MES PROVINCIALES
De Jean-Paul CIVEYRAC – France – 2h16
Avec Andranic Manet, Diane Rouxel, Corentin Fila, Sophie Verbeeck, Gonzague Van Bervesselès, Jenna Thiam, Nicolas Bouchaud.
Bouleversant, le film montre Étienne tenter de faire du cinéma. Sa vie, ses amis, ses amours, ses emmerdes défilent sous nos yeux dans un va-et-vient subtil. On parle beaucoup dans « Mes provinciales », on y fait énormément l’amour mais, contrairement aux longs métrages de Philippe Garrel à qui on l’a beaucoup comparé à tort Civeyrac, on y dit des choses simples, évidentes, universelles, (plume du réalisateur superbe de générosité), et on peut affirmer que Civeyrac n’est pas à l’instar de cinéastes uniquement cérébraux un réalisateur s’adressant à d’autres réalisateurs. Non, sa cible c’est le public et son parti-pris demeure comme sa réalisation réaliste. Étienne, anti-héros d’aujourd’hui, demeure ce point d’ancrage du récit, et les scènes d’affrontements avec Jean-Noël et surtout Mathias qui lui, se positionne en grand frère, le sont à mots feutrés, sans hurlements ni excès verbaux. Nous le suivons à travers Paris décrite souvent de nuit, lui le provincial qui ne possède pas lors de son arrivée dans la capitale les clefs pour ouvrir ses portes du rêve.
Le tout est tenu par des comédiens sublimes, parmi lesquels Andranic Manet (Étienne), Corentin Fila (Mathias), et Gonzague Van Bervesselès (Jean-Noël), tous sortes de prolongements narratifs de ce que fut la personnalité de Jean-Paul Civeyrac à leur âge. Avec à la clef deux moments bouleversants du film, et une économie de moyens qui tranche avec la richesse de la psychologie de leurs personnages. Dans leur manière de se déplacer, d’échanger par la parole ou le regard, de serrer une fille dans leurs bras, ils sont si époustouflants, qu’on se surprend à penser que Jean-Paul Civeyrac n’a pas réalisé un casting mais pris sous son aile des personnalités fortes devenues d’ailleurs des amis dans la vie. Et puis il y a toutes les actrices dont Sophie Verbeeck, Diane Rouxel, Jenna Thiam, ou Charlotte Van Bervesselès (la sœur de Gonzague), authentiques et talentueuses dont la beauté est renforcée par le noir et blanc sublime de la pellicule.
Jean-Rémi BARLAND (Extraits, Destimed.fr)