Archives pour septembre 2017

Carla Simon Pipo

Née en 1987 en Catalogne

Espagne

Scénariste et réalisatrice

Eté 93

Carla Simon Pipo a décroché le Prix du Meilleur Premier Film au dernier Festival de Berlin pour Eté 1993 (Estiu 1993), sur le drame que traverse une petite fille orpheline accueillie par sa nouvelle famille. La Catalane d’origine est revenue sur les lieux de cette histoire autobiographique pour la mettre en scène (suite…)

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ETE 93

Le premier long-métrage de la Catalane Carla Simon peut se présenter comme la chronique estivale d’une petite fille de 6 ans dont les parents sont morts. Ce serait pourtant passer  à côté du film que de le réduire à un sujet aussi écrasant. La beauté de ce coup d’essai tient à ce que  l’on ne sait, de prime abord,  de quoi il retourne. Son véritable sujet, beaucoup plus secret, se situe dans les interstices du film, et ne se précise que dans la durée.

.Le parti pris de Carla Simon se présente avec l’ évidence et la force de sa simplicité : filmer à  hauteur d’enfant. La caméra s’arrime donc à Frida, sans nous expliquer le bouleversement que l’on perçoit autour d’elle. Les grands s’affairent, on range tout comme en vue d’un déménagement, on échange des messes basses. Voilà  Frida subitement transbahutée de la ville à  une grande maison de campagne, auprès d’une nouvelle famille, constituée de son oncle Esteve, de sa tante Marga, et de leur petite fille de 3 ans, Anna. En se rangeant du côté de l’enfant, la mise en scène adopte son point de vue parcellaire et incomplet sur les événements. Nous ne devinons que par bribes qu’elle a perdu ses parents. Les carences du récit ­renvoient Evidemment au non-dit que les adultes font peser sur l’enfant, à ce qu’ils lui taisent en pensant l’Épargner.

Le récit se cale ensuite sur l’écoulement ordinaire des vacances d’ été. Le temps passe à  jouer dehors, les baignades, les repas en famille, les fêtes de village et les bals populaires. Le film se vit à  la fois comme une célébration du moment présent et des impressions qu’il délivre ( la chaleur du soleil, les saveurs, la musique), mais aussi comme le flottement d’une douleur suspendue qui tarde à s’affirmer.

En effet, Frida ne parait pas franchement affectée par la mort de sa mère . Cette mort ne cesse de se rappeler incidemment  elle, dans la prévenance ostensible des adultes ou dans le suivi médical dont elle fait l’objet. La violence d’une telle disparition rejaillit par bouffés soudaines dans le comportement de la petite fille, plein de brusqueries et de gestes inconsidérés notamment envers Anna, sa cadette, qu’elle met en danger plus d’une fois

Le film décrit surtout l’apprivoisement mutuel entre les membres d’un foyer recomposé par la force des choses. La mise en scène prête attention aux ajustements affectifs de chacun, toujours susceptibles de se renverser. La résolution du film passe par la conquête d’un espace de confidence entre l’enfant et l’adulte, comme par la possibilité© de nommer enfin les douleurs enfouies.

A terme, Eté 93 s’avère un beau film sur les puissances du refoulement. Le travail imperceptible qui s opère dans la psychè de Frida n’est autre que le lent et tortueux cheminement d’une Emotion contenue qui finit par Eclater au grand jour.

 

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Les Filles d’Avril

Les filles d’Avril

De Michel FRANCO – Mexique – 2017 – 1h43 – VOST 

Avec Emma Suarez, Ana Valeria Becerril, Joanna Larequi

Une exploration troublante de l’instinct maternel et de ses dérives.

Valeria, 17 ans, vit avec sa grande sœur, dans une petite maison face à la mer. Elle est enceinte et amoureuse d’un garçon du même âge, attentionné mais pas très mûr. Le bébé, elle veut le garder. Elle accouche. Mais, très vite, elle se retrouve dépassée. Sa mère, Avril, vient l’aider. Trop bien : elle accapare l’enfant et décide de l’adopter. (D’après Jacques Morice, Télérama)

Le cinéaste et ses actrices inspirées explorent les relations de cette famille où la grand-mère aspire à usurper la place de la mère pour retrouver le plaisir de la maternité, tout en restant pourtant très humaine (ce qui est bien rendu par le jeu de l’actrice Emma Suarez). Cependant ce que Valéria va endurer et les cris du bébé rappellent qui va en payer le prix.

Le film exprime trois points de vue féminins (de fille ou de femme ?) tandis que le garçon (doit-on dire l’homme ?) reste passif.

Avec « Les Filles d’Avril », sans renier son esthétique très directe, Franco attendrit un peu son cinéma et signe son film le plus lumineux, le moins cruel de tous, le plus mûr. (…) C’est à ce jour, sans nul doute, son meilleur film. (Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles)

En bord de mer d’abord, puis dans les rues de Mexico City, Michel Franco pose un regard délicat sur ses actrices. On le sent réticent à porter un jugement trop sévère sur celles qu’il met en scène. Dans leur cas, la polysémie du mot « peine » – la sanction ou la tristesse – trouve pleinement à s’incarner… (Laetitia Drevet, La Croix)

La vérité qui éclate progressivement éclaire sous un jour nouveau les scènes inaugurales et certains comportements a priori « normaux ». Glaçant. (Christophe Narbonne, Première)

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Gabriel et la montagne

Gabriel et la montagne reconstitue les soixante-dix derniers jours de la vie de Gabriel Buschmann, qui fut un ami du réalisateur, Felipe Barbosa . En 2009, ce jeune homme issu de la bourgeoisie de Rio avait consacré une année sabbatique à  faire le tour du monde. En tant qu’étudiant en sciences économiques s’apprêtant à intégrer une université© américaine, il souhaitait voir la pauvreté là  ou elle se trouve en voyageant autrement que comme un vulgaire touriste, en vivant parmi les autochtones, en empruntant des chemins de traverse.

Le film commence par la découverte de son cadavre, enfoui derrière une dense végétation, littéralement absorbée par le paysage. Cette ouverture place tout ce qui suivra sous le signe de la mort, apportant à l’aventure de Gabriel une teinte tragique, et permettant à  Barbosa de se distancier d’emblée de son idéalisme. Car tout l’enjeu du film est là  : comment rester fidèle à l’ami mort tout en prenant avec son aventure la distance que  lui pas pu prendre

La fidélité passe par la précision documentaire d’™un tournage qui a duré presque autant de jours que le temps de l’action, dans les lieux précis ou est passé Gabriel, avec, dans leurs propres rôles, tous ceux qui l’ont réellement accueilli et accompagné. Il s’agit surtout de s’approcher au plus prés de ce qu’il a pu éprouver. Cet aspect documentaire n’empêche pas une problématisation très subtile. Le cinéaste n’est jamais contre son personnage mais il révèle par petites touches ses contradictions. Malgré son désir de submersion totale, Gabriel ne peut Échapper à  son statut d’étranger, de mzungu, comme on nomme les Blancs en Afrique de l’Est. Il n’est pas seulement trahi par sa couleur de peau mais surtout par sa volonté trop affichée de s’intégrer.

Bien sur, aucun Africain ne regarde et ne vit  en Afrique avec une telle excitation vis-à -vis de tout ce qui l’™entoure, avec un tel élan humaniste face à une misère dont il n’est qu’un spectateur passager, avec une telle fierté à  ne pas se comporter comme ceux de sa classe. Venue le rejoindre pendant quelques jours, sa petite amie, plus lucide, lui rappelle ses origines bourgeoises, que démontrent les rapports compliqués à l’™argent de ce riche jouant au pauvre.

Sans que le cinéaste ne force nos sentiments, on est constamment partagé entre la sympathie et l’agacement envers ce jeune homme candide qui incarne à la fois la générosité et les limites d’une certaine posture humanitariste,  ou a générosité serait une forme tordue de narcissisme. Et peut-être incarne-t-il aussi la complexité© et l’ambivalence du Brésil, pays Emergent après avoir appartenu au tiers-monde, et qui culturellement garde toujours un pied en Afrique. Gabriel et la montagne n’ est cependant pas un film à thèse, à  peine une fable. De quoi meurt Gabriel ? d’une trop grande confiance en sa liberté, en sa connivence avec le monde ? Mais ses photos demeurent. Celle qui semble avoir été prise depuis l’endroit précis ou il est mort, est bouleversante car elle ramène son aventure à sa part la plus solitaire et impartageable, ou  c’est dans le regard embué d’une agonie parmi les plantes sauvages qu’ il parvient tragiquement à  cette fusion avec le monde à  laquelle il aspirait.

 

 

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LOLA PATER

Zino, alors qu’il se recueille sur la tombe fraichement creusé de sa mère dans le carré musulman d’un cimetière parisien, est loin d’imaginer la vague déferlante qui va venir balayer le récit maternel. De son père absent, sa mère ne lui disait pas grand-chose. Elle en avait supprimé les traces, les photos. Il se serait volatilisé, aurait abandonné femme et enfant sans une explication. Sujet délicat, rarement abordé pour ne pas blesser l’épouse abandonné un quart de siècle plus tôt. Mais les histoires que gobe sans broncher un fiston aimant tiennent rarement le choc devant un notaire bien renseigné dès qu’il s’agit de droits de succession. C’est ainsi que l’homme de loi va retrouver sa trace et se faire un devoir de communiquer son adresse. Bien sûr Zino a tôt fait d’enfourcher sa moto et le voilà parti pour le midi, à la recherche de son père. Le nom, Farid Chekib, inscrit sur la boîte aux lettres d’un mas provençal lui confirme qu’il est arrivé à destination. La maison est pleine de vie, de femmes, de musique. Il faut dire que Lola, la belle et grande brune qui règne sur le lieu, y donne des cours de danse orientale. On prend d’abord le visiteur pour un danseur mais le visage de Lola, troublée, se décompose lorsque Zino demande à voir Farid. S’il la prend pour la nouvelle épouse de son père, nul n’est dupe très longtemps. Lola n’est autre que son géniteur, un bien étrange pater !  Cette réalité là, il faudra un bon moment à Zino pour se l’approprier ! Dans l’immédiat, il rebrousse chemin….Quand il revient au bercail, le retour est d’autant plus rude entouré par le vide, l’absence, dans l’immeuble de son enfance…. Jusqu’à ce que Lola, n’y tenant plus, fasse à son tour le voyage jusqu’à son fils. Une Lola gauche, fragilisée, assaillie par les doutes, les regrets…

Jamais Nadir Moknèche ne tombe dans les clichés sordides ou simplistes pour parler la réalité de ces hommes et femmes qui ont dû fuir leur pays, l’Algérie, pour ne pas terminer leur vie dans un asile psychiatrique…

Le réalisateur a eu la bonne idée de confier le rôle principal à Fanny Ardent, qui sert le personnage à merveille par la puissance de son regard, par son autorité naturelle. Sous ses extravagances volubiles, on comprend qu’il y a un être d’une énergie, d’une force rare, qui continue à se battre pied à pied pour s’assumer et garder la tête haute.

Critique UTOPIA

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DJAM

Djam

Un film de Tony Gatlif  avec Daphné Patakia et Simon Abkarian (1 h 37)

 

« Djam » est un road movie qui vous entraîne sur les pas d’une jeune grecque un peu fofolle, un peu naïve : elle chante, elle danse, elle sourit à la vie. Son oncle Kakourgos tient un bar où viennent danser et chanter des afficionados du Rebetiko une musique populaire grecque : «  c’est la musique de l’exil quand on part avec une valise sans rien de son pays »

Djam se voit confier une mission par son oncle: aller à Istanbul pour chercher une pièce de bateau. Elle y rencontre Avril, une Française de 19 ans seule et sans argent venue en Turquie pour être bénévole auprès de réfugiés. Entre Grèce et Turquie sur fond de crise financière et migratoire, Djam et Avril croisent de nombreuses vies en souffrance et sont les témoins impuissants des drames dont ces lieux ont été le théâtre : « sur le rivage des bateaux fracassés, une montagne de gilets de sauvetage…… »

Tout le film ressemble à Djam et son oncle, dotés d’une belle énergie, altiers et passionnés, fous de musique, allègres pour tenir à distance le désespoir, avec la générosité de ceux qui n’ont presque rien et la sagesse de ceux qui savent intimement où se trouve l’essentiel.

Porté par le personnage de Djam le film l’est aussi par son interprète, une nouvelle venue saisissante .Elle parle grec, français, anglais et s’impose comme allégorie de notre présent mondialisé.

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Une Vie Violente

Passionnant, tendu, acéré, complexe, le film de Thierry de Peretti impressionne par son ampleur romanesque, sa justesse de ton, son absence de lyrisme complaisant et sa profonde humanité. Tout en sobriété, en naturalisme et en efficacité, le film s’attache, sur les traces de son héros, à raconter au plus près, de l’intérieur, la page la plus récente, la plus prégnante de l’histoire politique de la Corse. Tout entier centré sur la Corse, le récit articule de façon tantôt méticuleuse tantôt elliptique, les processus de création des différents groupes politiques, les scissions, les luttes fratricides en même temps que le cheminement solitaire de Stéphane, jeune Bastiais, fils de famille bourgeoise, plutôt beau gosse, malin, cultivé, jeune étudiant d’un naturel plutôt fêtard mais enrôlé presque à son insu par un ami militant nationaliste dans une cause qu’il découvre peu à peu. Arrêté, c’est en prison, au contact de vrais activistes comme du véritable banditisme qu’il  va commencer son éducation politique et militante. Inspiré du parcours atypique, météorique, tragique de Nicolas Montigny, jeune militant nationaliste assassiné à Bastia en 2001, De Peretti montre l’engagement politique et idéologique de Stéphane sans en faire l’apologie ni une triste caricature et sans omettre le côté obscur du combat politique. Du service rendu au crime, de l’engagement à la vendetta, il n’y a finalement qu’une succession de petits pas, d’éveils à une conscience politique et de renoncements à des principes moraux, plus ou moins conscients, plus ou moins assumés. Comment ne pas extrapoler , à partir du prisme  de cette histoire insulaire, vers quelque chose de plus universel ? Parlant de ‘radicalisation’ il est plus facile, plus confortable de fantasmer sur un hypothétique ‘fanatisme islamiste’ plutôt que d’essayer de comprendre l’embrigadement, l’engrenage qui mène à la lutte armée, au sacrifice de soi. Avec une simplicité et une efficacité sans artifices, avec ses faux airs de western, de thriller et de drame historique, ‘Une vie violente’ raconte aussi cette histoire là, terre à terre, terriblement humaine. Elle nous la rend palpable et ce n’est pas la moindre de ses qualités. ( critique d’ Utopia )

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Nadir Moknèche

Né le 21 février 1965 à Paris

Franco-Algérien

Réalisateur

Le Harem de Madame Osmane, Viva Laldjérie, Délice Paloma, Goobye Marroco, Lola Pater

 

Nadir Moknèche : « Le problème numéro un de nos sociétés, c’est la condition des femmes »

Avec son nouveau film, « Lola Pater », le cinéaste aborde le thème difficile de la transsexualité dans une famille d’origine algérienne. Il a confié le rôle-titre à l’actrice française Fanny Ardant. On attend toujours avec impatience les films de Nadir Moknèche. (suite…)

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