Archives pour décembre 2021

Oranges sanguines

 

De Jean-Christophe Meurisse – France – 2021 – 1h42

Avec : Alexandre Steiger, Christophe Paou, Lilith Grasmug, Denis Podalydès,

Blanche Gardin, Vincent Dedienne, Olivier Saladin, Fred Blin et des membres

de la troupe des Chiens de Navarre.

Une comédie noire et grinçante sur l’absurdité de notre société, entre doigt

d’honneur et miroir déformant. Interdit au moins de 12 ans.

En 2016, Jean-Christophe Meurisse imposait son univers absurde et hilarant avec

Apnée, film à sketches en roue libre qui dézinguait le monde moderne. Le réalisateur

et fondateur de la troupe des Chiens de Navarre trace son sillon avec le non moins

dingo Oranges sanguines, articulé autour de trois histoires à priori déconnectées : un

couple de retraités surendettés tente de remporter un concours de rock ; une ado veut

avoir sa première expérience sexuelle et tombe sur un psychopathe ; un ministre

empêtré dans une affaire de fraude fiscale.

Résultat : un ovni fulgurant qui oscille entre comédie grinçante à mourir de rire

(incroyables dialogues), film de torture (deux scènes ont longuement fait parler lors

de la projection cannoise) et récit social. Un objet vraiment punk, vraiment

réjouissant, vraiment anarchique, mais qui n’oublie jamais de traiter ses sujets – le

déracinement des élites, la lutte des classes et l’ineptie de nos sociétés – en bruit de

fond, même quand il se permet de changer de genre comme on change de slip. Le

risque, c’est évidemment de noyer le spectateur sous un déluge de malaise et de

chaos, ce que Meurisse n’évite pas tout à fait, le miroir déformant flirtant parfois

dangereusement avec le grotesque. Mais une fois toutes ses grenades soigneusement

dégoupillées, il émeut quand on s’y attend le moins avec un plan final qui semblerait

presque sorti d’un autre film.

Tout ça n’était qu’une farce noire, d’accord, mais au bout du tunnel, il y avait tout de

même de la lumière.

– D’après les critiques de PREMIERE

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Lingui, les liens sacrés

De Mahamat-Saleh Haroun

France Allemagne, Belgique, Tchad/ 1H27

Avec Achouackh Abakar, Rihane Khalil Alio, Youssouf Djaoro

Une femme qui met les mains dans le cambouis, en travaillant dur, à N’Djaména, capitale du Tchad. Elle démonte des pneus pour en extraire du fil de fer qu’elle recycle. Elle tresse avec des paniers qu’elle vend dans la rue. Cette femme, Amina, élève seule sa fille de 15 ans, Maria. On devine ce qu’elle a enduré. À voir ses dérobades pour ne pas être importunée, soit par l’imam qui la sermonne, soit par un voisin qui lui déclare sa flamme, on sent que cette femme n’est toujours pas en paix. Sa fille, qui tient d’elle au moins pour son caractère fort, est tombée enceinte et voilà qu’elle a décidé d’avorter. En voulant braver ni plus ni moins les tabous du Tchad où, faut-il le rappeler, l’avortement est condamné par la religion et puni par la loi. D’abord anéantie par la nouvelle, la mère décide de soutenir sa fille. Un long et tortueux parcours de combattantes les attend.Après Grigris et Un homme qui crie, c’est la troisième participation de Mahamat-Saleh Haroun en compétition. Lingui, les liens sacrés marque sans doute une date officielle dans l’histoire du cinéma africain, dans sa manière frontale de défendre l’avortement et de s’attaquer dans le même temps au patriarcat. Les hommes sont ici absents ou relégués à l’arrière-plan, le film étant vraiment l’affaire des femmes, solidaires entre elles. Difficile de ne pas saluer ce geste synonyme d’avancée politique. Reste que la forme laisse un peu à désirer. Le casting n’est pas toujours à la hauteur de l’enjeu. Et le récit manque de densité dans sa simplicité. C’est d’autant plus regrettable que le film jouit d’un sens vif des cadrages et de l’ellipse – Mahamat-Saleh Haroun est loin d’être manchot. Tout se passe comme si le cinéaste restait sur son quant-à-soi, sans parvenir tout à fait à allier le néo-réalisme avec la fable (ses couleurs ambrées, son optimisme), voire le cinéma de genre (le « rape and revenge »). Le film est figé dans une retenue qui le dessert, empêchant l’émotion de s’épanouir. Telerama. Jacques Morice

Que veut dire « Lingui » ? Lingui est un mot tchadien, qui veut dire « le lien ». C’est ce qui relie les gens au nom du vivre ensemble. Ce terme signifie une solidarité pour ne pas laisser l’autre s’effondrer. Mahamat-Saleh Haroun précise : « Je ne peux exister que parce que l’autre existe, c’est cela le lingui, un lien sacré. Au fond, c’est une philosophie altruiste. Ce mot résume la résilience des sociétés confrontées à des choses assez dures. »

Qui pour jouer Amina ? Au Tchad, il n’y a quasiment pas de comédiens professionnels, à part ceux qui ont travaillé avec Mahamat-Saleh Haroun et qu’il considère désormais comme professionnels. Achouackh Abakar, qui joue Amina, avait déjà un petit rôle dans Grigris (2013). Mahamat-Saleh Haroun confie : « Quand elle a lu le scénario, elle a réclamé le rôle d’Amina, elle a dit que ce rôle était pour elle, alors que je l’envisageais pour un autre rôle. Elle a vécu à Los Angeles, et connaît assez bien le cinéma américain. Elle est mère elle-même et pouvait se projeter dans la problématique d’Amina. Elle a pris des cours pour pouvoir confectionner elle-même les fourneaux, elle s’est vraiment investie.

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Mes Frères et moi

MES FRÈRES ET MOI

Écrit et réalisé par Yohan MANCA – France 2021 1h48 – avec Maël Rouin-Berrandou, Judith Chemla, Dali Benssalah, Sofian Khammes, Moncef Farfar… Librement inspiré de la pièce de théâtre Pourquoi mes frères et moi on et parti… de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre.

Du 24/12/21 au 24/12/21

« Il ne faut pas qu’il passe à côté de cette chance : il a le chant en lui. Ça peut l’aider à tout voir différemment, lui donner de la joie, de la force. » Dans les quartiers populaires, on a le plus souvent d’autres préoccupations que la culture : il faut payer les factures, se débrouiller par tous les moyens pour survivre au mieux. Alors, allez donc parler d’opéra, perçu comme l’Art élitiste par excellence, on vous considèrera comme un illuminé, un doux rêveur complètement à côté de la plaque, avant de vous rappeler aux dures réalités de votre existence : vous n’êtes pas chez les princes des villes, mais chez les manants banlieusards et il faut trimer. Pourtant, l’Art peut aussi pulvériser les frontières, il peut être une porte qu’il suffit parfois de pousser si l’on vous invite à entrer… C’est tout ça que raconte Mes frères et moi, premier film formidable de Yohan Manca, à travers une approche romanesque pleine de charme, très vivante mais solidement ancrée dans une réalité remarquablement observée et restituée.

C’est l’été, dans une ville française du bord de mer (le réalisateur a choisi de ne pas situer précisément son récit, ni dans les lieux, ni dans le temps) et Nour (Maël Rouin Berrandou, absolument épatant), un ado de 14 ans, repeint un couloir de son propre collège (il voudrait d’ailleurs arrêter l’école car « ici, on a l’impression que ça ne sert plus à rien ») dans le cadre d’une « mesure éducative ». C’est alors qu’une voix cristalline s’élève, traversant les murs depuis une classe. Elle chante La Traviata, que Nour connaît bien car son père italien disait son amour à sa mère originaire d’Afrique du Nord en lui chantant de l’opéra. Curieux, il se rapproche et observe à la dérobée un atelier animé par Sarah (Judith Chemla). La professeure l’aperçoit : « tu veux chanter avec nous ? » Nour chante donc un air du répertoire paternel : Una furtiva lagrima (extrait de L’Élixir d’amour de Donizetti).
L’ado a une voix et une oreille quasi-miraculeuses, et Sarah – la prof de chant – voudrait qu’il exprime son talent, qu’il le pratique, qu’il le travaille, mais sa situation familiale très compliquée entrave son désir timide de s’intégrer à l’atelier. Nour vit en effet dans une cité populaire avec ses trois grands frères : le rigide Abel (Dali Benssalah) qui a remplacé le père mort trop jeune, le diplomate et décontracté Mo (Sofian Khammes) qui fait le gigolo auprès des touristes, et l’impulsif et agressif Hedi (Moncef Farfar), qui deale sur la plage. Une fratrie tumultueuse, toujours en quête d’argent pour survivre, mais soudée par un amour inconditionnel, qui veille sur la mère, clouée dans son lit par la maladie… Dans ce contexte, pas évident pour Nour de se lancer dans l’opéra…

Chronique sociale finement menée, récit initiatique attachant, Mes frères et moi emporte l’adhésion grâce à sa sincérité et à son charme incroyable, sa fraîcheur, son humour, sa manière délicate de faire naître l’émotion. La générosité et l’amour débordent de l’écran, c’est un film qui, sans naïveté ni manipulation, fait un bien fou.

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Jean-Christophe Meurisse (Oranges Sanguines)

Né en 1975

France

Réalisateur, scénariste

Oranges Sanguines, La Meilleure Version de Moi-même

Quel a été le point de départ du projet Oranges sanguines ?

Jean-Christophe Meurisse : J’ai construit mon regard, mon langage avec des comédiens, ma troupe des Chiens de Navarre, mais on peut dire que c’est juste la forme. J’ai écrit le scénario d’Oranges sanguines en partant de faits divers dans le monde, notamment cette histoire avec Louise, la jeune fille, qui est une histoire réelle. En 2015 aux États-Unis, (suite…)

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Nanni Moretti

Nanni-Moretti-00719 août 1953,  Brunico  Italie

Réalisateur, acteur

Palombella Rossa, Journal Intime, La Chambre du Fils, Le Caïman, Habemus Papam, Mia Madre, Tre Piani

 

Tre Piani, adaptation d’un roman

Tre Piani est adapté du roman du même nom (« Trois étages » en français) de l’écrivain israélien Eshkol Nevo . Ce dernier y aborde des thèmes universels comme la culpabilité, les conséquences de certains choix, la justice ou encore la responsabilité qui accompagne le fait d’être parent. Nanni Moretti, qui pour la première fois n’est pas à l’origine de l’idée de base de l’un de ses films, explique : (suite…)

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Ramon et Silvan Zürker ( La Jeune Fille et l’Araignée )

Suisse

Réalisateurs , monteurs, scénaristes

L’étrange Petit Chat, La Jeune Fille et l;Araignée

 

Entretien avec les réalisateurs de cette pépite, les Suisses Ramon & Silvan Zürcher.

Lorsque nous avions échangé à l’époque de L’Étrange petit chat, vous m’aviez dit que le film avait failli s’appeler La Mite. Votre nouveau film s’intitule La Jeune fille et l’araignée, qu’est ce qui vous semble si évocateur chez les insectes ?

Ramon : C’est vrai qu’à l’époque, on avait déjà cette idée d’un film qui serait comme un insecte caché dans un appartement. On aimait l’idée que, dans L’Étrange petit chat, la mite n’apparaisse que dans une scène très courte et n’ait pas beaucoup d’importance en apparence. On aime donner la place centrale à quelque chose qui semble ne pas avoir d’importance afin que le spectateur puisse en avoir une nouvelle perception. (suite…)

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