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Cédric Kahn

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Cédric Kahn et ses grands hommes de cinéma

Il a été le stagiaire de Yann Dedet, a co-écrit une ébauche de scénario avec Maurice Pialat, se dit très influencé par Terrence Malick, rend hommage à François Truffaut dans un film… Cédric Kahn nous parle de ses pères.

C’est un cinéaste qui se livre peu, qui n’a pas érigé sa signature en marque, comme tant d’autres : révélé en 1992 par Bar des rails, on l’a classé naturaliste, observateur en temps quasi-réel des élans du cœur (sur ce sujet, Trop de bonheur, son film suivant, reste son préféré). Vie sauvage est son neuvième film. Il raconte la cavale d’un homme qui veut élever ses enfants en pleine nature, et entremêle ce goût du filmage brut du réel avec une tentation romanesque. On a demande à Cédric Kahn, beau mec de 48 ans qui fait aussi l’acteur (dans Tirez la langue, Mademoiselle, par exemple) les hommes de cinéma qui ont compté pour lui. Ou pas.

François Truffaut

« Il ne compte pas tant que ça. A part La Femme d’à côté. Quand j’ai tourné Les Regrets, c’était un peu en hommage, ou en référence, je ne sais pas comment le dire, à La Femme d’à coté. C’est pour cela, sans doute, que la Cinémathèque Française m’a demandé de lire des extraits de sa correspondance. J’ai vu La Femme d’à côté entre 16 et 18 ans, je l’ai revu souvent, sa noirceur et son romanesque me touchent. Le reste de ses films est trop littéraire pour moi – j’aime des cinéastes plus tripaux”. Au-delà même du sujet, quelque chose d’organique, propre à un film, fait que tu te sens plus proche de telle ou telle œuvre. Définitivement, je suis plus Sautet que Truffaut, bien que Claude Sautet ait longtemps été ignoré par la critique ».

 

Maurice Pialat

« Son monteur, Yann Dedet m’avait embauché comme stagiaire sur Sous le soleil de Satan. J’ai 19 ans, c’est le premier film sur lequel je bosse. C’est extraordinaire, et ça le reste encore aujourd’hui, parce que moins j’ai de responsabilité, plus j’aime travailler dans le cinéma ! Je retrouve un peu ça en faisant l’acteur… Sur un tournage de Pialat, il y avait un sentiment de famille, assez peu hiérarchisée : que l’on soit stagiaire ou chef de poste, on pouvait se faire engueuler ou complimenter de la même manière… L’avantage du stagiaire monteur, c’est la proximité avec le cinéaste : une fois qu’on est dans la salle, on est trois, maximum quatre.

“J’ai mis beaucoup de temps
à comprendre qu’un scénario,
c’était déjà du cinéma”

Je l’ai fréquenté ensuite, beaucoup plus tard. Il avait vu mes films. Je me rappelle des critiques qu’il me faisait sur L’Ennui. Il disait ce qui n’allait pas et il ajoutait toujours : “Attention, si c’était pas bien, je dirais que c’est super…” Chez lui, il n’y avait jamais de méchanceté. Après Le Garçu, il était fatigué, il savait qu’il ne tournerait sans doute plus, mais il avait besoin de croire encore en l’idée d’un film possible. Il m’avait demandé de l’aider sur un scénario – il a dû le faire avec d’autres gens. Une adaptation d’un roman de Philip K. Dick, un roman réaliste, pas sa veine S-F, Aux pays de Milton Lumky. Il pensait aussi que je pourrais être second réalisateur, si les médecins refusaient de l’assurer. On a écrit ensemble une cinquantaine de pages, et puis on a arrêté.

Je ne me sers pas de l’enseignement de Pialat, ses méthodes de cinéma ne sont pas applicables, d’ailleurs il a été très mal imité. On croit que c’était un cinéaste du réel, qu’il faisait improviser ses acteurs, mais pas du tout, c’est un cinéaste du scénario, de la dramaturgie, du feuilleton même. A nos amours, si vous enlevez les ellipses, le récit prend une durée de feuilleton. Ma génération a eu tendance à oublier le scénario. Si Jacques Audiard a pris de l’avance sur tout le monde, c’est que lui ne l’a pas rejeté. Cette mythologie selon laquelle le cinéma de Pialat ne serait pas écrit nous a fait du mal. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre qu’un scénario, c’était déjà du cinéma ».

Yann Dedet

« C’est mon formateur. J’ai été son stagiaire, son assistant et il a monté cinq de mes films. Ce qu’il m’apportait était parole d’évangile et c’est lui qui m’a dit : “Sois cinéaste, n’attends pas.” Il m’a appris la possibilité d’une forme de liberté par rapport à la technique, à la forme, il m’a appris qu’on peut monter une bonne scène avec les mauvaises prises, qu’il vaut mieux deux beaux plans qu’un bon raccord. Mon goût m’aurait conduit vers ça, mais il a accéléré l’avènement d’un cinéma libéré de la grammaire traditionnelle. De ce point de vue-là, il était en avance, plus personne ne tourne avec la grammaire d’antan, beaucoup de films se font sans scripte. Depuis, cela a été théorisé, établi, par le Dogme, par exemple. Avant Pialat, personne ne le faisait. J’ai pris un autre monteur pour L’Avion, je trouvais que Yann n’était pas adapté au projet, j’aurais mieux fait de me dire que c’était moi qui n’étais pas fait pour le film ! »

Terrence Malick

« J’aime tous ses films, quand j’aime un cinéaste je peux même aimer ses films ratés. Les gens commencent à moins le suivre mais même A la merveille, j’adore ! Pour Vie sauvage, bien sûr, j’ai pensé à lui : comment capter la lumière naturelle, coller au plus près des acteurs, atteindre une forme de sensorialité. Et puis se débarrasser du scénario, ce qui veut pas dire qu’il n’y en a pas. On peut prendre des libertés avec le scénario, le transformer, s’en émanciper à partir du moment où le récit est très clair.

“Avant je voyais la réalité
comme une agression à mon rêve,
maintenant je la vis comme une alliée”

Vie sauvage s’est transformé au tournage : le film était plus écrit, plus explicatif, il y avait plus de scènes sur les parents, il s’est rapproché des enfants, il s’est radicalisé. J’aime que la matière du scnéario se transforme. Avant je voyais la réalité comme une agression à mon rêve, maintenant je la vis comme une alliée. Je sais comment Malick tourne, je me suis renseigné, j’ai vu des docs. Il y avait un perchman sur mon film qui avait un peu bossé avec lui, je n’arrêtais pas de le persécuter de questions : il paraît que pour tourner une lumière naturelle, il fait construire des maisons sur roulements, de façon à ce qu’elles tournent avec le soleil ! Maintenant, ce qui me passionne, c’est le dispositif : je crois plus au dispositif qu’à la mise en scène. Malick tourne avec un dispositif, une machinerie très spéciale, rien n’est jamais figé ».

  • Propos recueillis par Aurélien Ferenczi
  • Publié le 31/10/2014. Mis à jour le 02/11/2014 à 20h16.
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Mélanie Laurent

melanie-laurent

Naissance 21 février 1983 (31 ans)
Paris France
Films notables:  Je vais bien, ne t’en fais pas
Dikkenek
Paris
Inglourious Basterds
Le Concert
La Rafle
Et soudain, tout le monde me manque
Les adoptés
Insaisissables

Nationalité Française

Profession Actrice
Réalisatrice
Chanteuse

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Respire

RespîreDe Mélanie LAURENT – France 2014 – 1h31
Avec Isabelle Carré, Joséphine Japy, Carole Franck, Lou de Laâge, Roxane Duran…

Récit d’une manipulation entre amies, cette seconde réalisation de Mélanie Laurent, ovationnée à la Semaine de la Critique à Cannes, frappe par sa justesse de ton et sa tension dramatique intense. Libre adaptation d’un premier roman d’Anne-Sophie Brasme, édité en 2001, la fascination de Charlie (Joséphine Japy) pour Sarah (Lou de Laâge), c’est avant tout le récit d’une apparente fusion. Charlie délaisse sa confidente Victoire (Roxane Duran) pour vouer un culte sans limite à Sarah, dont elle admire la liberté, l’indépendance d’esprit, et l’univers bourgeois qui semble lié à sa nouvelle amie.

Suspense psychologique habile sur l’emprise d’une lycéenne sur une autre.

C’est l’histoire d’une relation perverse entre deux lycéennes. L’une, Charlie (Joséphine Japy, dans son premier grand rôle), vit seule avec sa mère (Isabelle Carré, femme enfin), incapable de se défaire de son mari immature. (suite…)

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VIE SAUVAGE

Vie sauvage 2De Cédric Kahn – France – 2014 – 1h46
Avec Matthieu Kassovitz, Céline Sallette, ….
D’après l’histoire vraie de Xavier Fortin, qui à la fin des années 90 enleva ses deux fils confiés à la garde de leur mère pour les élever en pleine nature, en accord avec ses idées anticonsuméristes. Pour ce projet éducatif, ce personnage jusqu’au-boutiste entraine ses enfants dans une cavale clandestine qui va durer plus de 10 ans…L’histoire est d’abord vue à travers le regard du père , puis des enfants devenus adolescents qui feront leurs propres choix. Mathieu Kassovitz y est meilleur que jamais, à tel point qu’il est impossible de ne pas y voir en creux le signe de sa propre révolte.

Critique

Deuxième adaptation au cinéma de l’histoire de Xavier Fortin (après La Belle Vie de Jean Denizot, sorti un peu plus tôt cette année), Vie sauvage de Cédric Kahn en est aussi la plus littérale et la plus officielle. Là où le film de Jean Denizot s’inspirait de loin en loin de l’étonnante cavale de Fortin et ses enfants, kidnappés à leur mère pour poursuivre un idéal de vie marginalisée telle que leur père l’avait envisagée pour eux, celui de Cédric Kahn suit de très près le fil du parcours, long de plus de dix années, de cet homme et de ses deux fils. (suite…)

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BANDE DE FILLES

Bande de fillesDe Céline Sciamma – France 2014 – 1h52
Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh

Marieme, 16 ans, vit en banlieue. Silhouette féline, nattes africaines, œil de biche, elle est d’une beauté ravageuse. En échec à l’école, mère de substitution à la maison, elle s’occupe de ses petites sœurs en essayant d’éviter les coups de son grand frère. Jusqu’au jour où elle rencontre trois filles, bien décidées à ne pas se laisser dicter de lois… Des bagarreuses, des enjôleuses, des drôlesses, qui soignent leur style et balancent leurs répliques avec une rage joyeuse. Pour cette bande de filles à la féminité explosive, pas question d’être des « filles bien », épouses cloîtrées trimant dur comme leurs mères soumises à la domination masculine.

Critique

Des filles courent sur un terrain de sport. Casques de protection et genouillères, elles disputent un match de football américain sur fond de musique électro-pop. Pendant près de deux heures, Céline Sciamma suit le parcours d’adolescentes noires des quartiers sensibles. Si Bande de filles est si réussi, c’est qu’il transcende un sujet a priori social, voire sociologisant. S’emparer d’une réalité contemporaine peu représentée à l’écran tout en la stylisant, en restituer la complexité en la sublimant, voilà le tour de force de la réalisatrice.
(suite…)

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CHANTE TON BAC D’ABORD

Chante ton bac d'abordDe David ANDRE – France – 2014 – 1h 22
Avec les lycéens Gaëlle Bridoux, Nicolas Dourdin, Rachel Motte, Caroline Brimeux, Alex Margollé, Alice Dutertre et leurs parents…
Marier la comédie musicale au documentaire relève d’un coup de force esthétique ; de ces deux modes de représentation, David André a tiré l’originalité de Chante ton bac d’abord, qui se concentre sur un groupe d’élèves de terminale d’un lycée de Boulogne-sur-Mer. Trois filles et deux garçons, qui nous séduisent d’autant plus que, à la finesse d’observation dont le documentaire témoigne, s’ajoute une dimension particulière induite par les chansons. Onze titres, écrits par David André à partir de leurs propres mots et qu’ils chantent d’une voix plus ou moins assurée, livrant leurs états d’âme avec une justesse jamais prise en défaut. Ce procédé se révèle un puissant mode d’expression de l’intime, propice à la pleine expression de leurs sentiments. Au point qu’à la fin du film, on se surprend à avoir de la peine à les quitter.

Critique

En ce mois de septembre 2012, David André, réalisateur couronné du prix Albert Londres pour « Une Peine Infinie » entame le tournage de « Chante ton Bac D’Abord ». L’histoire de cinq copains du lycée Mariette de Boulogne-sur-Mer, de leur année de terminale L. (suite…)

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TIMBUKTU

TimbuktuD’Abderrahmane SISSAKO – Mauritanie, France 2014 – 1h37
Avec Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, Abel Jafri…
Chronique d’une population assiégée par les djihadistes où chaque homme et chaque femme sont décrits avec une humanité criante, même les combattants, qui sont parfois des croyants de peu de foi. Elle ne manque pas d’humour, un moyen de défense qui garde le film (et son sujet ultraviolent) de tomber dans le pensum lourd et permet d’ajouter une dimension fictionnelle forte à une dimension quasi documentaire. Abderrahmane Sissako joue la simplicité et permet de provoquer un débat complexe et de le déplacer au-delà d’une actualité quotidienne qui l’a rendu abstrait vu d’Europe.

La ville de Tombouctou est occupée par des hommes armés qui entrent dans le quotidien des habitants. Une police fanatique cherche alors à imposer sa loi. Face à ces nouveaux venus, on se demande d’où car ils parlent plusieurs langues plus ou moins bien, les habitants montrent une grande dignité dans leur façon de résister. Les oppresseurs sont, eux, obnubilés par des sacrilèges minuscules méritant des punitions cruelles décidées par des tribunaux improvisés qui préconisent des interdictions en guise de religion. (suite…)

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DE L’AUTRE COTE DU MUR

De l'autre côté du murDe Christian SCHWOCHOW – Allemagne 2014 – 1h42 – VOST
Avec Jördis Triebel, Tristan Göbel, Alexander Scheer…

Berlin-Est, 1978. La veuve d’un scientifique soviétique et son enfant ont obtenu l’autorisation de passer de l’autre côté du mur. Un passeport pour la liberté ? Pas tout de suite : Nelly est conduite dans le Centre d’accueil des réfugiés et émigrants de RDA. Le temps pour les services secrets de la RFA (et les agents de la CIA), de vérifier qu’elle n’est pas une espionne. Cela peut durer deux jours, deux mois, ou beaucoup plus : un homme, ancienne victime de la police politique est-allemande mais soupçonné d’être un « mouchard », attend son bon de sortie depuis deux ans… La fermeté de Nelly face « aux questions qui agressent », sa beauté solaire rappellent Nina Hoss, inoubliable dans le film Barbara, de Christian Petzold.

Critique

Berlin-Est, 1978. La veuve d’un scientifique soviétique et son enfant ont obtenu l’autorisation de passer de l’autre côté du mur. Un passeport pour la liberté ? Pas tout de suite : Nelly est conduite dans le Centre d’accueil des réfugiés et émigrants de RDA. Le temps pour les services secrets de la RFA (et les agents de la CIA), de vérifier qu’elle n’est pas une espionne. Cela peut durer deux jours, deux mois, ou beaucoup plus : un homme, ancienne victime de la police politique est-allemande mais soupçonné d’être un « mouchard », attend son bon de sortie depuis deux ans…

Le film sort de l’oubli ce camp de transit aux allures de caserne, où les candidats à la citoyenneté ouest-allemande étaient soumis à des inter­­ro­gatoires humiliants, proches des pratiques de la Stasi. Le réalisateur, qui lui-même né à l’Est, reconstitue la paranoïa qui régnait à Marienfelde par une mise en scène sous tension permanente. Les mouvements brusques de la caméra saisissent les regards apeurés, les colères de l’héroïne, persuadée d’être toujours sous surveillance. Et qui en vient à douter de tous… Jördis Triebel est une révélation dans ce rôle de femme blessée mais résiliente. Sa fermeté face « aux questions qui agressent », sa beauté solaire rappellent Nina Hoss, inoubliable dans le film Barbara, de Christian Petzold. Il y a une vraie puissance romanesque dans son énergie, sa soif de vivre une existence normale, enfin libérée des fantômes du passé…

Samuel Douhaire – Telerama

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Programme décembre 2014, janvier 2015

RESPIREVIE SAUVAGEBANDES DE FILLES CHANTE TON BAC D’ABORDTIMBUKTU DE L’AUTRE COTE DU MUR

 Attention : vérifier les horaires des séances sur le site Ciné Mont Blanc

Du 27 novembre au 2 décembre

RESPIRE
Respîre 3De Mélanie LAURENTFrance 2014 – 1h31
Avec Isabelle Carré, Joséphine Japy, Carole Franck, Lou de Laâge, Roxane Duran…
Récit d’une manipulation entre amies, cette seconde réalisation de Mélanie Laurent, ovationnée à la Semaine de la Critique à Cannes, frappe par sa justesse de ton et sa tension dramatique intense. Libre adaptation d’un premier roman d’Anne-Sophie Brasme, édité en 2001, la fascination de Charlie (Joséphine Japy) pour Sarah (Lou de Laâge), c’est avant tout le récit d’une apparente fusion. Charlie délaisse sa confidente Victoire (Roxane Duran) pour vouer un culte sans limite à Sarah, dont elle admire la liberté, l’indépendance d’esprit, et l’univers bourgeois qui semble lié à sa nouvelle amie.


 

Du 4 au 9 décembre

VIE SAUVAGE
Vie sauvage 1De Cédric Kahn – France – 2014 – 1h46
Avec Matthieu Kassovitz, Céline Sallette, ….
D’après l’histoire vraie de Xavier Fortin, qui à la fin des années 90 enleva ses deux fils confiés à la garde de leur mère pour les élever en pleine nature, en accord avec ses idées anticonsuméristes. Pour ce projet éducatif, ce personnage jusqu’au-boutiste entraine ses enfants dans une cavale clandestine qui va durer plus de 10 ans…L’histoire est d’abord vue à travers le regard du père , puis des enfants devenus adolescents qui feront leurs propres choix. Mathieu Kassovitz y est meilleur que jamais, à tel point qu’il est impossible de ne pas y voir en creux le signe de sa propre révolte.


 

Du 11 au 16 décembre

BANDE DE FILLES
Bande de fillesDe Céline Sciamma – France 2014 – 1h52
Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh
Marieme, 16 ans, vit en banlieue. Silhouette féline, nattes africaines, œil de biche, elle est d’une beauté ravageuse. En échec à l’école, mère de substitution à la maison, elle s’occupe de ses petites sœurs en essayant d’éviter les coups de son grand frère. Jusqu’au jour où elle rencontre trois filles, bien décidées à ne pas se laisser dicter de lois… Des bagarreuses, des enjôleuses, des drôlesses, qui soignent leur style et balancent leurs répliques avec une rage joyeuse. Pour cette bande de filles à la féminité explosive, pas question d’être des « filles bien », épouses cloîtrées trimant dur comme leurs mères soumises à la domination masculine.


 

Du 18 au 23 décembre

CHANTE TON BAC D’ABORD
Chante ton bac d'abordDe David ANDRE – France – 2014 – 1h 22
Avec les lycéens Gaëlle Bridoux, Nicolas Dourdin, Rachel Motte, Caroline Brimeux, Alex Margollé, Alice Dutertre et leurs parents…
Marier la comédie musicale au documentaire relève d’un coup de force esthétique ; de ces deux modes de représentation, David André a tiré l’originalité de Chante ton bac d’abord, qui se concentre sur un groupe d’élèves de terminale d’un lycée de Boulogne-sur-Mer. Trois filles et deux garçons, qui nous séduisent d’autant plus que, à la finesse d’observation dont le documentaire témoigne, s’ajoute une dimension particulière induite par les chansons. Onze titres, écrits par David André à partir de leurs propres mots et qu’ils chantent d’une voix plus ou moins assurée, livrant leurs états d’âme avec une justesse jamais prise en défaut. Ce procédé se révèle un puissant mode d’expression de l’intime, propice à la pleine expression de leurs sentiments. Au point qu’à la fin du film, on se surprend à avoir de la peine à les quitter.


 

Du 26 au 30 décembre

TIMBUKTU
Timbuktu 2D’Abderrahmane SISSAKO – Mauritanie, France 2014 – 1h37
Avec Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, Abel Jafri…
Chronique d’une population assiégée par les djihadistes où chaque homme et chaque femme sont décrits avec une humanité criante, même les combattants, qui sont parfois des croyants de peu de foi. Elle ne manque pas d’humour, un moyen de défense qui garde le film (et son sujet ultraviolent) de tomber dans le pensum lourd et permet d’ajouter une dimension fictionnelle forte à une dimension quasi documentaire. Abderrahmane Sissako joue la simplicité et permet de provoquer un débat complexe et de le déplacer au-delà d’une actualité quotidienne qui l’a rendu abstrait vu d’Europe.


 

Du 1er au 6 janvier

DE L’AUTRE COTE DU MUR
De l'autre côté du murDe Christian SCHWOCHOW – Allemagne 2014 – 1h42 – VOST
Avec Jördis Triebel, Tristan Göbel, Alexander Scheer…
Berlin-Est, 1978. La veuve d’un scientifique soviétique et son enfant ont obtenu l’autorisation de passer de l’autre côté du mur. Un passeport pour la liberté ? Pas tout de suite : Nelly est conduite dans le Centre d’accueil des réfugiés et émigrants de RDA. Le temps pour les services secrets de la RFA (et les agents de la CIA), de vérifier qu’elle n’est pas une espionne. Cela peut durer deux jours, deux mois, ou beaucoup plus : un homme, ancienne victime de la police politique est-allemande mais soupçonné d’être un « mouchard », attend son bon de sortie depuis deux ans… La fermeté de Nelly face « aux questions qui agressent », sa beauté solaire rappellent Nina Hoss, inoubliable dans le film Barbara, de Christian Petzold.

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Andreï Zviaguintsev

“Tout est russe dans ‘Léviathan’, tout est vrai”, Andreï Zviaguintsev, cinéaste intelligent.

Entretien | En visite en France, Andreï Zviaguintsev, le réalisateur russe primé à Cannes pour “Léviathan”, nous en dit plus sur son film.

Votre film aligne toutes les idées reçues que l’on peut nourrir en Occident sur la Russie : alcoolisme généralisé, corruption, violence. C’est vraiment ça la Russie d’aujourd’hui ?
Heureusement ou malheureusement, oui, c’est ça, c’est la Russie. Je n’avais pas l’ambition de décrire tout un pays, je n’ai filmé qu’un segment de la population dans la Russie rurale, mais ce que vous voyez est vrai. Après avoir vu le film, le ministère de la Culture russe est sorti abattu et a dit : « Ce n’est pas possible de boire autant en Russie. » Bien sûr que c’est possible ! Un matin, pendant le tournage, de la fenêtre de ma maison, j’ai vu passer un type titubant le torse penché en avant et juste après, un autre, titubant aussi mais cette fois-ci le torse penché en arrière. C’était le début de la matinée ! Pas mal de gens m’ont dit que j’avais simplement décrit leur vie. Tout est russe dans ce film, tout est vrai. Mais évidemment, ce n’est pas toute la Russie ! Ce n’est qu’un film de 2h30, vous êtes obligé de concentrer votre propos et un autre réalisateur vous aurait montré autre chose. Vous pouvez aussi faire un film sur les hipsters ou les végétaliens de Moscou.

 Vous avez choisi de tourner votre film près de Mourmansk, très loin de Moscou, au nord du cercle polaire arctique. Pourquoi ?
C’est l’un des endroits les plus beaux de Russie. Nous avons visité soixante-dix villes dans un rayon de 800 kilomètres autour de Moscou. On a cherché partout. Chaque fois, c’était délabré, sale. A Tériberka, la nature est exceptionnelle, c’est le bout du monde, il n’y a pas d’arbre, il n’y a que du vent. [La ville de Tériberka est un village fantôme, qui fut habité par 12 000 habitants et n’en compte plus que 900 ; la plupart des immeubles sont abandonnés, ndlr].

 

Votre film a été financé à hauteur 35 % par le gouvernement de Vladimir Poutine. Ça signifie que Poutine accepte la critique et même la finance ?

[Rire jaune] Soit c’est un choix rationnel, un pari, une sorte de défi : on va montrer qu’on peut accepter la critique. Soit c’est juste irrationnel et donc russe : quelqu’un n’a pas lu le scénario jusqu’au bout, ce qui est très probable. On ne saura jamais. A la fin du tournage, on s’est dit que l’on avait besoin du soutien politique de gens extérieurs au milieu du cinéma parce qu’on allait sûrement se faire attaquer [le film contrevient à la loi qui interdit le langage ordurier dans les arts et les médias, ndlr].On a demandé à la veuve de Soljenitsyne. Elle a regardé le film, elle a été choquée mais le soutient. Elle est très croyante, mais elle a admis que l’ivrognerie générale, la corruption, tout ça était vrai. La seule chose avec laquelle elle n’est pas d’accord, c’est la scène finale. [Attention, spoiler !] En aucun cas, nous a-t-elle dit, on irait construire une église sur les « ruines de quelqu’un ». J’espère que le film sortira en Russie en 2015. Cet automne, une seule copie sera diffusée à Moscou, c’est la condition pour que le film puisse concourir aux Oscar.

Ce film ne risque pas de remporter un succès démesuré en Russie… Il heurte la fierté nationale.

[Soupir] Le patriotisme est très développé par le pouvoir. Avec les Jeux de Sotchi, puis la Crimée et maintenant le Donbass, la cote de popularité de Poutine est passée de 30 à 85 %. La plupart des gens croient la propagande des médias selon lesquels Poutine va sauver les pauvres Russes d’Ukraine. Ce pays est extrême, irrationnel, imprévisible et en pleine crise de nerfs à cause de la guerre en Ukraine.

En pleine crise de nerfs ?
Tout le monde est dévoré par ce qui se passe en Ukraine. Ça touche toutes les familles. Les gens se disputent, des amitiés sont détruites. Je ne regarde plus la télé depuis six mois et je ne suis pas présent sur Facebook, mais mes amis me racontent. Des gens ont perdu des amis de trente ou quarante ans. Chaque réunion de famille tourne au pugilat. Du coup, la plupart des gens décident de ne plus en parler. C’est un sujet trop sensible.

Vos films s’ancrent de plus en plus dans le réel. Léviathan est très loin du conte philosophique qu’était Le Retour. C’est un choix ?
Non, ce n’est pas du tout une stratégie artistique, je ne veux pas particulièrement m’inscrire dans le « cinéma du réel ». Il y a juste des choses qui me mettent hors de moi. Ce pays est peut-être trop vaste pour être gouverné. Pour la plupart des Russes, Poutine est un type totalement inaccessible et Moscou, à plusieurs jours de train. En Russie, on dit depuis toujours, « Dieu est haut, le Tsar est loin ». Dans un pays en bonne santé, c’est important de savoir qui a le pouvoir. Nous, c’est l’inverse : le pays est en mauvaise santé et tout le monde se fiche de savoir qui le dirige. Ça me rend fou. Je ne peux pas me taire.

Propos recueillis par Nicolas Delesalle

 

 

 

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