Tom à la ferme

Tom à la ferme 1De Xavier Dolan – Canada, France – 1h42
Avec Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roy…

Ça commence comme un magnifique mélo et ça se poursuit comme un angoissant thriller hitchcockien. Avec le génie auquel il nous a habitués (Laurence Anyways avec Melvil Poupaud, quelle claque !), le très jeune cinéaste canadien Xavier Dolan sait dès les premières images de Tom à la ferme nous submerger d’émotion. La main d’un jeune homme griffonne sur un couvre-lit d’hôpital un poème d’amour et d’adieu adressé à son amant récemment disparu. Et la chanson de Michel Legrand Les Moulins de mon cœur monte en puissance… et on est déjà liquéfié. Puis une caméra aérienne s’envole très haut au-dessus des immenses étendues agricoles et forestières du Québec. Une route interminable et rectiligne les coupe. Y file à tombeau ouvert une limousine noire conduite par Tom, le jeune homme inconsolable. Il se rend dans la famille de son bien aimé disparu.

Il approche une ferme déserte, une de ses fermes nées d’un cauchemar de David Lynch, que seuls semblent habiter quelques dizaines de vaches. Il s’endort sur la table de la cuisine et se réveille face à la mère, un être fantomatique et désespéré (impressionnante Lise Roy) dont il comprend vite qu’elle ne savait rien de l’homosexualité de son fils et qui prend Tom pour un gentil collègue de Montréal. Il accepte de passer à la ferme la nuit avant les funérailles avant d’être tiré soudainement de son sommeil par un homme brutal qui le moleste et le somme de ne rien révéler à la mère. C’est Francis, le frère aîné, qui garde la ferme avec la mère depuis des années. Et peu à peu s’installe dans cet étrange trio une relation ambigüe. La mère, qui peut avoir de surprenantes crises de colère envers son fils, est-elle aussi aimante et bienveillante qu’elle veut le montrer ? Francis est-il juste une brute homophobe bien décidée à chasser Tom au plus vite ? Pas si évident car peu à peu il semble vouloir l’empêcher de repartir, et étrangement Tom semble peu à peu s’accommoder de sa séquestration : Tom le publicitaire branché apprenant peu à peu les travaux de la ferme…

Car chacun a beaucoup plus de facettes qu’il n’y paraît et on finit même par s’attacher à cette brute enfermée elle-même depuis des années dans une condition insupportable, entre les bêtes et une mère possessive, son personnage rappelant inévitablement celui de Bullhead incarné par Matthias Schœnhaerts, un homme pour qui Tom, en même temps qu’il représente ce qu’il déteste, est aussi ce qu’il désire plus que tout.

Avec trois acteurs exceptionnels (dont Dolan lui même, beau et charismatique comme un dieu, dans le rôle de Tom) et une mise en scène qui joue autant sur le huis-clos que sur les espaces extérieurs tout aussi inquiétants – l’étable, antre aussi de la brutalité, le champ de maïs, où les épis vous cisaillent si vous essayez de vous enfuir en le traversant, le bar de la ville glauque –, Xavier Dolan parvient à créer un climat palpitant : on ne sait jamais ce que sera la scène suivante et la violence est toujours latente, n’éclatant que rarement. Un climat nourri des frustrations et des désirs de chacun, du remords inextinguible de Tom qui se noie dans cette situation pour expier la mort insurmontable de son amant. Xavier Dolan a 25 ans et déjà quatre films formidables à son actif… Que dire de plus ? Chapeau bas…

UTOPIA

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