À Hénart, petite ville – fictive – du Nord, tout le monde connaît Pauline Duhez (Émilie Dequenne), une infirmière qui sillonne tous les jours les rues de la cité. Normal qu’à l’occasion des élections municipales, le docteur Berthier (André Dussollier), ancien député européen et notable bien connu, lui propose de venir sur la liste d’Agnès Dorgelle (Catherine Jacob), chef du Rassemblement National Populaire. Le plan de Berthier est le suivant : Pauline sera numéro deux derrière la blonde parisienne Dorgelle et elle fera le boulot pour celle qui doit privilégier son engagement national.
Au début, Pauline est sur un petit nuage, cela la change de son travail auprès des malades, même si elle l’aime bien. Mais très vite la machine se grippe quand elle apprend que Berthier masque un passé douteux d’activiste d’extrême-droite. Cette gêne est accentuée par le nouveau compagnon de Pauline, Stanko (Guillaume Gouix), un ami d’enfance, qui a fait partie autrefois des nervis au service de Berthier. Cela aussi, Pauline aurait préféré ne pas le savoir.
Donc, ce qui ne devait être qu’une formalité, une marche facile vers la victoire, s’annonce plus compliqué. Les cadavres sortent des placards et Agnès Dorgelle, qui veut faire oublier les déclarations tonitruantes de son père sur les juifs, les arabes et les « apatrides », a bien du mal à gommer le passé sulfureux de ses principaux collaborateurs. Mais elle y arrivera.
La réussite de « Chez nous » tient à la ligne du réalisateur : il suggère sans démontrer, il tente d’expliquer mais jamais n’affirme de manière péremptoire. Il filme les coulisses dans cette fiction, il donne une sorte de profondeur de champ à un mouvement au fond assez opaque. S’il prend parti, c’est pour la transparence. Lucas Belvaux aime le Nord. « Cette campagne est belle, dit-il, belle à l’aube, quand elle est bleue, à midi quand elle est verte, belle encore le soir quand les villes l’illuminent ». Il ajoute qu’elle est triste quand les hommes la couvrent de zones commerciales. Et tout cela est dans son film avec les aubes et les crépuscules magiques mais aussi les échangeurs d’autoroutes sans âme, les rangées de maisons proprettes où l’on se sent en sécurité, « chez nous », mais aussi les barres d’HLM ouvertes aux quatre vents, chez eux… Un beau pays meurtri et en colère.