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A propos de Citizenfour

Notes de lecture sur
« L’art de la révolte. Snowden, Assange, Manning »
de Geoffroy de Lagasnerie

Les manières classiques de contester s’intègrent dans les règles de l’Etat de droit : droit de grève, de manifestation, de pétition etc. Une façon nouvelle d’un mouvement singulier risque d’être intégrée dans le langage en cours et donc d’être assimilée sans qu’on en comprenne toute l’originalité. Michel Foucault a développé la nécessité de percevoir la rupture de ces mouvements singuliers. L’auteur, dans cette ligne, cherche à faire ressortir ce qu’ont de singuliers ceux qu’on appelle les « lanceurs d’alerte », car il veut démontrer qu’ils sont bien plus que cela. Ils figurent l’avènement d’un nouveau sujet politique. D’ailleurs, la violence extrême des Etats à leur égard révèle l’effet de déstabilisation qu’ils font redouter. Or, on leur doit une nouvelle manière de penser la politique qui s’avère nécessaire, précieuse voire inéluctable.

Snowden dénonce une fragilisation de la structure de l’Etat de droit et des libertés individuelles par une pratique secrète et illégale d’une surveillance de tout le monde, y compris hors frontière des USA. « Ma seule motivation est d’informer le public de ce qui se fait en son nom et contre lui. » L’Etat tend à abandonner sa capacité à se limiter lui-même pour respecter la notion de vie privée.

Les Etats démocratiques tendent à développer en leur sein une sphère non démocratique, non publique, non contrôlée, non contrôlable. Ce qui entraine des abus de pouvoir, de l’injustice, de la corruption. Wikileaks tend à renverser les choses : transparences des pouvoirs publiques et anonymat des dénonciateurs des atteintes à la démocratie. Il s’agit d’instaurer le contrôle des gouvernements par les citoyens.

Le fait que des connaissances ou informations réservée à une classe de privilégiés soient révélées au public déclenche une grande violence du pouvoir établi, probablement en raison de la blessure narcissique de ceux qui perdent ce privilège de classe, qui consiste à regarder les autres comme des ignorants. Mais il y a plus.

La question du terrorisme a conduit les Etats à créer de plus en plus du hors-droit et des dispositifs d’exception. À Guantanamo, on assiste à la création d’individu sans statut juridique, c’est-à-dire ni prisonniers, ni accusés, mais seulement en détention indéfinie, tant au sens temporel qu’à sa nature : en se soustrayant à la loi et au contrôle judiciaire. Ainsi, le souverain de l’Etat-nation se donne le pouvoir de se soustraire lui-même au droit en mettant des personnes hors protection juridique.

Snowden, Assange et Manning ne font pas que rappeler les Etats au respect de la loi. Ils ne font pas de la désobéissance civile qui suppose de rendre compte de son action dans l’Etat qu’il cherche à faire évoluer, quitte à aller en prison. Leur pratique est plus radicale encore.

La pratique de l’anonymat et de la fuite sont des moyens de se soustraire à la soumission à la justice de son pays ; pas seulement pour échapper aux sanctions.

Le sujet anonyme organise son invisibilité. Il réalise un dégagement de son action et de lui-même. Pour Wikileaks, il s’agit de permettre aux individus qui appartiennent à une institution d’agir politiquement contre cette institution en faisant sortir des informations de l’institution vers le public. Donc, cela sert à sortir de la logique sacrificielle celui qui dénonce les dérives de son institution, chose concevable lorsqu’on n’est pas responsable de cette dérive. Cette pratique restaure de la parole là où régnaient la censure et la raréfaction des sujets parlants. Les codes de négociation traditionnels sont institutionnalisés : ils limitent les possibilités de contestation et aussi les fuites à l’extérieur. De nombreuses institutions offrent une protection juridique aux lanceurs d’alerte à condition qu’ils s’expriment en interne. C’est une façon de tenter de restaurer un circuit traditionnel pour la protestation.

Mais l’anonymat permet en outre de cultiver une double position, en interne d’une part, en externe d’autre part, où il peut bénéficier d’une sorte de protection psychique en se dés-idendifiant de son institution et en retrouvant ainsi plus de lucidité, et plus de rétivité. C’est une technique de désassujettissement.

L’anonymat permet de ne pas nouer une relation non voulue. Il n’est pas nécessaire de trouver le compromis non conflictuel qui euphémiserait le conflit. Il s’agit de donner naissance à des luttes affranchies du regard d’autrui.

Avec Snowden, c’est la question de l’appartenance à sa communauté qui est remise en question. Il fuit à l’étranger et fait en sorte de ne pouvoir être extradé dans son pays. Ce qu’il remet en question de cette manière, c’est la violence de l’Etat qui le constitue citoyen de son pays, sans qu’il puisse le choisir et le mettant en devoir de rendre des comptes s’il dénonce des pratiques de cet Etat, même si ces pratiques sont illégales et contestables. En outre, cet Etat peut lui limiter ses possibilités de déplacement. Lorsqu’il était en transit à l’aéroport de Moscou, l’Etat américain a invalidé son passeport, montrant par-là, qu’il était maître de ses déplacements dans le monde.

De cette manière, se retrouve politisée le fait de pouvoir choisir ou pas le pays où l’on veut vivre, et son système juridico-politique. Habituellement, l’action politique s’articule autour des termes d’opposition, de résistance, de révolution. Là, il s’agit de notre inscription comme sujet de l’Etat qui est imposé. (Notons en passant que la plupart des entreprises transnationales échappent à cette assujettissement et à leurs devoirs de l’impôt. L’auteur n’aborde pas cet aspect de la question.)

Snowden refuse de se définir par rapport à son pays. Il n’est pas responsable des pratiques de la NSA et ne peut donc accepter d’être qualifié de « traître ». Il récuse sa nationalité et se reconnaît plutôt dans les communautés qu’il a pu choisir sur Internet.

Cette réflexion s’ouvre aussi sur les questions posées par les migrations. Ainsi se confrontent la liberté individuelle de choisir et le choix collectif de poser des conditions sur les devoirs et droits de l’individu. Ne devrait-on pas opter pour un modèle de l’Etat de type associatif qui laisserait place au choix de l’individu ?

Ce qui semble très important à l’auteur, c’est l’aspiration à se constituer autrement que l’Etat nous produit, c’est-à-dire à sortir de l’assujettissement juridico-politique non choisi. Snowden, Assange et Manning incarnent des contre-sujets destinés à enrayer l’assujettissement afin de reprendre un contrôle sur soi-même pour vivre des modes d’existence empêchés par le statut de sujet de droit. On mesure ainsi qu’il s’agit d’un style de vie politique qui met en cause les dispositifs régulant le fonctionnement ordinaire des démocraties contemporaines.

Cette dénationalisation des esprits est probablement largement due au développement d’Internet : « Internet m’a permis d’expérimenter la liberté et d’explorer pleinement mes facultés d’humain » dit Snowden.

Mais on pourrait ajouter à ces propos, qu’aujourd’hui la notion du politique se limite de moins en moins à ce qui est manifeste : une partie de plus en plus importante du pouvoir de décision sur la vie des sociétés se prépare dans des cercles restreints de façon anonyme (cf. à ce sujet l’excellent travail de Susan GEORGE « Les usurpateurs. Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir » Ed. Seuil 2014) et transfrontalière, c’est-à-dire de façon non démocratique. JL Tourvieille

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François Grospiron

François Grospiron 001Éléments de biographie :

J’ai depuis mon adolescence, où j’habitais la région parisienne, pris goût au cinéma, fréquentant assez régulièrement les salles d’Art et d’Essai, et la Cinémathèque du Palais de Chaillot à Paris.
Le collège puis le Lycée que je fréquentais avaient un ciné-club, tout cela a contribué à forger mon goût pour cet art.
Enseignant de français, j’ai continué dans cette voie en animant dans les établissements où j’ai exercé des ciné-clubs d’abord, puis des ateliers de pratiques artistiques audio-visuelles, tout en intégrant dans ma pratique quotidienne d’enseignant un travail sur l’analyse de l’image, fixe ou animée, et donc du cinéma. J’ai fait partie du groupe de pilotage de l’opération « Collège au Cinéma », et du groupe des formateurs « images et médias » du Rectorat de Grenoble, animant entre autres les  stages « Collège au Cinéma » dans l’Académie de Grenoble, ou des stages plus spécifiques su l’image en général, ou tel aspect du cinéma. J’ai également publié quelques articles en rapport avec des films étudiés dans la revue « L’Ecole des Lettres-Collèges ».
Aujourd’hui retraité, je participe, comme depuis sa création en 1996, aux activités de l’association « Plan Large », association de cinéphiles d’Annecy et environs, qui crée des évènements cinématographiques (Clap Maghreb etc.) ou participe à des évènements existants (Biennale du Cinéma Espagnol, Semaine du Cinéma Hispano Américain, Rencontres du Cinéma Slovaque et d’Europe Centrale par exemple), et ai continué pendant deux ans à assurer des stages pour le Rectorat de Grenoble.
Toujours passionné par le cinéma, et convaincu de l’intérêt qu’il y a à parler de cinéma et à réfléchir à son sujet comme au sujet de toutes les images qui nous entourent, je continue à répondre à des propositions qui me sont faites en ce sens, ou à en proposer.

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4 – II. Alain Resnais / Un cinéma drôlement grave /

Les mardis du cinémaCR de la conférence du 13 janvier 3015
Université populaire Sallanches-Passy-Haute Vallée

Deuxjème partie – Le facétieux recycleur de formes

Les mardis du cinéma : mardi 13 janvier 2015
Alain Resnais 2ème partie : Le facétieux recycleur de formes
« L’humour affleure dans tous les films de Resnais. En 1985 Mélo opère un double changement: d’abord une orientation fréquente vers la comédie, ensuite le choix systématique de ce qu’il refusait avant, l’adaptation d’œuvres préexistantes. Avec la même exigence de contenu au bout du compte. Du conte ? » François Grospiron
Alain Resnais est un philosophe moraliste. Dans toute son œuvre, Alain Resnais fait preuve à la fois d’une grande réflexion sur le sujet de son film et de beaucoup d’humour. En prenant un ton léger pour explorer des choses graves, Alain Resnais n’est pas loin de Marivaux. François Grospiron s’attache à le démontrer à travers divers extraits de films depuis le début de la filmographie du cinéaste. Ce sont des films très différents avec ce qui en fait l’unité, une espèce de jeu sur le langage et l’utilisation de l’humour comme moyen de réflexion sur le décalage entre le réel et l’imaginaire. Après le film « La guerre est finie » ; Alain Resnais s’oriente davantage du côté de l’imaginaire. Il s’inspire du théâtre, de l’opéra et même de l’opérette.
Alain Resnais, 3 juin 1922, Vannes – 1° mars 2014, Paris Filmographie

Bibliographie sommaire
 Positif, Revue de cinéma : Alain Resnais (Folio n° 3687)  Alain Resnais (Jean Luc Douin,Editions de La Martinière, 2013) (Très beau livre-album, très complet
puisqu’il couvre toute sa filmographie)  Gilles Deleuze : L’image-temps (Ed. Minuit, 1985) (surtout les pages 152 à 164)  Cahiers du cinéma, n° 699 (avril 2014)
Prochaine séance
Mardi 3 février à 20h30 salle d’animation du collège du Verney
L’adaptation
« Je l’ai pas lu mais j’ai vu le film » (3 février 2015)
Cette formule, que l’on entend souvent, a le mérite de bien poser le problème de l’adaptation : s’agit-il seulement de raconter la même histoire ? Ou bien le passage de la littérature au cinéma ne constitue-t-il pas la création d’une œuvre différente, autonome par rapport à sa source ? En un mot, qu’est ce que la fidélité d’une adaptation cinématographique ?

Mardi du cinéma 4

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Les mardis du cinéma – Un cycle de conférences

Un cycle de conférences sur le cinéma par François Grospiron de l’association « Plan Large », association de cinéphiles d’Annecy et environs.

C e cycle est proposé en 2014-2015 dans le cadre des activités de l’Université Populaire Sallanches–Passy– Haute Vallée, Comprendre pour agir.

Programme de l’année

Les thèmes suivants seront abordés :

  1. Un trousseau de clés pour le cinéma
    • L’image projetée de Platon à nos jours
    • « L’œil écoute » : la bande son
  2. Alain RESNAIS : un recycleur de formes
    • Se souvenir pour pouvoir « oublier » et vivre
    • Un facétieux inventeur de forme
  3. L’adaptation au cinéma
  4. Le western
  5. Le cinéma est l’art de l’illusion

Le cinéma est une histoire très ancienne ; le 1er dispositif évoquant la salle de cinéma est l’allégorie de la caverne de PLATON. C’est l’idée que les hommes vivent dans un monde d’illusions et que pour y échapper, il faut accéder à la sagesse.
Tout ce qui tourne autour de l’image animée a un enjeu fort : les dictatures, la publicité utilisent ce média car l’image exerce une sorte de fascination et suscite un pouvoir d’adhésion très fort ; les technologies de l’image qui se développent actuellement renforcent cette adhésion. .
28 décembre 1895 : date de naissance du cinéma avec les frères Lumière ; c’est la première séance dans une salle avec un public payant.
Il se développe dans un contexte particulier avec l’essor industriel et économique ; il s’agit de recréer le monde d’une certaine manière. Le cinéma évolue avec la vidéo, les jeux 3D les jeux vidéo où l’on intervient dans le déroulement de l’action .
Le cinéma, c’est l’illusion de l’image animée or l’image n’est pas animée ; ce qui crée l’illusion, c’est la persistance rétinienne : l’image reste dans l’œil et les images sont raccordées.
C’est l’imaginaire du spectateur qui crée du lien en passant d’un plan à un autre et qui donne du sens à ce qu’il voit. C’est le pacte spectatoriel ; le spectateur paie pour voir et se transformer en quelqu’un d’autre.

Le vocabulaire du cinéma et le langage cinématographique : voir la fiche donnée à la conférence

Le langage du cinéma utilise différentes techniques ; les codes diffèrent selon les époques et d’un auteur à l’autre.

Le spectateur est enchaîné pendant la durée du spectacle comme dans la caverne de Platon puis il retourne à la liberté à condition de faire la différence entre la réalité et la fiction ; or aujourd’hui tout est fait pour brouiller cette différence et il y a danger.Prochaine conférence

« Alain Resnais nous a quittés il y a quelques mois, le 1° mars 2014, juste avant la sortie de son dernier film, Aimer, boire et chanter. Ce titre à lui seul résume toute son œuvre, une des plus homogènes sans doute, malgré son extrême variété apparente. L’apparence, justement, c’est bien là un de ses thèmes favoris… » François Grospiron

 

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1 – L’image au cinéma

Les mardis du cinéma – CR de la Conférence du 14 octobre 2014
Université populaire Sallanches-Passy-Haute Vallée

Le cinéma est l’art de l’illusion

Le cinéma est une histoire très ancienne ; le 1er dispositif évoquant la salle de cinéma est l’allégorie de la caverne de PLATON. C’est l’idée que les hommes vivent dans un monde d’illusions et que pour y échapper, il fait accéder à la sagesse.
Tout ce qui tourne autour de l’image animée a un enjeu fort : les dictatures, la publicité utilisent ce média car l’image exerce une sorte de fascination et suscite un pouvoir d’adhésion très fort ; les technologies de l’image qui se développent actuellement renforcent cette adhésion. .
28 décembre 1895 : date de naissance du cinéma avec les frères Lumière ; c’est la première séance dans une salle avec un public payant.
Il se développe dans un contexte particulier avec l’essor industriel et économique ; il s’agit de recréer le monde d’une certaine manière. Le cinéma évolue avec la vidéo, les jeux 3D les jeux vidéo où l’on intervient dans le déroulement de l’action .
– Le cinéma, c’est l’illusion de l’image animée : l’image n’est pas animée ; ce qui crée l’illusion, c’est la persistance rétinienne : l’image reste dans l’œil et les images sont raccordées.
– C’est l’imaginaire du spectateur qui crée du lien en passant d’un plan à un autre et qui donne du sens à ce qu’il voit. C’est le pacte spectatoriel ; le spectateur paie pour voir et se transformer en quelqu’un d’autre.

Le vocabulaire du cinéma et le langage cinématographique : voir la fiche donnée à la conférence

Le langage du cinéma utilisent différentes techniques ; les codes diffèrent selon les époques et d’un auteur à l’autre.

Le spectateur est enchaîné pendant la durée du spectacle comme dans la caverne de Platon puis il retourne à la liberté à condition de faire la différence entre la réalité et la fiction ; or aujourd’hui tout est fait pour brouiller cette différence et il y a danger.

Mardi du cinéma 1a

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2 – Le son au cinéma

Les mardis du cinéma – CR de la onférence du 18 novembre 2014
Université populaire Sallanches-Passy-Haute Vallée

« L’objectif de cette séance est de prolonger la précédente en insistant davantage sur un aspect trop souvent négligé lorsque l’on parle d’un film et de cinéma en général, celui de la bande sonore, et des rapports plus ou moins complexes qu’elle entretient avec l’image. Loin de n’être qu’une simple « illustration » comme on le dit trop souvent, la bande sonore, dans ses différentes composantes (bruits, paroles, musique) est au contraire un élément essentiel de l’œuvre cinématographique, ce que nous nous efforcerons de démontrer, comme pour la première séance, à partir d’extraits de films. »

I. Le son au cinéma : le cinéma n’est pas muet, c’est la caméra qui est sourde ; il n’y a pas de son synchronisé à l’image mais la séance est sonore avec les musiciens d’accompagnement, le bonimenteur qui commente l’histoire, dit la parole prononcée ou supposée du personnage et les commentaires des spectateurs ; paradoxalement, l’apparition du son va imposer le silence dans la salle.
Les étapes du cinéma sonore au cinéma parlant ; on peut rapidement synchroniser une musique sur des images animées mais un problème de désynchronisation se pose rapidement avec les paroles ou le bruitage ; le cinéma sonore apparaît à la fin des années 30 avec « le chanteur de jazz » film sonore et parlant à peu de moments avec une parole synchronisée avec l’acteur.
Le cinéma parlant est une révolution dans l’industrie cinématographique et pour les acteurs ; le métier est bouleversé ; dans le cinéma muet, le corps, par sa gestuelle, dit l’essentiel ; mais à partir du cinéma parlant, il faut savoir parler devant une caméra et de grandes stars du muet ne peuvent franchir ce cap (exception faite de Greta Garbo par ex).

II. Le cinéma devient un art polyphonique : il s’exprime par l’image et la bande sonore
On peut distinguer :
– 5 canaux dans l’audiovision
Visuels : ​image proprement dite ;
ce qui est écrit dans l’image ou rajouté (sous-titres , carton….)

Sonores : ​paroles
musiques
bruits :
sons in : je vois à l’écran ce qui provoque le son : ex la voiture qui arrive
hors champ : je ne vois pas l’origine du son mais je sais qu’il est entendu depuis le lieu de l’action (bruits de circulation , de voisinage) ; ils participent à la scène filmée
off : le son est rajouté mais ne participe pas à la scène filmée (commentaires, musique additionnelle…)

– rapports son-image
analogie : le son et l’image se correspondent : sons d’ambiance, bruitage (portière qui claque)
redondance : le son (musique) est en rapport avec l’action
contre-point ou opposition : le son est en opposition ou sans rapport immédiat avec l’image (effet déstabilisateur qui indique ce qui va se passer plus tard)

– Plan sonore
De même qu’il existe différents plans au niveau de l’image, il y a des plans sonores (ex : l’enregistrement du son se fait à proximité du personnage)
Le son évoque une image mais une image n’évoque jamais un son.
Le son peut être un accélérateur de récit
Il permet le traitement humoristique du récit (film avec Charlot)

Mardi du cinéma 2a

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3 – I. Alain Resnais / Un cinéma drôlement grave /

Les mardis du cinémaCR de la conférence du 9 décembre 2014
Université populaire Sallanches-Passy-Haute Vallée

Première partie – Se souvenir pour pouvoir « oublier »… et vivre

« Alain Resnais nous a quittés il y a quelques mois, le 1° mars 2014, juste avant la sortie de son dernier film, Aimer, boire et chanter. Ce titre à lui seul résume toute son œuvre, une des plus homogènes sans doute, malgré son extrême variété apparente. L’apparence, justement, c’est bien là un de ses thèmes favoris… » François Grospiron

Alain RESNAIS : un recycleur de formes

1ère partie : se souvenir pour pouvoir oublier et « vivre »

« Je suis un formaliste », disait Alain Resnais de lui-même. Né à Vannes en 1922, il disparaît le 1° mars 2014, tout récemment donc, juste avant la sortie de son dernier film, Aimer, boire et chanter. Ce titre à lui seul résume toute son œuvre, une des plus homogènes sans doute, malgré son extrême diversité apparente. Quoi de commun en effet entre Nuit et Brouillard, qui reste un des plus beaux témoignages sur les camps nazis, et le marivaudage de On connaît la chanson ou son dernier film ? C’est ce que nous essaierons de commencer à dégager ce mardi 8 novembre. » François Grospiron

I). Alain Resnais naît dans une famille aisée et cultivée ; il est élevé dans des institutions religieuses qui vont le marquer profondément ; il en garde une certaine hostilité vis-à-vis de la religion mais aussi une forme de mysticisme.

Il reçoit une petite caméra à l’âge de 12 ans avec laquelle il commence à tourner des petits films.

Il est boulimique de culture, fréquente des peintres, lit les philosophes, les BD, les romans populaires… Il s’intéresse à toutes formes de musique : jazz, classique, contemporaine, opérettes, chansons populaires.

Il se dit imprégné de surréalisme en ce sens qu’il refuse toutes les censures, politiques, morales et religieuses qui entravent l’imaginaire. De l’imaginaire on arrive au rêve, au désir et à la psychanalyse. (Recherches freudiennes sur les lapsus, les mots d’esprit, et ses rapports avec l’Inconscient).

Passionné de théâtre, et contrairement à celui-ci il considère que ce n’est pas normal de déclamer au cinéma ; il est contre la volonté de réalisme au cinéma.

Tous ses films réalisés sont écrits par des scénaristes ; mais dans la 2ème partie de son œuvre, il adapte des œuvres d’auteurs (Mélo) .

II). Alain Resnais est sensible à différentes formes d’expression populaire telle la BD. Il se considère comme un « bricoleur de formes ». C’est un cinéaste de l’imaginaire, philosophe, et poète qui fait un cinéma qui donne à penser, un cinéma de l’intuition et de l’émotion. Il joue dans tous ces registres, dans ce qu’il y a de plus profond dans l’être humain. Il dit de lui-même : « je serais content si on disait que mes films étaient des documentaires sur l’imaginaire. »

III). Toute l’œuvre de Alain Resnais est une réflexion sur la mémoire.

Dans la 1ère partie de son œuvre il va travailler sur la mémoire pour en voir les limites et les contours ; dans la 2ème partie, la mémoire est considérée sous l’angle du désir, de la rencontre avec autrui, toujours marquée par l’imaginaire qui fausse, et rend possible à la fois, la relation avec l’autre.

Au sortir de la guerre, la question de la mémoire est un enjeu politique : il faut oublier à la fois ce qui s’est passé et en même temps ne pas oublier ; c’est le devoir de mémoire : comment évoluer entre ces 2 choses là ?  Alain Resnais se rattache à l’imaginaire en recherchant dans le présent les traces du passé. Il est l’inventeur du travelling qui est aussi une manière de montrer la pensée au travail.

Mardi du cinéma 3a

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