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Pierre Feuille Pistolet

PIERRE FEUILLE PISTOLET

De Maciek HAMELA, documentaire, Pologne/France /Ukraine-VOST. 1h24.

Le cinéaste polonais donnait, avec son van de huit places, un coup de main pour véhiculer des amis fuyant les bombardements russes qui débutaient. Puis il a enchaîné les trajets et les rencontres pour les victimes d’une guerre aussi soudaine que monstrueuse. Il a parcouru plus de cent mille kilomètres sur les routes d’Ukraine et a décidé de laisser une trace des échanges, confessions, larmes parfois rires sur la banquette du van en route vers l’exil. Sasha, 34 ans, s’excuse mais sa fille Sanya, petit bout de 5 ou 6 ans, ne parle plus depuis qu’un missile est tombé à quelques mètres de la maison, blessant grièvement son frère. Ewelina, 21 ans, est avec sa maman de 38 ans et son bébé. Cette mère porteuse espère se rendre à Paris, où l’attend la future famille de l’enfant. Elle doit se débrouiller seule, la clinique où elle était suivie n’existant plus. Ou encore une grand-mère réconfortée par ses petits-enfants lorsqu’elle évoque, la larme à l’œil, la ferme familiale, les vaches abandonnées. La caméra frontale capte le récit de ces témoins. C’est la survie dans ce huis clos, et la guerre dehors. Et Sofia, gamine malicieuse de 7 ans, propose une partie de Pierre- Feuille-Ciseaux…

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Little Girl Blue

Réalisatrice Mona Achache

France / 1H35

Avec : Marion Cotillard, Mona Achache, Marie Brunel

 

Entre documentaire et auto-fiction, Mona Achache fait le vibrant portrait de sa mère, Carole Achache, qui fut romancière, mais aussi photographe de plateau (pour Sautet, Losey, Tavernier…) et des femmes de sa famille accablée d’une étrange malédiction. Marion Cotillard y livre une composition inouïe. 

 Entre malaise et curiosité, Mona Achache exhume, quelques années après son suicide à 63 ans, l’histoire de sa mère. Son beau film s’ouvre sur une montagne de documents : des lettres, des photos, des carnets, éparpillés dans un appartement et progressivement épinglés au mur par la cinéaste. C’est le chaos. Puis elle remonte le fil. Et très vite, le chaos laisse place au vertige. Le récit familial devient celui d’un trauma qui va se recomposer sur trois générations et que chaque femme transmet à la suivante. Pour conjurer ce cycle infernal, la réalisatrice décide donc d’en effectuer l’archéologie et choisit de faire revivre sa mère.  

Marion Cotillard entre alors en scène et se transforme devant la caméra, jean, perruque, cardigan, bijoux, lunettes…, jusqu’à composer un portrait presque parfait de Carole Achache, et se raconter…Son enfance, fille très aimée par sa mère Monique Lange, l’emprise de Jean Genet, consentie par cette même mère, puis la drogue, le sexe, la nécessité d’écrire, les refus des éditeurs, la tentation d’en finir…Plongée dans un microcosme intellectuel des années 60/70 , folle envie de liberté…

A travers Marion Cotillard, le film est aussi le plus incroyable témoignage sur un travail d’actrice, elle a visionné pour interpréter ce personnage des heures de pellicules, écouté des dizaines d’interviews,  elle pousse la perfection  jusqu’à modifier sa voix en utilisant le tabac….Elle incarne littéralement cette mère, et nous fascine…

D’après Première et Télérama 

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Googbye Julia

« Goodbye Julia » aura représenté un des évènements de l’édition 2023 du Festival de Cannes. Non pas tant pour le Prix de la Liberté que le film a reçu au sein du Certain Regard, mais parce qu’il représente la première incursion du Soudan en sélection officielle. L’œuvre s’ouvre sur des couleurs chaudes, en 2005, à une époque où le pays était unifié, au sens qu’il ne formait qu’un État. Mais sa population était, elle, bien divisée, entre le Sud à majorité chrétienne, et le Nord principalement musulman. Pour ceux qui suivent les actualités internationales, le sort du pays ne sera pas une surprise, un référendum de 2011 aboutissant à l’indépendance du Sud, et l’année 2023 ayant vu l’émergence d’une guerre sanglante initiée par des généraux avides de pouvoir.

Si le métrage esquisse en creux les troubles de cette terre d’Afrique du Nord-Est, il se concentre bien plus sur son duo de protagonistes, Mina et Julia. La première est une ancienne chanteuse ayant abandonné la musique pour satisfaire son mari, se contentant de sa vie bourgeoise dans les quartiers huppés. La seconde vit dans la même région, mais dans un secteur nettement moins privilégié. Avec ses origines sudistes, on lui rappelle d’ailleurs régulièrement à quel point elle est par essence inférieure à ses voisins aux racines différentes. La rencontre entre les deux n’aurait ainsi jamais dû se produire, mais un triste événement va amener Mina à embaucher Julia comme employée de ménage, avant qu’une amitié réelle ne naisse entre elles.

Pour son premier passage derrière la caméra, Mohamed Kordofani, ancien ingénieur, fait preuve d’une certaine aisance, en particulier dans sa manière de mêler l’intime aux troubles de cette société qu’il ausculte de loin. On sent les clivages sociaux, ce racisme systémique, mais le drame se joue ici ailleurs, au cœur d’un microcosme familial bouleversé suite à une tragédie. Les secrets s’immiscent, les faux semblants aussi, la culpabilité remonte. La tentation du pamphlet est balayée par la réalisation d’un portrait maîtrisé, à la fois chronique d’une amitié bouleversante et récit d’émancipation de deux femmes qui rêvent d’échapper à leurs conditions, peu importe qui leur impose leurs contraintes, « Goodbye Julia » demeure indéniablement un film à voir, aussi bien pour son sujet que pour la rareté de ce type de productions dans nos contrées hexagonales.

Christophe Brangé

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programmation du 23 novembre au 2 janvier

Du 23 au 28 Novembre

SIMPLE COMME SYLVAIN 

De Monia Chokri – Canada – 2023 – 1h50

Avec Magalie Lépine Blondeau, Pierre-Yves Cardinal, Francis-William Rhéaume…

Un coup de foudre entre un homme et une femme que tout oppose. Elle est professeur de philosophie. Il est ouvrier du bâtiment. Elle est mariée à un intellectuel. Lui, sa « blonde », c’est la chasse et la pêche. Pour lui, elle plaque tout. Son mari, son appartement, sa réputation. Mais peut-on s’aimer si l’on est si différent ? Derrière ce couple épanoui, le poids de nos préjugés à tous. La cinéaste, avec son humour décapant, se moque avec la même tendresse des snobs et des beaufs. Elle pointe les préjugés de chacun, l’arrogance de classe, y compris celle qui s’ignore.

Festivals de Cannes, Toronto et Cabourg.

http://cinecimes.fr/simple-comme-sylvain/

Du 30 Novembre au 5 Décembre

LITTLE GIRL BLUE

De Mona Achache-France-2023-1H35

Avec Marion Cotillard, Marie Brunel, Marie Christine Adam

À la mort de sa mère, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres, de carnets et d’enregistrements éparpillés dans un appartement et progressivement épinglés au mur par la cinéaste : une vie résumée en un puzzle de pièces disparates er incohérentes. Entre malaise et curiosité, Mona Achache exhume, quelques années après son suicide, l’histoire de sa mère. Par la puissance du cinéma et la grâce de l’incarnation de Marion Cotillard, elle décide de la ressusciter pour rejouer sa vie et la comprendre

http://cinecimes.fr/mona-achache-marion-cotillard-entretien-croise-litlle-girl-blue/

http://cinecimes.fr/little-girl-blue/

 

 

HOW TO HAVE SEX

De Mona Manning Walker- Royaume uni, Grèce-2023-1H28

Avec Mia McKenna, Molly Manning Walker, Lara Peak

How to Have Sex (« Comment faire l’amour » ) suit trois jeunes amies qui se rendent en Crète pour les vacances, dans une station balnéaire. Afin de célébrer la fin du lycée, Tara, Skye et Em, s’offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie de colocs anglais rencontrés à leur arrivée.  Ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu’au vertige. Face au tourbillon de l’euphorie collective, sont-elles vraiment libres d’accepter ou de refuser chaque expérience…

http://cinecimes.fr/5997-2/

http://cinecimes.fr/molly-manning-walker-how-to-have-sex/

Du 14 au 19 Décembre

PERFECT DAYS

 

De Wim Wenders – Japon , Allemagne – 2023 – 2h03 – VOST

Avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano

C’est l’histoire d’Hirayama qui travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo et qui lent, contemplatif, dans une répétition des mouvements et des lieux où peu à peu l’existence d’Hiramaya entreprend de s’approcher du bonheur. Wim Wenders renoue avec une forme depoésie de la vie quotidienne. Le long métrage est immensément beau ( musique, images douces et harmonieuse à la profondeur palpable, personnages peuplant son existence solitaire et paisible ); il s’en dégage une grande sérénité. Une réflexion élégante, tendre et aérienne sur la quête de la beauté au quotidien et sur l’humanité radieuse. Wim Wenders, un cinéaste passé maître dans le cinéma du désir et de l’émotion .

Prix d’interprétation masculine pour Koji Yakusho , prix œcuménique, Cannes 2023.

http://cinecimes.fr/perfects-days/

http://cinecimes.fr/wim-wenders/

Du 21 au 26 Décembre

 PIERRE FEUILLE PISTOLET

De Maciek HAMELA, documentaire, Pologne/France /Ukraine-VOST. 1h24.

 Le cinéaste polonais donnait, avec son van de huit places, un coup de main pour véhiculer des amis fuyant les bombardements russes qui débutaient. Puis il a enchaîné les trajets et les rencontres pour les victimes d’une guerre aussi soudaine que monstrueuse. Il a parcouru plus de cent mille kilomètres sur les routes d’Ukraine et a décidé de laisser une trace des échanges, confessions, larmes parfois rires sur la banquette du van en route vers l’exil. Sasha, 34 ans, s’excuse mais sa fille Sanya, petit bout de 5 ou 6 ans, ne parle plus depuis qu’un missile est tombé à quelques mètres de la maison, blessant grièvement son frère.. Ou encore une grand-mère réconfortée par ses petits-enfants lorsqu’elle évoque, la larme à l’œil, la ferme familiale, les vaches abandonnées. La caméra frontale capte le récit de ces témoins. C’est la survie dans ce huis clos, et la guerre dehors. Et Sofia, gamine malicieuse de 7 ans, propose une partie de Pierre- Feuille-Ciseaux…

http://cinecimes.fr/pierre-feuille-pistolet/

 

Du 28 Décembre au 2 Janvier

GOOD BYE JULIA

    De Mohamed Kordofani – Soudan – 2h

    Avec Eiman Yousif, Siran Riak…

   Nous sommes en 2005 au Soudan où les affrontements fratricides entre le Nord et le Sud recommencent. Nous suivons le destin de deux femmes : Mona, de classe sociale favorisée et de religion  musulmane vit à quelques rues de Julia, chrétienne pauvre venue du Sud à Khartoum, la capitale qui recommence à trembler sous les émeutes. Deux femmes si loin, si proches qu’un drame va rapprocher.

  On a rarement vu un film aussi subtil et saisissant de beauté sur ce qui peut exister à bas bruit dans une société patriarcale où les femmes n’ont pas voix au chapitre.

   C’est l’histoire magnifique d’une réparation dans un pays ensanglanté, brisé en deux.

     Sélection officielle à Cannes et prix de la Liberté

http://cinecimes.fr/googbye-julia/

http://cinecimes.fr/mohamed-kordofani-goodbye-julia/

 

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L’enlèvement

L’enlèvement (Rapito), Italie, 2h 14 , VO

De Marco Bellocchio, avec Paolo Pierobon,Enea Sala,Leonardo Maltese

En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant, baptisé en secret, étant bébé, par sa nourrice inquiète pour le salut de son âme. La loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Il devient le protégé, autrement dit l’otage du pape-roi Pie IX. Ses parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour libérer leur fils de l’endoctrinement qu’il subit à grand renfort d’Agnus Dei et de parties de cache-cache dans les jupes du Saint-Père. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…Au nom du fils perdu, le cinéaste embrasse le désespoir de ses parents lors de scènes déchirantes ponctuées par de grandes envolées musicales. Son lyrisme, jamais pompier, se double d’un éternel penchant pour l’onirisme, qu’il s’agisse d’Edgardo décrochant un Christ sanguinolent de sa croix ou de Pie IX rêvant que des rabbins viennent le circoncire de force dans la nuit. Mais la séquence où le pape oblige une délégation juive à ramper à ses pieds, tient, elle, d’un cauchemar bien réel.

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Lost in the night

LOST IN THE NIGHT

Film d’Amat Escalante – Mexique – 2023 – VOST – 2h

Avec Juan Daniel,Garcia Trevino,Barbara Mori,Ester Exposito…

En 2013, Amat Escalante signe Heli,un film choc aux images inoubliables dénonçant la violence aveugle de la police paramilitaire mexicaine sous prétexte de lutte contre le narco-trafic (prix de la mise en scène au festival de Cannes 2014). Deux ans plus tard, il tournait La Région sauvage qui explore une veine fantastique particulièrement fascinante.

Avec Lost in the night, le réalisateur confirme son talent en faisant brillamment la synthèse entre les deux. Même s’il n’est que suggéré dans un premier temps,l’aspect fantastique suinte dès les premières images du film, celles d’une intrigante maison contemporaine apparement abandonnée, posée entre désert et lac. On comprendra par la suite l’importance du lieu, qui va quasiment devenir un personnage à part entière de l’intrigue…Mais le récit commence vraiment dans une région centrale du Mexique, par une manifestation contre une mine géante que s’apprête à exploiter un consortium canadien, menaçant l’environnement et les emplois locaux. Une militante anime un débat public houleux, où interviennent en faveur de la mine des ouvriers ouvertement manipulés. Le petit groupe d’opposants quitte les lieux à la tombée de la nuit et comme on pouvait le craindre, son véhicule est intercepté par des paramilitaires : le chauffeur est assassiné et l’oratrice contestataire kidnappée. Rien que de très ordinaire dans un pays où la répression des militants écologiques est d’une brutalité sans limites et où l’impunité des policiers est totale.

Trois ans plus tard, Emiliano, le fils devenu adulte de la militante, désespéré de l’inaction totale des enquêteurs – qui ne se donnent même pas la peine de faire semblant de rechercher la disparue – tombe par hasard à l’hôpital sur un policier à l’agonie qui, peut être pris d’un remords ultime, livre au jeune homme une adresse. Sans autre explication.

Accompagnée de sa petite amie, Emiliano s’y rend, pour trouver, au milieu de nulle part, la demeure d’une famille riche et détonante : Rigoberto, un artiste provocateur, brutal et fantasque, son épouse Carmen, une pop star madrilène, ainsi que leurs enfants dont Monica, vedette adolescente et imprévisible sur instagram. Après quelques tergiversations, Emiliano réussit à se faire embaucher comme gardien de la luxueuse propriété…

On ne vous révèlera rien de ce que cachent les secrets de cette étrange famille , ni son lien avec la disparition de la mère d’Emiliano, mais le scénario remarquablement construit brosse un portrait de classe implacable, poussée à son paroxysme par le recours au fantastique qu’on évoquait plus haut. A travers une mise en scène d’une grande maîtrise, qui met en valeur la géométrie de la maison, l’austérité magnifique du désert, Escalante décortique les mécanismes de l’injustice sociale de son pays, sa violence systémique, ses dérives délirantes liées aux réseaux sociaux et à la vacuité de la célébrité, en même temps qu’il nous plonge dans un film noir sous tension permanente, travaillé par les instincts de sexe et de mort. Vraiment impressionnant !

Critique UTOPIA

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Viver mal, mal viver

Mal Viver et viver Mal   :Semaine du 9 au 14 novembre 2023

Films portugais et français de Joao Canijo. Avec Anabela Moreira, Nuno Lopes, Leonor Silveira, Rita Blanco, Madalena Almeida (2 h 04, 2 h 07).

 L’ensemble copieux composé par Mal Viver et Viver Mal, qui arrive sur les écrans français, précédé en réputation d’un Ours d’argent décroché lors de la Berlinale 2023, accole deux films siamois, autour d’un même lieu et d’un même faisceau d’événements.

L’action se situe dans un hôtel de luxe de la côte nord du Portugal, où se rendent touristes riches, parfois célèbres, pour lambiner quelques jours autour de la grande piscine extérieure. Le premier volet (Mal Viver) est consacré aux tenancières, dynastie de femmes – mères, filles, cousines – qui tiennent l’établissement à bout de bras, s’occupant qui de l’accueil, qui du ménage, qui de la cuisine avec une humeur saturnienne et détraquée qui inquiète tout le monde. L’arrivée surprise de sa fille Salomé (Maddalena Almeida) accroît la tension et renverse le statu quo du gynécée.

Le second volet (Viver Mal) investit le même continuum, mais cette fois du point de vue des clients : couple malade d’influenceurs aliénés, mères abusives ou vampiriques (dont l’impériale Léonor Silveira), enfants tiraillés ou désavoués. L’action centrale du premier volet devient l’arrière-plan du second, et inversement.

L’ensemble intrigue par sa spatialisation louvoyante et vénéneuse, ses cadrages sophistiqués, ses élégants jeux de distances et d’échelle. Canijo joue de la structure hôtelière comme d’un espace morcelé, intégralement dépliable, où chaque personnage circule dans une trame oppressante de lignes horizontales et verticales. Les parois expriment la séparation, les fenêtres allumées dans la nuit montrent les destinées parallèles.

Le monde décrit par Canijo, où règnent consternation, aliénation et frustration, est sombre. Reste le plaisir feuilletonnant, non négligeable, des vies qui s’entrecroisent, des points de vue qui se renversent, du ’hors-champ qui se prolonge. Mais la mécanique est froide et l’esthétique vitrifiée. La caméra regarde par la fenêtre, caresse les murs : on reste au seuil de ce film-auberge, maison d’architecte finalement peu accueillante.

D’après la critique du » Monde » Mathieu Macheret 11 octobre 2023

 

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Programmation Octobre/ Novembre 23

 

Du 12 au 17 Octobre

Du 12 au 17 Octobre

L’ÉTÉ DERNIER

De Catherine Breillat, France, 1 h 44

Avec Léa Drucker, Samuel Kircher

Anne, avocate renommée, spécialisée dans les violences sexuelles faites aux mineurs, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs deux filles. Un jour, Théo 17 ans, le fils de Pierre né d’une première union, emménage chez eux. Peu de temps après il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie avec une énergie implacable cet adultère incestueux,n’envisageant pas de risquer de perdre sa famille et sa carrière.

Absente depuis dix ans, Catherine Breillat n’a rien perdu de sa rage, de son impétuosité et de sa recherche de la vérité.

Ce récit subtil captive de bout en bout, servi par deux acteurs prodigieux.

 

Du 19 au 24 Octobre

Du 19 au 24 Octobre

L’AIR DE LA MER REND LIBRE

De Nadir Mokneche – France – 2023 – VOST –

1 h 30

Avec Youssouf Abi Ayad, Kenza Fortas, Zahia Dehar….

Traiter un sujet sensible d’une manière délicate n’est pas si courant. Raison de plus pour découvrir « L’Air de La Mer Rend Libre » qui raconte un mariage arrangé aujourd’hui à Rennes dans une famille française d’origine maghrébine. Celui-ci unit SaÏd, jeune homme parfait quoique peu pressé de convoler (il est gay, sa famille le sait, mais personne n’en parle), et Hadjira, brunette réservée quoique futée, qui a brûlé son adolescence avec une racaille mais qui a fait amende honorable depuis. Pour leurs mères il est surtout question de sauver la face, ce qui n’est pas si simple. Le réalisateur déjoue nombre de clichés et cette jolie comédie est portée par le charme de ses comédiens.

 

Du 26 au 31 Octobre

Du 26 au 31 Octobre

LOST COUNTRY

De Vladimir Perisic, France, Serbie, 1 h 38, VOST

Avec Jovan Ginic, Jasna Duricic…

Le portrait d’un adolescent dans la Serbie de 1996 en plein chaos. Stefan a 15 ans, collégien et fils de la porte-parole du gouvernement serbe. Le régime criminel de Milosevic, rudoyé par des manifestations étudiantes contre le trucage des élections, vit ses dernières heures. Stefan oscille entre mère et patrie, les illusions se perdent, l’innocence aussi.

Le réalisateur fait le récit d’apprentissage d’un adolescent tiraillé entre une nouvelle conscience politique glanée auprès d’amis lycéens et une loyauté affectueuse envers sa mère.

Prix de la révélation pour Jovan Ginic à la Semaine de la Critique Cannes 2023.

 

Du 2 au 7 Novembre

Du 2 au 7 Novembre

LOST IN THE NIGHT

De Amat Escalante – Mexique – 2023 – 2 h – VOST

Avec Juan Daniel, Garcia Trevino, Ester Exposito, Barbara Mori…

Trois ans après la disparition de sa mère, une activiste écologiste, un jeune homme recherche les coupables. Son enquête le mène chez une riche famille d’artistes…Le mexicain Amat Escalante continue de raconter la violence et la corruption de son pays dans une forme un peu moins brutale que dans Heli. Lost in the night évolue à un rythme déstabilisant, fait de faux départs, de montées en puissance presque aussitôt désamorcées. Ces circonvolutions finissent par former une toile obsédante, dans laquelle le cinéaste exprime sa culpabilité d’artiste se «nourrissant» de l’horreur du monde.

 

Du 9 au 14 Novembre

Du 9 au 14 Novembre

MAL VIVER / VIVER MAL

De Joao Canijo – Portugal/France – 2 h 07 et 2 h 04

Ce sont deux films, deux faces d’une même pièce : le champ et le contrechamp de la même histoire avec les mêmes protagonistes : on peut les découvrir dans n’importe quel ordre : l’action se déroule dans un hôtel portugais tenu par les femmes d’une même famille.

Mal viver se concentre sur ces femmes et la relation complexe et délétère qui les unit, amplifiée par l’arrivée de la plus jeune, qui va réveiller rancunes et ressentiments, enfouis depuis longtemps.

Viver mal, quant à lui, s’intéresse aux clients de l’hôtel, qui semblent, eux aussi, avoir choisi les vacances pour régler leurs comptes à ciel ouvert.

Avec une mise en scène très maitrisée, le spectateur peut faire son propre chemin, dans un dédale, qui balaie toute certitude dans ce jeu où il revoit les mêmes scènes, sous 2 prismes différents.

 

Du 16 au 21 Novembre

Du 16 au 21 Novembre

L’ENLÈVEMENT

De Marco Bellocchio,

Avec Paolo Pierobon, Enea Sala, Leonardo Maltese

En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant, a été baptisé en secret, étant bébé, sur l’initiative de sa nourrice inquiète pour le salut de son âme. La loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Il devient le protégé, autrement dit l’otage du paperoi Pie IX. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour libérer leur fils de l’endoctrinement qu’il subit à grand renfort d’Agnus Dei et de parties de cache-cache dans les jupes du Saint- Père. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant

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Déserts de Faouzi Bensaidi

Déserts de Faouzi Bensaïdi, Maroc, 2h04, avec Fehd Benchemsi, Abdelhadj Taleb, Rabii Benjhaile. La Quinzaine des Cineastes, Cannes 2023.

Faouzi Bensaïdi nous avait déjà séduits avec Mort à vendre, il y a quelque temps (2011). Étonnant, Déserts nous embarque dans ses boucles narratives, bifurquant librement d’un genre à l’autre. Un film à la fois trépidant et contemplatif, à méditer.

Les déserts du titre, aux sens littéral et métaphorique, se superposent : deux employés d’une agence de recouvrement de dettes, Mehdi et Hamid (Fehd Benchemsi et Abdelhadj Taleb, excellents) sillonnent effectivement le désert. En eux, chez les pauvres gens qu’ils tentent d’intimider, de grands déserts affectifs, des manques, du vide. Le contraste entre le désert à perte de vue et l’absence de perspective des personnages, dans des existences bloquées, est saisissant.

La première partie du film fonctionne selon une mécanique comique très efficace, mélange de saynètes burlesques, absurdes, où les deux comparses échouent systématiquement à récupérer les sommes. Un tapis, une chèvre, une réconciliation entre un mari et sa femme, voilà les petits gains engrangés, bien insuffisants pour la rentabilité exigée.

Brusquement, le film effectue un virage, pour bifurquer vers le western. Les deux employés croisent la route d’un criminel, roi de l’évasion et le récit, lui aussi, s’évade. Comme si deux moitiés de film se faisaient soudain écho, à travers le vide du désert : on retrouve la carte, les figures de femmes autoritaires, le motif du tissage, et tant d’autres petits signes parsemés.

Petits cailloux dans le désert, pour aller nulle part en particulier. Avec style, le film résiste à tout enfermement, pour proposer une balade au sens noble. Du comique au drame, du roman à la poésie, Faouzi Bensaïdi s’autorise toutes les incursions. Loin du trajet balisé, le spectateur se trouve sans cesse surpris, d’une séquence à l’autre, par les trouées du récit, par les changements de ton, par les échappées poétiques. La musique, les incantations, les bribes de contes intriguent et charment. Car, pour reprendre les mots de Mehdi : “Les histoires n’existent pas, elles n’existent que par celui qui les écoute“. Ainsi de ce beau film, qu’il nous revient de faire exister et respirer en liberté.

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Fermer les yeux ,de Victor Erice

Fermer les yeux de Victor Erice avec Manolo Solo, Ana Torrent… 2h49

Croire encore au cinéma, ou ne plus y croire, c’est une des questions de Fermer les yeux, le nouveau film du très rare Victor Erice, cinéaste espagnol et fameux qui, sans s’arrêter complètement de tourner, n’avait pas fait de long métrage depuis le Songe de la lumière (1992). Avant ça, un par décennie, encore vibrants dans les mémoires cinéphiles.

Alors Erice de nos jours recommence, et Fermer les yeux commence comme un film. Dans une grande maison de village, au domaine de Triste-le-Roy, dans l’après-guerre, un certain M. Lévy, grand ours mal en point comme sorti d’un Buñuel, commandite à un détective une enquête pour retrouver sa fille élevée dans la Chine lointaine. On n’en saura pas plus, en tout cas pour l’instant : cette longue scène d’ouverture est non seulement un film dans le film, mais encore lui-même inachevé, au tournage interrompu, à l’orée des années 90, par la disparition soudaine et inexplicable de l’acteur, Julio Arenas, qui jouait le détective et le rôle principal.

On l’apprend parce que son auteur, Miguel Garay, cinéaste et écrivain désormais à la retraite, se retrouve, vingt-deux ans plus tard, à se remémorer ce moment clé de son passé, douloureux mystère, quand une émission de télé un peu sensationnaliste l’invite pour évoquer l’affaire du comédien envolé, son grand ami d’alors.

 Les amples deux heures quarante-neuf de Cerrar los ojos donneront des indications sur leur histoire, le destin postérieur du réalisateur, depuis exilé vers le sud dans un coin bien planqué, et peut-être, après main coup de théâtre ou plutôt coup de cinéma, sur celui de Julio Arenas avant qu’il ait sombré dans l’oubli

La question d’y croire ou pas, est directement évoquée par Max, l’ami archiviste et cinéphile, qui conserve les quelques bobines du film inachevé, au moment où Miguel passe les récupérer pour les vendre à la télévision.  Max se dit pratiquant mais pas croyant, alors que l’ex-cinéaste, de toute évidence, est encore croyant mais non pratiquant. Fermer les yeux navigue quelque part entre les deux. Il se montre à la fois pleinement capable d’exercer sur nous les splendeurs (les promesses, les plaisirs, les douleurs) d’un art encore possible à faire, et avec la fraîcheur qui s’impose, mais aussi , non, sans le déclarer mourant, finissant, d’époque ou d’âge d’or enfui, disparu sans laisser d’adresse ..

Quant à la mémoire ou l’oubli, thèmes moins méta de sa fiction, ils composent, du cinéaste, de sa pratique ou de sa croyance, une sorte d’autoportrait en deux directions, deux idéaux portés à des états extrêmes : celui qui se souvient trop et celui qui a trop oublié, l’hypermnésie et l’amnésie, l’art du passé et le silence radio du futur, le trop-plein du souvenir ou le trop libre de l’oubli.

 Tout un film, tout un art du temps et du rythme, passe dans la tension entre ces deux pôles.  La candeur et la rouerie, l’innocence et la ruse (entre foi et loi : croire, ou seulement pratiquer) de Fermer les yeux s’y mêlent et s’y confondent, fusionnant en un audacieux climax qui nous abandonne à la surprise avant de disparaître pour de bon.

D’après la critique de Libération 16 aout 2023

 

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