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Le Genou d’Ahed

LE GENOU D’AHED                                                   

De Nadav Lapid – France/Allemagne/Israël – 2021 – 1h40                                       Avec : Avshalom Pollak, Nur Fibak

Le réalisateur du brillant « Synonymes » n’a pas manqué ses débuts dans la compétition cannoise, d’où il est reparti auréolé d’un PRIX DU JURY. Du grand cinéma autobiographique et très politique où il règle allègrement ses comptes avec son pays. Jamais il n’avait paru aussi en colère et désespéré. Et jamais sa mise en scène n’avait semblé à ce point à la fois libre et maitrisée.

Le héros de son nouveau film n’a pas de nom mais une initiale, Y. Cinéaste engagé, Nadav Lapid est en plein casting de son nouveau film intitulé Le Genou d’Ahed, centré sur cette jeune Palestinienne de 16 ans (Ahed Tamini) qui a défrayé la chronique en 2018 le jour où un groupe de soldats israéliens a tenté de rentrer chez elle, dans un petit village de Cisjordanie au cœur des territoires dits occupés. Sa réaction spontanée fut de gifler l’un d’eux, ce qui lui a valu une peine de prison de neuf mois et de devenir un symbole. Pour les Palestiniens elle est une héroïne. Pour le pouvoir israélien, elle est une terroriste. Le réalisateur a rebondi sur une déclaration d’un député israélien qui avait estimé qu’il aurait fallu lui tirer dessus, au moins dans le genou, pour qu’elle soit définitivement assignée à résidence. Mais, en parallèle,  Y a accepté une invitation à venir présenter son long métrage précédent dans un petit village situé au sud d’Israël, dans le désert d’Areva où il est accueilli par l’organisatrice de l’évènement. Cette dernière est une fonctionnaire du ministère de la Culture tout acquise à sa cause et au charme de laquelle il ne semble pas insensible, jusqu’à ce qu’elle lui demande de remplir un questionnaire pour qu’il coche les sujets qu’il abordera. Elle lui fait bien comprendre qu’il faudra rester dans les clous : la goutte d’eau pour un homme au bord de la crise de nerfs, de surcroit en deuil de sa mère (et coscénariste) qui vient tout juste de mourir, et vent debout contre son pays qui, pour lui,  piétine en permanence les règles les plus élémentaires de liberté.

Dès lors, le film devient un cri de rage. Sur le fond comme sur la forme. Comme cette tirade hallucinante d’Y (interprété magistralement par le très impressionnant Avshalom Pollak, danseur, chorégraphe et metteur en scène, qui trouve ici son premier grand rôle sur grand écran) sur l’Etat Juif : « Nationaliste et raciste qui abrutit ses citoyens en les maintenant dans l’ignorance et où chaque génération engendre une génération pire encore ». Lapid traduit physiquement par sa mise en image le bouillonnement intérieur et l’explosivité soudain incontrôlable d’Y. Le geste de cinéma est fort car jamais contraint par tel ou tel producteur qui lui aurait suggéré de réduire ça et là la voilure de l’indignation. Un défi relevé par le réalisateur : traduire en image une haine, celle qui le bouffe face au recul de la démocratie en Israël. Du cinéma vécu comme un sport de combat, récompensé du Prix du Jury dans le palmarès cannois.

–  D’après les critiques de PREMIEREpar Thierry Cheze –

 

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Les amours d’Anais

Les Amours d’Anaïs
Film français de Charline Bourgeois-Taquet 

2021/ Durée 1H38
Avec  Anais Demousitier, Valeria Bruni Tedeschi, Denis Podalydes

Telerama : Anaïs est un tourbillon. Malgré les épreuves, elle court après le bonheur, l’amour… et la femme de son amant. Le délicieux portrait d’un feu follet. « Vous êtes qui, Anaïs ? » : l’interrogation claque au milieu du film, posée fermement par Valeria Bruni Tedeschi à la jeune femme qui lui fait face. Simple comme bonjour, cette question. Mais d’une pertinence, d’une justesse imparables compte tenu de ce qu’on a vu, jusque-là, de ladite Anaïs (Demoustier, irrésistible) : une agitation permanente, un mouvement perpétuel, un tourbillon de paroles contradictoires et d’actes à l’avenant. Bien que pressée, elle arrive en retard à tous ses rendez-vous — avec la propriétaire de son appartement à qui elle doit des mois de loyer, ou avec son ex-amoureux, dont elle refusait de partager le sommeil et le quotidien. Et puis elle se sauve, court vers le moment suivant, le coup de cœur d’après… Portrait d’un feu follet, qui donne sa forme enlevée à ce premier long métrage de Charline Bourgeois-Tacquet, tout en élans et ellipses, salué à la Semaine de la critique du Festival de Cannes.

Le bleu du miroir : Le premier long-métrage de Charline Bourgeois-Tacquet possède des allures de comédie musicale. Et si Anaïs Demoustier, parfaite interprète du personnage, ne danse pas, c’est tout comme. Traversant Paris, à pied ou à vélo, sans paraître toucher le sol. Elle est l’héroïne d’un film auquel elle dicte son rythme, inspire sa musique. L’allegro, bientôt, passera en mode moderato. Par la grâce d’un emballement amoureux à l’issue duquel l’éternelle adolescente aura appris à grandir. Récit initiatique d’humeur joyeuse, Les Amours d’Anaïs mène sa course dans l’univers aisé et littéraire parisien de Saint-Germain-des-Prés, où la jeune fille, inscrite à la Sorbonne, prépare une thèse sur l’écriture de la passion au XVIIe siècle. La réalisatrice connaît bien ce milieu, pour y avoir évolué, en tant qu’étudiante d’abord puis employée dans une maison d’édition. Elle en restitue l’esprit hédoniste et mondain avec l’ironie qui sied aux beaux esprits dégagés de tout souci d’argent. Anaïs n’a pas le sou, mais elle fait partie du cercle et goûte à ses plaisirs….

Le monde : Le film, assez gai dans sa première partie, acquiert de la gravité dans la deuxième, se confrontant à un sujet fort sérieux, n’est-il pas ?, à savoir l’amour avec un A majuscule. L’actrice est parfaite dans un rôle qui lui sied et elle est encore meilleure quand elle a du répondant face à elle, soit une Valérie Bruni-Tedeschi sage et sobre (débarrassée d’une certaine tendance à l’hystérie, elle est excellente) et un Bruno Podalydès égal à lui-même mais un peu sacrifié au duo féminin. Dans ce portrait d’une jeune femme qui se cherche mais penche pour le plaisir et le désir, Les amours d’Anaïs s’éloigne vite du triangle amoureux sans perdre de son charme éthéré

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La nuit des Rois

LA NUIT DES ROIS

film de philippe Lacôte-1h33

France / Côte d’ivoire / Canada / Senegal – 2021

 

avec Bakary Koné, Steve Tientcheu, Digbeu jean cyrille…

C’est d’avantage à une version des Contes des 1001 nuits que fait penser cette chronique violente de la lutte pour le pouvoir au sein d’une sinistre maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. Avec la Nuit des Rois, le cinéaste avait envie d’observer la société ivoirienne par le prisme de la plus grande prison du pays, la MACA (qu’a connu sa mère),le temps d’une nuit de fin de règne et de renversement des pouvoirs (la côte d’ivoire engluée par la question de la succession à la tête du pouvoir).

Barbe-Noire, chef des détenus, pour instaurer son autorité vacillante, réactive une tradition ancestrale: à la prochaine lune rouge, un prisonnier devra raconter une histoire toute la nuit sous peine d’être massacré; le malheureux élu, rebaptisé Roman va relater ou inventer la splendeur et les misères de Zama king, chef d’un gang pendant la guerre civile. A la manière du récit qui part de faits documentés pour les transformer en légende, le film entremêle avec brio le réalisme, le mythe et la magie.La puissance des mots agit comme une  libération pour ses codétenus qui prennent le relai de son récit dans des chants proches de la transe .Dans ce film il y a une expression du monde imaginaire africain qui implique des visions et hallucinations tout en oscillant librement entre le réalisme et le surnaturel.La théâtralité de certaines scènes est indissociable d’une puissante mise en scène de cinéma.Philippe Lacôte joue des contrastes entre le dedans (noirceur de la nuit carcérale)et le dehors(couleurs éclatantes à l’extérieur); entre le style quasiment documentaire des séquences de prison filmées caméra à l’épaule et la réalisation à la fois plus ample(large caméra en mouvement)et plus posée des flash-back sur Zama King: envoûtement garanti! Prix du rayonnement Cinemania (maîtrise de l’image et du son, performances d’acteurs, pouvoir des histoires qu’on se raconte).

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Passion simple

PASSION SIMPLE

De Danielle Arbid – Franco-Belge – 1H 39

Avec Laetitia Dosch, SergeÏ Polunin, Lou-Teymour Thion, Caroline  Ducey

 

Malgré le titre, le scénario et le livre traitent plus d’une aliénation que d’une passion amoureuse. Mais toute passion ne comporte -t-elle pas une forme d’aliénation ? Hélène (Laetitia Dosch), enseignante à la faculté de lettres, divorcée, ne vit plus que dans l’attente des appels téléphoniques d’Alexandre (SergeÏ Polunin, danseur classique avant d’être acteur), marié, travaillant à l’ambassade de Russie. Leur brève rencontre se limite à des rapports sexuels. 

Dans le livre autobiographique d’Annie Ernaux, il s’agissait surtout du constat clinique d’un état psychologique égocentré ; l’auteure faisait l’ellipse du récit des relations charnelles. Comment mettre en images les phrases sèches d’Annie Ernaux ? Pour leur donner chair, Danielle Arbid s’attarde sur les corps, surtout celui d’Hélène soumise à son désir. Mais plus que dans les scènes de sexe, c’est dans les moments de solitude que la passion irradie, transfigurant le visage de l’actrice. Au bout du compte, l’autopsie réussie d’un amour singulier – toxique ? – loin des vieilles lunes du romantisme mais sans être limitée à l’étude d’un cas clinique. 

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True Mothers

True Mothers
Film japonais de Naomi Kawase 

2019/ Durée 2H19
Avec  Hiromi Nagasaku, Arata Iura, Aju Makita

Satoko et son mari Kiyokasu, couple japonais aisé, ont fait la choix de l’adoption devant leurs échecs à concevoir. Ils ont adopté Asato. 6 ans plus tard , la mère biologique de Asato, Hikari qui était âgée de 14 ans au moment de la naissance , les contacte à nouveau…

Au delà de ces deux portraits de femmes, Naomi Kawase décrit un contexte autour de l’adoption au Japon qui est fascinant à plus d’un titre. Elle décrit une certaine opprobre autour de ce phénomène qui crée une forme d’exclusion voire de discrimination, et elle décrit très bien ces réseaux d’entraide qui permettent à des adolescentes tout juste pubères de surmonter l’épreuve d’une grossesse bien trop précoce. Toute la période où Hikari est dans cette association assurant la transition et la présentation avec les adoptants est magnifique. Elle constitue un pont entre les protagonistes, aplanissant les différences sociales si prégnantes au début du film. Les failles de chacun s’affichent au grand jour, la souffrance de ces familles qui ne peuvent avoir d’enfants biologiquement, et le drame de celles qui ne se retrouvent mères avant même d’avoir fini le lycée. Ce que cela dit de la famille au Japon, mais aussi dans toute la zone géographique tant on retrouve la même chose en Corée par exemple, prouve à quel point le sujet est toujours sensible et la place des jeunes filles si précaire.

Le grand sujet dans le film, ce sont les différentes façons d’être mère. Adoptive ou biologique, chacune des perspectives est longuement développée avec deux immenses flashbacks qui entourent le présent :  la mère biologique se retrouvant exclue de l’équation familiale, voit se prolonger le déni qui a entouré sa grossesse, et la mère adoptive qui accède certes au bonheur, ressent aussi un sentiment d’imposture.
 L’architecture du récit de True Mothers est habile et plaisante, suscitant une forme de suspense, même si le film n’est en rien un thriller. Plusieurs scènes flirtent avec le documentaire, en particulier celles se situant sur une île près d’Hiroshima où une agence d’adoption veille sur des jeunes filles avant leur accouchement. True Mothers est marqué par la plus grande bienveillance à l’encontre des deux mères, traitant les sujets de la grossesse des mineures d’une part, et l’infertilité, d’autre part, avec une belle pudeur et une certaine élégance.
Et pour ancrer davantage son propos dans le réel, la réalisatrice revient à la forme de ses débuts, comme dans son documentaire à la première personne Naissance et maternité sorti en 2006, en se plaçant régulièrement à la lisière entre la fiction et le reportage. Aussi s’immerge-t-elle notamment, sur l’île d’Hiroshima, dans un refuge pour « fille-mères » (qui sont en réalité parfois des prostituées) forcées de cacher leur grossesse et de destiner leur enfant à l’adoption : elle donne alors à voir des images prises sur le vif, dans lesquelles on l’entend s’entretenir directement avec ses personnages.Ce nouveau long-métrage de Naomi Kawase, elle-même abandonnée, puis adoptée par son grand-oncle et sa grand-tante, est, par instants, profondément émouvant.

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ONODA

 ONODA, film français, japonais, allemand, belge, italien et cambodgien De Arthur Harari, 2H45

Semaine du 16 au 22 septembre 2021

Peut-être n’y a-t-il pas d’histoires plus belles que celles qui se penchent sur ces grands égarés qui, comme Don Quichotte ou Robinson Crusoé, décident de tourner le dos au monde et de lutter contre son cours implacable. C’est à une figure de cet ordre, à la fois superbe et pitoyable, que le jeune cinéaste français Arthur Harari, consacre un deuxième long-métrage magnifique et aventureux.

 Le film se penche sur la guerre du Pacifique et ses suites à travers le cas bien réel du dernier soldat démobilisé, le sous-lieutenant Hiroo Onoda, retrouvé en 1974 sur l’île où il avait été envoyé en mission, celle de Lubang, dans l’archipel des Philippines, près de trente ans après la fin du conflit et la capitulation de son pays, le Japon. Cette expérience inouïe et vertigineuse est ici retracée comme une échappée hors de l’histoire telle qu’on la dit souvent écrite par les vainqueurs. Et donc comme la tentative d’un vaincu pour faire perdurer sa propre réalité, dût-elle se retrancher au sein d’une île.

Face à un tel sujet, Arthur Harari, épaulé par son frère et chef opérateur Tom Harari, aurait très bien pu s’engager sur la piste attendue de la folie et concevoir son film comme exploration des limites. Il recourt plutôt à une écriture classique, parti pris de ligne claire qui fait naître l’émotion tout autrement : en accompagnant son personnage et ses trois compagnons, au plus près, en cherchant à le comprendre, en le dessinant aux justes proportions.

Plutôt qu’un délire perceptif, le film investit l’isolement et le déni. Ce n’est le vertige de la situation qui intéresse Harari, mais plutôt ce qui naît entre les quatre soldats du film, malgré les frictions passagères : des soins, des gestes d’attention, un dévouement mutuel, une solidarité et même une forme d’amour sublimé, qui s’opposent à la peur qu’ils font régner sciemment parmi les habitants de l’île  afin de maintenir à flot leur petite utopie.

Le vertige n’en ressurgit pas moins par la bande et par les années qui éloignent insensiblement Onoda de la réalité de la guerre, les ellipses qui engloutissent ses compagnons, puis accusent le vieillissement du personnage, interprété par deux acteurs différents. Peu à peu, c’est le syndrome du « bon fils » qui se manifeste sous les traits du héros : amoureux d’une obéissance sans objet, dépendant d’une croyance qui compense la crainte de l’abandon. Onoda peut alors être vu comme l’histoire d’un oubli, d’un contre-ordre qui arrive avec trente ans de retard, quand , même l’instructeur  a oublié jusqu’à l’existence de son ancien élève.

La fiction d’une guerre sans fin, imaginée pendant trente ans par le soldat oublié, apparaît alors pour ce qu’elle est : le mirage qui permet à toute vie d’être vécue.

Critique inspirée de celle du Monde aout 2021

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TOM MEDINA

TOM MEDINA

Genre : Drame
Réalisateur : Tony Gatlif
Acteurs : David Murgia, Slimane Dazi, Karoline Rose, Suzanne Aubert
Pays : France / Suisse
Durée : 1h40
Sortie : 4 août 2021
Distributeur : Les Films du Losange

Synopsis : Dans la mystique Camargue, Tom Medina débarque en liberté surveillée chez Ulysse, homme au grand cœur. Tom aspire à devenir quelqu’un de bien. Mais il se heurte à une hostilité ambiante qui ne change pas à son égard. Quand il croise la route de Suzanne, qui a été séparée de sa fille, Tom est prêt à créer sa propre justice pour prendre sa revanche sur le monde…

Prix de la mise en scène en 2004 pour Exils, Prix spécial du jury Un certain regard en 1993 avec LatchoDrom, Tony Gatlif a sa place à Cannes s’il a un film sous le coude. Tom Medina, qui sort mercredi 4 août, suit un jeune délinquant en réhabilitation pris en charge par un gardian camarguais. Avec une musique toujours importante, le réalisateur de Gadjo Dilo perd un peu le fil de son scénario, mais offre son lot d’images puissantes.

Une Camargue habitée

A 18 ans à peine, Tom Medina, petit voleur récidiviste, est placé chez Ulysse pour apprendre le métier de gardian en Camargue. Il se reconnaît dans cette culture du taureau, et s’investit dans son apprentissage. Il ressent tellement l’âme du pays qu’il est habité de visions. Entre son mentor dévoué, la fille de celui-ci aguerrie au métier et chanteuse rock, puis sa rencontre avec une jeune femme à la recherche de sa fille, Tom se cherche lui-même.

Comme son personnage Tom Medina, le scénario du film part dans tous les sens, comme s’il avait été écrit au jour le jour. Ce qui fonctionne chez Godard ou Gaspar Noé, est ici dispersé. D’autant que les acteurs n’y mettent pas du leur. Le film est toutefois traversé de fulgurances oniriques et d’images camarguaises somptueuses.

La musique tient une bonne place dans le film. Co-auteur de la B.O avec sa compositrice attitrée, Delphine Mantoulet, Tony Gatlif passe des chants gypsies au rock hurlé de Karoline Rose Sun qui joue Stella, la fille d’Ulysse. Comme il est dit dans le film, des forces telluriques traversent le delta camarguais, bousculent les âmes, et la musique est son medium.

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MILLA

MILLA

De Shannon MURPHY – Australie-1h58, VOST. Avec Eliza Scanlen, Toby Wallace, Ben Mendelsohn, Essie Davis.

Le film débute avec Milla (Eliza Scanlen), une adolescente a priori lambda, mais elle cache au fond d’elle l’envie de s’envoler et de vivre les choses à son rythme. Quand elle rencontre le jeune chien fou Moses (Toby Wallace), son choix est fait, elle veut le côtoyer, l’apprivoiser et le faire rentrer dans le cocon familial. La proposition de cinéma est touchante et pour son premier film, la réalisatrice Shannon Murphy choisit un sujet pas facile du tout. Une belle découverte cinéma à ne pas manquer en salles le 28 juillet. (…)

C’est une adaptation de pièce de théâtre et l’évocation du premier amour est ardue. L’histoire se situe dans une banlieue australienne comme il y en a tant, avec un père psychiatre et une mère dépressive qui n’arrivent plus à gérer le réel. Pour eux, le réel, c’est des sentiments intimes mis sous l’entonnoir et une fille pour qui ils veulent tout donner. Si la tristesse est inévitable, elle est contrebalancée par une histoire si réelle qu’elle pourrait se dérouler n’importe où. Ce qui dépareille le plus, c’est ce petit ami mi-voyou mi-dealer, qui s’introduit par la fenêtre et déguerpit par la porte. C’est pour le bonheur de leur fille que les parents – impeccables Ben Mendelsohn et Essie Davis – acceptent à contrecœur chez eux. Les scènes de la vie quotidienne s’enchainent comme autant de chapitres pour un scénario à l’équilibre quasi miraculeux. Les personnages sont dysfonctionnels et la normalité semble une notion assez éloignée de leurs capacités. Cris, désillusions et joies se côtoient dans un déroulé improbable mais pourtant si vrai.

La jeune malade cherche à gagner du temps pour composer une existence en lien avec ses aspirations, faute de temps, elle compose et se débrouille. Pour un résultat qui touche au plus profond de l’être par la fragilité du lien de la vie qui unit les personnages. Le film est à découvrir le 28 juillet pour un beau moment de cinéma au plus près des turpitudes du réel.

Milla n’est pas une adolescente comme les autres et quand elle tombe amoureuse pour la première fois, c’est toute sa vie et celle de son entourage qui s’en retrouvent bouleversées.  (Publikart.net)

« On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va », disait Jacques Prévert. Une maxime qu’illustre joliment – et tragiquement – Milla. Car si l’héroïne tente de toucher au bonheur (du bout des doigts, du bout des yeux, du bout de la bouche, du bout de la langue, du bout du sexe) avant de partir, ce sont bien les non-dits, les secrets, les émotions enfouies, les rancœurs inavouées, qui forment le tissu tragique du récit. C’est en même temps de la joie et de la douleur des protagonistes que naissent les séquences les plus émouvantes du récit.

C’est ainsi que l’œuvre nous invite, avec force et sincérité, à profiter pleinement d’une existence dont chacun sait qu’elle n’est pas éternelle. (A VOIR A LIRE)

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Madame

MADAME

De Stéphane Riethauser–Suisse-1h34. Documentaire

Avec  Stéphane Riethauser  et sa grand-mère.

Le cinéaste milite pour les droits des personnes LGBTQI+ (voir plus bas dans ce texte *). Dans ce film il fait résonner son parcours intime, il est gay, en construisant un dialogue posthume avec feu sa grand-mère dont il a des films de famille. Sa grand-mère était une femme drôle et indépendante, forte personnalité qui avait su s’émanciper d’un monde très conservateur. Et cette grand-mère a joué pour lui un rôle essentiel pour qu’il évolue alors qu’il avait été un adolescent haineux envers les femmes et les homosexuels. Il ne s’épargne pas, archives à l’appui.

Un docu singulier, « Madame », qui, au-delà du portrait d’une riche Suissesse senior, consiste en un journal intime du réalisateur, manière de raconter comment sa grand-mère et lui, chacun à leur façon, ont composé, louvoyé, bataillé avec les normes de leur milieu. (Elle par Thomas Jean)

Dans son documentaire Madame, Stéphane Riethauser revient avec finesse et un œil généreux sur la figure de sa grand-mère, une femme drôle et indépendante, libre et forte, qui fut aussi mariée de force à 15 ans avec un homme qui la violait. (20 Minutes  par Aude Lorriaux)

Plus qu’une autofiction, construite à partir d’images d’enfance et d’adolescence, Madame est une sorte d’éducation sentimentale moderne, où le héros, Stéphane, apprend à devenir lui-même autour de la figure tutélaire de sa grand-mère. Un film comme un enchantement. (aVoir-aLire.com  par Laurent Cambon)

Ce documentaire, qui fait dialoguer une grand-mère pas comme les autres et son petit-fils pas comme tout le monde, est d’une beauté exceptionnelle. Car les images ne sont jamais directement commentées: elles parlent d’elles-mêmes pour ouvrir la discussion bien au-delà de ce qu’elles montrent. (Bande à part  par Hava Sarfati)

 La voix off du réalisateur dont le commentaire ne vise pas à nous raconter une histoire (à cela les images suffisent), mais plutôt à interroger la façon dont se définissent ou se contrarient un genre et une identité. Le parti pris a pour vertu d’éclairer d’une lumière plus dense et plus profonde les vies et les personnages ayant réellement existé auxquels le film (et non l’album photo, comme on pouvait le craindre) rend honneur sans ostentation. Avec une grâce et une tendresse qui vont droit au cœur. (Le Monde  par Véronique Cauhapé)

*Utilisé depuis les années 90, le sigle LGBT englobe les termes « lesbien » (L), « gay » (G), « bisexuel » (B) et « trans » (T). Cet acronyme a évolué au fil du temps, notamment pour inclure d’autres orientations sexuelles et identités de genre, tels que « queer », qui correspond aux personnes ne se reconnaissant pas dans les identités hétérosexuelles et cisgenres (individus qui s’identifient au genre attribué à leur naissance).

Si les anglo-saxons ont adopté le sigle LGBTQQIP2SAA afin de regrouper de multiples identités de genre et orientations sexuelles, l’utilisation la plus courante en France reste LGBTQ, auquel on ajoute le signe + pour inclure les nombreuses autres variations de genre (il en existe plus de 50).

Mais depuis ces dernières années, il n’est plus rare de lire LGBTQI+. Le « I » fait référence aux personnes intersexes, c’est-à-dire nées avec des organes génitaux ne pouvant être considérés ni comme « masculins » ni « féminins » aux yeux de la société. En France, on estime qu’environ 200 bébés naissent intersexes chaque année. ( Extraits de Relaxnews publié  par LADEPECHE.fr  le 29/06/2020)

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Kajillionaire

 KAJILLIONAIRE 

30 septembre 20203 / 1h 44min / Comédie, Drame 

De Miranda July / USA. 

Avec Evan Rachel, Gina Rodriguez, Richard Jenkins… 

Theresa et Robert ont passé 26 ans à former leur fille unique, Old Dolio, à escroquer, arnaquer et voler à chaque occasion. Au cours d’un cambriolage conçu à la hâte, ils proposent à une jolie inconnue ingénue, Mélanie, de les rejoindre, bouleversant complètement la routine d’Old Dolio. 

Miranda July (la réalisatrice) dresse un parallèle entre les Dyne et une secte, même si elle reconnaît que chaque famille en est une à sa manière. « Chaque famille a ses propres codes. Et je crois qu’à un moment donné, on constate tous, autant que nous sommes, que nous avons des modes de fonctionnement qui nous appartiennent, même s’ils ne sont pas les plus répandus au monde. C’est une prise de conscience qui permet d’avancer dans la vie ». Elle poursuit : « les enfants se retrouvent dans une position intenable. D’une certaine façon, ils sont les membres les plus soumis de la secte puisqu’ils grandissent en son sein et qu’ils n’ont jamais rien connu d’autre. Mais il leur appartient aussi de quitter le nid, ce que les membres d’une secte ne sont pas censés faire. Cette trahison inévitable fait partie intégrante de la structure familiale ». 

L’histoire d’amour entre Mélanie et Old Dolio se déroule de manière naturelle, sans que leur orientation sexuelle ne soit interrogée ou évoquée ouvertement. Privilégiant les non-dits, Miranda July développe : « La toute première image dans mon album Kajillionaire était celle d’une femme aux longs cheveux et d’allure coriace. À certains égards, Old Dolio est l’archétype d’une idole de cinéma – du genre taiseux et fort. Si son identité peut sembler ambivalente ou mystérieuse en un sens, une femme très belle et d’une indiscutable féminité tombe amoureuse d’elle et cette attirance réciproque est éloquente et, au fond, on n’a pas besoin d’en savoir plus. 

“Tour à tour fou, tordu, tordant, bouleversant, Kajillionaire délaisse la comédie sociale sarcastique pour finir par un romantisme incongru qui tient du coup de théâtre et de la résolution magnifique d’une histoire jamais attendue…” dixit le Dauphiné Libéré. 

5 nominations au Festival de Deauville 2020 

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