De Zolyan Mayer – France – 2015 – 1h45
Avec Yolande Moreau, Qu Jung Jung, Ling Dong Fu…
Lorsqu’elle apprend que son fils Christophe est mort dans un accident en Chine où il avait construit une vie loin de ses parents, sa mère Liliane n’hésite pas une seconde. Face à la bureaucratie incapable de l’aider, elle décide d’aller elle-même récupérer le corps de son fils. Elle débarque ainsi dans un pays inconnu, dont elle ne maîtrise ni la langue ni les codes, pour y découvrir l’appartement de son fils, ses amis, sa vie. Emmitouflée dans un gros manteau rouge, avec une crinière grisâtre et une mine défraichie, Yolande Moreau occupe tout l’écran, modeste et digne, merveilleuse de fragilité. Elle porte sur ses épaules ce beau film sensible de Zoltan Mayer, qui réalise son premier film avec une maîtrise et une finesse remarquable.
Critique
Jing Liliane, la cinquantaine, apprend la mort accidentelle de son fils en Chine. Accablée par des imbroglios administratifs quasi kafkaïens pour faire revenir le corps de Christophe, Liliane décide brusquement de partir en Chine pour affronter la situation. Elle refuse que son mari l’accompagne : « Je dois y aller seule, tu n’as jamais rien fait pour ton fils, il n’y a pas de raison de changer ». Plongée dans cette culture si lointaine, ce voyage marqué par le deuil devient un véritable voyage initiatique.
Remarqué pour ses travaux de photographe et ayant participé à des courts métrages et documentaires, le franco-hongrois Zaltan Mayer vient de réaliser son premier long métrage, « Voyage en Chine ». Attiré depuis longtemps par les cultures orientales, il décide lors d’un voyage en Chine d’entreprendre un film dont l’action se situerait dans ce pays – et plus précisément dans le Sichuan, situé dans le Sud-Ouest. Le cinéaste et scénariste reconnait que d’emblée il a pensé à Yolande Moreau pour incarner l’héroïne : « Sa présence m’a accompagné tout au long de l’écriture, avant même d’avoir eu son accord. » Et d’ajouter : « Et le film ne se serait pas fait si elle avait dit non ».
Un long périple commence. Le cinéaste nous invite à y prendre part à travers le pas décidé, mais aussi le regard hagard et parfois inquiet d’une Liliane à la crinière blonde et grise, emmitouflée dans un grand manteau rouge. À tout moment notre héroïne doit faire face aux difficultés d’une voyageuse peu expérimentée, obligée de baragouiner un anglais rudimentaire et d’écarquiller ses beaux yeux bleus pour appeler à l’aide. Pas évident en effet de se repérer dans un Shanghaï démesuré et de trouver la destination de Langzong, grande vieille ville traditionnelle du Sichuan où a vécu son fils.
Zaltan Mayer nous offre avec Voyage en Chine un film sans prétention, sensible, souvent grave mais également drôle. Il nous fait également partager avec tact et élégance une certaine quête spirituelle. Le cinéaste pose un regard juste sur le vrai sens du voyage et l’apport de la rencontre de l’autre. « Voyage en Chine » ne dérape jamais dans le pittoresque ni dans l’exotisme de pacotille. Zaltan Mayer a ainsi fait le choix d’une réalisation minimaliste qui privilégie les cadrages soignés et un superbe travail sur le flou. Un minimalisme renforcé par la musique de Steve Shehan qui fait écho à la sensibilité du film. Zaltan Mayer nous propose aussi de beaux portraits de personnages féminins. Certes le film repose avant tout sur les épaules de Yolande Moreau. La comédienne déploie ici toutes les nuances de sa sensibilité frémissante et de sa drôlerie bien personnelle comme elle le fit notamment dans « Séraphine » (2008) et « Quand la mer monte » (2004). Mais Yolande Moreau forme aussi un magnifique duo avec la belle et lumineuse actrice chinoise Qu Jing Jing qui joue Danje, l’amie de son fils. Beau duo également que celui qu’elle crée avec la comédienne Ling Dong Fu, qui campe sa facétieuse logeuse, une sorte de double chinois. On sort de ce « Voyage en Chine » le cœur léger et l’esprit zen. En somme, un film tout simple, qui n’est que douceur et tendresse.