LA FILLE INCONNUE
Ecrit et réalisé par Luc et Jean – Pierre Dardenne
Avec Adèle Haenel, Olivier Bonnaud, Jérémy Renier, Christelle Cornil………..
Belgique – 2016 – 1h46 –
Un soir, alors qu’elle travaille avec son assistant, Jenny Davin, médecin généraliste n’ouvre pas la porte de son cabinet à une jeune femme. Cette dernière est retrouvée morte quelques heures plus tard. Jenny l’apprend au cours de l’enquête et découvre en même temps que la victime ne peut pas être identifiée. Jenny comprend également que cette affaire n’est pas vraiment une priorité pour la police. Rongée par la culpabilité et contre l’avis des forces de l’ordre, elle décide de mener sa propre enquête.
Comme toutes les héroïnes des frères Dardenne, Jenny Davin a un objectif, une quête qui devient une obsession…Elle veut racheter son erreur. La seule que cette perfectionniste ait commise dans son activité professionnelle. Par perfectionnisme, justement… Un soir, alors que son cabinet médical était déjà fermé depuis plus d’une heure, elle a refusé d’ouvrir à une patiente : elle se sentait trop fatiguée pour pouvoir bien s’occuper d’elle. Le lendemain, elle apprend que la jeune femme est morte à quelques mètres de sa porte. Personne ne la connaît, personne ne réclame sa dépouille. Faute d’avoir pu sauver cette anonyme, Jenny va tout faire pour lui restituer son identité. Appliquant, dans sa recherche de la vérité, un courage, une ténacité aussi intenses que son dévouement envers ses patients.
Les frères Dardenne ne cachent rien des débuts laborieux de son enquête en solitaire. Leur mise en scène, plus posée, plus classique, mais aussi plus sèche que d’habitude, semble moins animée de ce sentiment d’urgence qui bouleversait tant dans La Promesse ou Le Fils. Jenny elle-même est moins aimable que ses grandes soeurs dardenniennes. Adèle Haenel l’incarne comme un petit soldat à l’air buté, qui refoule ses sentiments face à la détresse qui l’entoure. Son personnage en a d’ailleurs fait une règle de vie : « Tu dois être plus fort que tes émotions si tu veux bien soigner », explique-t-elle cliniquement à son jeune stagiaire…
De l’émotion, Jenny en communique pourtant quand les Dardenne la filment longuement et, eux aussi, obstinément dans ses soins quotidiens avec les patients. Ses gestes banals, répétitifs témoignent d’une écoute sincère de la souffrance, d’une grande douceur. Et ce sont bien ses émotions qui la guident quand, rongée par le remords, elle tente inlassablement de convaincre les témoins potentiels du drame de révéler ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont fait.
Au fil de cette enquête aussi policière que morale, le film ne cesse de monter en puissance dramatique. Jusqu’à la révélation complète, déchirante de la vérité dans une des scènes les plus fortes que les Dardenne aient jamais tournées. Un long plan-séquence virtuose, où le « coupable » fuit le regard de Jenny pour mieux libérer sa parole. Et un grand moment de suspense… Samuel Douhaire