Né le 8 mars 1978 à Mendoza ( Argentine )
Chilien
Réalisateur, scénariste, producteur
Une Femme Fantastique
Extrait de l’entretien avec Sebastián Lelio, réalisateur*
Quel est le sujet du film ?
GLORIA BELL parle d’une femme d’un certain âge et, d’une certaine manière, on pourrait croire qu’elle ne «mérite» pas qu’on lui consacre un film. Mais le film ne cesse de lui dire «Vous méritez un film ! Vous êtes un film !» Du coup, GLORIA BELL s’apparente à une lettre d’amour adressée à la protagoniste mais il s’agit aussi d’une étude psychologique si bien qu’on perçoit sa part d’ombre et de lumière.
Y a-t-il une filiation entre GLORIA, que vous avez tourné en 2013, et GLORIA BELL ?
J’ai bien entendu tourné GLORIA sans me douter que j’allais en réaliser une nouvelle version cinq ans plus tard. Avec le recul, j’ai aujourd’hui l’impression qu’en 2013, GLORIA était un peu en avance sur son temps et qu’il préfigurait, en quelque sorte, la place centrale des femmes dans notre société. Et j’ai le sentiment que cette nouvelle version est totalement ancrée dans son époque parce que nous avons eu cinq ans de débats et que l’aspiration des femmes d’un certain âge à être entendues, vues et respectées – et leur revendication à jouir de la vie – a soudain un caractère d’urgence.
Parlez-moi de John Turturro, qui campe Arnold, et de sa relation avec Gloria.
Je dirais que GLORIA BELL est l’histoire d’une femme d’un certain âge en quête de sens ou d’amour en dehors d’elle et qui, à la fin de son périple, est prête à fouiller en elle-même. Du coup, au début, on la voit danser en observant les hommes autour d’elle, et à la fin, elle danse dans un tout autre lieu, seule. Cette évolution résume la simplicité et la complexité de sa trajectoire. Au cours de sa quête, elle rencontre Arnold, ils se plaisent et il y a quelque chose chez lui qui la touche profondément. J’adore l’alchimie qui se produit entre ces deux comédiens.
Cette étincelle qu’on remarque quand ils dansent ou qu’ils passent un bon moment. Arnold écoute Gloria avec attention, il semble sincèrement s’attacher à elle et de toute évidence il commence à éprouver des sentiments à son égard. Ils se rapprochent mais il y a des choses qu’il ne dévoile pas et qui paraissent liées à son passé. Peu à peu, ce passé ressurgit. Et lorsque ce passé le rattrape, Gloria est dévastée et doit trouver le moyen de se relever une fois encore. J’étais franchement emballé par la perspective que John campe Arnold, d’autant que c’était un choix inattendu et qu’ils allaient se donner la réplique pour la première fois au cinéma.
Quels sentiments animent Arnold à l’égard de Gloria ?
Je crois qu’il tombe sincèrement amoureux d’elle, mais il a des problèmes et il n’a pas tous les outils à sa disposition pour «gérer» son ex-femme et ses filles, et pour s’affranchir de ce passé qui le hante. Dans le même temps, il fait vraiment de son mieux pour s’en sortir et c’est ce que j’aime chez lui. Et Gloria est une femme trop forte pour lui ! (rires) Elle l’écrase un peu… Mais il tente de faire de son mieux, et c’est assez admirable, même si vers la fin il ne fait pas forcément les bons choix.
Parlons de la musique qui, évidemment, fait partie intégrante du film.
Dans les deux films, la passion de Gloria pour la musique est centrale. Trouver les chansons correspondant à chaque scène est un aspect de la réalisation que j’adore. Pour moi, GLORIA BELL est un musical (une comédie musicale) non assumé ! L’intrigue progresse au rythme de morceaux de musique et de chansons, un peu comme dans un musical. C’est un peu comme si les chansons qu’entonne Gloria et sur lesquelles elle danse révélaient d’autres aspects de sa trajectoire. Les paroles des chansons et les émotions qu’elles véhiculent font écho à son tumulte intérieur.
*Entretien issu du dossier de presse