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The Lost City of Z

The Lost City of Z

  Un film de James Gray

Aventure- USA-2H30

Avec :

Charlie Hunnam, Sienna Miller, Robert Pattinson

Le chef opérateur : Darius Khondji

Signer un film intimiste avec toute la matière d’une fresque d’aventure : voilà l’exploit inattendu de James Gray, le réalisateur de Little Odessa (1995) et de Two Lovers (2008). Depuis qu’il avait annoncé, il y a une petite décennie, vouloir adapter la biographie de l’explorateur britannique Percy Fawcett (1867-1925), mystérieusement disparu, le doute était permis. Aujourd’hui, le résultat, majestueux et subtil, déjoue les catégories existantes. Derrière son classicisme apparent, The Lost City of Z est un prototype.

D’abord, la jungle équatoriale n’envahit pas tout. L’ancrage familial et social de l’explorateur prime.. Les discussions, préalables au départ, avec l’épouse enceinte (Sienna Miller) reflètent la complexité profonde de ce héros aristocrate. Se laissent deviner à la fois l’ambition et la dérision de l’ambition ; en même temps, l’appel du large et les derniers feux de l’indolence juvénile.

L’attention portée aux visages par le cinéaste (et son chef opérateur, Darius Khondji) est d’emblée bouleversante. Nombre de réalisateurs qui disposent d’un budget inhabituel se laissent dévier de leur trajectoire artistique. Pas James Gray, qui, depuis ses débuts, filme avant tout des dilemmes intimes, des tourments existentiels.

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The Young Lady

Film de William OLDROYD – GB  – 2016  – 1h29mn – VOST

Avec Florence Pugh, Cosmo Jarvis, Paul Hilton, Naomi Ackie..

Scénario d’Alice Birch, d’après le roman de Nikolai Leskov La Lady Macbeth du district de Mtensk

Il y a comme une chronologie secrète autour de The Young Lady, une macération du temps qui déboucherait à aujourd’hui et à ce film. De fait, tout commencerait vers 1600 quand Shakespeare écrivit Macbeth, et de ce drame sombre, on retiendra surtout le personnage de Lady Macbeth, femme fatale et reine manipulatrice. Plus tard en 1847, Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë exaltera, au milieu de la lande écossaise, l’amour fou de Catherine Earnshaw pour Heathcliff. Plus tard encore, en 1857, Madame Bovary de Gustave Flaubert fera de son Emma une femme malheureuse enfermée dans les conventions (et qui en mourra). Enfin en 1865, La Lady Macbeth du district de Mtsensk de Nikolaï Leskov, dont The Young Lady est une libre adaptation, semble compiler naturellement ces trois-là et inspirera même un opéra en quatre actes de Dmitri Chostakovitch. On pourrait, pourquoi pas, continuer jusqu’en 1928 avec L’Amant de Lady Chatterley de D. H. Lawrence où une femme, Constance, redécouvre l’amour et le bonheur avec un garde-chasse, un homme extérieur à son milieu…

The Young Lady paraît ainsi se nourrir, se gorger de ces femmes tragiquement amoureuses, de cette littérature romantique et noire, pour façonner son héroïne, une héroïne nouvelle, inédite : Katherine. Dans le fond et dans sa forme, le film reprend plusieurs points, quelques particularités de chaque roman pour en faire, là aussi, une sorte de mélange, un alliage parfait : l’amour interdit, la manipulation, le meurtre, le désespoir, la mort, la différence de classe et la lande tout autour… Nous voyons donc une jeune femme asservie par un patriarcat brutal s’enfoncer de plus en plus dans les ténèbres, non plus par amour et par passion (même si ça pourrait être le cas au début), mais presque par vengeance de ce qu’elle a subi : mariée de force, cloîtrée dans le manoir familial, délaissée par son mari et réduite au rôle d’épouse obéissante.

Ses actes sont comme une rébellion nécessaire pour s’affirmer, tenter d’exister face à un mari et un beau-père détestables, rébellion qui deviendra plus radicale, jusqu’à l’impensable. À la fois victime et bourreau, Katherine incarne cette forme d’innocence réduite en morceaux par une société toujours plus oppressive, apte à engendrer ses propres monstres – dont elle sera l’un des spécimens les plus brillants. William Oldroyd (metteur en scène) et Alice Birch (scénariste), tous deux venus du théâtre londonien, se sont habilement emparés du roman de Leskov en décidant de le transposer dans l’Angleterre victorienne. Au cœur d’une nature farouche et d’intérieurs stricts, étouffants malgré leur dépouillement, Oldroyd en magnifie la noirceur, le fiel et la modernité avec une douceur étonnante, sans excès, mais toujours avec piquant. Il révèle également l’étonnante Florence Pugh dont l’intensité et la présence habitent à merveille ce rôle de jeune femme sur le point de s’affranchir de tout, quitte à embrasser le Mal.
(seuilcritique.com)

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Orpheline

ORPHELINE 

Un film de Arnaud des Pallières – France – 2017 – 1h51 

Avec Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot, Vega Cuzytek…

Marcel Proust avait sa théorie des « moi » successifs : les personnes différentes, étrangères les unes aux autres, que nous devenons, au cours de notre vie…Il y a une idée de cet ordre dans le pari d’Arnaud des Pallières : restituer les métamorphoses d’une femme en la faisant jouer, tour à tour, par quatre actrices.

On découvre l’héroïne presque trentenaire (Adèle Haenel).  Puis on remonte le temps. On la voit à 20 ans (Adèle Exarchopoulos), jeune adolescente (Solène Rigot) et finalement enfant (Vega Cuzytek).

Le réalisateur vient du documentaire de création et ses films sont conçus comme des expériences…Orpheline n’a donc rien à voir avec ces fictions en plusieurs époques où l’on vieillit peu à peu le comédien. C’est moins le changement physique qui intéresse le cinéaste que la captation, à chaque étape, d’une nouvelle personnalité, d’un autre rapport au monde.

L’unité secrète du portrait, au-delà des changements de visage (et même de prénom !) tient à une mise en scène qui, chez Arnaud des Pallières , n’avait jamais atteint un tel degré d’incarnation. Aucune des quatre actrices n’est moins captivante que les autres. Leur éclat et l’acuité du regard porté sur elles assurent une continuité…

Enfant, l’héroïne est le témoin muet d’un drame qui la coupe symboliquement de sa famille et en fait cette « orpheline » des périodes suivantes. Le récit ne perd en intensité que dans les méandres amenés par le fait divers : à 20 ans, la jeune femme est mêlée à une affaire criminelle.

Le plus beau,  le plus troublant restent la demande d’amour immense, à la fois pathétique et motrice, qui taraude le personnage. Un puits sans fond, qui la fait se jeter dans les bras et le lit des hommes dès l’adolescence…Cette demande compulsive devient un danger pour l’héroïne au moment d’assurer sa subsistance, de ce construire.

Dès lors, le suspense final, où on la retrouve adulte, comme au tout début, porte moins sur les suites judiciaires que sur la possibilité d’une indépendance… enfin. (Louis Guichard)

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Corporate

                                                                   CORPORATE

Un film de  Nicolas SILHOL

 

France- -2017 – 1h35

 

Avec : Céline Sallette

         Lambert Wilson

            Stephane de Groodt

                                           Brillante responsable des ressources humaines dans un groupe agroalimentaire, Emilie Tesson-Hansen n’a pas d’état d’âme. Dalmat, un cadre d’une quarantaine d’années, veut la rencontrer mais la jeune femme ne cesse de repousser le rendez-vous. Il finit par se suicider dans l’enceinte de l’entreprise. Emilie est tout de suite pointée du doigt. L’inspectrice du travail l’a dans sa ligne de mire. Ses supérieurs ne sont pas plus tendres, notamment Stéphane, le directeur des ressources humaines. Alors qu’elle tente de s’éviter la prison, elle donne des informations à l’inspectrice sur les méthodes de la société… Emilie Tesson-Hansen (Céline Sallette) est une « tueuse », elle en est fière, c’est même pour cela qu’elle a été embauchée comme responsable des ressources humai­nes par le fringant PDG Stéphane Fron­cart (Lambert Wilson). S’il l’a recrutée, c’est pour se débarrasser de certains cadres de l’entreprise, trop vieux, pas assez performants, en les poussant à la dépression, donc à la démission. Jusqu’au jour où l’un des cadres qu’elle a mis sur la touche se suicide sur son lieu de travail. La veille, il avait, une fois de plus, désespérément cherché à lui parler, mais elle avait fait la sourde oreille. Lorsqu’une enquête est ­ouverte par une inspectrice du travail zélée, Emilie est prévenue par sa hiérarchie : dans l’intérêt de la boîte, elle doit faire bonne figure, rester « corporate ». De toute manière, elle n’a rien à se reprocher…Voilà un premier film qui tombe à pic. Alors que les thèmes du burn-out et du stress au travail s’invitent dans la campagne présidentielle, ce thriller psychologique, précis, tendu, décortique les mécanismes du « management par la terreur », de plus en plus en vigueur. Dans un décor sans âme où le stress et l’intimidation sont palpables, Nicolas Silhol privilégie le facteur humain en la (belle) personne de l’inspectrice du travail (Violaine Fumeau), sorte de cow-boy moderne, en lutte contre une rentabilité inhumaine. Mais le personnage pivot est bien sûr Emilie : au-delà du film dossier à la Yves Boisset, Corporate est un magnifique portrait de femme, actrice consentante, et même active d’un système qui lui promet une carrière toujours plus brillante. Constamment dans le contrôle avec son che­mi­sier de rechange et son déodorant pour rester impeccable, elle paraît aussi ­inébranlable que les baies vitrées des bureaux où se reflète son profil parfait. C’est cette carapace en train de se fendre que filme le réalisateur. Et cette question qui affleure dans les yeux de glace d’Emilie : moi qui suis forte, à quel moment suis-je devenue un mons­tre ? En creux, il en pose une autre, plus générale : jusqu’à quelles extrémités une femme doit-elle aller pour s’imposer dans un monde d’hommes ? Dans ce rôle, Céline Sallette est remarquable. Dans le contrôle, elle aussi, loin de sa fougue habituelle, elle évoque une ­héroïne de Hitchcock contemporaine : le feu sous la glace néolibérale. Et chacun de ses regards, de plus en plus apeurés, est un indice de son réveil progressif. Une nuit, alors qu’elle mime un entretien d’embauche avec son mari, la « tueuse » se lance soudain dans un ­monologue qui trahit son effarement devant ce qu’elle est, ce qu’on la force à être. Particulièrement dans cette séquence, Corporate est un film important. Marquant.

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Arnaud des Paillères

Né le 1er décembre 1961 à Paris

France

Scénariste, réalisateur, monteur

Adieu, Disneyland, mon vieux pays natal, Parc, Michael Kohlhaas, Orpheline

Orpheline raconte l’histoire rude de quatre femmes qui s’avèreront n’être au final qu’une seule et même personne. Ce film, grand gagnant de la dernière édition du FIFF, a remporté le Bayard d’or et le prix d’interprétation féminine du rendez-vous des cinéphiles namurois. Orpheline semble déjà avoir glané ses lettres de noblesse. A la rencontre d’Arnaud des Pallières pour nous permettre de mieux comprendre l’idée qu’il a voulu transmettre par ce film… (suite…)

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Nicolas Silhol

silhol

Réalisateur, scénariste,

Nicolas Silhol est diplomé de la FEMIS.

Après avoir animé des ateliers d’écriture et de réalisation en milieu scolaire, hospitalier et carcéral, il tourne, en 2008, son premier court-métrage de fiction : « Tous les enfants s’appellent Domnique », pré-nominé aux Oscars 2010, Grand Prix au festival de Toronto, et Prix France Télévisions L’Express du court-métrage. En 2010, il tourne « L’amour propre », son second court-métrage, sélectionné à Cannes à la Semaine de la Critique.

 

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James Gray

Né en 1969 0 New York

USA

Réalisateur

Little Odessa, The Yards, La Nuit Nous Appartient, Two Lovers, The Immigrant, The Lost City of Z

Le réalisateur de “Little Odessa” change d’horizon. Il a enfin réussi à achever le tournage dantesque en Amazonie de la fresque dont il rêvait… Mais ce petit-fils d’immigrants ne se remet pas de la victoire de Trump.

Grand cinéaste américain, au style romanesque et inquiet, et à l’humeur souvent mélancolique, James Gray laisse transparaître aujourd’hui une sérénité relative. Il a enfin mené à bien un ample projet qui lui tenait à coeur depuis huit ans, et dont l’arrêt brutal, à plusieurs reprises, l’avait désespéré. The Lost City of Z (en salles le 15 mars) raconte les expéditions successives en Amazonie, entre 1906 et 1925, d’un explorateur anglais persuadé de découvrir les traces d’une civilisation inconnue dans la jungle équatoriale. D’un faux classicisme, le résultat est une splendeur, (suite…)

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PROGRAMMATION AVRIL MAI 2017

 

 

 

 

the lost cityDu 20 au 25 avril

THE LOST CITY OF Z

De James Gray – USA – 2017 – 2h30 – VOST

Avec Charlie Hunnam, Sienna Miller, Robert Pattinson…

En 1906, Percival  Fawcett,  colonel britannique, a pour mission d’établir une cartographie de la frontière entre le Brésil et la Bolivie., région convoitée pour son caoutchouc. Persuadé d’avoir découvert les restes d’une mystérieuse civilisation, (suite…)

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Thierry Frémaux

thNé le 29 Mai 1960 à Tullins

France

Directeur de l’Institut Lumière de Lyon

Délégué Général du Festival de Cannes depuis 2007

Lumière ! L’aventure continue propose aux spectateurs du XXIème siècle de redécouvrir les premiers films de l’histoire du cinéma sur grand écran. Interview de Thierry Frémaux. (suite…)

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L’autre coté de l espoir

 L’AUTRE COTE de L’ESPOIR

D’Aki Kaurismaki, Finlande 1h38 en Vo, avec Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen

OURS d’argent à Berlin 2017

 

Ours d’argent à Berlin, L’Autre côté de l’espoir  est une histoire de destins croisés ceux de Khaled et de ­Wikhström, ,

Il suit ­Khaled, un jeune réfugié syrien qui a dû fuir son pays au début de la guerre et s’est retrouvé par hasard en Finlande. Il raconte son histoire comme on réciterait une liste de courses : il a perdu tout ce qu’il avait et tente de retrouver sa sœur dont il a été séparé lors d’un contrôle à une frontière. La femme qui l’écoute est tout aussi impassible que lui. Un ami réfugié irakien de Khaled  l’invite à essayer de sourire pour s’intégrer, car, ici, on expulse ceux qui sont tristes. Sauf que les personnages kaurismäkiens sont trop épuisés pour avoir la force d’exprimer quoi que ce soit : le réel les a, semble-t-il, dépouillé aussi de cette capacité làIl suit ­Wikhström, un représentant de commerce de 50 ans qui, après avoir gagné une grosse somme au poker, quitte femme et travail pour ouvrir son propre restaurant.

La première fois que l’on voit Khaled, c’est une apparition fantastique qui émerge de la nuit et s’extirpe d’un tas de charbon. Il se promène sale, maculé de noir dans les rues d’Helsinki : c’est l’étranger. Lorsque Wikh­ström quitte sa femme, il fait sa valise, dépose son alliance dans le cendrier situé devant elle. Ils ne se disent rien. Peut-être dans le scénario y avait-il seulement indiqué cette phrase : « Un homme quitte sa femme. »

A la manière de ses personnages, Kaurismäki nous dit à sa façon qu’il racontera toujours la même histoire, celle d’opprimés qui tentent de s’évader, de s’offrir une nouvelle condition. Ils se font une idée très naïve, presque romantique de leur vie meilleure : fonder sa propre entreprise, s’établir dans un autre pays. Comme Khaled, qui pense être arrivé sur une terre d’accueil qui pourtant le rejettera, ils ont la naïveté de croire qu’un ailleurs plus hospitalier existe, qu’on peut réellement se sortir du monde et du travail

Kaurismaki a  son romantisme : il fantasme un monde méchant dans lequel un groupe d’exploités s’organiserait pour entrer en résistance ; son système fonctionne par manichéisme. Mais il s’attendrit pour ses personnages, les idéalise, et se voit comme leur consolateur. Ils n’ont rien mais ils auront la bonté, l’esprit de résistance, l’hospitalité.  On ne peut qu’ s’’être touché de voir un cinéaste vieillir et, en vieillissant, gagner en inquiétude, en littéralité et en tendresse. Et on trouve en lui un père aimant. L’autre côté de l’espoir déploie , avec un charme fou, un humour flegmatique, une vision du monde légèrement désinvolte et profondément empathique.

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