Viver mal, mal viver

Mal Viver et viver Mal   :Semaine du 9 au 14 novembre 2023

Films portugais et français de Joao Canijo. Avec Anabela Moreira, Nuno Lopes, Leonor Silveira, Rita Blanco, Madalena Almeida (2 h 04, 2 h 07).

 L’ensemble copieux composé par Mal Viver et Viver Mal, qui arrive sur les écrans français, précédé en réputation d’un Ours d’argent décroché lors de la Berlinale 2023, accole deux films siamois, autour d’un même lieu et d’un même faisceau d’événements.

L’action se situe dans un hôtel de luxe de la côte nord du Portugal, où se rendent touristes riches, parfois célèbres, pour lambiner quelques jours autour de la grande piscine extérieure. Le premier volet (Mal Viver) est consacré aux tenancières, dynastie de femmes – mères, filles, cousines – qui tiennent l’établissement à bout de bras, s’occupant qui de l’accueil, qui du ménage, qui de la cuisine avec une humeur saturnienne et détraquée qui inquiète tout le monde. L’arrivée surprise de sa fille Salomé (Maddalena Almeida) accroît la tension et renverse le statu quo du gynécée.

Le second volet (Viver Mal) investit le même continuum, mais cette fois du point de vue des clients : couple malade d’influenceurs aliénés, mères abusives ou vampiriques (dont l’impériale Léonor Silveira), enfants tiraillés ou désavoués. L’action centrale du premier volet devient l’arrière-plan du second, et inversement.

L’ensemble intrigue par sa spatialisation louvoyante et vénéneuse, ses cadrages sophistiqués, ses élégants jeux de distances et d’échelle. Canijo joue de la structure hôtelière comme d’un espace morcelé, intégralement dépliable, où chaque personnage circule dans une trame oppressante de lignes horizontales et verticales. Les parois expriment la séparation, les fenêtres allumées dans la nuit montrent les destinées parallèles.

Le monde décrit par Canijo, où règnent consternation, aliénation et frustration, est sombre. Reste le plaisir feuilletonnant, non négligeable, des vies qui s’entrecroisent, des points de vue qui se renversent, du ’hors-champ qui se prolonge. Mais la mécanique est froide et l’esthétique vitrifiée. La caméra regarde par la fenêtre, caresse les murs : on reste au seuil de ce film-auberge, maison d’architecte finalement peu accueillante.

D’après la critique du » Monde » Mathieu Macheret 11 octobre 2023

 

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