Ciné Mont-Blanc
A ne pas rater !!
/!\ Le prochain Coup de Coeur Surprise aura lieu le Lundi 3 Mars 2025 à 20h 00. A l’issue de la projection, nous vous proposons de nous rejoindre afin d’échanger vos impressions.
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Toute l'équipe Cinécimes vous souhaite une excellente année cinéphile !!
Archives : Archives films
Green Border
GREEN BORDER
D’Agnieszka Holland – Pologne – 2023 – 2h27 – VOST
Green Border , Prix spécial du jury à la Mostra de Venise, arrive ce mercredi 7 février sur les écrans français. Ce film coup de poing, en noir et blanc, fait écho à des faits réels : l’afflux de migrants, à partir de l’été 2021, à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Au mépris de la convention de Genève sur l’asile, la Pologne alors dirigée par les nationaux conservateurs du PiS, déclara un état d’urgence et une zone d’exclusion entre les deux pays, interdisant aux journalistes et aux militants humanitaires de s’y rendre jusqu’à l’été 2022. C’est à cette période, dans et autour de cette zone, que se déroule le film poignant d’Agnieszka Holland (2 h 27).
Agnieszka Holland, 75 ans, défend toujours avec énergie « le cinéma de l’inquiétude morale », mouvement né dans son pays, la Pologne, en 1970. Son film très documenté sonne comme un appel à plus d’humanité envers les réfugiés qui frappent aux frontières de l’Europe. « Je ne sais pas comment changer le monde, dit-elle, mais je sais comment raconter des histoires avec l’aide du cinéma, alors c’est ce que je fais. » L’actrice franco-iranienne Behi Djanati Ataï (qui joue dans le film) l’a aidée à réunir le casting, où figure notamment l’acteur syrien Jalal Altawil, en France depuis 2015.
L’histoire démarre dans un avion biélorusse. À bord, une famille syrienne fuyant la guerre (le père, la mère, le grand-père et trois enfants). À l’arrivée à Minsk où un taxi doit les attendre pour leur faire traverser la Pologne et rejoindre la Suède, rien ne se passe comme prévu. Ils se retrouvent coincés, avec des dizaines d’autres réfugiés venus de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan, dans une zone marécageuse, à la merci de militaires ultraviolents. Le film suit aussi un garde-frontière polonais à qui on a mis dans le crâne que « ces gens sont des balles vivantes envoyées par Poutine et Loukachenko. » Et une psychologue vivant près de la fontière. La force du noir et blanc. La caméra au plus près des visages d’acteurs bouleversants de vérité, à commencer par les enfants. Le chapitrage et la multiplicité des points de vue. Des éclairs d’espoir amenés par les actions des humanitaires dans une histoire par ailleurs sans concession sur la cruauté humaine et l’impuissance de l’Europe.
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20 000 Espèces d’abeilles
20 000 ESPÈCES D’ABEILLES
Film de Estibaliz Urresola Solaguren – Espagne – 2h08 – VOST
Avec Sofía Otero, Patricia López Arnaiz, Ane Gabarain
C’est l’été dans le pays basque espagnol, et la caméra sensible de la réalisatrice Estibaliz Urresola Solaguren capte avec délice sa douce torpeur en filmant le confort des habitudes de vacances familiales. Les visites à une tante solitaire, les rituels pieux de grand-mère, mais surtout en arrière-plan la présence sonore de la nature, comme si les bruits du vent et de la pluie étaient plus prometteurs que ce que peuvent dire les adultes. Les habitudes estivales ne sont d’ailleurs pas entièrement respectées puisque cette fois-ci, la famille débarque chez mamie à l’improviste et papa est retenu ailleurs. Les questions inquisitrices ne se font pas attendre mais la caméra, rarement située à hauteur d’adulte, se concentre autre part.
Que les vieilles dames du village utilisent le masculin ou le féminin à son égard importe peu à Aitor, 8 ans. Ses beaux cheveux longs cachent mal son air renfrogné : Aitor ne veut plus qu’on l’appelle par son nom, et le surnom de Cocó ne convient pas davantage. Mais si il existe bel et bien 20 000 espèces d’abeilles différentes, alors il existe forcément quelque part une identité qui lui convienne mieux.
Dans 20 000 espèces d’abeilles, les enfants posent beaucoup de questions mais les adultes ont du répondant, et ce sans condescendance. Les enfants ne sont pas pris pour des idiots et nous non plus : la réalisatrice fait en effet preuve d’une grande acuité dans sa manière de filmer ce qu’on pourrait appeler un peu lourdement l’éclosion de son personnage principal. Elle donne quelques métaphores en guise de pistes de lecture (les abeilles bien sûr, mais aussi une discussion sur les sirènes), néanmoins elle fait preuve de beaucoup d’adresse en évitant de les surligner à outrance. 20 000 espèces d’abeilles est un drame dont le réalisme n’empêche pas la poésie.
Un glissement progressif fait d’ailleurs que le récit et la caméra se détache d’Aitor/Cocó pour se concentrer davantage sur les adultes. En changeant ainsi le point de vue, le film sous entend que le problème ne se trouve bien sûr pas dans la tête de l’enfant mais dans celles des grands, dans leur panique morale ou leur amour maladroit, dans leur croyance têtue qu’ils ont qu’un enfant ne peut pas avoir une telle expérience du genre. Dans ce village sans hommes ou presque, où le quotidien est fait de traditions et superstitions, Aitor/Cocó « ne fait qu’écouter ». 20 000 espèces d’abeilles est un puissant portrait qui a lui aussi la grande intelligence d’écouter plutôt que de parler à la place des enfants trans.
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La Bête
LA BETE. De Bertrand Bonello – France/Canada – 2023 – 2h26. Avec Léa Seydoux, George MacKay, Guslagie Malanda, Dasha Nekrasova…
Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser Gabrielle doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son grand amour. Mais une peur l’envahit, le pressentiment qu’une catastrophe se prépare. Les quatre dernières années de Bertrand Bonello ont été denses artistiquement, avec trois longs métrages en tant que réalisateur, autant comme scénariste, sans oublier son rôle court mais inoubliable du père de l’héroïne de Titane de Julia Ducournau. Après une première mondiale à la Mostra de Venise l’été 2023, c’est du côté de La Roche-sur-Yon et sa compétition internationale de qualité qu’on retrouve La Bête, nouveau projet ambitieux du réalisateur de Saint-Laurent (2014). Son scénario est un kaléidoscope vertigineux où l’on voit se superposer des couches d’histoires, chacune située dans une trame temporelle différente, que ce soit le début du XXème siècle, le futur proche, ou encore un présent qui n’est pas tout à fait le nôtre. Toute la structure de cette histoire repose sur deux personnages, Gabrielle Monnier, jouée par Léa Seydoux, littéralement de tous les plans, et Louis, où l’on retrouve l’acteur britannique George MacKay (1917). La Bête n’est pas un film facile d’accès : l’enchevêtrement des scènes peut donner le tournis et le sens du script ne se donne pas aisément. D’une certaine manière, l’introduction du film, où l’on voit Léa Seydoux devant un fond vert, exécutant les directives d’une voix-off qui semble être celle d’un cinéaste, dédramatise tout de suite les possibles difficultés du spectateur à se retrouver dans les différents fils de la narration. Bonello expérimente et il y a quelque chose de jubilatoire à le voir mettre en scène son actrice face à diverses situations qui tournent toutes autour du même axe.
Il est avant tout question de peur « primale » dans La bête, le titre même représentant un point de fixation, une façon de définir ou de nommer cette inconnue qui habite les discussions et l’âme de Gabrielle. C’est un enjeu constamment en filigrane qui justifie à lui seul les multiples basculements de l’histoire. Une fois ce point de compréhension derrière nous, il est plus facile de contempler toute la splendeur du film, qui présente un lot de points de vue impressionnants par le biais des caméras, divisant l’écran en deux ou quatre plans, notamment grâce au motif de la caméra de surveillance d’une grande villa californienne. Ces idées permettent de se rendre compte ce qui anime Gabrielle de façon viscérale : elle doit faire un choix. Que faire de sa vie ? Doit-elle succomber à sa peur ? Vivre comme elle le souhaite ou se laisser aller aux injonctions d’une société qui s’est déshumanisée pour éviter les drames du passé qui ont désigné les affects, les sentiments, comme responsables de tout. C’est dans le dénouement de ces questionnements que Léa Seydoux rappelle quelle grande comédienne elle peut être, vibrante dans les cadeaux de jeu qu’elle offre. La bête est aussi un grand film en terme de direction artistique. Que ce soit l’atelier de poupées, les rues de Paris sous les eaux, ou Gabrielle au volant de sa voiture dans les collines de Los Angeles… Tout est beau et incroyablement travaillé pour donner vie à chaque séquence. La boite de nuit, changeant de nom chaque soir pour épouser celui d’une année du XXème siècle, est un modèle dans le genre, à la fois simple et épuré mais terriblement incarné pour donner l’effet souhaité à la scène, avec des musiques parfaites pour en rehausser le trait.
Si La Bête est un film difficile, c’est surtout un spectacle exigeant et virtuose qui met extraordinairement bien en valeur son duo d’acteurs. Bertrand Bonello montre admirablement à quel point il continue d’essayer de nouvelles choses à l’écran, revitalisant son cinéma avec de nouveaux défis visuels passionnants dans lesquels il ne faut pas craindre de se plonger. Cette immersion-là, si on l’accepte, offre des moments de délices cinématographiques rares qui vont bien au-delà des simples enjeux narratifs habituels.
– Critique du BLEU DU MIROIR –
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Dream Scenario
Un film de Kristofer BorgliUSA 2023 1h41
Avec Nîcolas Cage, Michael Cera Juliana Nlcholson,
Dream Scénario a pour protagoniste Paul (Nicolas Cage), un professeur d’univer- sité apprécié, heureux mari. père comblé, qui mène un confortable train de vie.
Seulement il est insatisfait de son sort ; ll voudrait être publié, célèbre, bref reconnu.
Il le sera, reconnu, car un double de Paul se met à surgir dans les rêves de millions d’inconnus.
Devenu un phénomène viral, l’homme se transfonne en une sorte dînfluenceur malgré lui ; son image est gérée par une société de relations publiques.
Paul, ravi de l’attention initiale. n’a aucun contrôle sur cette image.
ll déchante quand on le tient pour responsable de mauvaises actions réelles ou imaginaires, de son double.
Après son heure de gloire, ce Monsieur tout le monde passe d’icône à paria.
Voyage fascinant et parfois déconcertant, ce film mêle subtilement réalisme et sa- tire poignante de la société médiatique contemporaine, assujettie au marketing et aux réseaux sociaux. qui n’ont de cesse d’ériger la vacuité et le paraître en va- leurs dominantes.
Au départ joyeuse farce inolîensive et agréablement rafraîchissant, l’oeuvre se pare ensuite d’un discours mordant sur l’identité et la célébrité.
Le réalisateur réussit à maintenir un équilibre délicat entre l’absurde et le poi- gnant offrant, avec ce film audacieux et original qiu transcende les genres, une expérience riche en émotions.
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FREMONT
Semaine du premier au 6 février : FREMONT
De BABAK JALALI 2023 -USA- 1H28- VOST
Avec Anahita Wali Zada…. Jeremy Allen White, Gregg Turkington, Hilda Schmelling, Avis See-
Prix du jury au Festival du cinéma américain de Deauville
Dessiné dans les rondeurs de l’enfance, le visage que l’on voit occupant toute l’image et qui sera de quasi tous les plans délivre une douceur pleine de détermination. Cela tient, sans doute, au regard, direct et franc, qui l’illumine. Donya (Anaita Wali Zada), réfugiée afghane de 21 ans, ancienne traductrice pour l’armée américaine et expatriée au retour au pouvoir des talibans, vit désormais à Fremont, ville de la baie de San Francisco, en Californie. Elle y a trouvé un nouveau travail dans une petite fabrique familiale de fortune cookies (« biscuits à message ») tenue par un couple d’immigrés chinois. Le soir, elle dîne seule dans un petit restaurant de quartier, toujours le même, avant de retrouver son studio, où elle peine à s’endormir.
C’est ainsi que s’esquisse le portrait auquel le cinéaste Babak Jalali consacre son quatrième long-métrage, Fremont, petite merveille en noir et blanc, épurée du superflu et d’effets, au profit d’une grâce un brin mélancolique et d’une rare beauté.
Fremont, nous parle d’exil (géographique, social, mental), de ces vies en marge et de la solitude qui en résulte : il a reçu, en septembre, le Prix du jury au Festival du cinéma américain de Deauville
A cet exil, source de nombreuses souffrances, le cinéaste ajoute néanmoins une puissance dont il se fait un devoir. Celui d’accorder force et volonté aux personnages de ses films, à l’inverse du caractère victimaire dont on affuble le plus souvent les déracinés. Donya porte ce flambeau, qui, malgré sa modestie, refuse de se laisser faire et sait ce qu’elle veut. Le film agit de même : la tristesse diffuse sans cesse contrariée par des situations absurdes, une drôlerie pince-sans-rire pour le moins irrésistible. Bien que routinière, la vie de Donya croise une galerie de personnages plus ou moins loufoques, sujets aux névroses, un vague à l’âme dont il est préférable de rire plutôt que de pleurer : La politesse de Babak Jalali…. Donya trace, doucement son chemin. Promue au sein de la petite entreprise où elle travaille, elle rédige désormais les messages incorporés aux biscuits qu’elle se contentait il y a peu d’emballer. Ces courts messages destinés à offrir en quelques mots un peu d’espoir à ceux qui les découvrent nous livrent désormais les humeurs et les désirs de la jeune femme. Notamment celui de vivre une histoire sentimentale qui l’aiderait à rompre avec sa solitude. Décidée à forcer le hasard, Donya glissera son numéro de téléphone sur l’une de ces petites langues de papier. On taira évidemment l’issue, surprenante et admirable, à laquelle conduira cette initiative. On dira seulement qu’elle est à l’image de Fremont, film profond et émouvant.
D’après la critique du Monde de Véronique Caubaopé
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Pauvres Créatures
PAUVRES CREATURES
De Yorgos Lanthimos
Avec : Emma stone, Marc Ruffalo…
Chirurgien de génie, le professeur Godwin Baxter est une sommité dans le domaine des greffes organiques. Lorsque qu’une femme enceinte de huit mois se jette d’un pont pour fuir son mari violent, il décide de greffer le cerveau du fœtus dans le corps de la jeune femme pour lui redonner la vie. Pauvres Créatures nous conte la renaissance de cette femme et son (ré)apprentissage de la vie sans le corset des conventions. Des yeux d’enfant dans un corps d’adulte, voilà le cocktail explosif qui va plonger Bella dans de merveilleuses aventures. Curieuse de tout, elle veut découvrir le monde. Non formatée par le monde des humains, notre héroïne plonge dans la vie à cœur et corps perdus et (re)met vite en question l’ordre social, la domination masculine, les prédations et les injustices en tout genre. Face à un monde étriqué, que va-t-il advenir de cette créature sans préjugés et spontanée en quête de liberté et d’égalité ?
Après La Favorite, YórgosLánthimos retrouve Emma Stone pour son nouveau film, Pauvres Créatures, une œuvre aussi fantastique que politique, aussi géniale que loufoque, aussi drôle que cynique, qui permet au ton décalé propre au cinéaste grec d’exploser enfin pleinement ! Biberonné au cinéma fantastique et fin admirateur de l’expressionnisme allemand, Lánthimos joue sur la palette du gothique et de l’onirisme en inventant ici un monde rétro-futuriste qui bien que très marqué est d’une beauté, d’une intemporalité et d’une universalité foudroyante. Il (ré)invente totalement notre monde occidental pour mieux ausculter nos névroses avec sa caméra scalpel. Son film est un véritable pamphlet philosophique qui décortique notre société avec lucidité et sévérité. Bien sûr, on pense à Frankenstein et à sa créature tout au long du film et Pauvres Créatures porte bien son nom car c’est de notre condition de pauvre humain sur laquelle Lánthimossouhaite nous faire réfléchir. Bella c’est une version contemporaine du Edward de Tim Burton, une sorte de double féminin, comme une piqûre de rappel à notre époque trop sophistiquée de la nécessité de faire sinon table rase, tout au moins l’éloge de la simplicité. C’est vraiment du côté du merveilleux que nous plonge Lánthimos. Merveilleux et conscient !
Sylvain Pichon – Cinéma(s) Le(s) Méliès(s), Saint-Etienne
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L’Innocence
L’INNOCENCE
Japon 2023 2H06 VOST
De Hirokazu Kore-eda
Avec Soya Kurokawa, Hinata Hiiragi, Sakura Ando, Eita Nagayama
Musique de Ryuichi Sakamoto (son ultime composition pour le cinéma)
PRIX DU SCENARIO Festival de Cannes 2023
QUEER PALM du Festival de Cannes 2023
Ce nouveau film de Hirokazu Kore-eda (Palme d’Or en 2018 avec Une affaire de famille ) est une oeuvre en 3 temps.
C’est d’abord, dans une première partie, un récit quasi policier fondé sur une supposée histoire de harcèlement scolaire. Le jeune Minato, âgé d’une dizaine d’années, adopte un comportement de plus en plus étrange, ce qui inquiète sa mère (veuve et qui l’élève seule) qui le croit victime de harcèlement de la part d’un professeur et se rend dans son école. On y découvre un personnel étrange, et l’on est persuadé d’assister à un film qui dénonce l’indifférence de l’institution et la souffrance des écoliers.
La deuxième partie de l’intrigue donne le point de vue de l’enseignant accusé qui, lui, soupçonne Minato d’être le bourreau du frêle Eri.
La troisième partie , à hauteur d’enfant donc, contient le coeur du film, reprend les mêmes scènes mais vues par Minato lui-même, et nous donne peu à peu les pièces manquantes du puzzle jusqu’à une vérité déstabilisante pour le spectateur….
Les chemins de traverse qu’emprunte le cinéaste pour révéler la clé du « mystère » semblent dans un premier temps exagérément tortueux, les ruses du script un peu trop alambiquées, au point de donner l’impression d’empêcher l’ensemble de respirer. Mais une fois que les pièces s’assemblent, dans le troisième acte, L’Innocence finit par foudroyer.
Kore-eda bouleverse en dépeignant la fugue des deux enfants dans la forêt qui jouxte la ville, leurs journées à la Huckleberry Finn passées dans un bus scolaire abandonné aux airs de cabane magique. Loin du monde, des autres, de ce « monstre » qu’est la société et qui condamne aux jugements hâtifs et aux demi-vérités. Comme toujours chez le cinéaste, la délicatesse du trait n’interdit pas, loin de là, une âpreté et une amertume dans le constat sociétal.
A la fin, après une ode déchirante au pouvoir de la musique dans une salle de classe, et au son du piano de Ryuichi Sakamoto (la dernière œuvre pour le ciné du génial musicien, mort en mars dernier), la pluie cesse, le sens de la fable se révèle, le film lui-même semble se libérer du corset scénaristique dans lequel on le croyait engoncé, et le cinéma de Kore-eda triomphe, encore une fois
D’après Première, les Inrocks, et Culturellement votre.
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Past Lives Nos vies d’avant
PAST LIVES , NOS VIES D’AVANT
Film de Céline Song – Etats-Unis – 1h46
Avec Greta Lee, John Magaro, Teo Yoo…
Past Lives, la première réalisation de Céline Song, tisse une tapisserie complexe et émotionnelle sur l’amour ,la perte et la recherche éternelle de liens qui transcendent le temps. Avec pour toile de fond la ville de New York, ce drame poignant plonge dans la vie de trois personnes dont les chemins se croisent de manière inattendue et profonde, exploitant les thèmes du destin, des regrets et du pouvoir durable des relations humaines.
Le film nous présente Na-Young (Seung Ah Moon) et Hae-Sung (Seung Min Yim), des amis d’enfance dont la vie est bouleversée à jamais lorsque la famille de Na-Young déménage au Canada. Les premiers chapitres du récit capturent habilement l’innocence et l’intensité de l’amour jeune, peignant une image vivante de leur lien vibrant. L’alchimie entre les jeunes acteurs est palpable, leurs performances entraînant les spectateurs dans le monde réconfortant mais éphémère de la romance adolescente.
L’histoire fait ensuite un bond dans le temps, retraçant les chemins divergents de Na-Young et Hae-Sung sur une période de deux décennies. Greta Lee et Teo Yoo entrent dans la peau de leurs homologues adultes, imprégnant leurs personnages d’un sentiment de désir et de nostalgie. Le passage du temps est habilement rendu par les costumes et les décors, soulignant la transformation qu’entraînent les expériences de la vie.
Le cœur de Past Lives réside dans l’exposition de la complexité émotionnelle qui survient lorsque Hae- Sung et Na-Young, devenue Nora, reprennent contact après des années de séparation. Greta Lee livre une performance de tour de force, capturant l’essence d’une femme déchirée entre l’amour de son passé et les engagements de son présent. Tee Yoo, dans le rôle de Hae-Sung, apporte une intensité tranquille à l’écran, incarnant le poids des occasions manquées et des émotions non résolues. John Magaro, dans le rôle d’Arthur, le mari compréhensif qui la soutient, insuffle à son personnage profondeur et empathie.
La formation théâtrale de la réalisatrice Céline Song est évidente dans le rythme délibéré et le cadrage réfléchi du film. Chaque scène est méticuleusement conçue, avec des métaphores visuelles qui ajoutent de la profondeur à la narration. Les miroirs deviennent des reflets symboliques des luttes intérieures des personnages, tandis que le paysage de la ville de New York sert à la fois de toile de fond et de métaphore pour les voyages des personnages. La cinématographie du film, dirigée par Shabier Kirchner, capture l’énergie et la diversité de la ville, amplifiant les émotions des personnages sur une toile de fond urbaine vibrante .
Le film met en valeur le talent de la scénariste-réalisatrice grâce à une écriture précise, du dialogue poétique et une mise en scène délicate. L’un des moments les plus marquants du film est une rencontre apparemment ordinaire sur un trottoir de la ville, qui se transforme en un spectacle hypnotique de tension contenue. L’échange entre Nora et Hae-Sung, chargé de mots non exprimés et d’émotions refoulées, est une classe de maître en matière d’interprétation et de mise en scène. L’utilisation de prises de vue prolongées et de gros plans intensifie l’impact émotionnel, donnant lieu à une scène qui reste gravée dans la mémoire longtemps après le générique.
Past Lives n’est pas seulement une histoire d’amour, mais une méditation profonde sur la complexité des liens humains. Le film mêle harmonieusement des éléments de romance, de philosophie et de nostalgie pour créer un récit à plusieurs niveaux qui trouve un écho profond auprès de son public. En entremêlant le passé et le présent, Past Lives souligne la vérité universelle selon laquelle les choix que nous faisons et les liens que nous tissons se répercutent à travers le temps, façonnant nos destins d’une manière que nous ne comprenons peut-être pas entièrement.
Le film explore toutes les personnes que nous aurions pu devenir et souligne que finalement personne parmi elles n’a autant d’importance que la personne que nous sommes aujourd’hui : un ensemble de connexions que nous créons.
Past Lives est aussi un rappel poignant que le pouvoir de la narration réside dans sa capacité à capturer l’essence de l’expérience humaine. La première réalisation de Céline Song est une réussite indéniable, invitant les spectateurs à réfléchir à leur propre passé, à contempler des chemins non empruntés et à apprécier les fils complexes qui tissent la trame de nos vies.
Critiques de Mulder.
Ciné Surprise le 08/01/2024
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Simple comme Sylvain
Un film deMONIA CHOKRI
2023 -1H50 -VOST
avec Magalie Lépine-Blondeau, Pierre-Yves Cardinal
Sophia, professeure de philosophie, fait depuis longtemps chambre à part avec son compagnon Xavier, avec lequel elle est en couple depuis 10 ans. Sentant que celui-ci s’éloigne, alors que lors d’un repas avec des amis, il propose à une nouvelle venue en cours de divorce, Virginie, de l’aider à trouver une avocate, elle a moins de scrupules à flirter avec Sylvain, le charpentier qui s’occupe des travaux dans leur chalet dans les Laurentides…
Troisième long métrage de Monia Chokri, révélée à Un certain regard avec « La Femme de Mon Frère« , puis auteure de « Babysitter« , « Simple comme Sylvain » est le récit d’une relation entre une intellectuelle et un homme plutôt manuel, que leur passion physique et l’envie de donner sa chance à une historie, vont réunir malgré leurs différences de milieux. C’est de cette différence, créant des contrastes tantôt gênants, tantôt facteurs de complicité face aux attentes des autres, que se nourrit le scénario. Doté de dialogues mordants, sonnant toujours naturels, celui-ci fait de banalités ou de clichés des traits d’humour (une citation de Michel Sardou, une réflexion sur la cruauté du peuple espagnol…).
Riche en dialogues, le film est ponctué son récit de réunions autour de repas, plus vraies que nature, d’un dîner entre amis chahuté par les cris des enfants, à un repas de présentation à une nouvelle belle famille pas piquée des hannetons, en passant par un repas avec la mère de Sophia. Maîtrisant parfaitement les moments d’émotions, dus à des personnages richement construits (la scène où la détresse de la belle-mère s’exprime, face à la disparition progressive de la personnalité de son mari, atteint d’Alzheimer, est un modèle de tact…), Monia Chokri nous offre aussi le portrait d’une femme ayant le courage de s’aventurer loin de la routine de son couple, et à laquelle se rappelle cruellement son âge ou le physique avantageux des ex-compagnes de son nouveau mec, voire leur différence de niveau d’intellect.
Magalie Lépine Blondeau excelle dans ce rôle de femme forte, maîtrisant ses émotions ou sa gêne, comme lorsque la belle-famille affirme avec aplomb que «Sylvain c’est l’intellectuel de la famille». Quant à Pierre-Yves Cardinal, découvert dans le « Tom à la Ferme » de Xavier Dolan, il a l’air de beaucoup s’amuser à interpréter les sex-symbol premier degré. On ressort du film avec non seulement une forte envie d’aimer, mais conscient qu’une relation dépend de tellement de facteurs et de connexions, physique, intellectuelle, familiale… que sa faculté à durer dans le temps, demande efforts et prise de risque.
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