Archives pour mars 2014

Guillaume Brac

Guillaume-BracGuillaume Brac est un réalisateur et producteur de cinéma français né en 1977.
Avec Antonin Peretjatko et Justine Triet, il fait partie d’une génération de jeunes cinéastes français mise en avant par les Cahiers du cinéma en avril 2013 et révélée au festival de Cannes de la même année.

Son père a fait l’ENA, sa mère est professeur de français. Guillaume Brac étudie d’abord à HEC. À cette époque il est président du ciné-club de l’école et fait des stages dans le milieu du cinéma, en production. Il s’inscrit au concours de La Fémis sans le dire à ses parents, puis entre dans l’institution (section production) en 2005. En sortant de l’école il écrit un long-métrage qui n’aboutira pas.

Il est ensuite quelques années assistant-réalisateur pour Arnaud Despallières et Emmanuel Mouret, avant de fonder la société de production Années Zéro avec Stéphane Demoustier et Benoît Martin. Il réalise alors successivement Le naufragé (court-métrage) et Un monde sans femmes (moyen-métrage). Ce dernier est diffusé en salles au début de l’année 2012, et totalise 24 000 entrées.

Le premier long métrage de Guillaume Brac, Tonnerre (2013), a été sélectionné au festival du film de Locarno.

Dans ses sources d’influence, Guillaume Brac cite notamment Elia Kazan, Dino Risi, Gérard Blain, Jacques Rozier (en particulier Du côté d’Orouët), Maurice Pialat, Emmanuel Bove, John Cheever.

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Roberto Andò

roberto-andoRoberto Andò, scénariste et réalisateur, est né le 11 janvier 1959 à Palerme, en Sicile

Filmographie :
2013 Viva La Libertà
2006 Voyage secret
2004 Il Cineasta e il labirinto
2003 Le Prix du désir
2000 Le Manuscrit du Prince

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Pawel Pawlikowski

pavel-pawlikowskiPaweł Pawlikowski est un réalisateur et scénariste polonais ayant longtemps vécu en Grande-Bretagne, né en 1957 à Varsovie (Pologne).

Il est né en 1957 à Varsovie d’un père médecin et d’une mère professeur d’anglais à l’Université de Varsovie. Il quitte la Pologne avec sa mère à l’âge de 14 ans pour l’Allemagne et l’Italie avant de s’établir en Angleterre1. Il a a longtemps vécu à Oxford et à Paris avant de s’installer de nouveau à Varsovie. Pendant il commence une thèse sur le poète autrichien Georg Trakl et s’intéresse au cinéma. Il intègre le service documentaire de la BBC pour lequel il réalise des documentaires sur les pays de l’Est2.
En 1998, il réalise son premier long métrage de fiction The Stringer.
En 2003, The Guardian le classe 33e dans la liste des 40 meilleurs réalisateurs contemporains3.
Ida, sorti en 2013, est son premier film réalisé depuis son retour en Pologne.

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Wes Anderson

wes-andersonWes Anderson est un cinéaste américain, né le 1er mai 1969 à Houston (Texas).

Il fait des études de philosophie et tourne parallèlement des courts-métrages en super 8 qui le forment à la technique cinématographique, notamment au montage et à l’édition.
Il rencontre Owen Wilson à l’université du Texas à Austin dans un cours d’écriture de scénario. Ils deviendront vite amis, jusqu’à partager la même chambre d’internat. C’est ainsi que les frères Wilson : Owen Wilson, Andrew et Luke joueront régulièrement dans ses films. Il décide de ne pas suivre d’études de cinéma et se lance dans un projet de court-métrage qui deviendra bientôt Bottle Rocket, son premier long-métrage. Cet apprentissage par la pratique fait de Wes Anderson un réalisateur largement autodidacte. Correctement couvert par la critique, Bottle Rocket reste cependant un échec commercial.
En 1998, toujours aidé par les frères Wilson, il réalise Rushmore qui lui permet d’obtenir la reconnaissance aurpès du grand public qui avait manqué à Bottle Rocket. Ce film lui permettra en outre d’accéder à un certain niveau d’estime au sein des cinéastes américains indépendants.
Profitant de son amitié avec les désormais célèbres Luke et Owen Wilson, Wes Anderson réalise, en 2001, La Famille Tenenbaum, film pour lequel il réunit Gene Hackman, Anjelica Huston, Ben Stiller et Bill Murray. Ce dernier incarnera ensuite Steve Zissou dans La Vie aquatique.
Dans son cinquième long-métrage, À bord du Darjeeling Limited, Wes Anderson retrouve Owen Wilson, accompagné cette fois de Jason Schwartzman (déjà présent dans Rushmore) et Adrien Brody. Le film est projeté précédé du court métrage Hôtel Chevalier (2005), dans lequel jouent Schwartzman et Natalie Portman.
Il réalise en 2010 Fantastic Mr. Fox, film d’animation adapté de la nouvelle Fantastique Maître Renard de Roald Dahl, auquel George Clooney, Meryl Streep et Bill Murray prêteront leur voix. Ce film remporte le Cristal du long métrage au Festival international du film d’animation d’Annecy.
Roman Coppola est réalisateur deuxième équipe de ses films depuis La Vie aquatique, ainsi que scénariste et producteur de À bord du Darjeeling Limited.

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Sólveig Anspach

solveig-anspachSólveig Anspach, née le 8 décembre 1960 à Heimaey dans les îles Vestmann en Islande, est une réalisatrice islandaise diplômée de la FEMIS à Paris. Elle a aujourd’hui la nationalité française.

Née d’un père américain et d’une mère islandaise, elle est diplômée de la Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son (FEMIS) à Paris en 1989, section réalisation, il s’agit de la première promotion après la transformation de l’IDHEC).
Elle vit depuis les années 1990 en Seine-Saint-Denis, à la frontière de Montreuil et Bagnolet.
En 2001, elle obtient le Prix François-Chalais pour Made in the USA, un documentaire sur la peine de mort aux États-Unis, sélectionné pour la quinzaine des réalisateurs à Cannes. D’après les Inrocks, elle fait pour ce documentaire « tragique et sombre » un vrai travail de cinéaste5.
En 2009, elle tourne pour France 2 le téléfilm Louise Michel, avec Sylvie Testud dans le rôle-titre, et elle a écrit en 2010 Soon Coming, la suite de Back Soon.

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Lulu femme nue

De Solveig Anspach – France 2014 – 1h27
Avec Karin Viard, Bouli Lanners, Claude Gensac …


Echappée océanique d’une quadragénaire.
La seule fois où Lulu tient la promesse de son titre, elle sort d’une baignade automnale sur une plage de Vendée. Toute nue, donc. Et plus que gironde. Ce qui n’est pas une surprise, puisque c’est Karine Viard, Vénus beauté naissant des eaux, qui s’est glissée dans le corps de Lulu. Cette baignade est comme le sésame de Lulu femme nue. Se laver, se décrasser, mais faire de ce nettoyage un désir. Telle est la vie de Lulu, quadragénaire encalminée dans quelques rôles dont elle n’assure pas la mise en scène : femme de son mari, mère de ses trois enfants, etc.

Le récit la chope en train de rectifier sa mise dans des toilettes publiques : coiffure, maquillage, échancrure du corsage, hésitation sur le port d’une broche en bigorneaux. C’est quoi ce cirque ? Les clowneries habituelles auxquelles on est condamné quand on a passé les 40 ans, qu’on n’est pas spécialement qualifié, qu’on est une femme et qu’on guigne un emploi. La scène suivante est celle d’un entretien d’embauche qui ne se déroule ni bien ni mal, le personnage du recruteur n’ayant pas été chargé de vilenie, mais qui, au bilan, ne passe pas.

Bercail. Accrochée au visage de Karine Viard (à cet instant, sublimée), n’en démordant pas, l’image est un documentaire climatique qui, en quelques minutes, passe de l’éclaircie au risque majeur de dépression. Sans cri ni fureur. C’est la belle intelligence du propos : la défaite de Lulu n’est pas seulement la victoire d’une idéologie économique qui s’y entend pour injecter le virus de la culpabilisation, elle est aussi la sienne, sa connerie. Dans la logique de cette double peine d’autant plus accablante qu’elle est inarticulée, Lulu va fomenter sa révolution silencieuse. Rater le TER qui doit la ramener au bercail où mari et enfants, agités du portable, l’attendent en bêlant. Ce qui est filmé comme le contraire d’un coup de tête. Plutôt un intempestif, fuyant et fluide. Dire non, c’est à la fois simple et exorbitant, il suffisait d’y penser. Non aux us et coutumes sociaux : une femme seule qui loue timidement une modeste chambre d’hôtel dans une station balnéaire hors saison, c’est quoi ? Forcément une paumée ? Fatalement une échouée ?

Hors pair. Solveig Anspach filme au contraire l’hymne à la joie d’une liberté pas à pas retrouvée. Mais plutôt Debussy que Wagner dans sa musique délicate. C’est un sentiment océanique qui domine, où les flux des petits plaisirs (s’oindre les mains de crème dans le cabinet de toilette de l’hôtel) ou le tsunami d’un nouvel amour (avec Charles, c’est-à-dire Bouli Lanners, on la comprend et on l’envie), bagarrent avec le reflux des rappels à l’ordre (social) et à la raison (des familles).

Lulu, plutôt à marée haute que basse, n’est pas une niaise pour autant. Mère en fugue, épouse démissionnaire, mais prête à des solidarités éclair avec des inconnus de fortune, dont une vieille Marthe, anarcho-senior incarnée par une Claude Gensac hors pair. Ces temps-ci, le cinéma français est plein de ces personnages qui se retrouvent après s’être perdus de vue : Elle s’en va d’Emmanuelle Bercot, Suzannede Katell Quillévéré et aujourd’hui Lulu. Ça n’est pas la pire des nouvelles que ces trois films soient réalisés par des femmes avec des femmes.

Gérard LEFORT

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Un beau dimanche

Film de Nicole Garcia- France 2013- 1h35
Avec Louise Bourgoin, Pierre Rochefort, Dominique Sanda, Déborah François, Jean-Pierre Martins…
Scénario de Nicole Garcia et Jacques Fieschi

Baptiste est instituteur. Il aime son métier, il est grandement apprécié de ses élèves, de ses collègues, du directeur qui aimerait d’ailleurs qu’il reste. Mais lui préfère garder sa liberté, bouger au gré des remplacements. En peu de plans, la réalisatrice parvient à donner à ce solitaire qui semble toujours dans l’évitement, un mystère atypique. Que cache-t-il? A la veille d’un week-end, il recueille, malgré lui, un de ses élèves et fait la connaissance de la mère de celui-ci, Sandra, belle et pas mal paumée, harcelée par des créanciers qui se font menaçants. Le film prendra-t-il la direction du polar? Cette incertitude sur le genre du film, puis la sensation d’un temps suspendu propre au dimanche, voilà qui produit un charme indéniable. On est d’abord dans le présent, dans la précarité sociale à travers le personnage de Sandra. Puis dans le passé et la tradition, celle de la grande bourgeoisie dont est issu Baptiste. On bascule soudain dans ce monde de nantis, à la froide intransigeance, lors d’une visite à l’improviste du héros, flanqué de Sandra et de son garçon. Les retrouvailles familiales sont aussi l’occasion de revoir, après un longue éclipse, Dominique Sanda, formidable en mère écrasante, rattrapée par l’émotion.
Nicole Garcia excelle ici à faire émerger des personnages sensibles et complexes à la fois piégés et blessés par leurs origines et capables de s’en sortir malgré tout, grâce à une force vitale qui les pousse à faire des choix radicaux qui les mettent en harmonie avec eux-mêmes. Le film est juste, concis, simple. Il révèle Pierre Rochefort (le fils de Jean et de la réalisatrice), inconnu jusque là, et dont le parcours résonne avec celui de son personnage, un anonyme renfermé qui s’affirme peu à peu dans la lumière.

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The grand Budapest hôtel

Film de Wes Anderson – USA – All – GB – 1h4
Avec Ralph Fienne, Jude Law, Tony Revolori, Tilda Swinton, Edward Norton, Adrien Brody, Léa Seydoux……

En quelques films, « La famille Tenenbaum », « La vie aquatique », « A bord du Darjeeling Limited », « Fantastic Mr. Fox » ou dernièrement « Moonrise Kingdom », Wes Anderson, 44 ans, s’est taillé une réputation de cinéaste au style original, aux films empreints de fantaisie et d’espièglerie et aux personnages singuliers.

« The Grand Budapest Hotel » nous réserve une intrigue particulièrement loufoque et endiablée et un univers visuel somptueusement baroque. Le récit nous transporte dans l’entre-deux-guerres (on entend bien celles de 14-18 et de 39-45), à la suite d’un personnage haut en couleur, en élégance et en extravagance : Monsieur Gustave H., concierge d’un palace international qui prend sous son aile un tout jeune groom débutant répondant au nom exotique de Zero Moustafa. Notre concierge semble entretenir des relations tout spécialement étroites avec ses clientes les plus âgées… Et c’est justement la mort suspecte de l’une d’elles, Madame D. (Tilda Swinton, absolument méconnaissable) qui va entraîner Gustave au cœur d’une enquête policière carrément désagréable, d’autant plus que la défunte lui a légué un inestimable tableau de maître de la renaissance, au grand dam du fils de la sus-dite, qui accepte fort mal d’être ainsi spolié. Et ça va encore se corser lorsque le tableau en question sera volé…

Cette aventure échevelée résonne de toute évidence avec les bouleversements qui transforment l’Europe de cette première moitié du xxe siècle, dans une ambiance très « Mitteleuropa » recréée par Wes Anderson avec l’invention visuelle qui le caractérise ». (Critique Utopia).

Pour sa dernière oeuvre dont l’action s’étend de la Belle époque aux années 60, en passant par la montée du nazisme, le réalisateur dit avoir eu en mémoire les livres de l’Autrichien Stefan Zweig. Mais il s’agit « plus de reproduire une atmosphère que de s’inspirer d’un roman en particulier », explique le cinéaste. Il puise également ses influences dans les films d’un des rois de la comédie américaine, d’origine allemande, Ernst Lubitsch. Mais pas seulement : Anderson a aussi pensé à Ingmar Bergman avec « Le silence », qui « se déroule également dans un pays imaginaire » et à Stanley Kubrick, « un de mes maîtres ».

« The grand Budapest Hotel » a obtenu le grand prix du jury au dernier festival de Berlin.

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IDA

Un film de Pawel Pawlikowski- Pologne 2013- 1h20- VOSTF- noir et blanc
Avec Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska, Dawid Ogrodnik, Jerzy Trela, Adam Szyszkowski…
Scénario de Pawel Pawlikowski et Rebecca Lenkiewicz

Tombe la neige, tombent les larmes
Dans la Pologne des années 60, avant de prononcer ses voeux, Anna, jeune orpheline élevée au couvent, part à la rencontre de sa tante, seul membre de sa famille encore en vie. Elle découvre alors un sombre secret de famille datant de l’occupation nazie.
Le récit initiatique en forme d’enquête personnelle sur sa propre histoire, est âpre dans son propos ; on suit le parcours de la jeune Ida, catholique qui se découvre d’origine juive, la veille de prononcer ses vœux. Des racines insoupçonnées pour celle qui a vécu cloîtrée loin du monde et de ses tourments. En quête de ses origines, la jeune femme peu loquace de par son mode de vie qui l’a entraînée à l’intériorité, quitte quelque temps sa réalité du monde, un couvent austère, pour découvrir la nouvelle Pologne, emplie de vie et de jeunesse, d’un avenir conjugal pour elle, peut-être. Les sentiments fougueux deviennent charnels en la personne d’un jeune artiste bohème, qui pourrait apaiser ses questionnements. Mais le rapport aux racines familiales qu’incarne sa tante, qu’elle découvre, va la mener sur la route d’une tragédie du sang traumatisante
Avec la finesse de son personnage principal, l’innocence d’un regard juvénile qui, en fin de compte, n’est pas tout à fait naïf, car Ida se montre d’une force psychologique insoupçonnée, le film de Pawel Pawlikowski ravive des plaies non cicatrisées. Il appose à la jeune femme une contrepartie familiale abîmée par la vie, dans le personnage, a priori solide et militant de la tante, dont la dépression et l’alcoolisme révèlent la réalité du poids du passé, celui d’une nation dans le déni, ou certains se tournent vers la religion comme pour mieux panser les blessures, et d’autres doivent affronter des tourments insupportables avec les moyens psychologiques du bord. Alors que le futur s’ouvre sur la Pologne, qu’une jeunesse s’éprend de son cycle de vie avec l’étincelle qui la caractérise, dans les villes reconstruites qui préfigurent d’autres perspectives, Ida arbore des cadrages somptueux, une réalisation délicate qui confine à la perfection esthétique… Le film se fait la récitation magnifique d’un poème mélancolique empreint de religiosité, de militantisme athéiste, et se savoure en un devoir de mémoire exemplaire, suffisamment adroit pour ne pas asséner le spectateur d’un message fastidieux. Les âmes ici sont grises et l’humain dépeint dans toute sa complexité. Pawel Pawlikowski n’est pas juge, mais un brillant artiste, avec une authentique vision de cinéma. Et en 2014, c’est sûrement l’une des plus belles.
Frédéric Mignard

Un article intéressant à lire sur Télérama : http://www.telerama.fr/cinema/pawel-pawlikowski-le-realisateur-d-ida-repond-a-vos-questions,110769.php

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VIVA LA LIBERTÀ

De Roberto Andò – Italie 2014 – 1H34 – VOST
Avec Toni Servillo, Valerio Mastandrea, Valeria Bruni Tedeschi …

Enrico Oliveri est secrétaire général du parti d’opposition. Il disparait brusquement de la scène politique suite à sa dégringolade dans les sondages… Il est alors remplacé au pied levé par son frère jumeau Giovanni. Si la ressemblance physique est parfaite, il n’en est pas de même pour l’esprit, tout les oppose : Giovanni est aussi doux, rêveur, philosophe et lettré que Enrico est battant, cartésien, sûr de lui… Et ça marche… Giovanni retourne rapidement l’opinion italienne en apportant ce petit air de vérité qui fait cruellement défaut aux hommes politiques, et en donnant un nouvel élan à un discours politique convenu et usé. C’est un triomphe, le peuple se retrouve dans ces idées humanistes…

Toni Servillo est parfait dans ce double rôle, avec ce petit coin d’ironie intrigante dans le regard, impénétrable et séduisant à la fois. Le roman dont est tiré le film, «le trône vide» a été écrit par Roberto Ando lui-même et a obtenu le pris Campiello Première œuvre en 2012.

Le prix Campiello est un prix littéraire italien décerné par un jury populaire de 300 personnes, sur une sélection finale de 5 livres repérés par les critiques littéraires. L’auteur du livre est donc aussi le réalisateur du film, ce qui est très rare.

Dans une interview à espace-1789, à la question « Quelles émotions pensez-vous ou du moins souhaitez-vous que le film transmette ? » Roberto Ando répond: « L’écriture de ce roman a abouti pour moi à la conquête de cet objectif tant convoité par tous les narrateurs : la légèreté. J’aimerais que les spectateurs du film puissent retrouver cette touche de légèreté que les lecteurs ont tant appréciée dans le roman. Une légèreté qui va de pair avec mes émotions, et, bien sûr, avec certaines réflexions concernant la vie et la politique. Amour, dissimulation, pouvoir, échec : plusieurs éléments s’entrelacent tout le long du film. Je pense que tout le monde est concerné. Et qu’on peut y voir aussi une certaine trajectoire suivie par la politique italienne de ces 20 dernières années. Nous sommes en pleine crise d’époque, une crise qui remet en cause tous les principes sur lesquels l’Occident a toujours reposé, une crise qui touche à l’économie et à la politique, et nous sommes tous persuadés que nous allons bientôt atteindre un point de non-retour et que nous devrons tout recommencer à zéro, avec d’autres valeurs, en laissant derrière nous la dissimulation comme forme de gouvernement, ou comme modèle de communication dans le milieu politique. Le thème de la gémellité, la relation qu’il y a entre les deux jumeaux, mise en scène à travers l’échange, est étroitement liée à ce thème qui a toujours fait débat : le pouvoir comme fiction. Le paradoxe sur lequel repose mon film ? Bien que condamné à de la pure fiction, le pouvoir peut toujours essayer d’empêcher l’accès à la vérité. Enfin, aux vérités. »

Une autre critique

Enrico Oliveri est secrétaire général du parti d’opposition : Toni Servillo, la classe absolue avec toujours ce petit coin d’ironie intrigante dans le regard, impénétrable et séduisant à la fois… l’acteur idéal pour incarner un homme politique d’aujourd’hui, qui panique devant la faillite d’un pouvoir fondé sur les dissimulations et les arrières pensées, et dont on ne perçoit plus trop les véritables intentions… Les sondages d’ailleurs le donnent perdant quand, mystère et boule de coton, il disparaît dans la nature. Que diable lui est-il passé par la tête ? Pourquoi cette fuite impromptue que ses plus proches collaborateurs ni même sa tendre épouse n’arrivent pas à expliquer et n’avaient pas vu venir ? L’idée de génie viendra de cette dernière : Enrico a un frère jumeau, Giovanni, philosophe bipolaire, même allure, même classe avec en plus un petit grain de folie qui l’a conduit à se soigner dans un institut psychiatrique pendant quelque temps et qui justement va mieux, mais garde avec la réalité et la société des hommes une distance ironique et s’autorise à ce que nous appellerons une certaine liberté de comportement et de paroles…

Giovanni, double parfait d’Enrico, va donc prendre la place de son frère, a priori jusqu’à son retour aux affaires… Sans langue de bois, légèrement farfelu et néanmoins fichtrement visionnaire, il va séduire les électeurs et déstabiliser les politiciens parce qu’il apporte un petit air de vérité qui faisait cruellement défaut, donnant ainsi un nouvel élan à un discours politique convenu et usé. Il n’hésite pas à citer Brecht et sa vision de la politique va faire un triomphe, tandis que sa liberté de geste (il va jusqu’à danser le tango pieds nus avec la chancelière allemande) bouscule le protocole. Pendant ce temps, Enrico s’est réfugié à Paris chez une ancienne amoureuse et n’est guère pressé de faire son come back…

On pense à Bienvenue Mr Chance où Peter Sellers incarnait un jardinier devenu conseiller du président, on pense à Borgen, à Habemus Papam de Nanni Moretti… Autant de films qui interrogent une pratique du pouvoir et de la politique fondée sur le mensonge, la manipulation, l’exploitation des mauvais penchants du petit peuple et remettent d’une certaine façon en cause les principes sur lesquels se fondent nos sociétés : si crise économique il y a, elle est indissociable d’une crise politique et d’une crise de la pensée collective et il est grand temps de bousculer l’hypocrisie d’un système auquel plus grand monde ne croit (sauf ceux qui en profitent ?) et qui échappe au peuple pour lequel il était supposé fonctionner…

Le film est réalisé (avec l’aide d’Angelo Pasquini, son co-scénariste et ami) par Roberto Ando, celui-là même qui a écrit le bouquin dont il est tiré, Le Trône vide, lauréat du prix Campiello en Italie. S’il interpelle la société italienne, qu’il connait bien, son message est universel : il est grand temps pour les citoyens de reprendre main sur la politique qui reste tout de même le meilleur moyen pour l’homme d’améliorer la vie publique. Léger, plein d’entrain et de fantaisie, porté par le talent double de Toni Servillo, le film n’est jamais amer, irrigué par un délicieux parfum d’optimisme : pour changer la politique, il faut d’abord rendre à la culture le noble rôle d’élever les esprits, de requinquer les consciences… Discours extrêmement bienvenu en Italie après toutes ces années de décervelage collectif berlusconien…

UTOPIA

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