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Pauvres Créatures

PAUVRES CREATURES

 

    De   Yorgos Lanthimos

    Avec : Emma stone, Marc Ruffalo

Chirurgien de génie, le professeur Godwin Baxter est une sommité dans le domaine des greffes organiques. Lorsque qu’une femme enceinte de huit mois se jette d’un pont pour fuir son mari violent, il décide de greffer le cerveau du fœtus dans le corps de la jeune femme pour lui redonner la vie. Pauvres Créatures nous conte la renaissance de cette femme et son (ré)apprentissage de la vie sans le corset des conventions. Des yeux d’enfant dans un corps d’adulte, voilà le cocktail explosif qui va plonger Bella dans de merveilleuses aventures. Curieuse de tout, elle veut découvrir le monde. Non formatée par le monde des humains, notre héroïne plonge dans la vie à cœur et corps perdus et (re)met vite en question l’ordre social, la domination masculine, les prédations et les injustices en tout genre. Face à un monde étriqué, que va-t-il advenir de cette créature sans préjugés et spontanée en quête de liberté et d’égalité ? 

Après La Favorite, YórgosLánthimos retrouve Emma Stone pour son nouveau film, Pauvres Créatures, une œuvre aussi fantastique que politique, aussi géniale que loufoque, aussi drôle que cynique, qui permet au ton décalé propre au cinéaste grec d’exploser enfin pleinement ! Biberonné au cinéma fantastique et fin admirateur de l’expressionnisme allemand, Lánthimos joue sur la palette du gothique et de l’onirisme en inventant ici un monde rétro-futuriste qui bien que très marqué est d’une beauté, d’une intemporalité et d’une universalité foudroyante. Il (ré)invente totalement notre monde occidental pour mieux ausculter nos névroses avec sa caméra scalpel. Son film est un véritable pamphlet philosophique qui décortique notre société avec lucidité et sévérité. Bien sûr, on pense à Frankenstein et à sa créature tout au long du film et Pauvres Créatures porte bien son nom car c’est de notre condition de pauvre humain sur laquelle Lánthimossouhaite nous faire réfléchir. Bella c’est une version contemporaine du Edward de Tim Burton, une sorte de double féminin, comme une piqûre de rappel à notre époque trop sophistiquée de la nécessité de faire sinon table rase, tout au moins l’éloge de la simplicité. C’est vraiment du côté du merveilleux que nous plonge Lánthimos. Merveilleux et conscient ! 

Sylvain Pichon – Cinéma(s) Le(s) Méliès(s), Saint-Etienne

 

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Déménagement

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L’Innocence

L’INNOCENCE

Japon  2023  2H06  VOST

De Hirokazu Kore-eda

Avec Soya Kurokawa, Hinata Hiiragi, Sakura Ando, Eita Nagayama

Musique de Ryuichi Sakamoto (son ultime composition pour le cinéma)

PRIX DU SCENARIO  Festival de Cannes 2023

QUEER PALM du Festival de Cannes 2023

Ce nouveau film de Hirokazu Kore-eda (Palme d’Or en 2018 avec Une affaire de famille ) est une oeuvre en 3 temps.

C’est d’abord, dans une première partie, un récit quasi policier fondé sur une supposée histoire de harcèlement scolaire. Le jeune Minato, âgé d’une dizaine d’années,  adopte un comportement de plus en plus étrange, ce qui inquiète sa mère (veuve et qui l’élève seule) qui le croit victime de harcèlement de la part d’un professeur et se rend dans son école. On y découvre un personnel étrange, et l’on est persuadé d’assister à un film qui dénonce l’indifférence de l’institution et la souffrance des écoliers.

La deuxième partie de l’intrigue donne le point de vue de l’enseignant accusé qui, lui, soupçonne Minato d’être le bourreau du frêle Eri.

La troisième partie , à hauteur d’enfant donc,  contient le coeur du film, reprend les mêmes scènes mais vues par Minato lui-même, et nous donne peu à peu les pièces manquantes du puzzle jusqu’à une vérité déstabilisante pour le spectateur….

Les chemins de traverse qu’emprunte le cinéaste pour révéler la clé du « mystère » semblent dans un premier temps exagérément tortueux, les ruses du script un peu trop alambiquées, au point de donner l’impression d’empêcher l’ensemble de respirer. Mais une fois que les pièces s’assemblent, dans le troisième acte, L’Innocence finit par foudroyer. 

Kore-eda bouleverse en dépeignant la fugue des deux enfants dans la forêt qui jouxte la ville, leurs journées à la Huckleberry Finn passées dans un bus scolaire abandonné aux airs de cabane magique. Loin du monde, des autres, de ce « monstre » qu’est la société et qui condamne aux jugements hâtifs et aux demi-vérités. Comme toujours chez le cinéaste, la délicatesse du trait n’interdit pas, loin de là, une âpreté et une amertume dans le constat sociétal. 

A la fin, après une ode déchirante au pouvoir de la musique dans une salle de classe, et au son du piano de Ryuichi Sakamoto (la dernière œuvre pour le ciné du génial musicien, mort en mars dernier), la pluie cesse, le sens de la fable se révèle, le film lui-même semble se libérer du corset scénaristique dans lequel on le croyait engoncé, et le cinéma de Kore-eda triomphe, encore une fois

D’après Première, les Inrocks, et Culturellement votre.

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Past Lives Nos vies d’avant

 

PAST LIVES , NOS VIES D’AVANT

Film de Céline Song – Etats-Unis – 1h46

Avec Greta Lee, John Magaro, Teo Yoo…

Past Lives, la première réalisation de Céline Song, tisse une tapisserie complexe et émotionnelle sur l’amour ,la perte et la recherche éternelle de liens qui transcendent le temps. Avec pour toile de fond la ville de New York, ce drame poignant plonge dans la vie de trois personnes dont les chemins se croisent de manière inattendue et profonde, exploitant les thèmes du destin, des regrets et du pouvoir durable des relations humaines.

Le film nous présente Na-Young (Seung Ah Moon) et Hae-Sung (Seung Min Yim), des amis d’enfance dont la vie est bouleversée à jamais lorsque la famille de Na-Young déménage au Canada. Les premiers chapitres du récit capturent habilement l’innocence et l’intensité de l’amour jeune, peignant une image vivante de leur lien vibrant. L’alchimie entre les jeunes acteurs est palpable, leurs performances entraînant les spectateurs dans le monde réconfortant mais éphémère de la romance adolescente.

L’histoire fait ensuite un bond dans le temps, retraçant les chemins divergents de Na-Young et Hae-Sung sur une période de deux décennies. Greta Lee et Teo Yoo entrent dans la peau de leurs homologues adultes, imprégnant leurs personnages d’un sentiment de désir et de nostalgie. Le passage du temps est habilement rendu par les costumes et les décors, soulignant la transformation qu’entraînent les expériences de la vie.

Le cœur de Past Lives réside dans l’exposition de la complexité émotionnelle qui survient lorsque Hae- Sung et Na-Young, devenue Nora, reprennent contact après des années de séparation. Greta Lee livre une performance de tour de force, capturant l’essence d’une femme déchirée entre l’amour de son passé et les engagements de son présent. Tee Yoo, dans le rôle de Hae-Sung, apporte une intensité tranquille à l’écran, incarnant le poids des occasions manquées et des émotions non résolues. John Magaro, dans le rôle d’Arthur, le mari compréhensif qui la soutient, insuffle à son personnage profondeur et empathie.

La formation théâtrale de la réalisatrice Céline Song est évidente dans le rythme délibéré et le cadrage réfléchi du film. Chaque scène est méticuleusement conçue, avec des métaphores visuelles qui ajoutent de la profondeur à la narration. Les miroirs deviennent des reflets symboliques des luttes intérieures des personnages, tandis que le paysage de la ville de New York sert à la fois de toile de fond et de métaphore pour les voyages des personnages. La cinématographie du film, dirigée par Shabier Kirchner, capture l’énergie et la diversité de la ville, amplifiant les émotions des personnages sur une toile de fond urbaine vibrante .

Le film met en valeur le talent de la scénariste-réalisatrice grâce à une écriture précise, du dialogue poétique et une mise en scène délicate. L’un des moments les plus marquants du film est une rencontre apparemment ordinaire sur un trottoir de la ville, qui se transforme en un spectacle hypnotique de tension contenue. L’échange entre Nora et Hae-Sung, chargé de mots non exprimés et d’émotions refoulées, est une classe de maître en matière d’interprétation et de mise en scène. L’utilisation de prises de vue prolongées et de gros plans intensifie l’impact émotionnel, donnant lieu à une scène qui reste gravée dans la mémoire longtemps après le générique.

Past Lives n’est pas seulement une histoire d’amour, mais une méditation profonde sur la complexité des liens humains. Le film mêle harmonieusement des éléments de romance, de philosophie et de nostalgie pour créer un récit à plusieurs niveaux qui trouve un écho profond auprès de son public. En entremêlant le passé et le présent, Past Lives souligne la vérité universelle selon laquelle les choix que nous faisons et les liens que nous tissons se répercutent à travers le temps, façonnant nos destins d’une manière que nous ne comprenons peut-être pas entièrement.

Le film explore toutes les personnes que nous aurions pu devenir et souligne que finalement personne parmi elles n’a autant d’importance que la personne que nous sommes aujourd’hui : un ensemble de connexions que nous créons. 

Past Lives est aussi un rappel poignant que le pouvoir de la narration réside dans sa capacité à capturer l’essence de l’expérience humaine. La première réalisation de Céline Song est une réussite indéniable, invitant les spectateurs à réfléchir à leur propre passé, à contempler des chemins non empruntés et à apprécier les fils complexes qui tissent la trame de nos vies.

Critiques de Mulder.

Ciné Surprise le 08/01/2024

Jeudi, Vendredi, Lundi, Mardi : horaires sur les sites cinecimes.fr ou cinemontblanc.fr

Ne jetez pas ce document sur la voie publique.

                                      

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Simple comme Sylvain

 Un film deMONIA CHOKRI

2023 -1H50 -VOST

avec Magalie Lépine-Blondeau, Pierre-Yves Cardinal

 

 Sophia, professeure de philosophie, fait depuis longtemps chambre à part avec son compagnon Xavier, avec lequel elle est en couple depuis 10 ans. Sentant que celui-ci s’éloigne, alors que lors d’un repas avec des amis, il propose à une nouvelle venue en cours de divorce, Virginie, de l’aider à trouver une avocate, elle a moins de scrupules à flirter avec Sylvain, le charpentier qui s’occupe des travaux dans leur chalet dans les Laurentides…

Troisième long métrage de Monia Chokri, révélée à Un certain regard avec « La Femme de Mon Frère« , puis auteure de « Babysitter« , « Simple comme Sylvain » est le récit d’une relation entre une intellectuelle et un homme plutôt manuel, que leur passion physique et l’envie de donner sa chance à une historie, vont réunir malgré leurs différences de milieux. C’est de cette différence, créant des contrastes tantôt gênants, tantôt facteurs de complicité face aux attentes des autres, que se nourrit le scénario. Doté de dialogues mordants, sonnant toujours naturels, celui-ci fait de banalités ou de clichés des traits d’humour (une citation de Michel Sardou, une réflexion sur la cruauté du peuple espagnol…).

Riche en dialogues, le film est ponctué son récit de réunions autour de repas, plus vraies que nature, d’un dîner entre amis chahuté par les cris des enfants, à un repas de présentation à une nouvelle belle famille pas piquée des hannetons, en passant par un repas avec la mère de Sophia. Maîtrisant parfaitement les moments d’émotions, dus à des personnages richement construits (la scène où la détresse de la belle-mère s’exprime, face à la disparition progressive de la personnalité de son mari, atteint d’Alzheimer, est un modèle de tact…), Monia Chokri nous offre aussi le portrait d’une femme ayant le courage de s’aventurer loin de la routine de son couple, et à laquelle se rappelle cruellement son âge ou le physique avantageux des ex-compagnes de son nouveau mec, voire leur différence de niveau d’intellect.

Magalie Lépine Blondeau excelle dans ce rôle de femme forte, maîtrisant ses émotions ou sa gêne, comme lorsque la belle-famille affirme avec aplomb que «Sylvain c’est l’intellectuel de la famille». Quant à Pierre-Yves Cardinal, découvert dans le « Tom à la Ferme » de Xavier Dolan, il a l’air de beaucoup s’amuser à interpréter les sex-symbol premier degré. On ressort du film avec non seulement une forte envie d’aimer, mais conscient qu’une relation dépend de tellement de facteurs et de connexions, physique, intellectuelle, familiale… que sa faculté à durer dans le temps, demande efforts et prise de risque.

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Perfects Days

PERFECT DAYS

Film de Wim Wenders – Japon , Allemagne – VOST – 2h03 

Avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano

Perfect Days , le nouveau film de Wim Wenders ( « Les ailes du Désir, Paris Texas » ) a de quoi surprendre et déstabiliser ! Il narre l’histoire d’un tokyoïte dont le travail est de récurer les toilettes de la capitale nippone. 

Jour après jour, l’homme se lève, prend son petit-déjeuner, arrose ses bonzaïs, se rend à son travail, termine sa journée aux bains publics, puis au bar du coin avant parfois d’aller acheter un livre dans sa librairie préférée. 

Cette construction journalière méthodique, Wim Wenders viendra par trois fois la conter avec un personnage principal quasiment mutique .Sous les traits de l’excellent koji Yakusho, laureat du Prix d’Interprétation Masculine Cannois 2023 pour ce rôle tout en finesse, Hirayama n’est pas muet, juste pas bien bavard, contrairement à son collègue qui le seconde sur le nettoyage des sanitaires nippons : des lieux qui sont une vraie institution au pays du soleil levant… et qui font figure de seconds rôles dans le film de Wim Wenders. Ce dernier semble être totalement fasciné par leurs différentes architectures et le lieu de vie qu’ils constituent au Japon (on y laisse des petits jeux sur papier). 

Ce quotidien, qui est l’essence même du film, est parfaitement montré et distillé grâce à un montage vraiment habile et qui annihile tout ennui.

Mais le film est loin de se résumer à un documentaire sur les sanitaires nippons.

Le long-métrage (deux heures dont on ne ressent jamais le poids de la monotonie) va analyser la vie d’Hirayama, un homme pas aussi simple que ne semblait le laisser croire les premières scènes du film. Au fur et à mesure du récit, Wenders explore les liens que celui-ci noue avec tout son entourage : les clients, ses collègues, les commerçants, sa nièce, sa sœur. On découvre alors un homme à la fois ordinaire et complexe, drôle et attachant. Et le métrage de célébrer sa bienveillance , sa bonté et sa générosité. Une personnalité et une conduite qui apportent tant de sérénité à l’intéressé qui jouit de la vie grâce à de petits plaisirs. On dit que le bonheur est quelque chose d’intime. A chacun de trouver comment être comblé de bonheur. 

Hirayama trouve aussi le bien-être dans la photographie, la lecture, des standards du rock sur cassettes audio (on se  délecte des chansons des Rolling Stones, de Patty Smith, Lou Reed ou encore Otis Redding) et même – plus délicat – dans l’éloignement de certains problèmes familiaux que l’on devine. 

Wenders nous donne à voir les choses différemment et refuse de juger l’homme pour ses choix, ce dernier les assumant complètement. Que reprocher à celui qui ne recherche qu’à vivre ses jours parfaits ?

Perfect Days est de ces films sensibles et poétiques qui vous touchent en plein cœur.

Critique ABUS de CINE

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Pierre Feuille Pistolet

PIERRE FEUILLE PISTOLET

De Maciek HAMELA, documentaire, Pologne/France /Ukraine-VOST. 1h24.

Le cinéaste polonais donnait, avec son van de huit places, un coup de main pour véhiculer des amis fuyant les bombardements russes qui débutaient. Puis il a enchaîné les trajets et les rencontres pour les victimes d’une guerre aussi soudaine que monstrueuse. Il a parcouru plus de cent mille kilomètres sur les routes d’Ukraine et a décidé de laisser une trace des échanges, confessions, larmes parfois rires sur la banquette du van en route vers l’exil. Sasha, 34 ans, s’excuse mais sa fille Sanya, petit bout de 5 ou 6 ans, ne parle plus depuis qu’un missile est tombé à quelques mètres de la maison, blessant grièvement son frère. Ewelina, 21 ans, est avec sa maman de 38 ans et son bébé. Cette mère porteuse espère se rendre à Paris, où l’attend la future famille de l’enfant. Elle doit se débrouiller seule, la clinique où elle était suivie n’existant plus. Ou encore une grand-mère réconfortée par ses petits-enfants lorsqu’elle évoque, la larme à l’œil, la ferme familiale, les vaches abandonnées. La caméra frontale capte le récit de ces témoins. C’est la survie dans ce huis clos, et la guerre dehors. Et Sofia, gamine malicieuse de 7 ans, propose une partie de Pierre- Feuille-Ciseaux…

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Little Girl Blue

Réalisatrice Mona Achache

France / 1H35

Avec : Marion Cotillard, Mona Achache, Marie Brunel

 

Entre documentaire et auto-fiction, Mona Achache fait le vibrant portrait de sa mère, Carole Achache, qui fut romancière, mais aussi photographe de plateau (pour Sautet, Losey, Tavernier…) et des femmes de sa famille accablée d’une étrange malédiction. Marion Cotillard y livre une composition inouïe. 

 Entre malaise et curiosité, Mona Achache exhume, quelques années après son suicide à 63 ans, l’histoire de sa mère. Son beau film s’ouvre sur une montagne de documents : des lettres, des photos, des carnets, éparpillés dans un appartement et progressivement épinglés au mur par la cinéaste. C’est le chaos. Puis elle remonte le fil. Et très vite, le chaos laisse place au vertige. Le récit familial devient celui d’un trauma qui va se recomposer sur trois générations et que chaque femme transmet à la suivante. Pour conjurer ce cycle infernal, la réalisatrice décide donc d’en effectuer l’archéologie et choisit de faire revivre sa mère.  

Marion Cotillard entre alors en scène et se transforme devant la caméra, jean, perruque, cardigan, bijoux, lunettes…, jusqu’à composer un portrait presque parfait de Carole Achache, et se raconter…Son enfance, fille très aimée par sa mère Monique Lange, l’emprise de Jean Genet, consentie par cette même mère, puis la drogue, le sexe, la nécessité d’écrire, les refus des éditeurs, la tentation d’en finir…Plongée dans un microcosme intellectuel des années 60/70 , folle envie de liberté…

A travers Marion Cotillard, le film est aussi le plus incroyable témoignage sur un travail d’actrice, elle a visionné pour interpréter ce personnage des heures de pellicules, écouté des dizaines d’interviews,  elle pousse la perfection  jusqu’à modifier sa voix en utilisant le tabac….Elle incarne littéralement cette mère, et nous fascine…

D’après Première et Télérama 

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Googbye Julia

« Goodbye Julia » aura représenté un des évènements de l’édition 2023 du Festival de Cannes. Non pas tant pour le Prix de la Liberté que le film a reçu au sein du Certain Regard, mais parce qu’il représente la première incursion du Soudan en sélection officielle. L’œuvre s’ouvre sur des couleurs chaudes, en 2005, à une époque où le pays était unifié, au sens qu’il ne formait qu’un État. Mais sa population était, elle, bien divisée, entre le Sud à majorité chrétienne, et le Nord principalement musulman. Pour ceux qui suivent les actualités internationales, le sort du pays ne sera pas une surprise, un référendum de 2011 aboutissant à l’indépendance du Sud, et l’année 2023 ayant vu l’émergence d’une guerre sanglante initiée par des généraux avides de pouvoir.

Si le métrage esquisse en creux les troubles de cette terre d’Afrique du Nord-Est, il se concentre bien plus sur son duo de protagonistes, Mina et Julia. La première est une ancienne chanteuse ayant abandonné la musique pour satisfaire son mari, se contentant de sa vie bourgeoise dans les quartiers huppés. La seconde vit dans la même région, mais dans un secteur nettement moins privilégié. Avec ses origines sudistes, on lui rappelle d’ailleurs régulièrement à quel point elle est par essence inférieure à ses voisins aux racines différentes. La rencontre entre les deux n’aurait ainsi jamais dû se produire, mais un triste événement va amener Mina à embaucher Julia comme employée de ménage, avant qu’une amitié réelle ne naisse entre elles.

Pour son premier passage derrière la caméra, Mohamed Kordofani, ancien ingénieur, fait preuve d’une certaine aisance, en particulier dans sa manière de mêler l’intime aux troubles de cette société qu’il ausculte de loin. On sent les clivages sociaux, ce racisme systémique, mais le drame se joue ici ailleurs, au cœur d’un microcosme familial bouleversé suite à une tragédie. Les secrets s’immiscent, les faux semblants aussi, la culpabilité remonte. La tentation du pamphlet est balayée par la réalisation d’un portrait maîtrisé, à la fois chronique d’une amitié bouleversante et récit d’émancipation de deux femmes qui rêvent d’échapper à leurs conditions, peu importe qui leur impose leurs contraintes, « Goodbye Julia » demeure indéniablement un film à voir, aussi bien pour son sujet que pour la rareté de ce type de productions dans nos contrées hexagonales.

Christophe Brangé

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L’enlèvement

L’enlèvement (Rapito), Italie, 2h 14 , VO

De Marco Bellocchio, avec Paolo Pierobon,Enea Sala,Leonardo Maltese

En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant, baptisé en secret, étant bébé, par sa nourrice inquiète pour le salut de son âme. La loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Il devient le protégé, autrement dit l’otage du pape-roi Pie IX. Ses parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour libérer leur fils de l’endoctrinement qu’il subit à grand renfort d’Agnus Dei et de parties de cache-cache dans les jupes du Saint-Père. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…Au nom du fils perdu, le cinéaste embrasse le désespoir de ses parents lors de scènes déchirantes ponctuées par de grandes envolées musicales. Son lyrisme, jamais pompier, se double d’un éternel penchant pour l’onirisme, qu’il s’agisse d’Edgardo décrochant un Christ sanguinolent de sa croix ou de Pie IX rêvant que des rabbins viennent le circoncire de force dans la nuit. Mais la séquence où le pape oblige une délégation juive à ramper à ses pieds, tient, elle, d’un cauchemar bien réel.

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