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Mario Martone ( Nostalgia )

Né le 2à novembre 1959 à Naples

Italie

Réalisateur, scénariste, metteur en scène de théâtre et d’opéra

Mort d’un Mathématicien Napolitain, Nostalgia

Entretien avec Mario Martone, réalisateur

Quelle différence y a-t-il entre être Italien et être Napolitain ? 

Être Napolitain, c’est une façon particulière d’être Italien. Notre ville est restée la même depuis la Grèce antique. Naples est une ville dans laquelle il y a une sorte d’abandon, un désenchantement qui peut subitement se retourner, se renverser, pour devenir un enchantement. À Naples, chanter, jouer, être comédien, c’est naturel. (suite…)

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Les 8 Montagnes

LES HUIT MONTAGNES

                                                                          

Film de Felix Van Groenningen, Charlotte Vandermeersch, Italie/Belgique/France – 2h30

Avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Filippo Timi.

Depuis La Merditude des choses et Alabama Monroe, on sait que Felix Van Groeningen n’a peur de rien. En tout cas ni du mélo, ni du trop-plein. Nouvelle preuve avec ce Huit montagnes, co-réalisé avec sa femme Charlotte Vandermeersch. Adapté du roman de Paolo Cognetti, le film suit de l’enfance à l’âge adulte Pietro, l’enfant solitaire de la ville, et Bruno, le gamin farou­che de l’alpage. Récit d’initiation mélancolique, Les 8 montagnes raconte leur histoire d’amitié et la manière dont ces deux copains grandissent, se construisent et s’éloignent pour mieux se retrouver. Bruno reste sur les lieux de sa naissance, se marie, devient père et monte son entreprise. Pietro, lui, cherche des réponses dans l’exil. Il erre, pose son sac au Népal, sans parvenir à s’enraciner… Tout quitter pour se (re)trouver ou s’ancrer pour se construire ? La chronique existentielle flirte (parfois) avec les leçons de vie et les maximes de développement personnel, mais comme toujours chez Groeningen il s’agit de nous embarquer dans des montagnes russes émotionnelles. Et l’émotion est là. Souvent inattendue. Pris à bras-le-corps dans une histoire intense, parfois violente, le spectateur suit les héros entre désenchantement et lyrisme. Incroyablement filmé (les montagnes occupent tout l’espace du cadre carré), incroyablement incarné (est-ce qu’un jour Lucas Marinelli, l’interprète de Pietro, aura le succès qu’il mérite ?), le film produit des vibrations intimes puissantes et impressionne par sa maestria visuelle et sa manière de mettre l’homme face à lui-même, entre doute, renoncement et espoir émerveillé. Ce film a été tourné dans le Val d’Aoste (Italie).

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Nostalgia

Italie: 2022/ 1H57

Réalisé par Mario Martone

Avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco di Leva

 

Mario Martone est napolitain avant tout, et son film se passe intégralement à Naples, en grande partie dans un de ses quartiers, La Sanita, quartier populaire mythique fait de ruelles en pentes, d’immeubles décatis creusés à même la roche, et arpenté encore aujourd’hui par les sbires de la mafia locale.

«La connaissance est dans la nostalgie. Qui ne s’est pas perdu ne possède pas. Pasolini.

Homme d’affaires expatrié, passé par le Liban et l’Afrique du Sud, désormais basé au Caire, Felice Lasco revient à Naples, la ville où il a grandi, dans le quartier labyrinthique de la Sanità. Il y retrouve sa mère, les rues de son enfance et décide de renouer avec ce lieu dont il a été absent trop longtemps. Où il va devoir composer avec la nouvelle donne locale, toute en vives tensions mafieuses, et faire l’inventaire de vieux souvenirs liés à son ancien meilleur ami, Oreste Spasiano, cause de son départ quarante ans plus tôt et aujourd’hui à la tête d’une tentaculaire organisation criminelle.

Nostalgia réussit toutefois à taper terriblement juste lorsqu’il aborde son sujet central, qui est moins la nostalgie que le déracinement. Exprimé avec finesse et une étonnante économie de moyens par le personnage de Felice (Pierfrancesco Favino, excellent, on a l’habitude), nœud d’opiniâtreté, de rêves et de contradictions impossible à délier. Qui ne peut revenir à la raison alors que tout indique que la seule voie sensée est de refaire ses valises pour retrouver son épouse au Caire. Qui vit au passé mais repousse indéfiniment son départ pour s’inventer à tout prix un présent dans un lieu qu’il habite mais où il n’existe jamais vraiment.

Le  film est tiré d’un roman, Nostalgia, écrit par Ermanno Rea, sorti juste après sa mort en 2016. Il met en scène outre notre héros Felice,  un prêtre énergique en lutte contre la Camorra. Prêtre inspiré par le personnage réel de Don Antonio Loffredo, curé de la paroisse de Santa Maria della Sanità, ( qu’on retrouve dans le film ), et qui a lutté en proposant une alternative de culture et de sport aux jeunes du quartier. Ermanno Rea journaliste et homme engagé, esprit critique y compris vis-à-vis de ses propres idéaux, témoin des mutations de la société italienne, a toujours porté un discours de combat et d’utopie.

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La Femme de Tchaikovsky

Un film de  Kirill Serebrennikov

Avec : Aliona Mikhaïlova, Odin Biron…

Russie – 2h23 – VOST

 

  Plus qu’une simple reconstitution historique en costumes, mieux qu’un énième biopic compassé consacrant le génie du compositeur, La Femme de Tchaïkovski est un extraordinaire poème halluciné, baroque, sombre, virtuose, qui tour à tour enflamme et désarçonne, grise le spectateur d’images, d’émotion et de mise en scène, et ne se laisse abandonner qu’à regret, à bout de souffle après presque deux heures et demie de folie visuelle d’une rare puissance. 

 Ce pourrait être une variation sur l’éternelle histoire chère à Victor Hugo d’« un ver de terre amoureux d’une étoile ». Mais si Tchaïkovski brille assurément au firmament de la musique russe de son temps, Antonina Miliukova n’est cependant pas, au commencement du moins, du genre à ramper devant l’objet de son adoration. Jeune femme de tête et de bonne famille, elle est plutôt du genre volontaire, persévérante et obstinée sinon têtue. Convaincue avant même de l’avoir vécue de la passion qu’elle pense éprouver pour le compositeur, elle s’y donne tout entière comme elle entrerait en religion orthodoxe – avec méthode et fermeté, jusqu’aux frontières de l’érotomanie. Contre vents, marées, conseils amicaux et avisés, contre toute raison, alors que l’homme est notoirement homosexuel – il ne s’en cache du reste pas –, Antonina force les portes, l’amour et le destin. Et, contre la promesse d’une dot qui sauverait le musicien, toujours en recherche de prébendes pour assurer son train de vie, elle parvient à devenir officiellement et pour l’état civil Madame Tchaïkovski. Mais l’union tourne rapidement au cauchemar et plus le mari la fuit, la rejette, protégé par sa famille, par ses amis et ses amants, plus la malheureuse s’acharne à être reconnue comme son épouse légitime et tente de lui imposer une vie de famille qui lui fait horreur.

Que ce soit de son vivant, du temps de l’URSS ou plus près de nous sous la férule de Vladimir Poutine, il n’était, il n’est toujours pas question de valider la « fable » entretenue par l’occident dépravé, la « théorie sans fondements » de l’homosexualité de Tchaïkovski, tout simplement « un monsieur solitaire qui n’a pas réussi à trouver la bonne personne. Le paria Serebrennikov aura mis à profit sa longue assignation à résidence à Moscou pour peaufiner son scénario, le faire radicalement dériver vers la figure aussi effrayante que bouleversante d’Antonina Miliukova, et livrer, presque dix ans après sa première ébauche, un film sublime, tourmenté, à la mise en scène fiévreuse et éblouissante, qui se double, du fait de l’histoire de sa gestation et de la part du réalisateur russe vivant désormais en exil, d’une puissante charge politique.

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PROGRAMMATION JANVIER FEVRIER 2023

NOSTALGIA
Du 26 au 31 Janvier

NOSTALGIA 

Du 26 au 31 Janvier

De Mario Martone – Italie – 2022 -1H57-VOST 

Avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco Di Leva 

Felice est de retour à Naples après 40 ans d’absence et une brillante carrière menée à l’étranger. Il retrouve sa mère qui vit ses derniers jours, et surtout sa ville, et son quartier de la Sanita, siège de la Camorra. Le film invite son public à une déambulation et à se perdre dans les ruelles de Naples, mais aussi dans les souvenirs à la fois heureux et douloureux de Felice. Au fur et à mesure que l’on remonte dans ses souvenirs, la balade mélancolique laisse place au mystère et à la tension. Pierfrancesco Favino joue à merveille cet homme tourmenté par un trop lourd passé et obsédé par son besoin de rédemption. Le sujet est moins la nostalgie que le déracinement, exprimé avec finesse par le personnage de Felice, noeud d’opiniâtreté, de rêves et de contradictions impossible à délier. Mario Martone signe une nouvelle ode à Naples.

https://cinecimes.fr/mario-martone-nostalgia/

 

Du 26 Janvier au 31 Janvier

HUIT MONTAGNES 

Du 26 au 31 Janvier

De Felix Van Groeningen, Charlotte Vandermeersch – Italie/Belgique/France – 2h27 – VOST 

Avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Filippo Timi 

Pietro est un garçon de la ville, Bruno est le dernier enfant à vivre dans un village oublié du Val d’Aoste. Ils se lient d’amitié dans ce coin caché des Alpes qui leur tient lieu de royaume. La vie les éloigne sans pouvoir les séparer complètement. Alors que Bruno reste fidèle à sa montagne, Pietro parcourt le monde. Cette traversée leur fera connaître l’amour et la perte, leurs origines et leurs destinées, mais surtout une amitié à la vie à la mort. 

Ce film a reçu le Prix du Jury de Cannes 2022. 

 

Du 2 au 7 Février

GODLAND 

Du 2 au 7 Février

De Hlynur Palmason-Danemark/Islande/France/Suède-2022-2h23 

Avec Elliott Crosset Hove, Victoria Carmen Sonne, Ida Mekkin Hlynsdottir… 

Fin du XIXème siècle. Lucas, jeune prêtre danois, est envoyé en Islande pour y construire une église et photographier la population autochtone. Il va devoir braver un océan agité, traverser le pays à dos de cheval, cohabiter avec une équipe d’hommes revêches et méprisants. Son voyage évangélique se transforme en chemin de croix. Le choc linguistique se double d’un conflit spirituel. Lente désintégration morale d’un homme de foi poussé dans ses retranchements et confronté à un environnement primitif, Lucas s’avère être incapable d’être à la hauteur, et sombre spirituellement. Film-fresque d’une grande beauté plastique, et puissance de paysages archaïques au gré du temps implacable qui s’écoule… 

https://cinecimes.fr/hynur-palmason-godland/

 

Du 9 au 14 Février

VIVRE 

Du 9 au 14 Février

De olivier Hermanus – grande-Bretagne – 1h42 

Avec Bill Nighy, Aimée Lou Wood, Alex Sharp… 

Kazuo Ishiguro, Prix Nobel de littérature scénarise VIVRE, le grand classique d’Akira Kurosawa et met en parallèle les sociétés japonaises et britanniques, l’idée d’un ordonnancement social strict qui étoufferait l’individu. C’est le magnifique portrait d’un petit bureaucrate aux rêves éteints qui, apprenant qu’il souffre d’un mal incurable, se lance dans la construction d’un jardin d’enfants, projet qui pourrait donner sens aux quelques mois qui lui restent à vivre. En compagnie du réalisateur Olivier Hermanus, illustrateur doué, il recrée le monde de son enfance. Bill Nighy né en 1949, qui a connu ce monde dans son enfance, livre une impressionnante prestation minimaliste, minérale, à rebours de ses facéties habituelles de baby-boomer rock’n’roll . Une leçon d’humanisme et d’élégance. 

https://cinecimes.fr/vivre-oliver-hermanus/

 

Du 16 au 21 Février

PAR COEURS

Du 16 au 21 Février 

De Benoit Jacquot France 2022 1H16 

Avec Fabrice Lucchini, Isabelle Huppert 

« Un texte, il faut le savoir plus que par coeur » martelait Jeanne Moreau. Indéniablement, Par coeurs, le nouveau film de Benoît Jacquot traduit la fascination du réalisateur pour cette relation particulière entre un acteur et son texte : il invite le spectateur à un moment suspendu, dans lequel deux amoureux, maîtres de leur art se livrent à ce qu’ils savent faire de mieux : caresser les mots de la passion qu’ils ont pour eux. Avec beaucoup de générosité, Isabelle Huppert et Fabrice Lucchini ouvrent ces portes presque sacrées : l’une a l’élégance de la précision, l’autre l’exubérance de la passion…. 

https://cinecimes.fr/benoit-jacquot-par-coeurs/

 

Du 23 au 28 Février

LA FEMME DE TCHAÏKOVSKI 

Du 23 au 28 Février

De Kirill Serebrennikov – Russie – 2h26 – VOST 

Avec Odin Lund Biron, Alyona Mikhailova… 

Le film est une oeuvre au noir, terrible et splendide, en même temps que la révélation d’une histoire méconnue : l’amour fou et non partagé qu’éprouva Antonina Tchaïkovski pour son mari pendant des décennies, de leur première rencontre jusqu’à la mort de l’illustre compositeur, et même au-delà. Antonina est méprisée en tant que femme dans une époque et une société patriarcale, mais sa puissance tient à la force de son désir pour Tchaïkovski ; un désir nourri d’admiration et violemment sexuel.

En compétition à Cannes 2022

https://cinecimes.fr/kirill-serebrennikov/

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Ali Asgari ( Juste une nuit )

Réalisateur, scénariste, assistant réalisateur iranien.  Passé par la Cinéfondation (la pépinière de jeunes cinéastes initiée par le Festival de Cannes), sélectionné sur la Croisette avec ses courts métrages, Ali Asgari présente son deuxième long métrage, Juste une nuit, l’histoire d’une fille-mère iranienne que personne n’ose aider.

Le réalisateur explique comment il a dû composer avec la censure imposée par le pouvoir en place.

Votre film montre la vie en Iran en faisant passer une tension permanente : imaginiez-vous en le tournant que cette tension pourrait éclater, comme on le voit avec les manifestations depuis la mi-septembre ?
La situation actuelle est le résultat de ce que nous vivons depuis de nombreuses années en Iran. Tout a commencé à changer avec l’arrivée d’Internet. La possibilité d’avoir accès à de l’information sur ce qui se passe dans le monde a transformé les gens, surtout les jeunes. (suite…)

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Albert Serra ( Pacifiction )

Né le 9 octobre 1975 à Banyoles Catalogne

Espagne

Réalisateur

Honor de Cavalleria, Le Chant de Oiseaux, La Mort de Louis XIV, Liberté, Pacifiction

Film d’espionnage planant et décalé, Pacifiction est l’un des sommets de l’année.   Nous avons rencontré le cinéaste l’espagnol Albert Serra dont le long métrage  a fait un passage remarqué en compétition à Cannes.

Lorsque nous avions échangé au moment de votre précédent film, Liberté, vous disiez avoir souhaité confronter le film historique à quelque chose de plus trash et contemporain. Après plusieurs films historiques, Pacifiction est justement votre premier film situé dans le monde contemporain. C’est la suite logique de la même démarche ?

Je pense, oui, c’est cohérent. Dans Liberté, le côté contemporain venait surtout de l’atmosphère, du coté mental des personnages. Pacifiction est au contraire complètement ancré dans le contemporain avec sa petite intuition, sa petite observation sur l’humain. Mais le film est fait d’une façon assez bizarre dans le sens où le côté social des problématiques abordées par le scénario est délibérément absent des images du film. Le film parle d’une tension post-coloniale forte, un jeu de pouvoirs cachés, (suite…)

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Juste une nuit

JUSTE UNE NUIT

de Ali ASGARI,

IRAN (1h26)

Une étudiante se heurte au mur d’une société cadenassée par un patriarcat omnipotent et cruel. Tourné en 2021, ce film résonne avec l’actualité iranienne qui est arrivée à un point de rupture.

C’est le récit d’une fiction ancrée dans la réalité, celle d’une journée infernale à Téhérant pour une fille-mère : ses parents annoncent leur visite alors qu’elle leur a caché l’existence de son bébé. Elle doit alors trouver un endroit où son bébé pourra passer la nuit. Sont contactés une voisine de palier, puis un ami du quartier, puis une femme habitant plus loin dans la ville : au fil des refus, le film explore la société iranienne.

Dans un style proche du cinéma simple et percutant des frères Dardenne, le réalisateur suit son héroïne dans une quête sans issue qui la ramène continuellement à sa condition de femme condamnable, parce que mère mais pas mariée, qu’il serait dangereux d’aider. Derrière chaque personne sollicitée, un pouvoir répressif est à l’affût. Derrière chaque femme sensible à la situation de l’enfant trimbalé partout, une autorité masculine impose sa loi. Feresthteh en fait directement l’expérience dans une clinique où, après avoir eu affaire à une infirmière compréhensive, elle doit affronter le chef de service, de la pire façon…

Eclairant et courageux, le film trouve dans le récit de cette journée matière à une fable politique.

D’après Frédéric Strauss, Télérama

[Des] inventions scénaristiques subtiles, [des] petits contrepoints comiques bienvenus, et une fine analyse d’une société patriarcale liberticide qui impose sa loi aux femmes […]. Positif

Pendant que des femmes et des hommes se font massacrer par les autorités iraniennes, Ali Asgari offre un petit miracle de cinéma, empreint de combativité et de dignité.  a-Voir- aLire.com

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PACIFICTION-TOURMENT SUR LES ILES

PACIFICTION – TOURMENT SUR LES ILES.
De : Albert Serra – Espagne – 2022 – 2h45.

   Avec Benoit Magimel, Pahoa Mahagafanau, Marc Susini, Montse Triola                                                      

Après la comédie d’aventures « Jack Mimoun et les secrets de Val Verde », Benoit Magimel, sous le sunlight des tropiques, entre dans le cinéma poétique d’Albert Serra. Deux films aux antipodes. Le comédien brille aussi dans l’envoûtant et étrange « Pacifiction – Tourment sur les îles», tourné à TAHITI. L’un des plus grands films du dernier Festival de Cannes.

Les films de l’Espagnol Albert Serra s’inscrivent dans des moments d’entre-deux : qu’il s’agisse de crépuscule ou d’aurore, le temps d’apparence suspendu est compté. D’où cette sensation de flottement permanent, d’incertitude. Tenter de fixer quelque chose qui, par essence, s’apprête à disparaître, c’est refuser la mort  Pour exister, la mise en scène se cherche tout de même un point d’appui sur lequel personnifier les « tourments » du récit. Ce long métrage, présenté en compétition au Festival de Cannes, avance dans une atmosphère mouvante et étrange à la lisière des genres : thriller politique, conte fantastique, comédie dramatique, sans s’y arrêter tout à fait. A chaque fois, Magimel y est omniprésent et omniscient.  L’acteur a embarqué dans un voyage dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas fourni avec une carte routière pour se guider. Un voyage où il était l’un des seuls comédiens professionnels. S’il fallait trouver une lignée à son personnage de Pacifiction, on évoquerait les héros de Conrad, Melville ou Stevenson. Hommes échoués au milieu du tumulte, en équilibre instable sur un fil perdu. 

Voici revenu le temps des colonies. Ou à peu près. Avec un charisme impérial, Magimel, costard blanc de dandy exilé, chemise colorée, verres fumés de star inquiète, joue avec roublardise un haut-commissaire de la République basé à TAHITI. Il flatte l’autochtone d’un paternalisme anachronique. Il cherche la bonne mesure et, surtout, la bonne figure à adopter pour rassurer une population qui soupçonne une reprise possible des essais nucléaires dans la région. Tantôt hâbleur, tantôt mutique, l’homme s’adapte, divague. Minaude aussi. Magimel marche ici sur des flots d’intranquillité. L’incertitude vient du dehors. Que sait au juste notre haut-commissaire ? Sûrement pas grand-chose, mais son égo, même entamé, l’oblige à entretenir un certain mystère. Albert Serra observe cet homme et ce monde, en suspens. En fait d’observation, le cinéaste pénètre littéralement son âme et contamine les sens du spectateur. C’est de la poésie pure, du romantisme noir et baroudeur, où le grotesque qui affleure désamorce toute pesanteur. Du cinéma moderne qui déjoue les figures imposées des scénarios illustrés. Immense comme son acteur principal. L’électricité que Magimel  met dans chaque rôle porte à une certaine incandescence.

Les spectateurs vont voir le prochain Magimel comme, à l’époque, ils allaient voir un Ventura…Trente-quatre ans de métier. Variation des plaisirs. Avec lui, tout le temps, ça pose quelqu’un. On ne va pas s’étonner de le voir là, aujourd’hui, enchainer les compositions sans jamais répéter la même note : mélo, drame, burlesque, aventure, thriller… Le grand écart le maintien en équilibre.  Et voilà l’acteur habillé en monument du cinéma français avec ses multiples décorations en bandoulière (prix d’interprétation cannois, deux César, des titres de chevalier et d‘officier de l’ordre des Arts et des Lettres…).  

D’après les critiques de PREMIERE 

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STELLA EST AMOUREUSE

En 2008, Sylvie Verheyde réalisait son troisième long-métrage, Stella, beau portrait autobiographique d’une collégienne qui traîne son enfance dans le bistrot de ses parents, en banlieue parisienne. Stella a grandi, est en Terminale, on est en 1985. La jeune fille confie ses nuits aux Bains Douches, une boîte de nuit parisienne, où elle rencontre un garçon qui lui fait tourner la tête. De quoi oublier ce qu’il se passe à la maison : son père (Benjamin Biolay) parti avec une jeunette, le désespoir nicotiné de la mère (Marina Foïs), obligée de revendre le bistrot et, bientôt, la différence de classe qui creuse l’incompréhension entre copines.

 Avec beaucoup d’intelligence, la cinéaste évite tous les poncifs du film sur la fête (addiction à l’alcool et aux drogues) pour ne garder que la vitalité du sentiment de son héroïne et l’irrésistible ivresse que procure la vie nocturne. Et si le film parle d’amour, c’est pour mieux raconter l’émancipation de Stella qui, bien qu’amoureuse, n’en perd pas totalement sa lucidité ni son indépendance.

De cette trajectoire surgit une ambition pas si commune au cinéma, et encore moins lorsqu’il est raconté du point de vue d’une femme : montrer le désir comme une force libératrice et non comme une cage autodestructrice vivant aux dépens du regard masculin.

Magnifiquement interprétée par Flavie Delangle, gamine le jour et femme fatale la nuit, Stella a le redoutable âge des possibles, celui des choix et des désirs multiples, des découvertes et des déceptions, celui des premières fois, surtout… 

Le film sera cette attente, cette patience de vivre, à l’école, chez elle, par contraste avec l’intensité répétitive des nuits en boîte, au contact des mondes étanches qu’elle seule traverse, transfuge social, avec sa quête égarée de jeune fille : se sentir vivante, en se sentant amoureuse, accéder à l’anonymat d’une danse où tout devient possible.

Stella n’a pas accès à la parole, «donnée culturelle». Ce qu’elle ignore, elle préfère le taire. Cela explique et justifie l’emploi de sa voix intérieure, cette parole off qui est aussi celle de l’écriture, du récit de soi, qui lui ouvre la voie à l’expression de ce qu’elle ne dit pas, ne sait dire, en se laissant porter.

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