Archives : Archives films

AFTERSUN

Grande Bretagne/ USA

Réalisé par Charlotte Wells

AvecPaul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall

 

Quand elle avait 11 ans, à la fin des années 90, Sophie, jeune écossaise, a fait un voyage organisé en Turquie avec son père, et s’est amusée à filmer ces «vacances géniales». 

Des années plus tard, elle se remémore ces quelques jours de bonheur, avec la culpabilité d’être «passée à côté» des moments d’absence, de tristesse , de mal de vivre  de son père, et cherche dans ces images des indices qu’elle aurait méconnu…. 

Ce personnage du père est bouleversant tant il est secret, jusqu’à la souffrance. C’est ce qu’éprouvera rétrospectivement Sophie devenue adulte. Entre eux deux, si proches et si séparés, Aftersun fait vibrer un lien d’une délicatesse comme on n’en avait pas vu depuis le film de Sofia Coppola Lost in translation. 

La réalisatrice capte avec une grande sensibilité un moment de bascule, elle enregistre des instants volatiles avec un talent stupéfiant et croise avec grâce le regard de la gamine et celui de la cinéaste adulte qui fouille ses images et sa mémoire…

Charlotte Wells: «Je voulais dépeindre la dépression d’une manière authentique, désordonnée, compliquée, parfois contradictoire et parfois subversive par rapport à ce la façon dont les gens la perçoivent.»

Ce film a remporté le Grand Prix du Festival Américain de Deauville  2022.

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur AFTERSUN

TAR

TAR                                                                                                                                                                   De Todd Field – Etats Unis – 2022 – 2h38 – VOST                                                                                                                 Avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant                                                                                                                  

Après seize ans d’absence, Todd Field signe l’un des films américains les plus acclamés de la saison. Une œuvre réalisée dans une évidente symbiose  avec son interprète. Cate Blanchett trouve ici l’un des rôles de sa vie. On avait fini par l’oublier mais, dans les années 2000, Todd Field était l’un des grands espoirs du cinéma d’auteur américain. L’une des différences entre le monde de la musique classique et celui du cinéma, c’est que les carrières des acteurs, des actrices ou même des cinéastes,  sont souvent décrites comme dues à la chance, à des circonstances favorables, aux connections dans le métier, etc… Les musiciens classiques, eux,  doivent tout aux milliers d’heures qu’ils ont passées à maîtriser  leur instrument. Ils ne sont pas choisis par hasard pour intégrer ou diriger un orchestre. C’est une question d’excellence. Lydia Tár  trône sur le monde de la musique. Elle est au sommet de l’Olympe.                                                                                                                                                       

Dans le couloir qui mène à la lumière, Lydia Tár attend d’entrer en scène. Figée ou presque.                                                                                                            Ce film parle du pouvoir dont jouissent certains artistes reconnus.  De par sa fonction et son statut, Lydia, célèbre cheffe d’orchestre, est dans le contrôle absolu d’elle-même et des autres. C’est elle qui donne le tempo, corrige d’éventuels égarements de ses musiciens, calme leurs ardeurs ou les stimule afin de restituer sa vision de la partition. La partition en question est celle de la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler, pièce macabre d’un compositeur autrichien, qui tend pourtant vers une exaltation exacerbée des sentiments. La progression de ce chef d’œuvre musical sera celui du film tout entier. Les questions que pose le film sur la nature du pouvoir, sur la façon dont on  l’exerce et dont on peut juger ses abus, sont éternelles au sens du réalisateur.

Les actions de Lydia Tár  portent en elles une autorité souveraine incontestable. Quelque chose se trame pourtant en secret, prête à sourdre de terre. Todd Field filme un lent délitement, le vacillement d’une lumière. C’était déjà le cas dans ses deux précédents longs métrages : In the Bedroom en 20001 puis Little Children en 2006, mélos sirkiens, auscultant les fissures de la bourgeoisie américaine contemporaine, qui lui avaient valu  une avalanche de récompenses et de  nominations aux Oscars. Lydia Tár se voit accusée de harcèlements moraux et sexuels. Le récit pourrait basculer dans une paranoïa, flirter avec l’angoisse d’une cassure psychologique. Le film refuse de s’y soumettre. La peur existe mais elle peut encore être domptée.

La mise en scène implacable de Todd Field avance à découvert, ne cherche aucune dissimulation. L’extrême lisibilité de la surface est bien-sûr un leurre. Field, acteur avant d’être cinéaste, a joué dans Eye Wide Shut – c’était le pianiste qui permettait l’introduction du héros incarné par Tom Cruise dans le manoir secret -.         Field part de la clarté de sa représentation pour en dévoiler, par manipulation, son double-fond. Une vision exprimée de manière littérale, le temps d’un plan-séquence héroïque dans lequel Lydia Tár, face à des étudiants de la Juilliard School, surplombe et encercle son auditoire de sa verve intellectuelle et sa bestialité. Les jeunes élèves sonnés ou fascinés, sont interdits. Lydia sait qu’en tant qu’artiste, elle arrive au bout de quelque chose. Elle a atteint la perfection. Elle s’apprête à parachever son enregistrement de l’intégralité des symphonies de Mahler, qui sera publié en vinyle le jour de l’anniversaire du compositeur. Qu’est-ce qui pourrait être plus parfait que ça ? Qu’espérer atteindre après ?  Elle sait sans doute que, de là où elle est – l’Olympe, encore une fois – elle ne peut que redescendre. Et, sans raconter la fin du film, ce qui est noble et beau chez elle, c’est qu’elle décide, afin d’avancer en tant qu’artiste, de s’autodétruire. Elle lâche prise. C’est puissant et courageux.  Mais la fin du film peut aussi s’interpréter comme une épiphanie, une renaissance, le début de quelque chose de nouveau. Cate Blanchett mérite tous les honneurs. Elle                                                                                                                                                       a été couronnée du prix de la meilleure actrice lors de la dernière Mostra de Venise.

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur TAR

RETOUR A SEOUL

De Davy Chou. France/Belgique/Allemagne-1h59- VOST

Avec Park Ji-min, Oh Kwang-Rok, Louis-Do de Lencquesaing

Davy Chou raconte l’errance identitaire d’une jeune femme à la recherche de ses origines. Grand, vibrant et voluptueux. 

Entre les tours géométriques de Séoul, une jeune femme est en quête d’elle-même. Elle a 25 ans, s’appelle Freddie, est née en Corée et a été adoptée par un couple de Français. Elle vient d’atterrir pour la première fois en Corée du Sud. Sur un coup de tête, Freddie s’est mise à la recherche de ses origines. Elle rencontre d’abord Tena, jeune Coréenne bienséante et bienveillante, dans une guest house. Puis pousse la porte du Service des adoptions coréen, remonte jusqu’à son père, rongé par les remords et l’alcool, partage une soupe de poulet avec sa famille biologique (scène remarquable), rencontre d’autres Coréens, repousse son père, cherche en vain sa mère puis s’installe à Séoul.

Ce film raconte l’histoire d’une déracinée qui s’ignore (ou qui ne le sait que trop bien). Il y est question d’opportunités gâchées, de portes claquées, de mots dévorants, de quête de soi infinie. Remarqué dans la Section « Un certain regard » à Cannes, il ne s’agit que du deuxième long-métrage de fiction de Davy Chou après Diamond Island, en 2016. Mais le cinéaste de 38 ans semble déjà avoir trouvé son style, quelque part entre des ellipses ambitieuses et une caméra tourbillonnante. Ici, tout bouge, Freddie se lie puis se sépare, se trouve puis fait reset. Elle est dure, violente parfois, frustrée, effrontée, fragile, rebelle, flamboyante. Elle est tout en nuances. Les personnages secondaires (superbes Louis-Do de Lencquesaing et Guka Han) aussi. La grâce qui enveloppe ce film leur doit aussi beaucoup à chacun. Et quand Freddie semble enfin apaisée, ce film captivant se boucle sur une philosophie aussi étonnante que son héroïne qui n’oblige personne : la liberté, c’est savoir s’émanciper de toutes les identités qu’on vous assigne.

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur RETOUR A SEOUL

L’HOMME LE PLUS HEUREUX DU MONDE

L’homme le plus heureux du monde
De Teona Strugar Mitevska
Avec : Jelena Kordic, Adnan Omerovic, Labina Mitevska…
Un speed dating dans un hôtel de Sarajevo… La cocasserie et la gravité nourrissent ce second film de la cinéaste macédonienne découverte avec « Dieu existe, son nom est Petrunya ». Après sa charge contre le patriarcat, la réalisatrice s’intéresse aux cicatrices de la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), qui marqua la dislocation du pays où elle naquit, la Yougoslavie.
Accueillis par deux hôtesses en robe panthère, les candidats à l’amour doivent revêtir d’affreuses blouses couleur parme, censées créer une harmonieuse unité.
A la table numéro 12, l’exercice du tac au tac devient de plus en plus déstabilisant entre les quadragénaires Asja et Zoran, respectivement conseillère juridique et employé de banque.
Au fil des questions, ils s’aperçoivent avec horreur que c’est lui qui a tiré, le jour où elle a été blessée par une balle, pendant le siège de Sarajevo.
Inspiré par ce qu’a vraiment vécu la coscénariste, Elma Tataragic, ce film magistralement écrit touche par son énergie âpre et ardente, jamais complaisante. Comme leur ville, qu’on voit en chantier et plantée de croix sur les hauteurs, les personnages sont en travaux, se reconstruisent et se déconstruisent en direct. Pour eux, la réalisatrice a concocté un film happening où les belles histoires programmées sont court-circuitées par un choc entre passé et présent, mémoire et oubli. L’étincelle de la guerre semble rallumée, mais c’est une bataille pour la paix qui se joue, remuante, intense, vivifiante.
Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur L’HOMME LE PLUS HEUREUX DU MONDE

Un Petit Frere

UN PETIT FRERE

de Léonor SERRAILLE,

FRANCE (1h56)

Chronique de plus de 20 ans de la vie d’une jeune mère ivoirienne et de ses deux fils installés en France en 1989. Avec autant d’ambition que de sens de détail, la cinéaste Léonor Serraille rend profondément romanesque cette odyssée du quotidien en trois volets, qui portent les prénoms de chacun: Rose, puis Jean (Stéphane Bak), et enfin Ernest (Ahmed Sylla), le petit frère du titre.

Rose, superbement interprétée par Annabelle Langronne, révélation à la présence magnétique, à la noblesse vacillante. Arrivée d’Afrique avec un passé qu’en deux répliques on devine douloureux, cette jeune mère célibataire est logée, en attendant mieux, par des membres de sa famille installés de longue date dans la banlieue parisienne, et travaille comme femme de ménage d’un hôtel où elle brique, mais fait souvent des pauses pour fumer, pour rêver.

Rose n’a peur de rien. Ni de travailler dur, ni de sortir danser, ni d’élever ses fils qu’elle adore mais auxquels elle ne passe rien: il faut qu’ils réussissent, qu’ils soient des élèves exemplaires, même si l’aîné râle quand elle l’habille trop élégamment pour aller à un concours de maths. Rose est une femme libre, ou qui tente de l’être dans une vie précaire et un contexte social où il serait plus simple d’avoir un homme à ses côtés. Sa communauté lui conseille de se caser avec Jules César. C’est, au contraire, avec un ouvrier tunisien rencontré sur les toits de Paris qu’elle croit l’amour possible, un temps. Avant d’accepter de s’installer à Rouen, délaissant ses fils adorés pour un Français qui lui promet la lune…

Les fils, eux, grandissent au fil du film, pendant que les rides tracent sur le visage de Rose les sillons d’une certaine désillusion. Mais pas une once de misérabilisme dans le regard précis et poétique de Léonor Serraille. Pas de tragédie ou de sociologie faciles: la vie est un doux drame en soi, quand on est une femme qui n’accepte aucun diktat, mais qui se trompe aussi. (…) Un grand film sur la beauté de la fierté comme ce principe transmis par Rose à ses fils: «il faut se cacher pour pleurer» -«on pleure dans sa tête?» mime, avec un geste délicieux, le petit Ernest -«C’est ça, on pleure à l’intérieur»

Publié dans 8ème film du programme, Archives films | Commentaires fermés sur Un Petit Frere

Par cœurs de Benoit Jacquot

PAR CŒURS de Benoit Jacquot France 2022 1 h 16
Avec Fabrice Lucchini et Isabelle Huppert

Festival d’Avignon, été 2021. Une comédienne, un comédien, face à leur rôle, leur texte, juste avant les représentations. Devant la caméra documentaire de Benoit Jacquot, Isab
elle Huppert et Fabrice Luchini au travail.

Par cœurs invite le spectateur à un moment suspendu, dans lequel deux amoureux et maîtres de leur art se livrent à ce qu’ils savent faire de mieux : caresser les mots de leur passion qu’ils ont pour eux.
Avec beaucoup de générosité, Isabelle Huppert et Fabrice Lucchini ouvrent des portes presque sacrées : Dans cette intimité de l’avant représentation, qui renferme tous les doutes et les derniers instants de présent avant de quitter le monde des coulisses pour ceux de la lumière, les deux acteurs se livrent complètement. La rencontre, bien qu’elle n’ait jamais lieu, est celle d’un duo de glace et de feu. L’une a l’élégance de la précision, l’autre l’exubérance de la passion. Deux comédiens aux antipodes l’un de l’autre et pourtant animés par cette même faim du mot délivré à sa plus juste valeur – soit dans son exactitude, soit dans son sens véritable
.
Par cœurs est une introduction dans le vif de ce que représentent Isabelle Huppert et Fabrice Lucchini dans le paysage de la belle interprétation française. Chaque moment aux côtés de celui qui aime d’un amour sans égal le théâtre et chaque instant de pur abandon auprès d’Isabelle Huppert font le film. L’actrice y est bouleversante de franchise, ouvrant à la caméra des moments de travail acharné mais qui, comme par miracle, s’ouvrent sur une infinie légèreté. ; les moments d’introspection sont forts.

Moins qu’une rencontre au sens propre du terme, Par cœurs propose une comparaison savamment montée en champs contre champs, explorant les similitudes non seulement entre les artistes, mais également entre les exercices dans lesquels on les retrouve – une pièce avec troupe et répliques à donner pour Huppert, un seul en scène comme il les affectionne pour Lucchini.

Ce film est un plaisir pour les amateurs de ces deux grands acteurs, une gourmandise à savourer pour ceux qui aiment le beau verbe dans de belles bouches.

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Par cœurs de Benoit Jacquot

Les 8 Montagnes

LES HUIT MONTAGNES

                                                                          

Film de Felix Van Groenningen, Charlotte Vandermeersch, Italie/Belgique/France – 2h30

Avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Filippo Timi.

Depuis La Merditude des choses et Alabama Monroe, on sait que Felix Van Groeningen n’a peur de rien. En tout cas ni du mélo, ni du trop-plein. Nouvelle preuve avec ce Huit montagnes, co-réalisé avec sa femme Charlotte Vandermeersch. Adapté du roman de Paolo Cognetti, le film suit de l’enfance à l’âge adulte Pietro, l’enfant solitaire de la ville, et Bruno, le gamin farou­che de l’alpage. Récit d’initiation mélancolique, Les 8 montagnes raconte leur histoire d’amitié et la manière dont ces deux copains grandissent, se construisent et s’éloignent pour mieux se retrouver. Bruno reste sur les lieux de sa naissance, se marie, devient père et monte son entreprise. Pietro, lui, cherche des réponses dans l’exil. Il erre, pose son sac au Népal, sans parvenir à s’enraciner… Tout quitter pour se (re)trouver ou s’ancrer pour se construire ? La chronique existentielle flirte (parfois) avec les leçons de vie et les maximes de développement personnel, mais comme toujours chez Groeningen il s’agit de nous embarquer dans des montagnes russes émotionnelles. Et l’émotion est là. Souvent inattendue. Pris à bras-le-corps dans une histoire intense, parfois violente, le spectateur suit les héros entre désenchantement et lyrisme. Incroyablement filmé (les montagnes occupent tout l’espace du cadre carré), incroyablement incarné (est-ce qu’un jour Lucas Marinelli, l’interprète de Pietro, aura le succès qu’il mérite ?), le film produit des vibrations intimes puissantes et impressionne par sa maestria visuelle et sa manière de mettre l’homme face à lui-même, entre doute, renoncement et espoir émerveillé. Ce film a été tourné dans le Val d’Aoste (Italie).

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Les 8 Montagnes

Nostalgia

Italie: 2022/ 1H57

Réalisé par Mario Martone

Avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco di Leva

 

Mario Martone est napolitain avant tout, et son film se passe intégralement à Naples, en grande partie dans un de ses quartiers, La Sanita, quartier populaire mythique fait de ruelles en pentes, d’immeubles décatis creusés à même la roche, et arpenté encore aujourd’hui par les sbires de la mafia locale.

«La connaissance est dans la nostalgie. Qui ne s’est pas perdu ne possède pas. Pasolini.

Homme d’affaires expatrié, passé par le Liban et l’Afrique du Sud, désormais basé au Caire, Felice Lasco revient à Naples, la ville où il a grandi, dans le quartier labyrinthique de la Sanità. Il y retrouve sa mère, les rues de son enfance et décide de renouer avec ce lieu dont il a été absent trop longtemps. Où il va devoir composer avec la nouvelle donne locale, toute en vives tensions mafieuses, et faire l’inventaire de vieux souvenirs liés à son ancien meilleur ami, Oreste Spasiano, cause de son départ quarante ans plus tôt et aujourd’hui à la tête d’une tentaculaire organisation criminelle.

Nostalgia réussit toutefois à taper terriblement juste lorsqu’il aborde son sujet central, qui est moins la nostalgie que le déracinement. Exprimé avec finesse et une étonnante économie de moyens par le personnage de Felice (Pierfrancesco Favino, excellent, on a l’habitude), nœud d’opiniâtreté, de rêves et de contradictions impossible à délier. Qui ne peut revenir à la raison alors que tout indique que la seule voie sensée est de refaire ses valises pour retrouver son épouse au Caire. Qui vit au passé mais repousse indéfiniment son départ pour s’inventer à tout prix un présent dans un lieu qu’il habite mais où il n’existe jamais vraiment.

Le  film est tiré d’un roman, Nostalgia, écrit par Ermanno Rea, sorti juste après sa mort en 2016. Il met en scène outre notre héros Felice,  un prêtre énergique en lutte contre la Camorra. Prêtre inspiré par le personnage réel de Don Antonio Loffredo, curé de la paroisse de Santa Maria della Sanità, ( qu’on retrouve dans le film ), et qui a lutté en proposant une alternative de culture et de sport aux jeunes du quartier. Ermanno Rea journaliste et homme engagé, esprit critique y compris vis-à-vis de ses propres idéaux, témoin des mutations de la société italienne, a toujours porté un discours de combat et d’utopie.

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Nostalgia

La Femme de Tchaikovsky

Un film de  Kirill Serebrennikov

Avec : Aliona Mikhaïlova, Odin Biron…

Russie – 2h23 – VOST

 

  Plus qu’une simple reconstitution historique en costumes, mieux qu’un énième biopic compassé consacrant le génie du compositeur, La Femme de Tchaïkovski est un extraordinaire poème halluciné, baroque, sombre, virtuose, qui tour à tour enflamme et désarçonne, grise le spectateur d’images, d’émotion et de mise en scène, et ne se laisse abandonner qu’à regret, à bout de souffle après presque deux heures et demie de folie visuelle d’une rare puissance. 

 Ce pourrait être une variation sur l’éternelle histoire chère à Victor Hugo d’« un ver de terre amoureux d’une étoile ». Mais si Tchaïkovski brille assurément au firmament de la musique russe de son temps, Antonina Miliukova n’est cependant pas, au commencement du moins, du genre à ramper devant l’objet de son adoration. Jeune femme de tête et de bonne famille, elle est plutôt du genre volontaire, persévérante et obstinée sinon têtue. Convaincue avant même de l’avoir vécue de la passion qu’elle pense éprouver pour le compositeur, elle s’y donne tout entière comme elle entrerait en religion orthodoxe – avec méthode et fermeté, jusqu’aux frontières de l’érotomanie. Contre vents, marées, conseils amicaux et avisés, contre toute raison, alors que l’homme est notoirement homosexuel – il ne s’en cache du reste pas –, Antonina force les portes, l’amour et le destin. Et, contre la promesse d’une dot qui sauverait le musicien, toujours en recherche de prébendes pour assurer son train de vie, elle parvient à devenir officiellement et pour l’état civil Madame Tchaïkovski. Mais l’union tourne rapidement au cauchemar et plus le mari la fuit, la rejette, protégé par sa famille, par ses amis et ses amants, plus la malheureuse s’acharne à être reconnue comme son épouse légitime et tente de lui imposer une vie de famille qui lui fait horreur.

Que ce soit de son vivant, du temps de l’URSS ou plus près de nous sous la férule de Vladimir Poutine, il n’était, il n’est toujours pas question de valider la « fable » entretenue par l’occident dépravé, la « théorie sans fondements » de l’homosexualité de Tchaïkovski, tout simplement « un monsieur solitaire qui n’a pas réussi à trouver la bonne personne. Le paria Serebrennikov aura mis à profit sa longue assignation à résidence à Moscou pour peaufiner son scénario, le faire radicalement dériver vers la figure aussi effrayante que bouleversante d’Antonina Miliukova, et livrer, presque dix ans après sa première ébauche, un film sublime, tourmenté, à la mise en scène fiévreuse et éblouissante, qui se double, du fait de l’histoire de sa gestation et de la part du réalisateur russe vivant désormais en exil, d’une puissante charge politique.

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur La Femme de Tchaikovsky

Juste une nuit

JUSTE UNE NUIT

de Ali ASGARI,

IRAN (1h26)

Une étudiante se heurte au mur d’une société cadenassée par un patriarcat omnipotent et cruel. Tourné en 2021, ce film résonne avec l’actualité iranienne qui est arrivée à un point de rupture.

C’est le récit d’une fiction ancrée dans la réalité, celle d’une journée infernale à Téhérant pour une fille-mère : ses parents annoncent leur visite alors qu’elle leur a caché l’existence de son bébé. Elle doit alors trouver un endroit où son bébé pourra passer la nuit. Sont contactés une voisine de palier, puis un ami du quartier, puis une femme habitant plus loin dans la ville : au fil des refus, le film explore la société iranienne.

Dans un style proche du cinéma simple et percutant des frères Dardenne, le réalisateur suit son héroïne dans une quête sans issue qui la ramène continuellement à sa condition de femme condamnable, parce que mère mais pas mariée, qu’il serait dangereux d’aider. Derrière chaque personne sollicitée, un pouvoir répressif est à l’affût. Derrière chaque femme sensible à la situation de l’enfant trimbalé partout, une autorité masculine impose sa loi. Feresthteh en fait directement l’expérience dans une clinique où, après avoir eu affaire à une infirmière compréhensive, elle doit affronter le chef de service, de la pire façon…

Eclairant et courageux, le film trouve dans le récit de cette journée matière à une fable politique.

D’après Frédéric Strauss, Télérama

[Des] inventions scénaristiques subtiles, [des] petits contrepoints comiques bienvenus, et une fine analyse d’une société patriarcale liberticide qui impose sa loi aux femmes […]. Positif

Pendant que des femmes et des hommes se font massacrer par les autorités iraniennes, Ali Asgari offre un petit miracle de cinéma, empreint de combativité et de dignité.  a-Voir- aLire.com

Publié dans Archives films | Commentaires fermés sur Juste une nuit