ETE 93

Le premier long-métrage de la Catalane Carla Simon peut se présenter comme la chronique estivale d’une petite fille de 6 ans dont les parents sont morts. Ce serait pourtant passer  à côté du film que de le réduire à un sujet aussi écrasant. La beauté de ce coup d’essai tient à ce que  l’on ne sait, de prime abord,  de quoi il retourne. Son véritable sujet, beaucoup plus secret, se situe dans les interstices du film, et ne se précise que dans la durée.

.Le parti pris de Carla Simon se présente avec l’ évidence et la force de sa simplicité : filmer à  hauteur d’enfant. La caméra s’arrime donc à Frida, sans nous expliquer le bouleversement que l’on perçoit autour d’elle. Les grands s’affairent, on range tout comme en vue d’un déménagement, on échange des messes basses. Voilà  Frida subitement transbahutée de la ville à  une grande maison de campagne, auprès d’une nouvelle famille, constituée de son oncle Esteve, de sa tante Marga, et de leur petite fille de 3 ans, Anna. En se rangeant du côté de l’enfant, la mise en scène adopte son point de vue parcellaire et incomplet sur les événements. Nous ne devinons que par bribes qu’elle a perdu ses parents. Les carences du récit ­renvoient Evidemment au non-dit que les adultes font peser sur l’enfant, à ce qu’ils lui taisent en pensant l’Épargner.

Le récit se cale ensuite sur l’écoulement ordinaire des vacances d’ été. Le temps passe à  jouer dehors, les baignades, les repas en famille, les fêtes de village et les bals populaires. Le film se vit à  la fois comme une célébration du moment présent et des impressions qu’il délivre ( la chaleur du soleil, les saveurs, la musique), mais aussi comme le flottement d’une douleur suspendue qui tarde à s’affirmer.

En effet, Frida ne parait pas franchement affectée par la mort de sa mère . Cette mort ne cesse de se rappeler incidemment  elle, dans la prévenance ostensible des adultes ou dans le suivi médical dont elle fait l’objet. La violence d’une telle disparition rejaillit par bouffés soudaines dans le comportement de la petite fille, plein de brusqueries et de gestes inconsidérés notamment envers Anna, sa cadette, qu’elle met en danger plus d’une fois

Le film décrit surtout l’apprivoisement mutuel entre les membres d’un foyer recomposé par la force des choses. La mise en scène prête attention aux ajustements affectifs de chacun, toujours susceptibles de se renverser. La résolution du film passe par la conquête d’un espace de confidence entre l’enfant et l’adulte, comme par la possibilité© de nommer enfin les douleurs enfouies.

A terme, Eté 93 s’avère un beau film sur les puissances du refoulement. Le travail imperceptible qui s opère dans la psychè de Frida n’est autre que le lent et tortueux cheminement d’une Emotion contenue qui finit par Eclater au grand jour.

 

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