Né le 5 janvier 1976 à Tunis
Tunisien
réalisateur, scénariste
Hedi, un Vent de Liberté, Mon Cher Enfant
Après avoir réalisé Hedi, sélectionné à la Berlinale il y a deux ans, le cinéaste présente son deuxième long métrage dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.
Comment résumez-vous « Mon cher enfant » en quelques mots ?
C’est l’histoire de Riadh qui s’est tout le temps défini au travers de son travail en tant que cariste au port de Tunis, et surtout au travers de son fils qui prépare son bac. Riadh part d’abord à la retraite, puis son fils disparaît. Cela trouble sa perception simpliste de la vie et le pousse à s’interroger sur lui-même.
Un lien, une continuité avec Hedi ?
Mis à part le traitement réaliste des rapports humains, je crois que certaines questions sont récurrentes comme la pression sociale et le conformisme. Ce qui m’intéresse aussi, c’est ce paradoxe entre notre incapacité à vivre ensemble et notre peur de la solitude.
D’où est venue cette idée de couple, de ce fils qui part ?
Tout d’abord, il y a eu cette envie de parler de ces jeunes qui choisissent la radicalité comme dernier recours, mais je me suis très vite rendu compte que mon vrai sujet était la vie de Riadh, son travail, son couple et bien entendu sa paternité.
Avez-vous écrit le scénario vous-même ?
J’ai entamé l’écriture pendant la postproduction de Hedi. Je ne peux pas dire que ce fut long puisque très vite j’ai compris ce que je voulais faire, et surtout ce que je ne voulais pas faire. Dès le départ, avec ma productrice, Dora Bouchoucha, nous savions que nous n’allions pas faire un exposé sur ces départs ni essayer d’en diagnostiquer les raisons mais plutôt de coller à ce père en soulevant des questions à travers son point de vue.
Ce fut un projet long à monter ?
Le montage financier a été plutôt facile à réaliser. Les bailleurs de fonds nous ont refait confiance et c’est ce qui nous a permis de mettre en boîte Mon cher enfant à peine deux ans après la sortie de Hedi. Je ne connais pas exactement les chiffres mais ça doit tourner autour de 1,1 M€. C’est la deuxième fois que nous travaillons avec Les Films du Fleuve. Notre rencontre date de mon premier film et bien sûr nous sommes très heureux de prolonger cette collaboration.
Comment avez vous trouvé et choisi vos acteurs ?
Je n’avais pas de critère particulier, mise à part la proximité avec le personnage. Il est vrai que j’ai pris l’habitude de travailler avec des non-professionnels. Ce n’est pas quelque chose d’handicapant, bien au contraire. Mais sur ce film, nous ne voulions pas nous priver d’un éventuel acteur connu. Nous avons donc fait pas mal de castings et rencontré beaucoup d’acteurs pour finalement revenir à notre premier candidat, Mohamed Dhrif. Pour le fils, Zakaria a participé à quelques pubs et Mouna, qui joue la mère, se trouve être la mère de Majd Mastoura, l’acteur principal de Hedi.
Avez-vous voulu tourner dans des décors spécifiques ?
Nous avons tourné dans des décors naturels et la résidence à Rades était prévue dès l’écriture. Elle est située en banlieue sud et a cette particularité d’être nichée au milieu de la forêt de Rades avec ce semblant de tranquillité, mais une tranquillité un peu suspecte, voire étouffante. Sinon, nous avons aussi tenu à tourner à Istanbul bien que cela ait été stressant et que l’autorisation fut difficile à obtenir. Une fois ce problème administratif réglé, ce fut un pur bonheur de tourner dans cette magnifique ville.
Aviez-vous des envies de mise en scène, des besoins précis ?
Encore plus que sur Hedi, je voulais une mise en scène réaliste qui s’effacerait presque face aux situations dramatiques. Le film est dense et grave de par le sujet traité. Nous voulions une caméra pudique et au service de l’histoire. En travaillant sur le découpage avec mon chef opérateur, le principe des plans-séquences s’est imposé automatiquement. Sans pour autant forcer dans l’exercice de style, ce parti pris rendait justice aux comédiens et à l’histoire sans appuyer quoi que ce soit.
À l’arrivée le film est-il semblable à celui que vous aviez en tête en l’écrivant ?
En ce moment, je finalise la postproduction (L’interview a été effectué début mai, Ndlr), donc il m’est un peu difficile de m’en rendre vraiment compte. Ce que je peux dire, c’est que depuis le début, je voulais dépasser le premier sujet du film (le départ du fils) pour parler de choses plus proches de nous (le couple, le travail, la solitude). Sur ce point, je crois que le film raconte cela, sans trahir pour autant la vérité de ces personnages.
Cette sélection à la Quinzaine revêt un sens particulier pour vous ?
Je suis cinéphile et je sais ce que cela représente de montrer son film dans cette section. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai hâte d’être dans cette salle et de partager ce moment avec ce premier public.
Recueilli par Patrice Carré le 13/05/2018 pour Le Film Français