réalisateur a bien voulu répondre à nos questions. (suite…)

Publié dans Archives réalisateurs, Réalisateurs | Commentaires fermés sur Raoul Peck

Laurent Cantet

Né le 16 juin 1961 à Melle

France

Réalisateur, scénariste

Ressources Humaines, Emploi du temps, Entre les Murs, Retour à Ithaque, L’Atelier

Avec L’Atelier, présenté dans la section Un certain regard, Laurent Cantet est revenu au Festival de Cannes pour la première fois depuis la Palme d’or d’Entre les murs, en 2008. En apparence, les deux films se ressemblent mais, à 56 ans, Cantet sait comme personne percevoir et restituer les changements profonds d’une époque. Entre les jeunes de La Ciotat et l’intellectuelle descendue de Paris pour leur apporter les bienfaits de la culturelors d’un atelier d’écriture, ce n’est pas seulement un drame romanesque qui se noue, mais un débat essentiel pour notre temps.

(suite…)

Publié dans Archives réalisateurs, Réalisateurs | Commentaires fermés sur Laurent Cantet

Michael Haneke

Né le 23 Mars 1942 à Munich, Allemagne

Autrichien

Réalisateur, scénariste

Le Septième Continent, Benny’s Video, Funny Games, La Pianiste, Caché, Le Ruban Blanc, Amour, Happy End

 

 

Plus noir que jamais, Michael Haneke renoue avec ses thèmes fétiches dans « Happy end », le portrait glaçant d’une famille bourgeoise, aveugle et sourde à la souffrance autour d’elle, épinglant au passage notre « indifférence » et le « manque d’empathie » de nos sociétés.

« Happy end » se déroule à Calais et a d’abord été présenté comme un film sur les migrants. Qu’en est-t-il ?

(suite…)

Publié dans Archives réalisateurs, Réalisateurs, Uncategorized | Commentaires fermés sur Michael Haneke

L’ atelier de Laurent Cantet

L’ATELIER de Laurent Cantet  film Français 1H53/vo

Avec Marina Fois, Mathieu Lucci

En compétition au festival de Cannes 2017 dans la catégorie « un certain regard

 

 

 

La CIOTAT,été 2016, Antoine (Mathieu LUCCI débutant fulgurant)  a accepté de suivre un atelier d écriture ou quelques jeunes en réinsertion, doivent Écrire un roman noir avec l’aide d’Olivia, une romancière connue (Marina FOIS à  son meilleur). Le travail d’Écriture va faire ressurgir le passé ouvrier de la ville, son chantier naval fermé depuis 25 ans, toute une nostalgie qui n’intéresse pas Antoine. Davantage connecté à l’anxiété du monde actuel, il va s’opposer rapidement au groupe et à  Olivia que la violence du jeune homme va alarmer autant que séduire.

 

Laurent Cantet 56 ans, fils d’instituteur, se passionne depuis ses premiers films (« Entre les murs », palme d’™or en 2008) pour les classes sociales, dans lesquelles sont enfermées les individus : avec ce film il invente un cinéma qui échappe à tout message, à  toute thèse : il ne se laisse attraper par aucun filet idéologique ou psychologique : c’est un cinéma joyeusement politique.

 

Voilà  ce qu’il dit :

Des origines du projet : Â«  tout est parti d’un reportage en 1999 (de R. Campillo coscénariste du film) ou l’on voyait une romancière anglaise animer un atelier d’écriture à  La Ciotat encore sous le choc de la fermeture du chantier naval. Le projet a été laissé en plan, j’y suis revenu 17 ans plus tard avec l’intuition que cette histoire ouvrière était de la préhistoire pour les jeunes d’aujourd’hui : ce dont le film témoigne c’est de la mutation radicale de cette société devenue violente, déchirée par des enjeux politiques et sociaux inquiétants : terrorisme, précarité, montée de l’extrême droite. Et les jeunes de l’Atelier  nous le disent : ils cherchent leur place dans un monde qui ne les prend pas en compte, ils ont l’impression qu’ils n’ont aucune prise sur le déroulement des choses et leur propre vie ».

-Du travail avec les jeunes comédiens : « quand une première version du scénario a été achevée, nous avons fait un casting dit « sauvage» : j’ai choisi les acteurs, parmi une centaine de jeunes de la région et j’ai mené avec eux un atelier de 2 semaines à  plein temps, ils n »ont jamais appris leur rôle, ils l’ont intégré«

-De l’atelier d’écriture : Â«  ce que je voulais montrer, avec cet atelier, c’est moins un acheminement vers l’écriture qu’un effort difficile et hésitant pour penser, parler ensemble et se mettre d’accord : si on pense que les jeunes ne savent plus parler, c’est parce qu’on ne leur donne plus l’occasion de le faire : j’ai été stupéfait par la densité de nos échanges, par la façon dont ils trouvaient les mots pour défendre leurs idées ».

-Du roman au film noir : «  j’ai eu envie de donner une coloration « thriller »c’est à  la fois une façon de brouiller les pistes et de susciter des Emotions violentes : je voulais qu’on ait peur à  la fois pour lui et pour elle »

Opération réussie ; voici un film juste, inattendu, haletant : à voir

 

 

PROCHAIN CINE DEBAT autour de CE FILM le 30 octobre, à la suite de la projection de 19H30 

 

 

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur L’ atelier de Laurent Cantet

Une Famille Syrienne

 

Tourné à Beyrouth , « Une famille syrienne », entend évoquer la guerre en Syrie à travers un huis-clos où une famille cloîtrée s’attend au pire. Montrer le quotidien des civils syriens, otages du conflit, telle est l’ambition de Philippe Van Leeuw. « Je voulais mettre des images sur ces personnes qui subissent la guerre au jour le jour», explique le réalisateur de » Le jour où Dieu est parti en voyage » sur le génocide rwandais (2009). Choqué par l’immobilisme de la communauté internationale en Syrie face à Bachar Al Assad, il a choisi de se situer « en dehors des polémiques partisanes » et d’« être au cœur de l’humain ».

Beau et terrible, ce film sur une journée d’une famille syrienne enfermée dans son appartement a reçu les prix de la mise en scène et du public au festival d’Angoulême.   

         Penchons-nous un instant sur le titre. D’abord, la notion de « famille » est trompeuse puisque tous les personnages à l’abri dans cet appartement ne sont pas du même sang, certains étant des voisins et l’une d’elles étant même une domestique. De quoi interroger sur la notion d’appartenance à une famille, au-delà de la seule généalogie et de la classe sociale. Ensuite, la précision comme quoi cette prétendue famille est syrienne est le seul et unique indice (hormis la langue arabe bien sûr) qui nous permette de situer le conflit. L’abstraction géographique, autant que politique, fait de ce long-métrage une œuvre universelle, et donc bien plus puissante qu’une banale dénonciation du régime en place.

Ce faisant,  ce film se révèle éprouvant, tout particulièrement quand la violence extérieure pénètre ce fragile refuge, violence que le cinéaste filme sans complaisance. Dense, « Une famille syrienne » allie la théâtralité d’un huis clos étouffant dans la tradition de l’unité de temps, de lieu et d’action à une réalisation efficace où une caméra fluide suit tous les mouvements des protagonistes.

La violence extérieure n’est pas montrée mais n’en reste pas moins omniprésente, grâce à un formidable travail sur le son. Le bruit des hélicoptères, bombardiers et explosions ponctue ainsi la vie de la dizaine de Syriens qui se terrent dans leur abri de fortune. Chaque bruit à l’extérieur devient une source de terreur, que le rythme de la mise en scène ne fait qu’amplifier.

Pour que cette violence s’incarne, il fallait de beaux personnages, déchirés entre la nécessité de fuir et le besoin de rester. Dans son personnage fort et charismatique au cœur du récit, Hiam ­Abbass  (la mère) bouleverse, aux côtés des non moins émouvantes Juliette Navis et ­Diamand Bou Abboud. Séquestré avec la famille captive, le spectateur n’est immergé qu’une heure et demie dans ce moment de guerre. La parenthèse est pourtant plus éloquente et instructive que bien des reportages et récits dont la barbarie inlassable a fini par nous anesthésier. Ce film devrait aider à modifier le regard sur les réfugiés.

D’après les critiques de :

Julien Dugois (avoir-alire.com), Corinne Renou-Nativel ( La Croix), J.F Juliard ( le Canard Enchaîné).

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Une Famille Syrienne

Michael Haneke : Profession cinéaste

Michael HanekeD’Yves Montmayeur – France- Autriche –1 h 32 – Documentaire

Tous les journalistes qui ont interviewé Michael Haneke vous le confirmeront : impossible de lui faire expliquer le sens de ses films. Le documentariste Yves Montmayeur, qui a suivi la plupart des tournages du cinéaste autrichien depuis Code inconnu, essaie, lui, depuis quinze ans. Ses tentatives infructu­euses auprès d’un Haneke de plus en plus fermé sur la question tournent même au running gag… Le réalisateur du Ruban blanc, qui se revendique volontiers « artisan », est en revanche plus prolixe sur la fabrication de ses films. Et c’est passionnant.

Yves Montmayeur a choisi de raconter Haneke à rebours, en partant de la consécration d’Amour pour remonter jusqu’à la trilogie de la « glaciation émotionnelle » des débuts — Le Septième Continent, Benny’s Video, 71 fragments d’une chronologie du ­hasard. Les extraits de films sont judicieusement choisis, les témoignages des proches (notamment ses actrices fétiches ­Susanne Lothar et Isabelle Huppert) précieux pour appréhender le perfectionnisme d’un cinéaste obsédé par le contrôle.

Mais ce sont les nombreuses séquences de making of qui révèlent le mieux la personnalité de Haneke. Si son cinéma a perdu une partie de sa rigi­dité théorique au fil des années, l’homme, lui, n’a pas changé : toujours ces habits noirs, toujours ce look de pasteur calviniste parfaitement raccord avec la radicalité (ses détracteurs diraient « la sinistrose ») de son oeuvre. Et pourtant… Haneke au travail, sur le tournage de ses films ou dans ses cours de théâtre à l’Académie des arts du spectacle de Vienne, c’est une pile électrique : il ne tient pas en place. C’est aussi, plus surprenant encore, un homme très drôle, au rire communi­catif. Il le disait lui-même lors de la sortie du Temps du loup : « C’est souvent plus agréable de tourner un film avec moi que de le regarder.

Publié dans A propos de..., Archives réalisateurs | Commentaires fermés sur Michael Haneke : Profession cinéaste

Andreï Petrovitch Zviaguintsev

Né le 6 février 1964 à Novossibirsk

Russie

Réalisateur

Le Retour, Le Bannissement, Elena, Léviathan, Faute d’Amour

Interview du réalisateur qui dépeint une société russe atomisée et incapable de compassion. 

Un jeune couple de Moscovites de la classe moyenne divorce. Chacun s’apprête à refaire sa vie avec un nouveau conjoint. Mais leur fils Aliocha, garçon sensible d’une douzaine d’années, est un obstacle à la réalisation de leur projet personnel.

COURRIER INTERNATIONAL Le très joli titre français, Faute d’amour, ne traduit pas exactement le sens de Nelioubov [Non-amour].

ANDREÏ ZVIAGUINTSEV Oui, c’est plus fort que l’absence d’amour, c’est un état d’extrême indifférence, presque de rejet, et un sentiment qui enferme l’individu. Un manque d’empathie, de compréhension de l’autre, un manque de confiance, qui vient du fait que les gens sont repliés sur eux-mêmes. Il empêche l’individu de se libérer, c’est un enfermement, une incapacité à élargir son horizon. On ne peut atteindre l’autre, comme si, se trouvant en dehors de soi, il était inaccessible.

Un film sur le manque d’amour, c’est un film sur l’amour ?

Il me semble que oui. L’amour sous toutes ses formes. En titrant sur l’absence d’amour, j’attire l’attention sur ce qui nous attend si nous vivons sans amour. Ce qui fait qu’en miroir, c’est un encouragement à faire attention, à faire quelque chose dans sa vie pour ne pas se retrouver dans cette situation. Beaucoup de spectateurs m’ont dit qu’ils n’avaient qu’une idée à la sortie de la projection – appeler à la maison, rentrer chez eux, embrasser leurs proches, leur enfant. Oui, bien sûr, c’est une exhortation à aimer.

La presse russe vous a reproché d’être très dur à l’égard de la société de votre pays.

Les critiques, ou les gens sur les réseaux sociaux, ne voient que le constat que je fais. Mais ils ne se demandent pas pourquoi, à quel fin je montre ça. En désignant les plaies, tu appelles à leur guérison. C’est évident. Le plus marquant, ici, c’est l’absence d’empathie. L’agression, le rejet, la distance, voire la militarisation des consciences dans la société d’aujourd’hui…

Seulement dans la société russe ?

Je pense que ça concerne tout le monde. C’est en tout cas le sentiment que m’ont donné les journalistes au dernier Festival de Cannes. Cent six ont voulu m’interviewer (heureusement j’ai pu faire des interviews groupées) ! Ils venaient du monde entier et aucune de leurs questions ne suggérait l’étonnement que puisse exister ce genre de choses en Russie. Cela témoigne bien du fait que cela concerne tout le monde – l’individualisme, l’égoïsme, l’atomisation et l’isolement sont partout.Ce n’est pas une approche documentaire sur l’état de la société russe, contrairement à ce que certains écrivent. Nous ne sommes pas en capacité de nous regarder dans le miroir. Il y a des gens qui disent que ce genre de personnes [les héros du film] n’existent pas, que ce sont des monstres, qu’il faut leur interdire d’avoir des enfants. Qu’est-ce, sinon de l’absence d’empathie ?

Il y a un sous-thème important dans Faute d’amour, celui des personnes disparues et de ces volontaires extraordinaires qui les recherchent.

Il y a énormément de disparitions en Russie. Selon les statistiques de LizaAlert, la brigade de volontaires dont il est question dans le film, il y a eu 6 150 avis de disparitions en 2016. Mais en extrapolant cela fait bien plus, car beaucoup de gens ne connaissent pas LizaAlert. Ils se contentent d’alerter la police, qui n’est pas efficace dans ce domaine. Chaque jour, en Russie, il disparaît autant de personnes que si un Boeing s’écrasait. C’est ce que dit Grigori Sergueev, le fondateur de LizaAlert. Mais ces volontaires retrouvent 89 % des personnes déclarées disparues ! La moitié des 11 % restants sont retrouvés morts, l’autre demeure introuvable. Une personne sur 5 est mineure. Les mineurs disparus sont appelés poteriachka [“qui s’est perdu”] quand ils ont de 0 à 12 ans, et begounok [“fugueur”], de 12 à 18 ans.

C’est le cas d’Aliocha, le jeune garçon de votre film ?

Oui, c’est la période de la puberté, de l’opposition aux parents, du désir d’indépendance, de l’affirmation de soi, de l’éveil des pulsions sexuelles, ces jeunes prennent leur décision de façon autonome, ils décident de s’enfuir de leur maison. Concernant les adultes, ce sont souvent des personnes âgées, qui ne savent plus où elles habitent, des ivrognes, des SDF, des gens enlevés, des gens qui plaquent tout.

Ces volontaires que nous voyons dans votre film sont, paradoxalement, très “professionnels”.

Oui. Mais ce sont pourtant des bénévoles. Les acteurs qui jouent le rôle des volontaires dans le film sont allés secrètement, incognito, s’enrôler dans les rangs de LizaAlert pour voir comment ils travaillent. Ce qui se passe, c’est qu’ils agissent en faisant abstraction des sentiments, des émotions, avec précision, s’en tenant à l’exigence d’efficacité. Mais surtout, ils ne sont pas indifférents. Pourquoi agissent-ils, si ce n’est par compassion ? Ils ne reçoivent aucun argent, ils ne sont pas une entreprise commerciale. Ils sont structurés, mais ne veulent pas du statut d’association. C’est une organisation spontanée, anarchique au sens littéral du terme, ils ne veulent avoir aucun lien avec la machine d’État car ils seraient sous contrôle. Les parents qui retrouvent leurs enfants sont prêts à leur donner n’importe quoi par gratitude. Mais ils refusent l’argent. Ils n’acceptent que les dons matériels.

Sorti en juin, comment votre film a-t-il été reçu en Russie ?

Très bien. Nous avons pratiquement atteint les 100 millions de roubles de recette [1,4 million d’euros], notre objectif, en trois mois d’exploitation.

Et concernant la censure des mots grossiers ?

C’est comme ça, c’est la loi. Ils sont remplacés par un instant de silence. Il n’y a pas d’alternative. Soit j’accepte que mon film soit ainsi diffusé, avec des coupures de son [et une interdiction aux moins de 18 ans], soit je refuse et les spectateurs ne peuvent pas le voir. En l’occurrence, Faute d’amour a pu être largement distribué. Dans toutes les grandes villes du pays. Ailleurs dans le pays… Un spectateur a écrit sur Internet qu’il avait spécialement réservé une chambre d’hôtel dans la ville la plus proche de chez lui qui projetait le film. Et le jour suivant la projection, il est reparti en car. Quel cauchemar !

C’est vrai, mais c’est formidable aussi.

Oui, c’est formidable, si on veut (rires) !

Propos recueillis par Laurence Habay

Publié dans Archives réalisateurs, Réalisateurs, Uncategorized | Commentaires fermés sur Andreï Petrovitch Zviaguintsev

Faute d’amour

Après « Elena « puis « Leviathan « prix du scénario à Cannes 2014, le réalisateur nous revient avec « Faute d’amour », histoire de disparition soudaine dans un pays menacé par le chaos.

Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Lui est en couple avec une jeune femme enceinte ; quant à elle, elle fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser.

Ce film traite de l’enfance malheureuse avec un regard extrêmement délicat. Il nous parle aussi d’un couple, Boris et Genia, capable de se déchirer, voir même de se déchiqueter, de manière totalement égoïste sans penser un seul instant aux dégâts provoqués autour d’eux.

C’est aussi un film sur le couple en général, cette association parfois composé de deux individus incapables de réfléchir à l’avenir, car aveuglés par le bonheur présent. En effet, on ne peut s’empêcher de penser que tout va recommencer. Dans le même lieu, avec ce couple qui vient visiter l’appartement. Dans d’autres lieux, avec ces deux nouveaux couples formés par Boris et sa nouvelle compagne, par Génia et son nouveau compagnon.

Mais c’est également un film sur la Russie actuelle ; si « Leviathan » dénonçait un pays rongé par la corruption, « Faute d ‘amour » montre un pays miné par l’individualisme, la relation que Génia entretient avec son portable étant particulièrement révélatrice et un état qui n’assure pas à ses citoyens le minimum qu’ils sont en droit d’attendre. Seul éclair dans ce tableau noir, la mobilisation réelle d’une association de citoyens bénévoles palliant les carences de la police.

(critique UTOPIA)

« Faute d’amour » a obtenu le prix du jury lors du dernier festival de Cannes

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Faute d’amour

Programmation octobre novembre 2017

FAUTE D’AMOUR (LOVELESS) du 12  au 17 octobre  

De Andrey Zvyagintsev – Russie, France – 2017 – 2h08 – VOST

Avec Mariana Spivak, Alexei Rozin, Matvei Novikpv, Marina Vasilieva, Andris Keishs…. 

Boris et Zhenya ne s’aiment plus et entament une procédure de divorce. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre.
(suite…)

Publié dans Archives programmes, Uncategorized | Commentaires fermés sur Programmation octobre novembre 2017

Happy End

« Happy End » de Michael Haneke, film franco-autrichien (1h48), nominé au festival de Cannes 2017

Avec Jean-Louis Trintignant, Mathieu Kassovitz, Isabelle Huppert, Fantine Harduin…

Dans Happy End, Haneke revisite ses grands thèmes, la violence, l’enfermement et la mort à travers une comédie noire. Un puzzle humain parfois glaçant et pourtant ludique, un jeu de piste dans la grande demeure de grands bourgeois à Calais. Isabelle Huppert joue la chef, femme de tête qui veut aller de l’avant. A quoi bon ? Tout fout le camp. Son père vient de rater sa tentative de suicide et prépare la suivante. Son fils boit et, au lieu de se préoccuper de l’entreprise familiale, la néglige. Son frère est très occupé par sa maîtresse musicienne, avec laquelle il explore des fantasmes d’avilissement, et par sa fille, une gamine quelque peu soupçonnée d’avoir tué sa mère à coups de tranquillisants…

Ces personnages sont ceux d’une farce sombre et débridée. Mais la maîtrise est partout. D’abord chez les comédiens qui évitent les écueils de la dérision. Mathieu Kassovitz qui interprète le frère, se fait le reflet d’un monde lisse, où tout n’est que neutralité apparente et mensonge. Jean-Louis Trintignant, en patriarche déterminé à mourir, dans la dignité ou dans l’indignité, embrasse un néant qu’il n’essaie pas de faire passer pour une sagesse philosophique. Même la jeune Fantine Harduin sait tenir, sans le simplifier, son personnage de petite fille qui joue avec la vie et les tranquillisants.

Haneke, lui aussi, garde la mesure. S’il réaffirme sa vision d’une société occidentale mortifère, il n’en appelle pas à la condamnation de ses bourgeois. Il en fait des aveugles, buttant sur une vie qu’ils ne savent plus voir et dont même la dureté leur échappe. C’est l’effondrement général, mais on prépare un mariage. Où des migrants qui errent dans la ville finiront par trouver une place saugrenue, invités à s’assoir à une table. Tout se mêle, le décorum d’une classe sociale qui n’est plus dans le vrai et la brutalité de la réalité. L’inconscience joyeuse et la tragédie.

Critique de Frédéric Strauss, « Télérama »

Publié dans Archives films, Uncategorized | Commentaires fermés sur Happy End