BELINDA
De Marie Dumora
Documentaire Français
Acteurs inconnus
Durée 1h47
Sacré morceau que ce brin de fille, d’une famille yéniche sédentarisée, qui se jette tête la première dans le mur de la vie pour y trouver quelque chose qui s’apparenterait, denrée plutôt rare pour elle, au bonheur.
Belinda apparaît ici à trois âges. 9, 15 et 23 ans.
A 9 ans, dans le foyer où elles sont placées, on la sépare de sa sœur. Image cristallisée des deux fillettes main dans la main, yeux dans les yeux, collées serrées, qui ne peuvent compter que sur elles-mêmes face à un abandon qui n’est qu’à peine décrit mais qu’on ressent violemment.
A 15 ans, c’est une autre paire de manches. Fumette dans la cage d’escalier, corps massif et grande gueule, abordant à pas comptés le monde du travail. Une gueule, un accent, une prestance formidable. La situation familiale, qu’on pressentait compliquée, se détache avec plus de clarté. Mère et père séparés, la première au chômage, le second ex-taulard, environnés d’une famille nombreuse cultivant la débrouille et l’expression hautes en couleur.
A 23 berges, Belinda, sourire lumineux et front renfrogné, entre soleil et tempête, intense comme la braise, prend son destin en main. Elle vise le mariage avec son gars Thierry, qui voit venir sans un mot de trop, tandis qu’elle s’occupe de sa robe, navigue entre sa mère et son père, compte les sous pour la noce. Avec Thierry, elle lit le contrat de mariage, insiste sur le chapitre « respect, fidélité, amour », sans quoi ce n’est même pas la peine d’y aller, tandis que lui, grand pudique, se marre doucement.
Et puis, patatrac, l’ellipse cruelle avec un drame dedans, Frantz, le père de Belinda, qui nous apprend qu’elle « a fait une bêtise », qu’elle en a pris pour quatre mois, et son Thierry trois ans, Il en faudrait plus pour contenir la formidable marée d’amour que Belinda porte en elle. Il en faudrait plus pour l’empêcher d’écrire des folies lumineuses, dantesques, à son Thierry. Il en faudrait plus pour ôter le goût de la vie à la petite-fille d’un couple qui s’est connu, adolescent, au camp nazi alsacien du Struthof, « comme des juifs », et qui en est sorti pour donner naissance, parmi une tripotée, à son père. D’après Le Monde.
Truffaut avait filmé Léaud-Doinel dans un arc allant de l’enfance à l’âge adulte. Marie Dumora a entrepris une démarche similaire, mais en partant de la réalité brute et brutale d’une famille yéniche (une branche du grand arbre tzigane) de l’Est de la France.
Belinda conserve tout au long des années et des épreuves un inextinguible appétit de vivre, une faconde dépenaillée, des rêves d’avenir. Elle change aussi, de coiffure, de style vestimentaire, de distance de regard sur l’existence. Belinda est un très émouvant et puissant portrait de femme évolutif, sculpté dans le minerai ingrat de la condition prolétaire pour en ramener des pépites d’humanité, de courage et de désir de vivre. D’après les Inrocks.
Film Acid Cannes 2017