Ciné Mont-Blanc
A ne pas rater !!
/!\ Le prochain Coup de Coeur Surprise aura lieu le Lundi 6 Janvier 2025 à 20h 00. A l’issue de la projection, nous vous proposons de nous rejoindre afin d’échanger vos impressions.
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Toute l'équipe Cinécimes vous souhaite une excellente année cinéphile !!
Archives : Archives films
PEUR DE RIEN
De Danielle Arbid – France – 2h00
Avec Mana Issa, Vincent Lacoste, Paul Hami, Dominique Blanc…
Lina, jeune Libanaise de 17 ans, belle à ravir mais qui semble l’ignorer, vient étudier en France au début des années 1990. Elle vit chez sa tante et son oncle, lequel tente un soir d’abuser d’elle. Elle quitte leur maison de banlieue, quasiment sans argent. Elle trouve refuge chez une amie de l’université, décroche un emploi et en discothèque, rencontre Jean-Marc, riche homme d’affaires dont elle devient la maîtresse. Ainsi commence l’éducation sentimentale de la jeune fille, qui doit se battre pour avoir un toit au dessus de la tête et obtenir sa carte de séjour… Le film bénéficie d’une distribution enthousiasmante et sonne comme l’hommage d’une immigrée à la France . Beau geste, surtout en ces temps troublés.
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Steve Jobs
De Danny Boyle – 2015 – USA – 2h – VOST
Avec Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels…
Boyle-Sorkin-Fassbender : trio magique pour un biopic hors normes. Le génial scénariste Aaron Sorkin fait de Steve Jobs (le fondateur d’Apple décédé en 2011) un de ces monstres fascinants et terribles comme le cinéma les aime. Sorkin surprend Steve Jobs à trois moments clés de sa carrière, dans trois lieux symboliques de San Francisco : en 1984, au Flint Center, il y lance son Macintosh. En 1988, il y présente son NeXT, qui ne connaîtra pas un grand succès. En 1998, au Davies Symphony Hall, il devient une légende en créant l’iMac. Sorkin trouve ici une idée, à la fois géniale et gonflée, pour raconter cet homme nombreux qu’était Jobs et dépeindre le boss visionnaire comme l’homme tyrannique. Un tourbillon de mots, de gestes et de sentiments qui tiennent en haleine de la première à l’ultime image. Le rythme et la tension sont aussi donnés par la mise en scène sobre de Danny Boyle. Enfin, Michael Fassbender livre une prestation renversante dans le rôle de Jobs et en restitue l’essentiel : l’aura, l’intelligence, la violence, l’incapacité à nouer des rapports humains simples. Un film virtuose.
En 1984, dans les coulisses du lancement de l’ordinateur Macintosh. Steve Jobs (Michael Fassbender) se prépare avant de présenter sa nouvelle création au public. La tension est palpable d’autant qu’une ancienne relation (Chrisann Brennan) vient le voir, accompagnée de sa fille Lisa. Elle lui réclame de l’argent pour élever convenablement leur enfant. Jobs refuse cette paternité. De son côté, Steve Wozniak (Seth Rogen), un ingénieur informatique, réclame un peu plus de considération pour les personnes qui ont participé au succès de l’entreprise APPLE. Jobs se dérobe à nouveau. On le retrouve quelques années plus tard pour le lancement de NeXT Computeur et surtout de l’iMac qui fera de lui le grand manitou de la compagnie – des moments « révolutionnaires » qui ont ponctué nos trente dernières années.
CRITIQUE DE TELERAMA LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 03/02/2016
Ce n’est pas une biographie hollywoodienne de plus, ce qui évite au film de verser dans l’hagiographie et l’académisme. Le génial scénariste Aaron Sorkin (il avait écrit The Social Network pour David Fincher) fait de Steve Jobs (le fondateur d’Apple, pour faire court, décédé le 5 octobre 2011) un de ces monstres fascinants et terribles comme le cinéma les aime, du Kane d’Orson Welles au There will be blood de Paul Thomas Anderson. Aaron Sorkin (un des plus grands scénaristes et dialoguistes américains) véritable concepteur du film (Danny Boyle , le réalisateur, n’est qu’un exécutant discret et doué – pour mémoire le réalisateur du film Slumdog Millionaire récompensé par 8 Oscars), surprend Steve Jobs à trois moments clés de sa carrière, dans trois lieux symboliques de San Francisco : en 1984 au Flint Center, il y lance son Macintosh. En 1988 il y présente son NeXT qui ne connaîtra pas un grand succès. En 1998 enfin, dans une salle de concert futuriste, le Davies Symphony Hall, il devient une légende en créant l’iMac.
On dirait presque une pièce en trois actes. Mais du théâtre jamais théâtral. Tout bouge tout le temps : de la scène où Steve Jobs, épouvantable pinailleur, enquiquine tous ses collaborateurs, on file vers les coulisses où, protégé par une assistante fidèle, Joanna Hoffman, excédée et indestructible (Kate Winslet, magnifique), il affronte — ou plutôt il efface — tous les êtres qui pourraient lui inspirer un quelconque sentiment, une impardonnable faiblesse à ses yeux. En 1984, il rejette une femme, flanquée d’une gamine prénommée Lisa dont il refuse d’être le père. En 1998, un ex-collaborateur, Steve Wozniak, lui demande de rendre hommage aux techniciens de son ancienne boîte. Un superbe duel verbal oppose alors Jobs, muré dans son orgueil, et Wozniak, dans son altruisme. « Tu sais qu’on peut être génial et généreux », lance-t-il à son ex-pote, qui connaît parfaitement le sens du premier adjectif, mais sûrement pas du second. Exaspéré, Wozniak finit par lâcher : « Tes projets valent mieux que toi, frérot ! », ce qui lui vaut cette réplique révélatrice : « Mais c’est le but, frérot ! ».
Même si Danny Boyle et Aaron Sorkin ne résistent pas, au dernier moment, à humaniser le personnage (Lisa, la fille rejetée, finit par regarder son brillant papa avec les yeux de l’amour), Steve Jobs reste jusqu’au bout un maléfique. Un égotiste. Un autolâtre effréné. Traumatisé à vie d’avoir été abandonné à sa naissance, sans doute, ce que le film évoque en passant, sans sombrer dans une psychanalyse de bazar. La grande idée, c’est d’avoir choisi Michael Fassbender pour incarner Steve Jobs. Impérial, magnétique et envoûtant, il est habité par un rôle qui est sans conteste son plus grand. Ses grands sourires francs, son charisme, son côté sexy-sympa contribuent à faire ressortir la dualité du personnage, provoquant à la fois chez ceux qu’il ne cesse d’abaisser et de blesser une haine tenace et un dévouement indéfectible. Peut-on être simultanément un mec odieux et talentueux ? Oui. Et le trio Sorkin-Boyle-Fassbender nous le prouve. Pierre Murat
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CAROL
Du 4 au 9 février
De Todd Haynes – GB/USA – 2015 – 1 h 58 – VOST
Avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler…
Carol est une femme en train de s’écrouler, elle ne tient plus que par l’artifice de son statut d’épouse et de mère, belle et mondaine. Thérèse est une jeune femme légère et insouciante, en train d’éclore, que la société des années cinquante pousse à se couler dans le moule que l’époque choisit pour elle : être une gentille épouse et une mère modèle. Quand elle croise le regard un peu froid de cette femme distinguée à la silhouette parfaite, Thérèse est subjuguée. Lorsque Carol croise le regard de cette petite vendeuse de jouets à l’allure encore juvénile, elle est fascinée par cette candeur, pas encore broyée par le poids des convenances; c’est un appel au rêve pour elle, depuis trop longtemps prisonnière d’un mariage raté.
Magistralement filmées, les deux comédiennes forment un duo troublant de sensualité et de douceur contenues. Un film somptueux.
Prix d’interprétation féminine au festival de Cannes 2015 pour Rooney Mara
Critique
Après avoir embaumé avec faste le cinéma de Douglas Sirk dans Loin du Paradis, Todd Haynes a opéré, avec I’m Not There, un retour vers l’autre versant de sa filmographie, le faux biopic. Au tombeau d’un maître, succédait ainsi la déconstruction d’une icône culturelle (Bob Dylan) en autant de numéros d’acteurs, à commencer par Cate Blanchett, dont le transformisme radical battait Christian Bale et Heath Ledger à leurs propres jeux. Les retrouvailles, huit ans plus tard, de la star australienne et du réalisateur californien dans un mélodrame plantant à nouveau sa tente dans l’Amérique corsetée des années 50 pouvaient laisser perplexe. Doutes dissipés à la découverte de Carol, qui se hisse sans mal à la cimaise d’une œuvre protéiforme et parfois excessivement maniérée, mais que la mini-série télévisée Mildred Pierce avait, il y a cinq ans déjà, mise sur la voie du néoclassicisme.
Imitation of Life
À vouloir dupliquer l’univers en Technicolor de Sirk, Loin du paradis n’en cherchait pas moins à révéler au grand jour le refoulé homosexuel de la figure de Rock Hudson, dont le succès reste indissociable de celui du cinéaste allemand exilé à Hollywood. À la littéralité du geste, se mêlait donc une part d’ironie, qu’atténuait l’interprétation, désarmante de sincérité, de Julianne Moore en épouse dévouée surprenant son mari avec un homme. Ce révisionnisme produisait l’effet d’une greffe expérimentale dont la réussite formelle s’accompagnait d’un souci constant d’ausculter le passé pour y diagnostiquer les maux du présent. À cette critique sociale qui se réclamait aussi de l’héritage politique d’un Fassbinder, Carol substitue un programme aussi modeste que concluant : chercher le cœur battant de ses deux personnages, qui n’en formeront plus qu’un le temps d’une étreinte.
Haynes est aidé dans sa quête par un scénario mûri pendant presque 15 ans par Phyllis Nagy, qui n’a retenu du livre de Patricia Highsmith dont il est adapté que l’essentiel : l’histoire d’une passion interdite, racontée à la manière d’un roman policier, du point de vue de l’une des deux « coupables ». En s’en remettant à la subjectivité de la plus jeune, Therese (Rooney Mara), qui remonte à la source de son désir comme on mène une enquête, le film fait de Carol tout à la fois une figure tutélaire, une obsession amoureuse et une femme fatale qui se dérobe à l’emprise du regard. Ce regard, la photographie en est le vecteur, grâce à un appareil qu’offre Carol à Therese pour encourager sa passion naissante, et dont celle-ci use dans un premier temps pour fixer la présence de l’être aimé (autrement dit pour en conjurer l’évanescence). Ces clichés sont autant de preuves qu’elle rassemble, mue peut-être par le pressentiment d’un départ imminent, qu’une intimité encore balbutiante ne parvient pas à chasser.
Cette disparition se produira lorsque Carol, en instance de divorce, est sommée de choisir entre la poursuite d’une liaison scandaleuse avec cette vendeuse de jouets de vingt ans sa cadette et la garde de son enfant. Haynes crève alors cette bulle fantasmatique dans laquelle une Therese transie maintenait Carol et révèle sa triviale existence de grande bourgeoise esseulée et malmenée par le puritanisme ambiant. Tandis que Loin du paradis se soumettait encore aux lois du genre mélodramatique en congédiant chez elle Julianne Moore sous un torrent de violons, la rupture au contraire s’avère pour Therese émancipatrice : elle devient photographe au New York Times, où elle fait l’apprentissage de son indépendance après celui de son désir. L’enivrante liberté d’être fidèle à soi-même ne se gagne pas seulement en fuyant un monde hostile à sa différence. De fait, la brèche ouverte par un road movie à mi-chemin du film n’empêchera nullement Carol et Therese d’être rattrapées par la suspicion de leurs contemporains. À leur retour, l’une et l’autre devront chercher, seules mais avec ténacité, la lumière dans une ville qui n’aura eu de cesse de les enténébrer.
Anges déchus
La recréation du New York désenchanté de 1952 est à cet égard saisissante. À l’optimisme à marche forcée des années Eisenhower, qui s’apprêtent à débuter, Haynes et son chef opérateur Edward Lachman opposent un espace urbain en forme de huis-clos. Les tonalités désaturées de la palette chromatique et l’image granuleuse du Super 16 mm projettent sur les deux amantes l’ombre du film noir sans que rien de la séduction et du mystère associés au genre n’en subsiste à l’écran. Les surcadrages accentuent la claustrophobie diffuse qui sourd d’intérieurs faits de passages, d’embrasures et d’enfilades de pièces semblables à de tristes dédales. Ce formalisme trouvera sa justification ultime dans le tressaillement d’un plan final, bouleversant, auquel le cinéaste nous aura minutieusement préparés : une épiphanie qui advient au beau milieu d’un restaurant, par la grâce d’une caméra subjective aux élans de transport amoureux.
Pour y croire, il fallait aussi deux interprètes à la hauteur d’un tel sentiment. Avec ses yeux fixes de poupée tout droit sortie du grand magasin où elle officie au début du récit et ses joues rosies par l’hiver new-yorkais, Rooney Mara est absolument parfaite, toute entière retranchée dans un mutisme prédateur. Ce visage encore marmoréen se veinera bientôt d’émotions qui culmineront dans une très belle scène charnelle. Mais seule une actrice d’une plasticité hors-norme pouvait faire miroiter les multiples facettes de Carol. Cate Blanchett lui prête son prodigieux talent, tout en modulant sa virtuosité proverbiale, et c’est un bonheur de la voir se risquer ainsi à la vérité de son personnage plutôt que de se livrer à une simple performance. L’alchimie de leur rencontre naît de frôlements et de regards, transactions érotiques reconduites de champ en contrechamp et dont la sensualité réchauffe chaque plan d’un feu qui brûle longtemps après la fin du générique. « No other love can warm my heart/Now that I’ve known the comfort of your arms », chante Jo Stafford dans l’un des standards retenus pour la bande originale. Entêtant refrain qui pourrait leur tenir lieu de viatique.
Damien Bonelli – Critikat
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A PEINE J’OUVRE LES YEUX
Du 28 janvier au 2 février
De Leyla Bouzid – France – Tunisie – 2015 – 1h42
Avec Baya Medhaffar, Ghalia Benali…
L’histoire se passe à Tunis, durant l’été 2010, quelques mois avant la Révolution. Farah, une bachelière de 18 ans, croque la vie à pleine dents, tombe amoureuse, s’enivre et chante sur scène des chansons anti – gouvernementales au sein d’un groupe de rock engagé contre la volonté d’Hayet, sa mère qui, connaissant la Tunisie et ses interdits, vit dans la peur face aux agissements de sa fille. A travers le portrait de cette fille insoumise, c’est la soif de liberté et de révolte de toute une génération qui nous est montrée à quelques mois du printemps arabe. Avec ce premier long métrage attachant, Leyla Bouzid signe une réalisation dynamique et pertinente de sa Tunisie natale.
Ce film a déjà reçu de nombreux prix dans des festivals en particulier le prix du public à la Mostra de Venise.
Critique
La jeune réalisatrice tunisienne Leyla Bouzid situe l’action de son premier film quelques mois à peine avant la révolution de Jasmin, avec la volonté de faire ressentir ce qu’était la vie des Tunisiens – et particulièrement de la jeunesse – sous l’ère Ben Ali : « J’ai voulu revenir sur la sensation d’étouffement, la peur continue qu’on ressentait alors. Il ne faut pas oublier ces émotions. Je parle plus particulièrement de l’atmosphère des derniers mois du régime. Alors que la corruption rongeait tout, les gens étaient agressifs, ils évoluaient dans l’incertitude. C’était un peu une fin de règne. Tout cela explique, au moins en partie, énormément de choses, notamment les raisons de l’explosion qui ont conduit à la révolution ».
Tunis, été 2010. Farah est une jeune fille brillante qui vient de réussir son bac avec succès et que sa famille imagine déjà médecin. Mais Farah est aussi une fille à l’énergie débordante – et au caractère bien trempé – qui veut profiter de la vie et de sa jeunesse. Elle sort dans les bars, s’enivre, découvre l’amour dans les bras d’un musiciens du groupe de rock dans lequel elle chante des textes engagés, qui parlent des problèmes de son pays, de sa frustration et de ses rêves qui sont aussi ceux de ses compatriotes. Libre et impulsive, Farah s’oppose à la volonté de sa mère Hayet, qui connaît les interdits de son pays et tente de la protéger en l’éloignant de son groupe. Car dans la Tunisie de Ben Ali, Farah est considérée comme une rebelle, les membres de son groupe sont d’ailleurs surveillés par la police. Mais le désir de liberté est trop fort pour être contenu. Et c’est peu à peu les rouages de la machine répressive qui vont se refermer sur la jeune fille, symbole d’une jeunesse fière et vivante qui veut rester debout, mais risque d’en payer le prix…
« A peine j’ouvre les yeux » est donc le portrait d’une jeune fille trop libre pour un système autoritaire qui n’a plus d’autres solutions que la répression et la violence pour perpétuer son règne, étendard d’une jeunesse qui fera entendre sa voix quelques mois plus tard. Le film de Leyla Bouzid laisse une grande place à la puissance de la musique – rock inspiré des rythmes du mezoued, musique populaire tunisienne – et aux textes chantés par Farah. Et offre deux magnifiques personnages à deux sublimes actrices autour desquelles le récit se resserre peu à peu : la jeune Baya Medhaffar, dont c’est la première apparition, incarne Farah avec une énergie ébouriffante face à la célèbre chanteuse tunisienne Ghalia Benali, remarquable dans le rôle de sa mère Hayet. (Critique UTOPIA )
Ce film a reçu de nombreux prix dans des festivals en particulier le Prix du Public et le Prix Label Europa Cinémas à la Mostra de Venise.
Film présenté en collaboration avec Amnesty International.
Présence d’Amnesty et discussion après la projection de ce film le lundi 1ier février.
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LES PREMIERS, LES DERNIERS
Du 11 au 16 février
De Bouli Lanners – France Belgique – 2016 – 1H38
Avec Albert Dupontel , Bouli Lanners, Suzanne Clément…
Gilou et Colchise, deux types patibulaires et fatigués, vraisemblablement chasseurs de primes, amis inséparables, enquêtent sans entrain sur un vol de téléphone portable au contenu compromettant. Des personnages hyperincarnés et dépouvus d’âme, dans un décor sombre, plat, battu par le vent, qui semblent jouer aux cowboys et aux indiens… Film puissant sur l’ultramoderne solitude, et sur la violence qu’un monde sans codes sociaux de base pourrait faire naitre. Les acteurs, qui ont pris un plaisir évident à jouer ces héros grisâtres, sont impériaux.
Critiques
Utopia
Les deux héros sont deux hommes de main chargé par un mystérieux commanditaire de retrouver un téléphone volé contenant des informations compromettantes. Mais Gilou et Cochise ne sont pas des chasseurs de prime de toute première fraîcheur, aucune chance qu’on les confonde avec Steve Mc Queen, notamment Gilou (Bouli Lanners), affublé d’un petit chien ridicule et parfaitement incapable de courir plus de cent mètres sans risquer la crise cardiaque. Les voilà perdus dans la plaine de Beauce. Leur chemin va croiser un jeune couple de handicapés en fuite et une bande d’autochtones fort peu accueillants.
Au-delà de l’intrigue étonnante parce que jamais prévisible, la force du film tient au formidable duo Albert Dupontel / Bouli Lanners, parfaits en losers magnifiques unis à la vie à la mort par l’amitié et les galères. Et on n’oubliera surtout pas les rôles secondaires : Suzanne Clément, la comédienne fétiche de Xavier Dolan, Serge Riaboukine impayable en beauf brutal et borné, et les vieux sages Michael Lonsdale et Max Von Sydow dans des apparitions lumineuses. Visuellement le film est splendide : Bouli Lanners donne une dimension étique au paysage uniforme et monotone de la plaine beauceronne et en fait ressortir les étrangetés .
Le Monde
La fin des temps ressemble à un tableau de l’aurore du monde. Les derniers hommes ont la barbe longue et le peu de souci de l’esthétique vestimentaire qu’on imagine chez les premiers. Il n’y a plus de ville, mais des bâtiments vides qui tombent en décrépitude au milieu de la presque rase campagne noyée dans la brume. Des voies de chemins de fer qui n’ont pas vu de trains depuis des lustres, des animaux qui passent et que l’on chasse .Il y a Jésus. On a du mal à croire que c’est le vrai, mais il a, sur une main, l’un des fameux stigmates – et lorsqu’avec la fin des temps revient l’envie de croire, un stigmate, ce n’est pas rien. Au milieu de tout cela, des personnages, qui s’égarent plus souvent qu’ils n’avancent, questionnent plus qu’ils n’affirment, quand ils ne sont pas définitivement lassés des questions.
Héros errants. Noémie Luciani .
Première
De ces stéréotypes de Western, Bouli Lanners tire un film puissant sur l’ultramoderne solitude et sur la violence qu’un monde débarrassé des codes sociaux de base pourrait faire naitre…. Les acteurs ont semble-t-il pris un plaisir évident à jouer ce type de héros grisâtres, peu courants sous nos latitudes. Ils sont tous très brillants.
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AU-DELÀ DES MONTAGNES
Du 18 au 23 février
De Jia Zhang-ke – Chine – 2015 – 2h11 – VOST
Avec Zhao Tao, Zhang Yi, Liang Jing-dong…
L’histoire de trois jeunes gens, une femme et deux hommes, de 1999 à 2014 puis 2025, illustre l’évolution de la société chinoise, entre rêve d’ouverture à la vie dans le monde capitaliste et attachement aux traditions. Mais passer de la condition de sujet chinois à la condition d’individu du monde globalisé n’est pas sans poser des questions, et en particulier pour la génération suivante. Où pourrait mener ce déracinement ? Une fresque somptueuse qui interroge sur la Chine d’aujourd’hui et de demain.
Critique
Le réalisateur raconte l’histoire de trois jeunes chinois dans le monde d’aujourd’hui, sur un quart de siècle de 1999 à 2025, et nous montre une Chine qui s’ouvre à la société globale avec pour symboles l’entreprise individuelle, l’argent, l’international, la liberté hors sol, la sécurité. Et en fin de compte, il nous questionne sur ce qui ne concerne pas que la Chine : dans ce monde-là, comment va se construire l’identité des nouvelles générations ?
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Propos de Jia Zhang-ke, récemment à Paris : «A chaque nouveauté technologique ou économique, je me demande comment tout cela a une influence sur nous. Avant, quand l’être aimé était à 50 km, on se lamentait. Aujourd’hui, il y a Facetime. Le discours amoureux évolue. Il y a des choses évidentes et d’autres, non. C’est ce que je veux montrer.»
«Mon père est mort en 2006 et ma mère s’est retrouvée seule. Régulièrement, j’allais la voir et mon premier réflexe était de lui donner de l’argent. J’ai vu que ça la rendait presque malheureuse. C’était un signal pour moi : je reproduisais une violence, et il fallait que je la filme. Cette violence est moins évidente que celle de Touch of Sin, mais elle est aussi forte.»
«On rêve toujours de stabilité, d’amour, mais quand on réfléchit a posteriori, de quoi sont faites nos vies ? De bouleversements, de ruptures, de conflits, de changements… J’ai voulu filmer la façon dont les changements provoquent une déperdition. Quelques jours après la sortie, il y a eu deux faits divers. Un homme voulait assassiner son ami de la même façon que dans mon film. Et un haut fonctionnaire a été arrêté pour corruption. Dans les journaux, on a lu que son fils se nommait Cash. »
Toute la force émotionnelle d’Au-delà des montagnes réside aussi dans notre rapport étrange à la Chine. Ce pays immense, violent et fascinant, on ne le connaît que par le récit de ses catastrophes, ses drames humains, sa censure, le délire du développement économique. La grande réussite de Jia Zhangke est de parvenir, avec son humanisme, à faire de nous des habitants de cette zone, pour dépasser tout orientalisme ou exotisme, et à nous permettre de vivre entièrement cette fiction comme des témoins. (Extraits de Libération)
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45 ANS
Du 25 février au 1er mars
De Andrew Haigh – Britannique – 2015 – 1h35 – VOST
Avec Charlotte Rampling, Tom Courtenay, Geraldine James…
Kate et Geoff Mercer sont sur le point d’organiser une grande fête pour leur 45e anniversaire de mariage. Pendant ces préparatifs, Geoff reçoit une nouvelle : le corps de Katya, son premier grand amour, disparu 50 ans auparavant dans les glaces des Alpes, vient d’être retrouvé. Cette nouvelle va alors bouleverser le couple et modifier doucement le regard que Kate porte sur son mari…
Critique
Tout se joue sur un oui ou sur un non… Allongée, la nuit, dans le lit conjugal, Kate pose une question à son mari. Cette femme, disparue il y a un demi-siècle dans les glaces des Alpes et dont on vient de retrouver le corps, cette Katya dont il ne lui a jamais parlé, mais qui semble avoir eu une si grande place dans sa vie, l’aurait-il épousée, jadis, si elle n’était pas morte ?…
Sans la moindre hésitation, comme une évidence, Geoff lui répond « oui ». Et rien ne compte plus, soudain, pour Kate que ce oui. Tout s’écroule. Ce n’est pas vraiment de la jalousie, mais une brisure. Un brusque anéantissement. Comme si un virus, entré par effraction dans son organisme, détruisait à une vitesse folle toute sa mémoire et les souvenirs qu’elle y avait soigneusement sauvegardés.
Elle tente de réagir. Dans quelques jours aura lieu cette fête – pour leurs 45 ans de mariage, quelle ironie! – et il lui faut lancer les invitations, acheter des cadeaux. Elle essaie de se persuader que sa réaction était folle. Irraisonnée. D’ailleurs, la vie semble reprendre son cours…Mais le fantôme de cette rivale au prénom si semblable au sien ne la quitte plus. Elle s’interroge. Que d’hypocrisies, que d’impostures : elle se croyait l’élue, elle n’était que la doublure. Elle n’a servi à Geoff que de pansement, de remède contre ses doutes et ses angoisses. Elle hurle en silence.
C’est un film discret et terrible où le réalisateur a l’intelligence de faire du troisième âge non pas une génération molle et assoupie, mais ardente et tourmentée. La sagesse ? Un attrape-nigaud, un leurre que le moindre déchirement efface.
Tiré d’une nouvelle de l’auteur britannique David Constantine, le nouveau film d’Andrew Haigh (à qui l’on doit notamment Week-end, en 2011) a trouvé sa place au palmarès du dernier festival de Berlin, en février 2015. Ses deux acteurs principaux, Charlotte Rampling et Tom Courtenay y furent récompensés d’un double prix d’interprétation mérité.
Avant même sa sortie en salle, 45 ans, jouissait d’un intérêt qui devrait se confirmer, tant l’exploration fine du couple, à laquelle se livre le cinéaste, s’avère convaincante. Cette œuvre à la mise en scène sobre éclaire, dans le quotidien rural et cossu d’une campagne anglaise, l’insidieuse progression du doute entre un homme et une femme vieillissants, sur le point de fêter plus de quatre décennies de mariage…
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Ixcanul
Du 3 au 8 mars
De Jayro Bustamante – 2015 – Franco-Guatémaltèque – 1h31
Avec Manuel Manuel Antún, Jayro Bustamante, María Mercedes Coroy…
Maria, 17 ans, vit avec ses parents, des paysans qui semblent communiquer avec les forces secrètes de la nature : ils font des offrandes à un volcan, comme à un dieu. Aux croyances et à la magie se mêle un sens terre à terre des intérêts et de la survie : marier leur fille à Ignacio, un responsable de la plantation de café où ils travaillent. La jeune Maria semble se soumettre à leur volonté mais son idée fixe est de partir loin, là-bas, de l’autre côté du volcan qui surplombe le village. Elle voudrait accompagner son ami Pepe qui veut tenter sa chance aux Etats-Unis. Elle tombe enceinte de Pepe, mais le jeune coupeur de café partira sans elle. En voulant éradiquer les serpents qui pullulent dans la plantation, elle se fait mordre et est transportée par Ignacio à l’hôpital de la ville… Avec ce très beau film, le jeune cinéaste bouscule son pays, le Guatemala, en mettant en scène une héroïne inédite : une jeune femme maya d’aujourd’hui dont la situation est celle d’un volcan qui s’éveille. Pour dénoncer son oppression.
Ours d’argent au Festival de Berlin.
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BACK HOME
De Joachim Trier – Norvège-France-Danemark – 2015 – 1h49 – VOST
Avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne, Jesse Eisenberg…
C’est un film beau et grave dont le titre était “Plus fort que les bombes”, transformé par le distributeur après les attentats. Trois ans après la mort inattendue d’une photographe de guerre, une exposition sur son travail réunit son mari et ses deux fils qui ne se sont pas vus depuis longtemps. Le passé, avec sa rafale de révélations, est explosif et force les trois hommes à se découvrir sous un nouveau jour. La mort est une bombe à retardement. Revenue chez les siens par flash-back, Isabelle Huppert est impressionnante, et les deux garçons passent sous nos yeux de l’enfance prolongée à l’âge adulte, celui des peines inguérissables. Tout cela est raconté sans psychologisme, seulement l’exploration d’un traumatisme. Ce qui est caché frappe plus que ce qui est montré.
Sélection officielle Cannes 2015
Critique
C’est l’un de ces films qu’on n’attend plus, et qu’on est heureux de voir : élégant, sensible, pastel. Tout se passe en courants d’amour invisibles, entre un homme esseulé, un fils adulte qui vient d’avoir un bébé, un autre fils adolescent que l’avenir et le passé tourmentent. Au centre, une femme invisible : Isabelle Reed (Isabelle Huppert), photographe de guerre morte dans un accident de voiture. Un galeriste organise une expo, et les souvenirs remontent, flottent comme des brumes, s’entrecoupent de rêves abrupts, de confidences amères, de silences chargés de munitions. Peu à peu, différentes vérités s’empilent : Isabelle Reed s’est suicidée, Isabelle Reed avait un amant, Isabelle Reed portait la guerre en elle… Joachim Trier capte des choses invisibles, des fils d’araignée qui se tissent entre un père et ses deux fils : jalousie, rage, amour, illusion…
Il y a, chez Trier, un écho du cinéma d’Antonioni, en plus doux, en plus attentif. Back Home est une œuvre soyeuse qu’on laisse s’installer, comme une petite sonate entêtante : et puis, peu à peu, la poésie des regards, les couleurs de la vie, la mélodie de la mémoire triomphent.
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BÉLIERS (Hrútar)
De Grimur Hakonarson – Islande – 1h30 – VOST
Avec Sigurður Sigurjónsson, Theodór Júlíusson, Charlotte Boving…
Béliers se situe dans une vallée isolée du centre de l’Islande dans des paysages à couper le souffle. Dans ces contrées, l’élevage des moutons est comme une religion. Ces béliers font l’objet de concours fort réputés. Parmi ces éleveurs, deux bergers sont au centre du film : Gummi et Kiddi, tous deux sexagénaires et célibataires. Ils vivent dans des fermes voisines et ne s’adressent plus la parole depuis fort longtemps. Cette situation qui flirte avec l’absurde va prendre un tour plus dramatique quand la maladie de la tremblante va être repérée chez les bêtes de Kiddi. Ce formidable Béliers commence comme une comédie à l’humour très scandinave, autrement dit décalé, introverti, désarçonnant et qui nous rend immédiatement attachants ces étranges personnages qui vivent franchement hors du monde… et puis le film prend une autre dimension, plus lyrique, plus grave et s’ouvre à une ample réflexion sur le rapport de l’homme à la nature, de l’humain à l’animal, sur le lien fraternel qui peut renaître dans l’adversité. La mise en scène exalte à merveille la beauté dantesque de ces paysages incroyables, qui rendent plus impressionnant encore le combat des hommes, particulièrement dans une scène finale stupéfiante d’émotion et de force.
Prix Un certain regard au Festival de Cannes 2015
Critique
L’histoire se déroule en Islande, dans un petit village isolé. Gummi et Kiddi, deux frères éleveurs de moutons, vivent comme des voisins mais ne se parlent plus depuis une quarantaine d’années. Une vieille brouille sépare en effet ces frères qui remportent tous les prix de la région grâce un élevage familial qu’ils se partagent depuis toujours. Chacun vit tout seul dans sa ferme à côté de celle de l’autre. Mais tout est bouleversé quand une maladie frappe le troupeau de Kiddi et attire les autorités sanitaires. Tous les troupeaux sont menacés d’abattage. Le lignage ancestral de la race des béliers s’éteindrait alors et Gummi et Kiddi n’y survivraient pas. Pour eux, il est peut-être temps de briser la glace.
Comme ses personnages, ce film a « de la gueule ». Tout en jouant la chronique villageoise et les querelles de clocher à l’ancienne, le jeune réalisateur, Islandais de souche, déploie une mise en scène actuelle et stylée. Les vastes paysages de son pays semblent lui avoir donné un sens inné de l’espace. Sa parfaite connaissance des hommes du terroir porte ses fruits : le tempérament rugueux des deux frères ennemis est presque palpable. Comme leur tendresse, qu’ils n’expriment qu’en bichonnant leurs bêtes…
Le pari réussi de Grímur Hákonarson consiste à montrer une réalité difficile sous un jour plaisant. Ce qu’illustre cette scène où Gummi transporte Kiddi, retrouvé complètement saoul et à moitié gelé au fond d’un fossé, dans une pelleteuse. Il le dépose devant l’hôpital local comme on déverserait un tas de fumier. La vacherie de la vie d’un côté et, de l’autre, un sentiment d’humanité qui persiste, voilà l’attelage idéal pour une comédie qui souffle habilement le chaud et le froid. Et prend parfois des airs de conte de Noël. — Frédéric Strauss
Tourné dans les sublimes paysages de l’île de feu et de glace, le réalisateur nous offre une chronique familiale rude et froide, à l’image de ces grandes étendues enneigées qui entourent les bergeries. Mais au-delà du drame fraternel, le film esquisse le quotidien de ces villages reculés, où la solitude est omniprésente dans ces chaumières, où l’on vit et l’on meurt au même endroit sans jamais avoir cherché à le quitter. Sauf que le cinéaste porte un regard bienveillant sur ce microcosme rural, sur ces êtres qui sacrifient tout pour leur bétail et qui donnent tant d’amour à leurs animaux.
Prix « Un certain regard » au festival de Cannes 2015
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