Anomalisa et le « stop motion »

Avare de commentaires sur son oeuvre, préférant laisser les spectateurs se faire une opinion, Charlie Kaufman veut bien reconnaître dans un demi-sourire qu’ANOMALISA, dans son incarnation animée, “dure environ une heure et demie”. Après une campagne kickstarter fructueuse, Charlie Kaufman, Duke Johnson et Rosa Tran mirent sur pied une équipe de spécialistes de la stop motion capable de mettre en images (par images) les tribulations de Michael Stone et Lisa Hesselman, et leur aventure dans les couloirs de l’hôtel Fregoli. Le scénario du film reste globalement inchangé par rapport à celui de la pièce. “Les personnages sont les mêmes, les acteurs sont les mêmes, le script est identique, quasiment à la virgule près”, dit Charlie Kaufman. “Le script m’a toujours semblé être taillé pour l’animation”, rajoute Duke Johnson. “Il se prête naturellement au médium”.

Charlie Kaufman et Duke Johnson travaillèrent de concert pour créer le look et le feeling particuliers d’Anomalisa. Avec Rosa Tran, ils sollicitèrent les plus grands talents de la stop motion, réunirent des techniciens specialisés dans la sculpture, le moulage, la fonderie, les costumes, les cheveux, les accessoires, l’habillage de scène et l’animation de marionettes, processus délicat consistant à enregistrer le mouvement des figurines miniatures (les personnages) en les photographiant dans une certaine attitude et en les réajustant pour chaque photogramme du film. Ils engagèrent le directeur de la photographie Joe Passarelli, qui travailla chez Starburns Industries sur “Mary Shelley’s Frankenhole”, pour son expérience considérable en dehors du domaine de la stop motion. Anomalisa a beau être animé, son histoire se déroule dans un monde sensiblement réaliste et banal, des vêtements sans relief des personnages aux chambres d’hôtel, couloirs, bars à cocktails et halls de conventions monotones qui les contiennent.

À chaque étape de la production, l’équipe d’Anomalisa s’efforça de rendre le monde du film le plus réaliste possible, les artistes se focalisant sur des détails minutieux tels que le brillant des yeux des personnages, leurs traits de visage irréguliers, leurs mains épaisses, leurs attitudes naturalistes. “On voulait que les corps sonnent vrai”, dit Charlie Kaufman. “Les marionettes sont minuscules et requièrent une grande précision de mouvement de la part des animateurs pour donner vie aux regards. Les personnages devaient être émouvants et expressifs.” Les cinéastes laissèrent délibérément les coutures sur les visages de Michael, Lisa et les autres pour se démarquer de la production stop motion traditionnelle, où les deux plaques frontales figurant le front et le bas du visage sont souvent repeintes digitalement pour créer un look anthropomorphique plus lisse. Les réalisateurs préfèraient une approche plus rugueuse, pour coller au malaise existentiel de Michael Stone. “Lorsque les films d’animation à gros budgets font de la stop motion, les marionettes sont tellement retouchées en post- production qu’elles ressemblent visuellement à des personnages générés par ordinateur”, affirme Charlie Kaufman. “C’est très difficile de faire la différence. En ce qui nous concerne, on ne voulait pas lutter contre les techniques qu’on employait. Symboliquement et métaphoriquement, cette décision créative contribuait fortement à ce qu’on essayait de faire et de dire avec ce film, et on a donc choisi de conserver les coutures.”

Les acteurs principaux de la pièce sonore ont également été conservés, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan et David Thewlis assurant la transition de la scène à l’écran. Préférant là encore rester secret sur ses intentions quant à l’emploi inédit de la voix off dans le film, Charlie Kaufman est ravi d’avoir réuni le cast originel, qui n’aura finalement donné que deux représentations de la pièce. “On a travaillé très dur sur cette pièce, puis chacun est parti de son côté”, se souvient-il. “On a tous adoré l’expérience, et on l’a fait purement par amour. Personne n’était rémunéré. Ça ressemblait à du théâtre communal, au meilleur sens du terme. On était tous là parce qu’on le voulait, et pour aucune autre raison. Il y a une certaine excitation là-dedans. Et je voulais reproduire cela avec eux.”

A l’écran, Anomalisa s’intègre de façon transparente à l’œuvre de Charlie Kaufman :Dans La Peau De John Malkovich, Adaptation, Eternal Sunshine Of The Spotless Mindet Synecdoche, New York. Des classiques modernes mettant en scène des protagonistes malheureux mais inoubliables, expérimentant la solitude et le vague à l’âme dans des circonstances surréalistes et cruellement drôles. Avec son titre “jeu de mot” reflétant l’amour du scénariste- réalisateur pour le langage et les sens multiples,Anomalisa explore des thèmes typiquement kaufmaniens tels que la solitude, la mélancolie, la dépression, la quête de relation – ou “une sorte d’espoir de relation”, précise Charlie Kaufman.

Pour Charlie Kaufman et Duke Johnson, le plus gros challenge que présentait l’adaptation d’Anomalisa en film stop motion fut de créer un objet visuel à partir d’un projet spécialement conçu pour ne pas l’être. “Certains éléments majeurs de l’histoire sont écrits de sorte que c’est au spectateur de les inventer”, conclut Charlie Kaufman. “Sans rentrer dans le détail, le processus consistant à traduire ces éléments en images fut long et complexe. Mais lorsque ça a commencé à ressembler à un film, et non à une pièce sonore, on était très excités. Il y a des choses qui sont reçues différemment selon que que vous les projetiez sur un écran, ou dans la tête d’un auditoire, comme dans la version scénique. Il est d’ailleurs difficile pour nous de penser à Anomalisa aujourd’hui sous sa forme initiale”.

Notes de production

Animation en volume

Une animation image par image montrant le mouvement d’une voiture en Lego.

L’animation en volume est l’une des techniques d’animation, donnant l’illusion de voir des objets animés d’une vie propre et doués de mouvements, procédé parfois désigné par l’anglicisme stop motion (ou stop-motion) .

La technique est la même que celle du dessin animé : une scène constituée d’objets est filmée à l’aide d’une caméra dédiée à l’animation, c’est-à-dire pouvant enregistrer un seul photogramme à la fois sur une pellicule cinématographique ou sur un support numérique. Entre chaque prise de vue, les objets de la scène sont légèrement déplacés. Lors de la restitution (voir note en fin de ce §), ces objets — pourtant immobiles lors des prises de vue — donnent l’illusion de se mouvoir.

Note : à la vitesse internationale de 24 images par seconde pour les projections sur support argentique, ou, en diffusion vidéo, à la vitesse standard européenne (et dans certains pays africains) de 25 images par seconde, ou de 30 images par seconde aux États-Unis (et dans leurs zones d’influence)

Problème de l’image par image

Comme on l’a vu, l’animation image par image consiste à prendre une photo fixe d’une scène fixe, d’en modifier légèrement le contenu, reprendre une autre photo fixe, modifier, ad libitum. Cette succession d’instantanés a pour effet secondaire de supprimer le flou de mouvement (motion blur en anglais), le flou directionnel qui apparaît dans les films, ou bien lorsqu’on fait une photo en bougeant trop vite l’appareil ou si le sujet se meut rapidement, par rapport à la vitesse de prise de vue de l’instantané. La conséquence est que l’animation manque de fluidité dans les gestes rapides, quand le déplacement est important d’un photogramme au suivant. Le rendu donne alors une impression de cisaillement, alors que dans la vie courante, l’œil humain est habitué à percevoir flou ce type de mouvements rapides.

Pour y remédier, en animation en volume, on bouge un peu le sujet lors de la prise de vue, dans la direction du mouvement que l’on veut représenter : c’est le go motion. Ces deux effets sont utilisés dans de nombreux courts métrages en volume, ainsi que dans la saga Star Wars par Phil Tippett : dans Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir les animations des créatures holographiques du jeu d’échecs4 (réalisées en stop motion) sont saccadées, alors que dans l’épisode V celles des tauntauns (réalisées en go motion) sont très fluides.

Dans les techniques traditionnelles avec caméra argentique, le fondu enchaîné de très courte durée (soft cut) était parfois utilisée pour réduire les saccades mais l’animation en volume bénéficie comme les autres formes d’animation de l’informatique car des logiciels permettent maintenant de lisser les mouvements enregistrés image par image, pour leur donner la fluidité nécessaire, par une détermination des déplacements clés, puis par un calcul du flou à appliquer entre chaque image. Ce calcul se fait en 2D, alors que les objets photographiés sont souvent des objets en volume sur plusieurs plans. Les films d’animation Magic Bullet et Twixtor utilisent ces techniques.

(extraits de l’article « Animation en Volume » de Wikipédia)

 

 

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