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Archives pour novembre 2019
Programmation novembre décembre 2019
LE TRAITRE
Du 28 novembre au 3 décembre
De Marco Bellocchio- Italie- France- Allemagne- Brésil- 2H31- VOST
Avec : Pierfrancesco Favino, Maria Fernanda Cândido, Fabrizio Ferracane, Nicola Cali
Début des années 80, les parrains de la Mafia sont réunis dans un somptueux palais palermitain. La guerre entre eux est à son comble. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, s’enfuit au Brésil. Pendant ce temps en Italie, les règlements de comptes s’enchaînent et les proches de Buscetta, dont deux de ses fils, sont tués. Arrêté au Brésil et extradé en Italie, il va jouer les repentis et collaborer avec l’Etat. Autre décor, palais de justice, cours d’audience, mafieux vociférants dans des cages, on est loin de la mythologie et des fastes romantisés. Il dénonce ses anciens partenaires avec jubilation, il parle, se confesse et assume tout. Il permet ainsi des centaines d’arrestations. Ce « prince des repentis « est toujours considéré par certains italiens comme un traître, en témoignent certains murs de Palerme couverts de graffitis anti- Buscetta. Marco Bellocchio signe là un thriller intense sur cette sombre et véritable histoire.
ADULTS IN THE ROOM
Du 5 au 10 décembre
De K. COSTA-GAVRAS–France/Grèce-2h04.
Avec Christos Loulis, Alexandros Bourdoumis, Ulrich Tukur.
Récit de la tragédie grecque de 2015, à partir du témoignage du principal représentant grec (Yanis Varoufakis) qui a été au coeur des « coulisses secrètes de l’Europe » et aussi à partir des enregistrements qu’il a dû faire lors des réunions avec l’Eurogroupe et la « troïka », faute de procès-verbal de ces réunions. Une organisation où ne compte plus que l’impératif économique ; le vote des citoyens grecs est méprisé et leur condition condamnée à la pauvreté. Tandis que l’assise juridique de l’Eurogroupe n’existe même pas. Un thriller palpitant sur un abus de pouvoir, une véritable dictature économique. Le règne de l’arbitraire est évoqué dans le titre : « (Il faut ou y a-t-il) des adultes dans la salle.)
J’AI PERDU MON CORPS Du 12 au 17 décembre
De Jérémy Clapin – France – 1h21
Avec les voix de : Hakim Faris, Victoire Du Bois, Patrick d’Assumçao
Une main coupée s’échappe d’un laboratoire pour retrouver son propriétaire.
Grâce à un hallucinant sens du cadre et du montage, on retient son souffle. Et la main, celle de Naoufel, orphelin, devenu jeune homme, se souvient de son enfance. Quand elle était, justement, celle d’un petit garçon qui rêvait d’être à la fois cosmonaute et concertiste, qui jouait du piano avec sa maman ou laissait glisser du sable entre ses doigts.
Ce premier long métrage d’animation, constamment étonnant et bouleversant, va raconter une histoire apparemment toute simple: la vie, empêchée, mais portée par l’espoir, d’un jeune homme d’aujourd’hui.
Grand prix au festival d’Annecy et à Cannes 2019
LA CORDILLERE DES SONGES
Du 19 au 24 décembre
De Patricio Guzman – France-Chili – 1h 25
Documentaire ( Prix du meilleur documentaire Cannes 2019 )
Exilé en France depuis 1973 et le coup d’état de Pinochet, le Chilien Patricio Guzman ne cesse, de film en film, de documenter l’histoire de son pays. La Cordillère des Songes est le troisième volet d’un triptyque géographique. Après Nostalgie de la Lumière, consacré au désert d’Atacama, après Le Bouton de Nacre sur la relation compliquée du Chili à l’océan pacifique, ce troisième film évoque les montagnes chiliennes mais aussi entend dresser un parallèle entre géographie et histoire et dans un même temps continuer le procès des années Pinochet et de la société ultra libérale du Chili actuel. « J’ai voulu filmer cette immense colonne vertébrale pour en révéler les mystères, révélateurs puissants de l’histoire passée et récente du Chili ». Les évènements qui secouent en ce moment le pays font un écho à ce film réalisé bien avant.
DEBOUT SUR LA MONTAGNE
Du 9 au 14 janvier
De Sébastien Betbeder, 1h48. Avec William Lebghil, Izïa Higelin, Bastien Bouillon
Stan, Hugo et Bérénice ont grandi dans les montagnes. Ils étaient inséparables. Ils sont devenus des adultes avec les épreuves de la vie. Un enterrement dans leur village natal fait se retrouver ce trio autrefois joyeux. Est-il possible de retrouver ce bonheur et cette candeur à l’âge adulte quand certains de vos rêves se sont envolés?
Betbeder tente d’en apporter la réponse avec un mélange délicat entre rires et larmes, avec un soupçon de fantastique.
Publié dans Archives réalisateurs
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J’ai perdu mon corps
J’AI PERDU MON CORPS
Grand prix de la Semaine de la critique, Cannes 2019 – Grand Prix et Prix du Public, Festival du film d’animation d’Annecy 2019. Pour tous mais pas avant 12 ans.
Deux récits, deux univers vont se déployer en parallèle et nous envoûter… D’abord celui de Naoufel… Livreur de pizza effacé, comme si son existence avait perdu tout relief, toute espérance. Il n’attend plus le déclic… qui pourtant surviendra au détour d’un jour triste et pluvieux, au bas d’un immeuble parisien impersonnel, devant une porte désespérante où on se casse le nez quand on n’en a pas le code… Le jeune homme sonne, livraison en main, désolé de son retard, prêt à s’excuser platement, à se faire rabrouer, comme souvent. Du haut du trente cinquième étage, lui parvient de l’interphone la magie d’une voix inaccessible. Elle appartient à Gabrielle, c’est ce que dit le nom à côté de la sonnette. Écoutant à peine ses propos taquins, il ne perçoit que sa jeunesse, sa douceur camouflée.
La seconde histoire, sans parole, impressionnante, est celle d’un membre « fantôme », comme on qualifie cette faculté qu’ont les mutilés de continuer à ressentir des sensations pour une partie de leur corps qu’ils ont perdue. On assiste ici à une surréaliste inversion des rôles : ce n’est plus l’humain qui part en quête du membre qui lui manque, mais une main désespérée qui tente d’échapper à son sort, s’évade d’un laboratoire et part à la recherche de son propriétaire…. Cette main va devenir très rapidement un personnage véritable. Pour elle on va trembler, quand elle se retrouvera aux prises avec des prédateurs plus grands qu’elle, aux prises avec nos pires cauchemars enfantins, la peur du noir, de la solitude, de l’abandon… On espérera pour elle, avec elle on sera émus, par la mélancolie de la pluie, la nostalgie de ce qu’elle fut, la douceur d’une menotte de nourrisson à la peau fine…
Il y aurait tant à dire encore sur ce J’ai perdu mon corps d’une richesse incroyable, qui donne autant à penser qu’à ressentir. Chacun y trouvera forcément son bonheur…
Publié dans Archives films
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Le Traitre
LE TRAITRE (titre original IL TRADITORE) De Marco BELLOCCHIO – Italie/France/Brésil – 2h25
L’italien Marco BELLOCCHIO signe un intense thriller mafieux autour de la figure du repenti Tommaso BUSCETTA. Un film tout en tension qui retrace avec maestria la fin d’un monde.
Au sein d’une édition cannoise 2019 extrêmement relevée (certains disent qu’on n’avait pas vu ça depuis 1980 et double Palme d’Or (Que le spectacle commence / Kagemusha), l’une des plus grosses surprises nous est venue de Marco Bellocchio. Non pas que le cinéaste italien de bientôt 80 ans, celui des Poings dans les poches, Le Saut dans le vide, Buongiorno notte ou encore Vincere, ne puisse pas être considéré comme un maître mais ses œuvres récentes étouffées et étouffantes versaient dans un auteurisme refermé sur lui-même (La belle endormie…) qui n’invitait pas à l’enthousiasme. Voilà donc ce TRAITRE, centré sur la seule figure de Tommaso Buscetta, homme fort de la mafia sicilienne qui aux débuts des années 80 répondra aux questions du Juge Falcone et sera considéré comme un traître par les « familles » et un repenti pour la justice et donc une grande partie de l’opinion italienne. Le maxi-procès qui suivra deviendra une scène de théâtre à l’italienne et fera tomber un à un tous les chefs des différentes familles.
A première vue aussi, pas grand-chose à attendre d’un genre – le thriller mafieux – qui aura donné au cinéma – surtout américain – des chefs-d’œuvre à la pelle à partir des années 30. Les cinéastes italiens, un peu à la traîne sur ce terrain-là, ont raconté leur propre histoire criminelle avec moins d’emphase et de génie (cf les films de Francesco Rosi). BELLOCCHIO répare la chose. LE TRAITRE déploie et superpose tension, force, violence, emphase et mélancolie qui contaminent tout le cadre et laissent abasourdi. La limpidité avec laquelle le réalisateur raconte cette sombre histoire pour en révéler sa part bouffonne et tragique est prégnante dès la première séquence. On y voit les différents clans de la Cosa Nostra fêter ensemble la Sainte Rosalie dans une belle maison et poser ensemble sur la photo d’une famille enfin réunie et soudée. Au milieu de ce panier de crabes, Tommaso Buscetta (impérial Pierfrancesco Favino) n’est qu’un homme de main, mais ses déplacements sont scrutés avec attention par les convives. Il évolue d’une pièce à l’autre avec autorité et une assurance qui ne trompent pas. Il récupère bientôt son fils quasi inerte sur la plage en pleine montée d’héroïne. Le fils vacillant réintègre illico la famille. La drogue est alors la grande affaire de la mafia, celle qui va asseoir mondialement sa force et bientôt précipiter son implosion. Pour l’heure, un feu d’artifice et des chants religieux parachèvent cette parodie de réunion familiale digne du Parrain de Coppola. Et puis les choses vont se précipiter. L’exil au Brésil pour Tommaso et une ribambelle d’assassinats fratricides en Italie dont le nombre en surimpression agit comme un compte à rebours inversé et suggère l’inéluctable à l’œuvre. Jusqu’ici tout va bien, les repères sont connus, les figures très imposées presque prévisibles… Rien ne prépare réellement à ce qui va suivre.
Le retour en Italie de Tommaso Buscetta va lancer un autre film, celui d’un long procès très commedia dell’arte où la figure de Tommaso va révéler sa vraie nature. L’homme assume, ne baisse jamais la tête face à ses juges et s’il tourne le dos à ses anciens partenaires parqués dans des cages au fond de la salle, il envisage chaque confrontation avec eux avec délectation. Derrière ses épaisses lunettes noires de rock star, il parle, se confesse, assume tout. On sent une jubilation. La mise en scène d’une fluidité déconcertante sait restituer la valeur de ces procès et dynamiser l’action par la seule force de la parole et de la gestuelle. Combats de boxe et joutes verbales. Marco Bellocchio manie l’ellipse à la perfection et face à ce déchaînement d’actions parvient à rester au plus près de l’intimité de son personnage dont on pressent le lent délitement intérieur. Le « bâtard », le « traitre », rejette son ancien monde et la conscience de ce reniement n’est pas sans conséquences affectives. Le cinéaste italien prend l’histoire de la mafia à son point culminant, à son entrée dans l’ère moderne où les méthodes « à la papa » seront bientôt dépassées. Dans la tourmente, Tommaso Buscetta a-t-il le temps de penser, de faire le point ? L’assassinat du Juge Falcone (la séquence est démente) sonnera la fin d’un jeu tourné vers l’extérieur pour la dernière partie du film plus introspective et mélancolique. Et dans un final magnifique digne d’u n western fordien, cette divine comédie s’achève. Mon dieu que le voyage fut intense !
Film en compétition au Festival de Cannes 2019.– D’après les critiques de PREMIERE –
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Adults in the room
ADULTS IN THE ROOM
De Costa-Gavras, France/Grèce, 2h04 d’après « Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe » d’Yánis Varoufákis, (joué par Christos Loulis), ex-ministre de l’économie de la Grèce du gouvernement de la coalition de gauche, après la victoire de Syrisa dirigé par Alexis Tsipras, en 2015.
Costa-Gavras a aussi pris en compte pour ce film les enregistrements des réunions avec l’Eurogroupe et la troïka (FMI, BCE, CE) que Varoufakis a réalisés quand il a découvert qu’il n’y avait pas de procès-verbal sur ce qui avait été dit, alors qu’il était le seul grec invité face aux ministres des finances de l’Europe et qu’il avait à rendre compte des négociations auprès de son gouvernement. D’autant plus que des infox étaient transmises aux médias, comme le fait qu’il n’apportait aucune proposition, alors qu’il aurait voulu communiquer celles qu’il avait préparées et à défaut les transmettre à l’extérieur, ce qui lui a valu d’être menacé d’expulsion du groupe de travail. Ceci traduit cette tragédie grecque où David hérite d’un pays avec une dette monumentale (320 milliards) et doit affronter Goliath qui, non seulement ne prend en compte que la réalité économique, mais tient à punir ces élus « gauchistes défenseurs de cigales. » Les pompiers pyromanes ne croient qu’à l’austérité. Tsipras finira par céder au chantage, menacé d’exclusion de l’Europe. Et alors Varoufakis démissionnera.
Et les jeunes diplômés grecs quittent le pays en masse, le chômage s’aggrave, les retraites baissent de 45%, les salaires chutent de 40%, des biens publics sont vendus au privé, des hôpitaux ferment… Aujourd’hui la dette demeure et les grecs sont appauvris largement plus.
Ce renversement, non seulement d’un peuple, mais aussi de la politique, par l’économie, par une gestion comptable, ne concerne pas que la Grèce ; il n’est que de voir ce que deviennent nos services publics en France, pourtant considérés comme le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Une déshumanisation qui gangrène le monde du travail et les services à la population.
Le sujet de Costa-Gavras, lequel souhaite une autre Europe, c’est de montrer l’abus de pouvoir, cette fois, celle d’une dérive du libéralisme tout-puissant, de la dictature et de la violence de l’économie lorsqu’elle se prétend exclusive. Et il met en scène le comportement de ces hommes qui ne lâchent rien. Jamais. Ils méprisent, ils discréditent, ils manipulent. Ils règnent. Ces mots, mais en anglais, de Christine Lagarde, présidente du FMI, devraient entrer dans la postérité : « (Y-a-t-il ?) ou (il faut) des adultes dans la salle ».
Costa-Gavras a cherché à s’en tenir au plus près des faits, avec tout son talent cinématographique pour établir un thriller palpitant. Il sait être pédagogue sans rien sacrifier de la complexité. Il est l’auteur de Z, L’aveu, Missing (Palme d’Or en 1982), Amen.
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Marco Bellochio ( Le Traître )
Né le 9 novembre 1939 à Bobbio
Italie
Réalisateur, scénariste
Les Poings dans les Poches, Le Diable au Corps, Buongiorno, notte, Vincere, La Belle Endormie, Fais de Beaux Rêves, Le Traître
Avec Le Traître, Marco Bellocchio apporte sa pierre au cinéma consacré à la Mafia. Son film sort néanmoins du lot par son intelligence et sa maîtrise du sujet.
On ne se rend pas compte, ou on ne dit pas assez à quel point Marco Bellocchio est un cinéaste majeur. Voilà plus d’un demi-siècle qu’il raconte le monde qui l’entoure, dénonce les carcans et travers de l’Italie où il est né il y a 80 ans (le 9 novembre). Son oeuvre est jalonnée de longs-métrages essentiels et passionnants, sans concession mais toujours profondément humains. Des Poings dans les poches à Vincere en passant par Buongiorno, notte jusqu’au Traître, en compétition au Festival de Cannes et aujourd’hui dans les salles. Pour la première fois, Bellocchio s’attaque à un des sujets majeurs de son pays : la Mafia. Sans (trop d’) effusion de sang, préférant la réflexion à l’action, la psychologie au folklore. (suite…)
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Le Traître : Bellocchio tire à balles réelles
À l’occasion de la diffusion de la très intéressante série italienne 1992/1993, nous étions revenus sur l’assassinat spectaculaire de Giovanni Falcone par la Cosa Nostra. La violence de l’attaque, détruisant un large pan d’une autoroute, a changé le rapport du peuple italien à la mafia et marqué sur plusieurs décennies la mémoire des Européens. Si ce juge a été victime du plus spectaculaire attentat du XXe siècle sur le sol européen, c’est qu’il était à l’origine d’une efficace lutte antimafia qui a porté un coup fatal à Cosa Nostra. Cette méthode toujours à l’œuvre aujourd’hui s’appuie sur les collaborateurs de justice, ces membres des différentes mafias italiennes ayant décidé de raconter à la justice, en échange d’aménagement de peine, le fonctionnement complexe et international de ces très puissants groupes criminels. Marco Bellocchio a décidé de porter son regard sur le plus connu d’entre eux : Tommaso Buscetta, « le boss des deux mondes ». Buscetta n’est pas le premier d’entre eux, mais celui qui a permis d’affaiblir considérablement la force de Cosa Nostra. En permettant l’arrestation de plusieurs centaines de mafiosi, il a poussé la justice italienne à organiser un « Maxi-Procès » historique où près de 500 criminels furent condamnés parfois à plusieurs peines à perpétuité. Si ce procès a marqué les esprits c’est aussi par sa mise en place à Palerme au cœur du territoire de Cosa Nostra et sa disposition : une immense salle où les juges firent face à 355 mafieux en cellules (119 furent condamnés par contumace, dont Toto Riina, le chef, à l’époque de Cosa Nostra) et à leurs avocats disposés au centre de l’espace. Pour les mafias italiennes un véritable crachat au visage.
Pour l’heure, concentrons-nous sur Le Traître, dernier film de Marco Bellocchio, et la façon dont le cinéaste, plus de trente ans plus tard, revient sur ce moment historique. Concentrons-nous sur le regard qu’il porte sur le crime organisé. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’artiste aguerri ne tombe pas dans le piège dans lequel tombe trop souvent la fiction sous toutes ses formes, et celles qui prennent une forme audiovisuelle en particulier. Il n’y a dans Le Traître aucune tentation de dépeindre la mafia comme un groupe de personnes élégantes et charismatiques auxquelles ont souhaiterait se projeter; bien au contraire. Si durant la première séquence, qui se déroule à la fin des années 70, lorsque les différentes familles mafieuses italiennes scellent un pacte commercial autour du commerce illégal de l’héroïne, Bellochio choisit de représenter les mafieux tels que Francis Ford Coppola les a rendus légendaires, c’est pour mieux ensuite les traquer puis les enfermer dans des lieux sordides (des caves, des cellules) et les dépeindre tels qu’ils sont : des malfrats vulgaires, incultes et qui par leurs actes démontrent que ce sont des crapules sanguinaires capables de tuer femmes et enfants, loin de respecter le mythe que la mafia jusqu’à présent s’était forgé : être des hommes d’honneur.
Il profite également de son film pour imposer deux figures monstrueuses tapies dans l’ombre, qui ne s’expriment jamais ou presque : Toto Riina, que l’on voit gravir les échelons de Cosa Nostra jusqu’à en devenir le chef et surtout Giulio Andreotti, qui fut longtemps respecté pour sa longévité politique comme Président du Conseil des ministres, mais dont on a découvert sur le tard ses liens avec la mafia et le rôle qu’il a joué pour permettre à cette dernière de profondément pénétrer les institutions gouvernementales. Ni l’un ni l’autre ne mérite le respect du cinéaste et par petites touches, ce dernier tente d’en donner les raisons aux spectateurs. Ces deux êtres aux névroses profondes ont découvert avec le pouvoir une nouvelle jouissance bien au-dessus de la réussite financière ou sentimentale. Ce faisant, ils ont décidé de s’imposer aux dessus des lois et des hommes. Andreotti va se servir des institutions pour assurer son pouvoir, et permettre ensuite l’usage d’outils légaux pour favoriser le pouvoir de ses amis mafieux; ces derniers nourrissant ensuite le pouvoir d’Andreotti. Toto Riina, lui, peut être considéré comme le dernier chef mafieux provenant des couches populaires qui, pour monter en haut de la pyramide, va faire éclater ses pulsions sociopathes. Si l’alliance de Cosa Nostra a permis à cette dernière d’être un temps un des plus puissants groupes criminels mondiaux, la violence de Toto Riina va l’amener à sa perte.
C’est là qu’apparaît la figure de Tomaso Buscetta, soldat influent de Cosa Nostra, réfugié au Brésil après une évasion. « Le boss des deux mondes » fait référence à son habilité d’homme d’affaire, qui a permis à Cosa Nostra de nouer des liens commerciaux avec différents cartels de narcos d’Amérique du Sud. Là où Bellochio filme Andreotti comme une figure reptilienne, proche parfois du Kaa du Livre de la Jungle, et où il filme Riina comme un animal (on pense au Pingouin façon Tim Burton), jusqu’à le rapprocher d’une hyène en panique lors de son arrestation, il se montre plus conciliant avec Buscetta le soldat mafieux. Au départ, comme les autres, Buscetta semble tout droit sorti du Parrain, mais alors que Bellochio va chercher à montrer l’aspect psychopathe des autres mafieux, il va plaquer le cheminement personnel de Buscetta sur celui de Henri Hill, collaborateur de justice italo-américain devenu célèbre suite au succès des Affranchis de Martin Scorsese. Buscetta comme Hill ont brûlé la vie par les deux bouts et fini dans des banlieues résidentielles, condamnés à fuir la mafia jusqu’à la fin de leurs jours. Pour peu qu’on lui accorde notre confiance, Buscetta, après avoir été torturé par la police politique brésilienne, du temps de la dictature, a fini par se faire extrader en Italie. C’est à cette occasion que la justice italienne lui impose le juge Giovanni Falcone. À celui-ci, il expose son dégoût de Toto Riina qui a assassiné une bonne partie de ses proches, ainsi que des méthodes ultraviolentes que Riina a imposées à Cosa Nostra. On peut y voir une façon, pour lui, d’échapper à une condamnation extrêmement lourde. Marco Bellochio choisi, sans doute à raison, d’y voir le travail de Giovanni Falcone sur le comportement du mafieux. Les scènes où se rencontrent le juge et l’assassin ne sont pas mises en scène comme une confrontation procédurale, mais comme de véritables séances de psychanalyse. Falcone ne demande pas à Buscetta d’expier ses crimes, mais tente juste de comprendre comment fonctionnent Cosa Nostra et par extension, les différentes mafias italiennes. C’est en expliquant le fonctionnement de ces entreprises criminelles que Buscetta réussi à comprendre ses actes, les raisons pour lesquelles il a voulu rejoindre le crime et pourquoi il a décidé de changer. Falcone, pour Bellocchio, a permis à Buscetta de reconstruire le sens moral que la mafia lui avait enlevé. On est ici face à un film qui impose son humanisme aux criminels et se montre sans pitié vis-à-vis de ceux qui refusent de changer pour leur jouissance personnelle, qu’ils proviennent des couches populaires ou de la bourgeoisie.
C’est là l’importance de la partie centrale du film, celle du Maxi Procès, qui va probablement rester dans les anales du genre. Le cinéaste restitue parfaitement la tension qui y régnait, utilise tout la grammaire et les techniques du cinéma pour servir son propos. Si comme partout ailleurs l’architecture est un des moyens utilisé par les tribunaux pour imposer l’idée d’une force étatique capable de juger les délinquants, on est ici dans un cadre spécial. La salle servant de lieu de jugement a été conçue spécialement pour l’occasion, et si l’État a cherché à s’imposer aux centaines de mafieux présents, Bellocchio montre que la force mafieuse pouvait, même lorsque la bête est blessée, continuer à mordre. Chaque famille mafieuse séparée par des cellules fait preuve d’imagination pour impressionner les juges et influencer le procès : c’est un cigare allumé, un soldat qui se déshabille, ou même un regard, un simple regard qui en dit long. De la même manière en plus de rappeler les mesures de protection spectaculaire qui ont permis de protéger Buscetta, et un autre repenti, Bellocchio isole dans les plans les témoins face aux familles mafieuses toutes soudées les unes les autres. L’inconfort des témoins se transmet alors au spectateur.
On pourrait faire tout un mémoire sur une telle œuvre, mais ce n’est pas ici l’objet. On souligne juste la richesse de l’œuvre, son intelligence, sa pertinence et surtout son incroyable actualité. Alors que le fasciste Matteo Salvini était nouvellement élu à la tête du gouvernement italien, la figure de l’anti-mafia Roberto Saviano rappelait que l’homme politique d’extrême droite était l’obligé d’un parrain de la mafia. En 2019 la mafia n’a effectivement pas disparu, Cosa Nostra a laissé place à la ‘Ndrangetha qui, tout en gardant un ancrage profond localement sur son territoire, a su s’immiscer beaucoup plus intelligemment dans les arcanes du pouvoir aussi bien étatique que financier, s’imposant dans des conseils d’administration de multinationales et rachetant parfois parfois des banques où les sauvant de la faillite. Il est bien loin le temps des grands massacres mafieux. Mais ceci est une autre histoire qu’il faudra un jour raconter.
Bellocchio a demandé à Thierry Frémaux de faire en sorte de caser la projection du Traître lors du Festival de Cannes pour qu’il puisse être diffusé aux festivaliers le 23 mai 2019. Giovanni Falcone a été tué, ainsi que sa femme et ses gardes du corps, le 23 mai 1992 à 17 h 59.
Gaël Martin pour Cinematraque
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Oliver Laxe ( Viendra le Feu )
Né en 1982 à Paris
Franco-Espagnol
Réalisateur
Vous êtes tous des Capitaines, Mimosas:La Voie de l’Atlas, Viendra le Feu (Prix du Jury Un Certain Regard Cannes 2019).
ENTRETIEN AVEC OLIVER LAXE
LE FEU
La Galice est l’une des régions d’Europe les plus affectées par les incendies. Beaucoup sont causés par la foudre ou dus à des négligences diverses, mais dans la plupart des cas les incendies sont provoqués : c’est le feu qui échappe aux campagnards quand ils l’utilisent pour régénérer leur terre, le feu qui est utilisé comme arme de protestation politique, le feu qui requalifie la nature des terrains, qui fait chuter les prix du bois, celui qui procure chaque année à des politiciens de nouveaux contrats aux chiffres astronomiques… (suite…)
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Waad Al-Kateab, Edward Watts (Pour Sama )
A l’occasion de la sortie française du film cette semaine, rencontre avec la journaliste et réalisatrice, et son co-réalisateur Edward Watts, alors que le film, après son passage à Cannes où il remporta l’Oeil d’Or en mai dernier, bouleverse et émeut les festivals et spectateurs à travers le monde. (suite…)
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Mati Diop ( Atlantique )
France
Actrice, scénariste, réalisatrice
Atlantique (Grand Prix du Jury Cannes 2019 )
Entre chronique sociale et conte surnaturel, un envoûtant premier long métrage met en scène le retour nocturne et hanté d’une jeunesse ravalée par les flots d’un océan plus magnétique que jamais. Rencontre avec une réalisatrice loquace et pleine de promesses.
Dans Atlantique, les disparus en mer hantent la ville à la tombée de la nuit. Pourquoi ?
Les quelques histoires que m’ont racontées mon père ou des membres de ma famille au Sénégal se déroulent la nuit. J’ai grandi avec l’idée que la nuit est hantée. Avec Atlantique, je voulais qu’un personnage porte en lui la trajectoire de son pays, et que celle-ci soit la traversée d’une longue nuit. (suite…)
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