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L’île rouge

L’Ile Rouge

Un film de Robin Campillo – France – 1H 56 – 2023

Avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Guttierrez, Charlie Vauselle, Sophie Guillemin

 

Bienvenue au paradis : Madagascar entre 1970 et 1972, sur la base militaire 181. La république malgache est indépendante depuis 1960 mais le père de Thomas, sous-officier, et ses collègues militaires sont toujours là, pour imposer encore un peu la présence française dans l’océan indien. Drôle de présence, joyeuse pour eux, mais déjà spectrale, le début de la fin des colonies. Un déjeuner dans le jardin entre amis : Colette, la mère, s’affaire autour de la table, planant un peu au-dessus du machisme ordinaire de son mari. Un autre jour ou plutôt un soir, ces couples que les circonstances coloniales poussent à une intimité presque forcée, danseront. A travers la vitre dépolie de la porte du salon, le petit Thomas, qui ne dort pas, ne perd pas une miette de ces silhouettes floues qui ondulent dans une couleur ocre. On pourrait ainsi décrire chaque scène, tenter d’en reproduire la matière romanesque, la teinte si précise de nostalgie, car « L’Ile Rouge » n’avance pas à la manière d’une narration classique : le film procède par écho, par analogie sensorielle. Robin Campillo use de la mise en scène comme d’un filtre magique : il trouve la texture exacte du souvenir, ses particules, sa vibration. Et le moindre petit gravier sous le talon des femmes bien habillées qui entrent dans le mess des officiers devient une image absolue de cinéma. La violence coloniale ou masculiniste est partout, derrière chaque paysage de rêve. Même s’il ne la comprend pas, le petit Thomas l’enregistre, à la manière d’un sismographe. Dans le rôle de la mère Nadia Tereszkiewiczest littéralement fascinante : mère au foyer en tee-shirt éponge des années 70, présente mais déjà loin, regard azur qui semble tout comprendre de la bêtise des hommes.

Avec ce film proustien, le réalisateur de « 120 Battements par Minute » livre une magnétique et universelle histoire d’émancipation. Un récit initiatique des plus délicats sur la naissance d’un œil de cinéma, le sien bien sûr… « le film est largement autobiographique » confie le réalisateur Robin Campillo.

Lire aussi : https://cinecimes.fr/robin-campillo-lile-rouge/

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Chien de la Casse

CHIEN DE LA CASSE

Film français de Jean-Baptiste DURAND-2023-1h33

Avec Anthony Bajon, Raphaël Quenard, Galatea Bellugi, Bernard Blancan…

Dog et Mirales… Leurs surnoms n’ont rien d’innocent… Dog, c’est Damien (Anthony Bajon), taiseux et timide. Mirales, c’est Antoine (Raphaël Quenard), tchatcheur et hâbleur. Ils sont amis d’enfance. Ils ont trente ans ou presque et vivotent dans un petit village endormi du sud de la France dans l’Hérault. Dog tue le temps en jouant à la console vidéo. Mirales ne fait rien de son CAP de cuisine. Il deale des barrettes de cannabis, et se promène avec son chien Malabar. Il vit avec sa mère dépressive. Dog et Mirales zonent ensemble, traînant le soir sur la place du village avec une bande de désoeuvrés comme eux. Aux Etats-Unis on les appelle des underdogs, des moins que chien… Les rues sont vides, les volets fermés, l’ennui, partout… Apparemment soudés depuis l’enfance, les deux amis cultivent une relation forte mais tordue. Mirales n’aime rien tant que chambrer son pote Dog, franchissant plus souvent qu’à son tour la limite de l’humiliation publique et du sadisme caractérisé. Lequel bien nommé Dog, d’une fidélité à toute épreuve, se laisse faire la plupart du temps, regardant dans le vague ou ses chaussures, s’excusant presque d’exister, quand l’autre, à tour de bras, le houspille et lui fait la leçon. Amitié indéfectible et profonde mais pas toujours bienveillante, nourrie de tout ce que la fraternité peut receler d’ambivalence. Ils voudraient être des hommes mais sont encore coincés dans une sorte d’adolescence, pour l’un dans un idéal absolu et orgueilleux, pour l’autre dans la torpeur caractéristique de cette période. Arrive dans ce petit village où l’ennui règne en maître, Elsa, jeune fille dont Dog va tomber amoureux… Cette venue dans la vie de Dog va mettre au grand jour le rapport de force constant dans lequel ils sont enfermés. Se rejoue alors entre eux une petite dialectique du maître et de l’esclave où on ne sait plus exactement qui a le plus besoin de l’autre pour exister, même si l’on voit parfaitement qui domine qui.

Servi par un duo d’acteurs époustouflants, le film est rythmé par des dialogues au cordeau où l’humour et les traits d’esprit fusent, bouffées d’air lumineuses et salutaires. Dans ce premier long-métrage, Jean-Baptiste DURAND suit la relation forte de ces deux underdogs de la France périurbaine troublés par cette jeune fille, où le verbe martyrise ou colore le monde de toute sa force, à l’image des lumières multiples qui composent le film dans ses contrastes forts et sa vive alternance

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Brighton 4Th

De Levan Koguashvili

Par Boris Frumin

Avec Levan Tedaishvili, Giorgi Tabidze, Nadia Mikhalkova

« Brighton 4th » : un père et son fils pris dans les filets du jeu et de la mafia

.Critique du film sur Bleu du miroir :

Débutant par une très belle séquence d’ouverture de dispute devant un match de football regardé à la télévision, Brighton 4th nous entraine en Georgie et à Brooklyn parmi des personnages picaresques, pour la plupart complètement fauchés ou vivant d’expédients. Soso, le fils de Kakhi, a menti à son père. Il n’a pas brillamment réussi dans ses études, mais a un petit boulot pour rembourser les dettes de jeu qu’il a contractées auprès de personnes qui ne plaisantent pas avec ce type de litiges. Kakhi, malgré son âge est prêt à aider son fils. N’importe quel boulot fera l’affaire pour récolter quelques billets, comme s’occuper de personnes âgées.

Mais quand Kakhi donne de l’argent à son fils, ce dernier finit par rejouer et bien sûr par perdre à nouveau. Cercle vicieux. Alors qu’une issue fatale semble se profiler, l’un des chefs maffieux – à qui Soso doit de l’argent – a reconnu dans le vieil homme la personnalité ex-championne de lutte qui défrayait la chronique sportive. Il lui propose alors un arrangement, un deal.

Le réalisateur et acteur principal de Brighton 4th, c’est Levan Tediashvili, qui a aussi été un authentique champion de lutte, spécialisé dans la lutte libre. Le rôle qu’il s’est attribué lui va comme un gant. Un homme valeureux, digne et courageux. Un vieil homme qui malgré les imprudences de son fils, cherchera à l’aider coûte que coute. Quitte à prendre des risques qu’un homme de son âge ne devrait plus prendre.

 Télérama Jacques  Morice :

Le film est une tragi-comédie sur la situation précaire de ces immigrés géorgiens, contraints de réviser nettement à la baisse leur rêve de réussite en Amérique. On retrouve ici ce mélange de réalisme et d’humour pince-sans-rire à la Kaurismäki, qui faisait déjà le sel des deux précédents films de Levan Koguashvili, hélas jamais sortis en France, mais présentés au festival de La Rochelle en 2015. Il y a quelque chose d’attachant dans le regard que ce réalisateur pose sur ses personnages, des perdants meurtris mais rendus désopilants par leur capacité à s’embringuer dans des équipées piteuses, et à s’enfoncer dans la mouise.

Entre débrouille et embrouilles, petits boulots et kidnapping hasardeux d’un employeur kazakh filou, le film vadrouille, sans précipitation. On aime sa manière de traîner et de trinquer, de se poser parfois dans la pension de famille modeste où logent le paternel et son rejeton, en compagnie d’autres énergumènes. Comme cet ancien, un géant maigre (Kakhi Kavsadze, figure du cinéma géorgien et russe, décédé peu après le tournage), surnommé « le Rossignol » parce qu’il chante à toute heure de la journée. Les chants, la langue et la mentalité flegmatique de tous ces Géorgiens nous touchent. En particulier Levan Tediashvili, authentique champion de lutte, médaillé olympique en 1972 et 1976. Il ne parle pas beaucoup mais son regard et son corps disent beaucoup. Brave et digne, c’est un seigneur.

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La Fille d’Albino Rodrigue

LA FILLE D’ALBINO RODRIGUE

Film de Christine Dory -France – 1h30

Avec Emilie Dequenne, Galatea Bellugi, Philippe Duquesne

Une ado de 16 ans, placée dans une famille d’accueil qui, alors qu’elle vient passer ses vacances chez ses parents biologiques, découvre que son père a disparu sans que sa mère ne semble pouvoir donner une explication convaincante. Récit à suspense, ce deuxième long développe surtout une relation mère fille où l’ambiguïté et les mensonges de la première – à l’amoralité passionnante car rendant impossible à deviner jusqu’où elle peut aller dans la banalité du mal – poussent la seconde à une émancipation à marche forcée. Deux personnages à l’écriture ciselée portés par un duo de comédiennes étincelantes : Emilie Dequenne et Galatea Bellugi. C’est un terrible fait divers criminel qui a inspiré ce drame fiévreux… Une atmosphère inquiétante et étrange plane sur ce drame à la Dardenne, saisissant et remarquablement interprété. Un film passionnant qui tient en haleine jusqu’au bout…

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Burning Days

BURNING DAYS de Emin Alper – Turquie – 2H08 – VOST
 
Burning days Derrière la colline (sorti chez nous en 2013). On sait que le cinéma d’Emin Alper est traversé par la question des limites du repli sur soi, et le cinéaste turc fait à nouveau preuve d’un talent certain pour traduire cela par l’utilisation des décors (les paysages sont ici ceux d’un western, un no man’s land rocailleux et claustrophobe au pied des montagnes). Film noir en forme de métaphore du néo-fascisme et des ravages de la pensée conservatrice, Burning days est son film le plus ouvertement politique à ce jour.
Quand Emre rencontre pour la première fois les élus locaux, ce n’est pourtant pas un gouffre qui l’attend. Il est au contraire reçu avec une connivence masculine au zèle excessif. En ce sens, la séquence la plus cinglante du film ne se trouve pas dans son dénouement mais dans sa mise en place : une longue scène de dîner arrosé de raki où les codes de la fraternité masculine passent progressivement de l’humour au malaise puis à la terreur. Une variation de registre virtuose, portée par des comédiens excellents (peu d’acteurs peuvent se vanter de jouer si justement l’ivresse contre laquelle on lutte)…

L’élégance et l’intransigeance morale d’Emre le rendraient presque hautain, mais ses allures de grand garçon sensible sont déjà suffisantes pour le rendre louche aux yeux des rustres locaux. Dans ce coin de Turquie comme dans plein d’autres régions du monde, pour être intégré à la communauté des gaillards (Emre demande même à un moment « mais il n’y a pas de jeunes filles dans cette ville ? »), il vaut encore mieux être accusé de viol que d’être soupçonné d’« immoralité ». Alors que la tension continue de monter, Emre est autant prié d’accepter les pots-de-vin pour oublier cette histoire de gouffre que de prouver sa virilité en démentant les rumeurs qui courent déjà sur lui, comme par exemple celle d’être « la coqueluche des lieux de perditions » selon l’euphémisme cinglant employé par l’un des personnages.

Le mot homosexualité n’est pas prononcé une seule fois dans le film. Il y a pourtant une tension homoérotique flagrante qui nappe les face-à-face (pourtant filmés comme dans un western, voilà un décalage queer à la malice appréciable) entre Emre et le journaliste Murat, lui aussi mal vu des potentats locaux, mais le film ne confirme ou ne concrétise délibérément pas cette piste. Lors de la première mondiale du film au Festival de Cannes, certains observateurs occidentaux s’interrogeaient justement sur ce qu’ils interprétaient comme une trop grande pudeur, mais c’est prendre le film sous le mauvais angle. Burning days n’est pas un film sur l’homosexualité, Emin Alper utilise plutôt l’homophobie comme l’une des expressions de la haine de la différence. Il fait de la masculinité forceuse (celle qui s’impose dans les espaces publics et privés, celle qui transforme l’angoissant parcours d’Emre en vraie chasse aux sorcières) le symbole d’une pensée fascisante qui se cache derrière le respect des traditions. Un gouffre prêt à avaler des villes entières.
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La dernière Reine

                                                                                                                                                             LA DERNIERE REINE                                                     

Ecrit et réalisé par Damien Ounouri & Adila Bendimerad – Algérie/France – 1h53  –                                                                                                      Avec Adila Bendimerad, Dali Benssalah, Nadia Tereszkiewicz, Tahar Zaoui, Imen Nouel…

Péplum arabo-andalou, fresque flamboyante, tragédie grecque, drame shakespearien… Adila Bendimerad et Damien Ounouri ont fait le pari de réaliser un grand film d’aventure historique, rareté absolue dans le cinéma algérien ! Et le pari est réussi, La Dernière reine se suit avec un grand plaisir et une non moins grande curiosité.

Nous sommes en 1516. Le royaume espagnol s’est emparé de nombreux points stratégiques du littoral nord-africain pour assurer sa sécurité maritime. Comme Oran, Alger est sous sa domination.
Quand le pirate Aroudj Barberousse et ses mercenaires débarquent et libèrent la ville de la tyrannie de Charles Quint, le roi Salim at Toumi, émir d’Alger  (très augustement campé par Tahar Zaoui), décide de faire alliance avec lui malgré tout ce qui les oppose. L’émir est raffiné, érudit, soucieux des traditions et des coutumes de son peuple, le pirate est machiavélique, avide de puissance et prêt à toutes les trahisons. Sur le mode d’un film de cape et d’épée, il découlera de cette alliance toute une succession d’évènements qui tiendront le spectateur en haleine.

Quand l’émir est brutalement assassiné, Barberousse s’apprête à prendre tous les pouvoirs et imposer son ordre avec force et fracas. Mais une femme va lui tenir tête : la reine Zaphira, seconde épouse du souverain défunt, bien décidée à ne pas abandonner le royaume. Des couloirs feutrés du palais aux falaises escarpées dominant la mer Méditerranée, commence alors un combat où se mêlent bouleversements personnels et manigances politiques, domination masculine, oppression familiale et alliances tribales…
La réalisatrice, visiblement fascinée par  la mythique Zaphira, lui prête ses traits et son interprétation habitée, jusqu’à l’entreprise de conquête et de séduction conduite d’abord avec éclat, puis avec de plus en plus de délicatesse et de subtilité, par le chef des pirates.

Fière, altière, animée d’une intraitable force de caractère, d’une intelligence vive et d’un charme singulier, la reine Zaphira est un grand personnage comme le cinéma les aime. Est-elle un mythe ou une réalité historique ? Personne ne le sait vraiment, les historiens eux-mêmes s’interrogent sur l’existence de cette « dernière reine »… Tant mieux, puisqu’à partir de ce mystère peut pleinement se déployer toute la fantaisie d’une fiction baroque et romanesque à souhait, mêlant la « grande » et la « petite » histoire, la destinée d’un peuple et celle d’individus plus ou moins extraordinaires.

– Critique d’UTOPIA –

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About Kim Shoe

Sohee aime tant danser.Cette lycéenne coréenne au caractère bien trempé se verrait bien star de K-pop et, devant la glace, elle répète inlassablement une chorégraphie en se filmant avec son téléphone portable. Mais, il faut bien préparer l’avenir, et le professeur principal de son lycée technique est si fier de lui avoir dégotté un stage de formation dans un centre d’appels téléphoniques…

Alors, Sohee pénètre dans ce local sans âmes où une kyrielle de toutes jeunes femmes sous-payées, casque sur les oreilles, sont sensées empêcher les clients de résilier leur abonnement internet, mais passent surtout leur temps à encaisser les injures de leurs interlocuteurs. Sohee n’est pas assez efficace, son manager parle de déshonneur devant les mauvais résultats du centre, et voilà qu’il se suicide, laissant une lettre aux accents de lanceur d’alerte…Le visage de la lycéenne se ferme, de plus en plus insondable, sous le joug des pressions et de l’humiliation. Quitter ce stage ou bien se déshumaniser pour devenir rentable et ne pas décevoir ses proches : le dilemme est intenable et personne, y compris sa meilleure copine ne voit arriver le drame…

Inspiré d’un fait réel qui a bouleversé la Corée, ce film est un coup de maître, et un coup de poing d’autant plus spécial que la jeune réalisatrice opte pour une mise en scène à l’élégance cotonneuse. Elle radiographie ainsi tout un système, qui tue littéralement la jeunesse sous prétexte de performances. Techniques de persuasions, objectifs insoutenables, concurrence toxique et accords de confidentialité imposés par le siège de l’entreprise : la première partie du film est glaçante de précision et de tension psychologique. On suffoque comme cette gamine qui pourrait être notre fille ou notre sœur, dans cette entreprise dont le nom Human & Net ressemble à un ignoble gag dont la mâchoire se referme sur sa proie, avec la complicité du monde scolaire, lui-même soumis à des objectifs et des classements.

La force du film réside aussi dans sa manière de se plier, après le drame, en une deuxième partie : une enquête où  la première héroïne laisse la place à une autre, Oh Yoo-jin, inspectrice de police butée qui, au sens propre va marcher dans les pas de la jeune Sohee. Elles s’étaient croisées, quelques minutes, sans le savoir, au début de l’histoire. L’adolescente n’est plus là, mais reste cette adulte qui cherche obstinément un pourquoi à la tragédie  et refuse que Sohee s’efface des mémoires. La solitude, cette flic à l’air de bien la connaître également, et elle non plus ne manque pas de caractère, interpellant (et même giflant!) ces hommes qui participent à l’horreur du système. Vertige : dans une autre réalité, la jeune Sohee aurait pu vieillir sous les trais d’Oh Yoo-jin…

Avec ces deux personnages magnifiquement incarnés par Kim Si-eun et Doona Bae (vue récemment dans les bonnes étoiles, du japonnais kore-eda), la réalisatrice July Jung fond deux visages féminins en un seul, inoubliable : celui du combat contre l’ultralibéralisme assassin.

 

Critique de Guillemette Odicino – Télérama.

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Showing Up

Un film de Keilly REICHARDT

 

Avec : Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett…

USA – 1h48 – VOST

Après le très réussi First cow (2020), succès modeste mais attesté dans les salles françaises, Showing up marque la réunion de la cinéaste avec son actrice fétiche Michelle Williams, qu’elle dirige pour la quatrième fois, témoin d’une collaboration féconde enfin célébrée dans le plus bel écrin du cinéma mondial..

Le synopsis est court mais résume bien le peu de motifs réunis dans ce film extrêmement minimaliste. Lizzie est une artiste, elle sculpte des personnages dans la glaise, pour ensuite les cuire, jouant sur les couleurs et la matière pour créer une galerie bigarrée qui fait penser à un art primal pré-colombien aux prises d’un syncrétisme chrétien célébrant des madones.

Toute l’histoire se résume dans le regard porté sur les gestes de Lizzie. Quand elle ne sculpte pas, Lizzie rend visite à ses parents, notamment à ce frère joué par John Magaro, sublime personnage de First cow, qui apporte son humour froid et décalé pour autant de ruptures de ton qui permettent de repousser le temps d’une parenthèse le sérieux de la sculpture et de l’organisation du vernissage de l’artiste.

Michelle Williams incarne cette plasticienne bourrue, dans la plainte constante, que ce soit vis à vis de sa famille ou de sa logeuse, remplie de la tension qui précède une exposition à fort enjeu. Peu expressive, comme résignée face aux aléas qui peuplent son quotidien, on pense à cette eau chaude qui lui manque cruellement, elle se révèle être une sorte de clown blanc entrainant l’humour à son corps défendant, entre l’agacement et l’absurde de scènes toutes simples sans aucun effets particuliers

La métaphore de la cuisson des sculptures est aussi éloquente : on ne sait jamais ce qu’il va ressortir de ces tentatives, le résultat s’imposant de lui-même sans qu’on puisse tout prévoir, dans une logique du hasard belle et enthousiasmante.

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lAlma Viva 10eme film de la programmation

ALMA VIVA

De Christèle Alves Meira, 1H28, film français, portugais et belge

 Avec Lua Michel, Ana Padrao, Jacqueline Corado

 Alma viva est une Histoire simple et âpre, elle se déroule dans un village du Portugal niché au creux des montagnes : les hommes l’ont quelque peu déserté, les femmes y ont du caractère, les croyances la vie dure, le verbe de la truculence.

Alma Viva est un film profond, cocasse et direct qui appelle un chat un chat, montre les cadavres dans les cercueils, les viscères des poissons (pêchés par explosif), les corps nus des vieilles dames durant la toilette.

Alma viva est un film aux contours énigmatiques qui parvient à réunir en un seul geste le trivial et le spirituel, la rudesse du quotidien et l’éclat joyeux d’une chanson. Dans ce tableau où règnent le désordre et un équilibre précaire, la violence des sentiments et des coups de sang ne porte guère à conséquence, l’humour venant chaque fois dévier le drame

Une petite fille nous y guide : Elle se nomme Salomé (admirable Lua Michel, propre fille de la réalisatrice)) et, comme chaque été, elle passe ses vacances dans la maison familiale de sa grand-mère. Ici, au milieu des montagnes, la vie semble immuable, les querelles entre voisins se prolongent d’une année sur l’autre. Silencieuse et sérieuse observatrice, la gamine circule au milieu de ce petit monde, sans trop se faire remarquer. Le spectacle de ce théâtre du quotidien l’interroge autant qu’il la construit, l’occupe et la tourmente un peu – surtout les croyances sur les morts et leurs esprits.  La mort soudaine de la grand-mère (qualifiée de sorcière) va réveiller les vieilles rancœurs au sein du village, et dans la famille. Au milieu des disputes, qui émaillent la préparation des obsèques, la petite fille se sent hantée par l’esprit de cette grand-mère, elle voit ce que les autres ne voient pas, crée un dialogue entre visible et invisible, se fait à son tour traitée de Sorcière et finit par trouver sa propre voie.

Peinture d’un village portugais a la croisée des légendes et des croyances, Alma Viva est une ode à la vie.

D’après la critique du Monde, lors de la sortie du film à la Semaine de la critique à Cannes en 2022

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Le Capitaine Volkonogov s’est échappé

LE CAPITAINE VOLKONOGOV S’EST ÉCHAPPÉ

Film russe de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov-2022-2h05-VOST

Avec Yuriy Borisov, Timofey Tribuntsev, Nikita Koukouchkine, Alexandre Yatsenko, Natalya Krudiashova…

1938. Union soviétique. Depuis août 1936, les purges staliniennes font rage. Aux commandes de la saignée, tapi au fond de son bureau de la Loubianka, quartier général de toutes les polices politiques soviétiques puis russes, de la Tchéka à l’actuel FSB en passant par le NKVD puis le KGB, prison de sinistre mémoire russe où furent enfermés, torturés et exécutés des milliers de prisonniers, Lejov multiplie arrestations arbitraires, tortures et exécutions sommaires. C’est alors le NKVD, le Commissariat du peuple aux Affaires intérieures, qui officie. Une vague d’extermination hors-normes, la Grande Terreur d’août 1936 à novembre 1938, qui exige des hommes aux nerfs d’acier et peu enclin au vague à l’âme. Parmi eux, le jeune capitaine Volkonogov, la vingtaine musculeuse, crâne rasé, un sourire d’ange sur une gueule de Spetsnaz. Ni meilleur ni pire que ses condisciples. Sauf que les purges, c’est comme les révolutions : elles finissent souvent par dévorer leurs propres enfants. L’ambiance devient vite pesante au sein de l’unité du capitaine. C’est d’abord le suicide par défenestration du commandant Gvozdev, le supérieur de Volkonogov, puis un camarade convoqué qui ne revient pas de sa pause-déjeuner, puis un second, et Volkonogov, qui connaît la maison, sait qu’il sera le prochain. La loyauté au Parti ayant ses limites, il s’enfuit sans autre plan que celui de sauver sa peau, pour une heure, pour un jour, pour une semaine de plus, avec une espérance de vie plus maigre que celle d’un Zek… Pris immédiatement en chasse, le capitaine court à travers Leningrad, après avoir dérobé un de ses dossiers contenant 98 fiches de condamnés. Il a eu une vision : s’il veut aller au paradis, il doit obtenir le pardon des proches des victimes qu’il a tuées. Méthodiquement, il se rend à chaque adresse, où bien évidemment il n’est pas franchement bien accueilli. L’acteur trentenaire Yuriy Borisov, déjà vu dans Compartiment numéro 6, joue ici une partition difficile : celle d’un homme suffisamment naïf pour penser qu’il pourrait être absout des atrocités qu’il a commises…

Ce film difficile, à l’atmosphère étrange, aux tons rouges comme les tenues flamboyantes des agents du NKVD, comme les murs de briques des façades décrépites des arrière-cours et des usines fatiguées, aux accents orwelliens, est interdit dans la patrie de Vladimir Poutine…

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