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L’avenir

L'AVENIR 3De Mia Hansen-Løve – France -2016 – 1h37
Avec Isabelle Huppert, André Marcon, Roman Kolinka….
Nathalie est prof de philo tout comme son mari et publie des articles philosophiques qui la passionnent. Le temps d’un été, Nathalie voit son monde s’effacer et ses repères vaciller. Le film raconte avec beaucoup de délicatesse ce moment où, quand son existence bascule, il faut tout reconstruire. Que faire de cette liberté nouvelle et soudaine ? Isabelle Huppert trouve là un rôle à la hauteur de son talent, apportant mille nuances à son personnage. Lumineuse en prof de philo, toujours en mouvement, elle est à la fois énergique et bouleversante de fragilité, intello et légère. Il se dégage de ce film une profonde douceur.
Prix de la mise en scène à Berlin.

Critique

Voici un couple d’intellectuels, des vrais, tous deux professeurs de philosophie, tous deux aimant leur métier, qu’ils exercent à Paris. Cet amour, la réalisatrice le rend d’emblée tangible, à travers l’attachement sensible aux livres ,les idées que le couple échange à table avec ses enfants, le cours que donne Nathalie dans sa classe de lycéens. Tout sonne juste, tout est fluide dans ce tableau culturel qui pourrait être idyllique s’il n’était troublé par un premier souci : la mère maniaco-dépressive de Nathalie (Edith Scob, fantasque à souhait), qu’un moment, agacée, elle n’hésite pas à qualifier de « folle ». Une mère angoissée, ­envahissante, complexe et drôle aussi, qui l’empêche souvent de vivre. A ce tourment s’ajoute une mauvaise nouvelle, soudaine, totalement imprévue…

Alors que tout semblait paisible, harmonieux, voilà que la souffrance s’annonce dans ce portrait de femme de la cinquantaine, brisée, abandonnée, que l’on voit pleurer à plusieurs reprises. Mais cette souffrance est tempérée par un faisceau d’autres sensations. L’Avenir séduit et transporte par sa forme de distanciation pudique, son absence de pathos comme de psychologie. Sans forcing, dans un geste qui semble naturel, la réalisatrice raconte, dessine, plus qu’elle n’explique, en filmant son héroïne comme un personnage à la croisée des chemins. Peu après avoir appris qu’elle allait désormais devoir vivre seule, on découvre ainsi — étrange transition — Nathalie qui se repose au soleil, sur la pelouse d’un parc parisien. Le vent joue avec ses feuilles de cours, qui se mettent à voler. Au chagrin, profond, réel, la réalisatrice joint une douceur suspendue.

Car rien n’est définitivement perdu. Le temps retrouvé ou le temps qui reste à vivre est un thème prégnant chez Mia Hansen-Løve. Jusque-là, elle le traitait surtout du point de vue de la jeunesse. Pour la première fois, elle épouse le regard de quelqu’un de plus vieux qu’elle, qui pourrait être sa mère et qui vient justement se ressourcer auprès de cette jeunesse, vive, dans le Vercors. C’est là que son « protégé », un jeune philosophe brillant à la pensée radicale, qui a rompu avec l’institution, s’est installé, avec des amis regroupés dans un collectif libertaire. Des idées circulent, il y a de la passion, des élans. Mais la force de la réalisatrice, c’est de mesurer, à ce moment-là, le décalage de Nathalie, tout en restant de son côté, de tout coeur avec elle.

Le film accorde autant d’importance aux mots qu’au silence. A la poésie colorée des paysages — de la Breta­gne à marée basse au Vercors doré — qu’aux citations de Rousseau ou de Pascal. L’humour (bienvenu et nouveau), avec ce chat noir capricieux, nommé Pandora, s’invite aussi. Et puis il y a Isabelle Huppert, émouvante, qui ne cesse de trotter, dans la panique. Et qui chemine aussi, ouverte à tous les possibles, dans un présent qui semble infini. — Jacques Morice

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Programme Avril, mai 2016

Du 21 au 26 avril

L’AVENIR
L'AVENIR 4De Mia Hansen-Løve – France -2016 – 1h37
Avec Isabelle Huppert, André Marcon, Roman Kolinka….
Nathalie est prof de philo tout comme son mari et publie des articles philosophiques qui la passionnent. Le temps d’un été, Nathalie voit son monde s’effacer et ses repères vaciller. Le film raconte avec beaucoup de délicatesse ce moment où, quand son existence bascule, il faut tout reconstruire. Que faire de cette liberté nouvelle et soudaine ? Isabelle Huppert trouve là un rôle à la hauteur de son talent, apportant mille nuances à son personnage. Lumineuse en prof de philo, toujours en mouvement, elle est à la fois énergique et bouleversante de fragilité, intello et légère. Il se dégage de ce film une profonde douceur.
Prix de la mise en scène à Berlin.

Du 28 avril au 3 mai

FRITZ BAUER UN HÉROS ALLEMAND
FRITZ BAUER UN HÉROS ALLEMAND 1De Lars Kraume – Allemagne – 2016 – 1h46 – VOST
Avec Burghart Klaußner, Ronald Zehrfeld, Lilith Stangenberg…
Pour sauver son pays, il faut savoir le trahir. En 1957, le juge Fritz Bauer apprend qu’Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires et rêve de l’extrader. Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que de le soutenir. Fritz Bauer décide alors de faire appel au Mossad, les services secrets israéliens.
Fritz Bauer est un personnage hors du commun : il ne s’est pas du tout comporté comme la plupart des victimes de l’Holocauste qui ne voulaient plus en parler. Bien qu’il ait eu à faire face à une très forte résistance, il voulait poursuivre les nazis – non pas par esprit de vengeance, mais parce qu’il était guidé par un grand esprit humaniste et qu’il voulait informer ses compatriotes. Il avait une personnalité lumineuse et il est devenu le personnage principal du film.

Du 5 au 10 mai

LE CŒUR RÉGULIER
LE COEUR RÉGULIER 2De Vanja D’Alcantara – Belge, Français, Canadien – 2016 – 1h35
Avec Isabelle Carré, Jun Kunimura, Niels Schneider…
Alice a une vie bien réglée, entre mari, enfants adolescents et belle maison design. Nathan, son frère cadet, vient lui rendre visite. Après un passé agité, il semble avoir trouvé la sérénité au Japon auprès de sa petite amie et grâce au sage Daïsuke. Alors que son avenir s’annonce radieux, il se tue dans un accident de moto. Bouleversée et décidée à faire le point sur sa vie, Alice se rend au pays du Soleil-Levant, pour rendre visite à ce fameux Daïsuke. Sur place, elle découvre des falaises d’où se jettent les désespérés. Daïsuke les surveille pour que ces suicidaires ne commettent pas leur geste fatal. Il les recueille ensuite chez lui. Dans une atmosphère toute japonaise, elle se remet à écouter son cœur…

Du 12 au 17 mai

SKY
SKY 1De Fabienne Berthaud – 2015 – France -1h42
Avec Diane Kruger, Norman Reedus, Q’Orianka Kilcher, Gilles Lellouche, Lena Dunham…
Romy est en vacances avec Richard, son mari français. Mais le voyage ne se passe pas comme prévu et révèle un peu plus les failles dans le couple. Complètement saoul, Richard se met à flirter avec deux blondes dans un bar. Romy le surprend. Lors d’une énième dispute où il lui reproche d’être stérile, elle pense l’avoir tué. Elle fuit au volant d’une vieille Plymouth mais finit par apprendre que Richard est vivant et à l’hôpital. Elle lui annonce qu’elle le quitte. Enfin libérée, elle entreprend un road-trip entre Las Vegas et les plaines du Nevada. Elle y croise le chemin de Diego, un séduisant ranger… Fabienne Berthaud entraîne sa muse Diane Kruger sur les routes américaines. La cinéaste s’approprie les codes du road-movie et signe le portrait libre et inspiré d’une femme blessée mais lumineuse.

Du 19 au 24 mai

PAULINA
PAULINA 2De Santiago Mitre – Argentine, Brésil, France – 2015 – 1h43 – VOST
Avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez…
Paulina, 28 ans, renonce à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement dans une région défavorisée d’Argentine. Confrontée à un environnement hostile, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garantie à ses yeux d’un engagement politique. Quitte à lui sacrifier son petit ami et la confiance de son père, un juge puissant de la région. Peu de temps après son arrivée, elle est violemment agressée par une bande de jeunes et découvre que certains d’entre eux sont ses élèves. En dépit de l’ampleur du traumatisme et de l’incompréhension de son entourage, Paulina s’efforcera de rester fidèle à son idéal social.

Du 26 au 31 mai

THE ASSASSIN
THE ASSASSIN 2De Hou Hsiao-Hsien – 2015 – Taîwan – 1h45 – VOST
Avec Shu Qi, Chang Chen, Yun Zhou…
The Assassin nous propose un bond en arrière jusqu’au IXe siècle, au coeur de la dynastie Tang, une des plus florissantes périodes de la Chine. Une jeune femme , Nie Yinniang, revient chez elle après plusieurs années d’un exil mystérieux. On découvre peu à peu qu’elle a séjourné auprès d’une nonne qui lui a enseigné les arts martiaux ; Nie Yinniang est devenue une professionnelle de l’assassinat, envoyée à Huebo pour tuer le gouverneur félon de la province, son cousin à qui elle fut fiancée.
Le film est ponctué de rares combats, magnifiquement chorégraphiés, ciselés avec grâce, mais la tension réside essentiellement dans l’atmosphère feutrée des palais où les intrigues se nouent. Hou Hsia-Hsien filme magnifiquement les paysages grandioses de la Mongolie et de la Chine, et magnifie en clair obscur les intérieurs couleur sang et or que n’aurait pas renié Caravage, des intérieurs où se nouent les amours déçues, les vengeances longtemps enfouies… Nous sommes transportés dans un monde frémissant, comme si la caméra-pinceau de Hou Hsia-Hsien avait rapporté des images documentaires du IXè siècle ! La mise en scène est d’une admirable précision et les plans séquences maîtrisés à la perfection, illuminés par l’égérie du cinéaste, Shu Qi.
Prix de la mise en scène au festival de Cannes 2015

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Fernando Leon de Aranoa

Fernando-Leon-de-AranoaNé 26 mai 1968,  Madrid

Espagne

Réalisateur, scénariste

Familia, Barrio, Les Lundis au Soleil, Princesas, A Perfect Day

Notes d’intention du réalisateur

Le film porte sur ceux dont la mission délicate consiste à mettre de l’ordre dans le chaos. Il raconte leurs tentatives quotidiennes pour mener une guerre à l’intérieur d’une autre – une guerre contre l’irrationnel, contre le découragement. Contre leur désir irrépressible de rentrer chez eux.
L’humour à froid est l’arme du film pour aborder les événements avec distance : piquant, âpre, décapant – désespéré aussi – tout au long du film, souvent en plein cœur de la tragédie. Sûrement parce que c’est dans ces moments qu’il est indispensable.
Le film s’attache à la routine de ceux qui travaillent là où rien n’est routinier. (suite…)
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ANOMALISA

anomalisa 3De Charlie Kaufman et Duke Johnson – Etats-Unis – 2016 – 1h30 – VOST
Avec les voix de David Themlis, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan…
Comment rendre compte du rêve américain des chefs des grandes entreprises privées et publiques : celui de façonner un homme standard, interchangeable, uniforme, solitaire et disponible pour appliquer les procédures dans la guerre économique ? Les réalisateurs ont choisi l’animation pour décrire cet homme avec humour sardonique, crudités et idées noires. Voici le col blanc désillusionné, tourmenté par le sexe, cerné par le dégoût du monde et de lui-même. Et derrière les attitudes de pure convention, l’onirisme cauchemardesque révèle les abîmes qui guettent les personnages.

Critique

Pour décrire l’homme-pantin aux normes managériales des grandes entreprises de la société néo-libérale, le choix de la technique de l’animation image par image s’avère éloquent.
Voici un homme qui paraît subir sa vie comme si elle lui était entièrement dictée. Pris dans des schémas rigides de réussite sociale et familiale, il ne se porte pas bien du tout. Il vit dans un monde uniformisé réglé par des procédures toutes faites. En déplacement professionnel, le voici dans un avion, puis dans un hôtel chic mais standard et sans âme. Il doit prêcher la bonne parole capitaliste à des commerciaux dans un congrès. Mais le cœur n’y est pas.
À la veille de la conférence, il se sent très seul dans sa chambre. Après un coup de file sans plaisir à la famille, il retrouve, au bar de l’hôtel une femme probablement séduite et abandonnée cinq ans plus tôt. C’est la cata.
Puis il rencontre deux modestes télé-vendeuses venues de loin pour assister à son intervention. Mû par une banale attirance sexuelle, il conduit l’une d’elles dans sa chambre. Alors, la capacité inattendue de cette femme à vivre et partager l’instant présent, vient infléchir le nihilisme ambiant. Le voilà embarqué dans une aventure entre coup de foudre et cauchemar.

C’est un univers où se croiseraient Michel Houellebecq et David Lynch. Le col blanc désillusionné, tourmenté par le sexe, est cerné par le dégoût du monde et de lui-même. Et puis des décrochages oniriques, absurdes, révèlent les abîmes qui guettent les personnages, derrière les attitudes et les mots de pure convention.

Charlie Kaufman écrivit d’abord cette histoire pour le théâtre. Il est célèbre pour ses scénarios dont celui d’Eternal Sunshine of the spotless mind de Michel Gondry. Avec Duke Johnson, responsable de l’animation, il trouve la forme idéale pour sa crudité, ses idées noires et son humour sardonique. Cette superbe anomalie, drôle et féroce, a reçu de nombreux éloges de la critique et a aussi obtenu l’Oscar du meilleur film d’animation.
Texte librement inspiré de la critique de Louis Guichard, Télérama.

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PEUR DE RIEN

Peur de rien 1De Danielle Arbid – France – 2h00
Avec Mana Issa, Vincent Lacoste, Paul Hami, Dominique Blanc…
Lina, jeune Libanaise de 17 ans, belle à ravir mais qui semble l’ignorer, vient étudier en France au début des années 1990. Elle vit chez sa tante et son oncle, lequel tente un soir d’abuser d’elle. Elle quitte leur maison de banlieue, quasiment sans argent. Elle trouve refuge chez une amie de l’université, décroche un emploi et en discothèque, rencontre Jean-Marc, riche homme d’affaires dont elle devient la maîtresse. Ainsi commence l’éducation sentimentale de la jeune fille, qui doit se battre pour avoir un toit au dessus de la tête et obtenir sa carte de séjour… Le film bénéficie d’une distribution enthousiasmante et sonne comme l’hommage d’une immigrée à la France . Beau geste, surtout en ces temps troublés.

 

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Steve Jobs

Steve Jobs 1De Danny Boyle – 2015 – USA – 2h – VOST
Avec Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels…
Boyle-Sorkin-Fassbender : trio magique pour un biopic hors normes. Le génial scénariste Aaron Sorkin fait de Steve Jobs (le fondateur d’Apple décédé en 2011) un de ces monstres fascinants et terribles comme le cinéma les aime. Sorkin surprend Steve Jobs à trois moments clés de sa carrière, dans trois lieux symboliques de San Francisco : en 1984, au Flint Center, il y lance son Macintosh. En 1988, il y présente son NeXT, qui ne connaîtra pas un grand succès. En 1998, au Davies Symphony Hall, il devient une légende en créant l’iMac. Sorkin trouve ici une idée, à la fois géniale et gonflée, pour raconter cet homme nombreux qu’était Jobs et dépeindre le boss visionnaire comme l’homme tyrannique. Un tourbillon de mots, de gestes et de sentiments qui tiennent en haleine de la première à l’ultime image. Le rythme et la tension sont aussi donnés par la mise en scène sobre de Danny Boyle. Enfin, Michael Fassbender livre une prestation renversante dans le rôle de Jobs et en restitue l’essentiel : l’aura, l’intelligence, la violence, l’incapacité à nouer des rapports humains simples. Un film virtuose.

En 1984, dans les coulisses du lancement de l’ordinateur Macintosh. Steve Jobs (Michael Fassbender) se prépare avant de présenter sa nouvelle création au public. La tension est palpable d’autant qu’une ancienne relation (Chrisann Brennan) vient le voir, accompagnée de sa fille Lisa. Elle lui réclame de l’argent pour élever convenablement leur enfant. Jobs refuse cette paternité. De son côté, Steve Wozniak (Seth Rogen), un ingénieur informatique, réclame un peu plus de considération pour les personnes qui ont participé au succès de l’entreprise APPLE. Jobs se dérobe à nouveau. On le retrouve quelques années plus tard pour le lancement de NeXT Computeur et surtout de l’iMac qui fera de lui le grand manitou de la compagnie – des moments « révolutionnaires » qui ont ponctué nos trente dernières années.

CRITIQUE DE TELERAMA LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 03/02/2016

Ce n’est pas une biographie hollywoodienne de plus, ce qui évite au film de verser dans l’hagiographie et l’académisme. Le génial scénariste Aaron Sorkin (il avait écrit The Social Network pour ­David Fincher) fait de Steve Jobs (le fondateur d’Apple, pour faire court, décédé le 5 octobre 2011) un de ces monstres fascinants et terribles comme le cinéma les aime, du Kane d’Orson Welles au There will be blood de Paul Thomas Anderson. Aaron Sorkin (un des plus grands scénaristes et dialoguistes américains) véritable concepteur du film (Danny Boyle , le réalisateur, n’est qu’un exécutant discret et doué – pour mémoire le réalisateur du film Slumdog Millionaire récompensé par 8 Oscars), surprend Steve Jobs à trois moments clés de sa carrière, dans trois lieux symboliques de San Francisco : en 1984 au Flint Center, il y lance son Macintosh. En 1988 il y présente son NeXT qui ne connaîtra pas un grand succès. En 1998 enfin, dans une salle de concert futuriste, le Davies Symphony Hall, il devient une légende en créant l’iMac.
On dirait presque une pièce en trois actes. Mais du théâtre jamais théâtral. Tout bouge tout le temps : de la scène où Steve Jobs, épouvantable pinailleur, enquiquine tous ses collaborateurs, on file vers les coulisses où, protégé par une assistante fidèle, Joanna Hoffman, excédée et indestructible (Kate Winslet, magnifique), il affronte — ou plutôt il efface — tous les êtres qui pourraient lui inspirer un quelconque sentiment, une impardonnable faiblesse à ses yeux. En 1984, il rejette une femme, flanquée d’une gamine prénommée Lisa dont il refuse d’être le père. En 1998, un ex-collaborateur, Steve Wozniak, lui demande de rendre hommage aux ­techniciens de son ancienne boîte. Un superbe duel verbal oppose alors Jobs, muré dans son orgueil, et Wozniak, dans son altruisme. « Tu sais qu’on peut être génial et généreux », lance-t-il à son ex-pote, qui connaît parfaitement le sens du premier adjectif, mais sûrement pas du second. Exaspéré, Wozniak finit par lâcher : « Tes projets valent mieux que toi, frérot ! », ce qui lui vaut cette réplique révélatrice : « Mais c’est le but, frérot ! ».
Même si Danny Boyle et Aaron Sorkin ne résistent pas, au dernier moment, à humaniser le personnage (Lisa, la fille rejetée, finit par regarder son bril­lant papa avec les yeux de l’amour), Steve Jobs reste jusqu’au bout un maléfique. Un égotiste. Un autolâtre effréné. Traumatisé à vie d’avoir été abandonné à sa naissance, sans doute, ce que le film évoque en passant, sans sombrer dans une psychanalyse de bazar. La grande idée, c’est d’avoir choisi Michael Fassbender pour incarner Steve Jobs. Impérial, magnétique et envoûtant, il est habité par un rôle qui est sans conteste son plus grand. Ses grands sourires francs, son charisme, son côté sexy-sympa contribuent à faire ressortir la dualité du personnage, provoquant à la fois chez ceux qu’il ne cesse d’abaisser et de blesser une haine tenace et un dévouement indéfectible. Peut-on être simultanément un mec odieux et talentueux ? Oui. Et le trio Sorkin-Boyle-Fassbender nous le prouve. Pierre Murat

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Danny Boyle

dannyboylepshopped1-3Né le 20 octobre 1956  Manchester

Angleterre

Producteur, réalisateur

Petits Meurtres entre Amis, Transpotting, Slumdog Millionaire, Steve Jobs

Entretien avec Danny Boyle (réalisateur)

À quoi avez-vous pensé à la lecture du scénario d’Aaron Sorkin. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce film ?

Je l’ai lu et je me suis dit que ce serait une folie de ne pas le faire. J’étais très impressionné, je n’avais jamais rien fait de similaire. Les défis à relever (le côté huis clos, les joutes verbales) étaient très stimulants pour moi. Le Steve Jobs qu’Aaron avait créé, qui ne correspond à l’homme que sur certains points en réalité, m’intriguait beaucoup. C’est un personnage shakespearien. Il est fascinant, brutal et attirant à la fois. J’ai imaginé tous ces gens qui tournaient en orbite autour de ce personnage qui avait une force de gravité extraordinaire. On croise parfois des individus de cette trempe dans la vie, des personnes autour desquelles les autres gravitent, dans le reflet desquelles on existe et dont on peut avoir beaucoup de mal à se défaire. Ces individus suscitent notre dévouement et ce sont des personnages fascinants à observer. Certains d’entre nous peuvent leur être totalement dévoués, d’autres les considèrent comme des monstres. Notre Steve Jobs est un monstre rendu magnifique par le verbe d’Aaron… et par deux femmes. (suite…)

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Andrew Haigh

haigNé le 7 mars 1973 à Harrogate, Yorkshire du Nord

Britannique

Réalisateur, scénariste, monteur

Week-end, 45 ans

Entretien avec Andrew Haigh (réalisateur)

Qu’est-ce qui vous a attiré dans la nouvelle et comment l’avez-vous adaptée ?

La nouvelle de David Constantine, In Another Country, est magnifiquement claire et concise, mais pour l’adapter il a fallu la développer un peu. Mis à part l’ajout de la fête d’anniversaire de mariage, le plus grand changement a été l’âge des personnages, passé d’un peu plus de 80 ans à 70 ans. Dans le livre, l’histoire se passait dans les années 1990, ce qui signifiait que l’histoire en toile de fond se déroulait pendant la Seconde Guerre mondiale. Je voulais que l’histoire de Kate et Geoff soit très actuelle. Je ne voulais pas qu’il s’agisse des choix d’une génération plus âgée, disparue, mais de choix que nous sommes tous amenés à faire. (suite…)

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Bouli Lanners

media

20 mai 1965 à Moresnet-Chapelle

Belgique

Réalisateur, scénariste, acteur

Ultranova, Eldorado, Les Géants, Les Premiers Les Derniers 

 

Les Premiers, les Derniers réunit Albert Dupontel et Bouli Lanners sous la direction de ce dernier. Pour l’occasion, AlloCiné a rencontré les deux compères pour évoquer un film pas comme les autres.

AlloCiné : Il s’agit de votre neuvième collaboration l’un avec l’autre. Comment votre rencontre sur un même plateau en 2002 s’est muée en une véritable complicité ?

BL : Le cinéma génère des rencontres très fortes, car condensées sur peu de temps, on vit des aventures très puissantes. Et même si ces amitiés se créent et qu’on ne se voit pas tout le temps, l’amitié est sincère et réelle, et perdure dans le temps. (…) Avec Albert (…) on est très différents, mais on est poussés par les mêmes choses et travailler avec lui est un plaisir. Pour moi c’était Albert ou personne pour jouer Cochise. (…) Et Albert sur le plateau était complètement au service du film. Il est metteur en scène, il aurait pu vouloir s’en mêler mais il ne l’a jamais fait. (suite…)

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CAROL

Du 4 au 9 février
Carol 4De Todd Haynes – GB/USA – 2015 – 1 h 58 – VOST
Avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler…
Carol est une femme en train de s’écrouler, elle ne tient plus que par l’artifice de son statut d’épouse et de mère, belle et mondaine. Thérèse est une jeune femme légère et insouciante, en train d’éclore, que la société des années cinquante pousse à se couler dans le moule que l’époque choisit pour elle : être une gentille épouse et une mère modèle. Quand elle croise le regard un peu froid de cette femme distinguée à la silhouette parfaite, Thérèse est subjuguée. Lorsque Carol croise le regard de cette petite vendeuse de jouets à l’allure encore juvénile, elle est fascinée par cette candeur, pas encore broyée par le poids des convenances; c’est un appel au rêve pour elle, depuis trop longtemps prisonnière d’un mariage raté.
Magistralement filmées, les deux comédiennes forment un duo troublant de sensualité et de douceur contenues. Un film somptueux.
Prix d’interprétation féminine au festival de Cannes 2015 pour Rooney Mara

Critique

Après avoir embaumé avec faste le cinéma de Douglas Sirk dans Loin du Paradis, Todd Haynes a opéré, avec I’m Not There, un retour vers l’autre versant de sa filmographie, le faux biopic. Au tombeau d’un maître, succédait ainsi la déconstruction d’une icône culturelle (Bob Dylan) en autant de numéros d’acteurs, à commencer par Cate Blanchett, dont le transformisme radical battait Christian Bale et Heath Ledger à leurs propres jeux. Les retrouvailles, huit ans plus tard, de la star australienne et du réalisateur californien dans un mélodrame plantant à nouveau sa tente dans l’Amérique corsetée des années 50 pouvaient laisser perplexe. Doutes dissipés à la découverte de Carol, qui se hisse sans mal à la cimaise d’une œuvre protéiforme et parfois excessivement maniérée, mais que la mini-série télévisée Mildred Pierce avait, il y a cinq ans déjà, mise sur la voie du néoclassicisme.

Imitation of Life

À vouloir dupliquer l’univers en Technicolor de Sirk, Loin du paradis n’en cherchait pas moins à révéler au grand jour le refoulé homosexuel de la figure de Rock Hudson, dont le succès reste indissociable de celui du cinéaste allemand exilé à Hollywood. À la littéralité du geste, se mêlait donc une part d’ironie, qu’atténuait l’interprétation, désarmante de sincérité, de Julianne Moore en épouse dévouée surprenant son mari avec un homme. Ce révisionnisme produisait l’effet d’une greffe expérimentale dont la réussite formelle s’accompagnait d’un souci constant d’ausculter le passé pour y diagnostiquer les maux du présent. À cette critique sociale qui se réclamait aussi de l’héritage politique d’un Fassbinder, Carol substitue un programme aussi modeste que concluant : chercher le cœur battant de ses deux personnages, qui n’en formeront plus qu’un le temps d’une étreinte.

Haynes est aidé dans sa quête par un scénario mûri pendant presque 15 ans par Phyllis Nagy, qui n’a retenu du livre de Patricia Highsmith dont il est adapté que l’essentiel : l’histoire d’une passion interdite, racontée à la manière d’un roman policier, du point de vue de l’une des deux « coupables ». En s’en remettant à la subjectivité de la plus jeune, Therese (Rooney Mara), qui remonte à la source de son désir comme on mène une enquête, le film fait de Carol tout à la fois une figure tutélaire, une obsession amoureuse et une femme fatale qui se dérobe à l’emprise du regard. Ce regard, la photographie en est le vecteur, grâce à un appareil qu’offre Carol à Therese pour encourager sa passion naissante, et dont celle-ci use dans un premier temps pour fixer la présence de l’être aimé (autrement dit pour en conjurer l’évanescence). Ces clichés sont autant de preuves qu’elle rassemble, mue peut-être par le pressentiment d’un départ imminent, qu’une intimité encore balbutiante ne parvient pas à chasser.

Cette disparition se produira lorsque Carol, en instance de divorce, est sommée de choisir entre la poursuite d’une liaison scandaleuse avec cette vendeuse de jouets de vingt ans sa cadette et la garde de son enfant. Haynes crève alors cette bulle fantasmatique dans laquelle une Therese transie maintenait Carol et révèle sa triviale existence de grande bourgeoise esseulée et malmenée par le puritanisme ambiant. Tandis que Loin du paradis se soumettait encore aux lois du genre mélodramatique en congédiant chez elle Julianne Moore sous un torrent de violons, la rupture au contraire s’avère pour Therese émancipatrice : elle devient photographe au New York Times, où elle fait l’apprentissage de son indépendance après celui de son désir. L’enivrante liberté d’être fidèle à soi-même ne se gagne pas seulement en fuyant un monde hostile à sa différence. De fait, la brèche ouverte par un road movie à mi-chemin du film n’empêchera nullement Carol et Therese d’être rattrapées par la suspicion de leurs contemporains. À leur retour, l’une et l’autre devront chercher, seules mais avec ténacité, la lumière dans une ville qui n’aura eu de cesse de les enténébrer.

Anges déchus

La recréation du New York désenchanté de 1952 est à cet égard saisissante. À l’optimisme à marche forcée des années Eisenhower, qui s’apprêtent à débuter, Haynes et son chef opérateur Edward Lachman opposent un espace urbain en forme de huis-clos. Les tonalités désaturées de la palette chromatique et l’image granuleuse du Super 16 mm projettent sur les deux amantes l’ombre du film noir sans que rien de la séduction et du mystère associés au genre n’en subsiste à l’écran. Les surcadrages accentuent la claustrophobie diffuse qui sourd d’intérieurs faits de passages, d’embrasures et d’enfilades de pièces semblables à de tristes dédales. Ce formalisme trouvera sa justification ultime dans le tressaillement d’un plan final, bouleversant, auquel le cinéaste nous aura minutieusement préparés : une épiphanie qui advient au beau milieu d’un restaurant, par la grâce d’une caméra subjective aux élans de transport amoureux.

Pour y croire, il fallait aussi deux interprètes à la hauteur d’un tel sentiment. Avec ses yeux fixes de poupée tout droit sortie du grand magasin où elle officie au début du récit et ses joues rosies par l’hiver new-yorkais, Rooney Mara est absolument parfaite, toute entière retranchée dans un mutisme prédateur. Ce visage encore marmoréen se veinera bientôt d’émotions qui culmineront dans une très belle scène charnelle. Mais seule une actrice d’une plasticité hors-norme pouvait faire miroiter les multiples facettes de Carol. Cate Blanchett lui prête son prodigieux talent, tout en modulant sa virtuosité proverbiale, et c’est un bonheur de la voir se risquer ainsi à la vérité de son personnage plutôt que de se livrer à une simple performance. L’alchimie de leur rencontre naît de frôlements et de regards, transactions érotiques reconduites de champ en contrechamp et dont la sensualité réchauffe chaque plan d’un feu qui brûle longtemps après la fin du générique. « No other love can warm my heart/Now that I’ve known the comfort of your arms », chante Jo Stafford dans l’un des standards retenus pour la bande originale. Entêtant refrain qui pourrait leur tenir lieu de viatique.

Damien Bonelli – Critikat

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